tu as toujours essayé d'en vouloir au monde entier pour ce qui t'arrivais, mais t'as jamais réussi. tout simplement car tu es consciente que c'est la faute à pas de chance si c'est tombé sur toi. ça aurait pu être l'inverse. ta soeur aurait pu être celle qui va mal et toi la sauveuse. mais l'univers a décidé que tu serais la malchanceuse de l'histoire. et si lorana exprimait son point de vue, elle dirait certainement que tu es la plus aimée et la plus chanceuse. drôle de situation. toutes les deux, à votre échelle vous êtes jalouses l'une de l'autre. vos parents ont pourtant essayé de faire au mieux, mais il faut dire que la situation n'a pas rendu les choses faciles. cette discussion ravivaient des blessures passées, dont tu n'avais pas parlé depuis des lustres, voire jamais. tu soupirais et passait ta main dans tes cheveux pour les tirer vers l'arrière. — tu peux pas savoir si tu m'en voudras pas un jour.. les regrets viennent avec le temps. avec les discordes, l'éloignement et les rancoeurs. personne n'est à l'abris de ça, même pas vous. même pas toi qui l'aime de tout ton coeur. tu secoues la tête, il semble commencer à capter ce que tu veux dire. les larmes affluent et tu ne te retiens plus vraiment. de toute façon, il t'a déjà vu pleurer tellement de fois, que ça ne doit même plus le choquer. parler du passé est douloureux, surtout quand il te pèse encore à l'heure actuelle. mais il fallait le faire, hein ? il fallait qu'il sache ce que tu ressens au fond, au delà de ce qu'il sait déjà de l'isolement que tu as vécu, les heures à l'hôpital et tout le reste. — oui, le seul donovan. le seul que j'ai. cet unique, tu l'as tué à petit feu. et comment ne pas t'en vouloir de ne pas avoir mesuré les conséquences à temps ? tes jambes se recroquevillaient contre ta poitrine et tu les entouraient de tes bras. tu le regardais, plus apaisée maintenant que tu avais vidé ton sac, cherchant dans ses yeux, une quelconque once de compréhension.

Je pouvais pas comprendre, même avec toute la volonté du monde, c'était impossible pour moi de comprendre réellement ce par quoi t'es passée plus jeune, et même encore maintenant. Il faut le vivre pour que ça percute et j'ai jamais eu de souci de santé, de toute ma vie. Chanceux, on peut le dire, la pire chose que j'ai pu avoir, c'est des fractures... ou encore la septicémie du TD Garden. Rien qui ne soit si impactant quand on compare avec ce que tu as vécu depuis toute petite. « j'pourrais t'en vouloir pour beaucoup de choses... si tu me trompes, si tu me quittes sans explication du jour au lendemain... mais pas sur ça » Et tu sais que j'ai raison. Parce que tu me connais maintenant et que c'est pas le genre de choses sur lesquels je peux m'attarder. Si je te donne un rein, je te le donne, t'en fais ce que tu veux. C'est le tien, plus le mien. Mais le fond du problème n'était pas là, il résidait ailleurs. Et c'est comme ça que le ton est redescendu d'un coup. Parce que l'explication est venue et que je me sentais con de ne pas avoir capté avant. Mais en même temps, comment aurais-je pu le faire si tu m'expliquais pas les choses ? Remuer le passé était compliqué, je sais, mais là on avait pas eu le choix que de le faire pour que je comprenne la difficulté de la situation. D'autant plus la complexité de ta relation avec ta soeur et tes parents. Je finissais par me lever pour m'agenouiller devant toi, glissant mes mains sur tes genoux, les descendant le long de tes cuisses pour ensuite récupérer tes mains. « j'suis désolé.. je savais pas » confiais-je alors doucement. « viens.. » Je t'attirais avec moi sur le canapé, m'installant en premier pour que tu viennes te caler contre moi, que je puisse enrouler mes bras autour de ton corps rendu fébrile par la conversation qu'on venait d'avoir. « j'vais pas... forcer, j'comprends ton choix » finissais-je alors par admettre, clamant alors un cessez-le-feu dans cette embrouille qui n'avait pas lieu d'être.

tu envisageais tous les scénarios possibles, imaginant surtout le pire plus que le meilleur. dans quelles mesures pouvait-il être certains de ne pas t’en vouloir, quoi qu’il advienne de votre couple ? et la réponse à cette question était trop incertaine pour accepter sa demande. tu préférais ne rien devoir à personne et surtout quand il s’agissait d’un proche. mais ça, seule toi pouvait en être consciente parce que seule toi était passée par la. et si de manière générale tu réussissais à te mettre à la place d’autrui, dans cette situation cela t’étais difficile. imaginer une vie sans la maladie, sans ce fardeau du quotidien, c’était compliqué. ça te renvoyait simplement à ta condition de personne malade à vie. tu haussais simplement les épaules, ne voulant pas polémiquer à ce sujet car tu n’avais plus la force la. les larmes ne faisaient que dévaler tes joues maintenant que tu lui avait expliqué ce que tu avais vécu. il s’approchait de toi, venait rétablir un contact physique et te tirer pour que tu t’installes avec lui. tu te laissais emporter sans broncher. il rendait les armes, c’était à ton tour. tu te blottissais contre lui, silencieuse. il te fallait plusieurs minutes pour te calmer et retrouver un semblant de dignité - bien que cela faisait longtemps que t’en avais plus avec lui. — merci soufflais-tu. tu essuyais les dernières perles d’eau du bord de tes yeux. — je sais pas ce que s’est la vie d’une personne qui n’a pas de problème de santé. et j’saurais jamais. ce que je sais ce que je veux éviter à tout prix aux gens que j’aime de connaître la réalité. tu t’enroulais dans le plaid, le prenant lui dedans également.

Le débat était clos et c'était sûrement mieux comme ça. Loin de moi l'envie de te mettre dans tous tes états. Tout ce que je voulais, c'était que tu sois bien et... j'avais fait tout le contraire en poussant cette conversation. Je pouvais pas savoir ce qui s'était passé, tu ne me parlais jamais vraiment de ce genre de choses. Alors oui, je l'ai appris de la façon la plus brute qui soit mais au moins, je le savais et ça éviterait des situations similaires par la suite. Et j'pourrais même te sauver la mise si des amis cherchaient à en savoir davantage, comme j'ai pu le faire là. Je venais te chercher, toi pourtant hissée sur ton fauteuil, pour t'attirer avec moi sur le canapé. Tu pourras plus simplement te caler contre moi, t'allonger et prendre la place que tu souhaites. Pendant quelques minutes, le silence était de mise. Ça me dérangeait pas, je te laissais te calmer, prendre le temps qu'il te fallait. Finalement, tu finissais par rompre ce silence en me remerciant. « c'est normal » glissais-je alors, déposant mes lèvres sur le haut de ton crâne. Mes bras enroulés autour de toi, on était pris en burrito dans le plaid mais ça m'allait très bien. « j'veux que tu m'parles, ana... pas que tu te braques quand un truc va pas dans ton sens. j'aurais jamais cherché à pousser comme ça si tu m'avais simplement expliqué les choses » Mais chassez le naturel, il revient au galop, n'est-ce pas ?

le réconfort, tu réussis à le trouver auprès de lui. quelques minutes à laisser ta peine rouler sur tes joues. quelques minutes à écouter les battements de son coeur qui t'amenait doucement à t'apaiser. tu lui dois remerciement et explication. peut être bien des excuses aussi, mais pas pour l'instant, encore un peu brusquée de la manière dont les choses se sont passées. t'aurais voulu que cette discussion n'ait pas lieu de la sorte. non, pas lors d'une altercation. t'aimerais savoir prendre les choses de manière plus sereine. mais ça ne serait pas toi, tu ne serais pas anastasia miller si tu ne te braquais pas un minimum. réflexe de protection qui s'était installé chez toi. ancré dans les profondeur de ton être et pourtant il venait remettre ça en question. — comment tu voulais que je t'explique ça ? et puis, le sujet était jamais venu sur la table. dis-tu un peu sèchement. même si tu t'étais calmée, les nerfs étaient encore à vif et tu étais clairement irritable aujourd'hui. — y'a pleins de choses que tu sais pas, que t'apprendras ou non, j'en sais rien. la tête posée contre son torse, tu ne prenais pas la peine de le regarder, préférant rester dans la position confortable dans laquelle tu étais. mine de rien, tu étais fatiguée aujourd'hui et un peu fiévreuse. — j'sais pas tout de toi non plus enfin, aux dernières nouvelles, tu supposais ne pas tout savoir de lui.

J'ai été éduqué dans une maison où la communication était la clé. Ma mère m'a toujours dit de bien communiquer, de lui dire les choses et j'ai tout assimilé. Et je voulais que ce soit pareil pour nous. On a fait pas mal d'efforts ces derniers mois mais c'était pas encore tout à fait ça. La preuve. Mais peut-être que j'devrais attendre que la tension soit retombée pour le mentionner, je prenais sinon le risque de repartir dans une dispute et c'était loin d'être ce que je voulais pour nous deux aujourd'hui. On avait eu déjà les nerfs bien à vif, c'était suffisant. « j'en sais rien... calmement » Pas en me faisant penser que j'étais l'idiot du village à vouloir te sauver la mise en te donnant un de mes reins. Ok je t'aime comme tu es, avec tes qualités et tes défauts. Mais certains de tes défauts étaient quand même durs à vivre avec parfois et fallait que les choses changent si on voulait avancer dans la bonne direction. « j'ai pas dit le contraire, mais... on parlait de ta santé, de tes reins. savoir que celui que tu as est celui de ta sœur, ça me semblait assez important. suffisamment important pour que je le sache au détour d'une conversation. pas balancé comme ça en pleine dispute parce que j'ai envisagé de te donner un des miens si j'étais compatible » Je soupirais, captant que la pression était pas retombée. « bref, j'arrête de parler de ça, j'veux pas te braquer encore plus » Et pour tenter de te calmer, je caressais ton bras sous le plaid, en espérant simplement que tu prennes pas la mouche.

c'était anodin pour toi cette maladie. et cette histoire avec ta soeur, fait partie de ton passé. un passé douloureux parfois, que tu essayes d'enfouir, d'oublier. tu n'en parles pas vraiment, à vrai dire, tu préfères ne pas t'étaler sur le pourquoi du comment tes relations avec ta soeur sont si complexes. et bien souvent, il est rare qu'on te demande des précisions sur le pourquoi du comment. le simple fait d'évoquer ton enfance est compliqué car elle n'a pas été idyllique et mêlée d'un amas de sentiments et d'émotions intenses et peu agréable.  — c'est difficile pour mon de parler de tout ça et ça implique un retournement émotionnel, une projection dans ces souvenirs, rien de satisfaisant. — maintenant tu comprends.. du moins tu espères qu'il comprenne. tes paupières se ferment et tu te laisses bercer par les battements de son coeur. ses doigts caressant ton bras diffusent une sensation plaisante, épuisée, tu finis par t'endormir contre lui, emmitouflée entre son corps et le plaid.

— f i n —