t'avais pas envie de parler de ça, parce que t'étais terrorisée à l'idée de revivre tes premières années de vie. parce qu'aussi, si ce traitement ne fonctionnait pas, tu ne savais pas pour combien de temps tu allais devoir endurer de vivre avec des dialyses plusieurs fois par semaine. c'était une contrainte énorme, que tu n'étais pas prête à accepter. avant ses inquiétudes, il y avait ton deuil d'une vie sereine. et c'était là que se rencontraient vos différents. en l'entendant te faire face, te verbaliser littéralement son agacement, tu te levas. tu jetais le plaid sur le canapé. les jambes endolories à force de lézarder toute la journée, tu réussissais quand même à t'enfuir jusqu'à la chambre où tu te laissais tomber dans ton lit. tête dans l'oreiller, tu rageais pendant plusieurs minutes. les larmes te montaient même aux yeux. trop plein d'émotions que tu ne savais canaliser. tu réagissais comme une enfant et en plus tu n'avais pas l'habitude que donovan te tienne tête. il avait tendance à céder à la moindre de tes demandes. tu soupirais à toi même, ravalait ta fierté et regagnait le salon. — ok. parlons en. tu tirais un fauteuil ou tu t'asseyais en tailleur.

J'le vois pas comme me faire marcher dessus quand je viens à céder à tes demandes. Juste j'suis un mec qui veut faire plaisir à sa meuf. Mais là, j'avais besoin de parler de tout ça, c'était limite vital parce que mes pensées étaient quasi en boucle dessus. Quand mon esprit arrive à dévier, il finit irrémédiablement par revenir dessus. Sûrement parce que la crainte de te perdre était trop forte ou alors que mon inaction me rendait malade. J'en sais trop rien. Le fait est que j'avais du mal à accepter ce manque de discussion. Et toi, t'acceptais pas que j'te tienne tête visiblement puisque tu te barrais dans ta chambre, presque furieuse. J'étais pas toi, j'étais pas à ta place et sans discussion, j'pouvais pas tenter de le faire. Et toi, tu pouvais pas non plus comprendre mon ressenti. Alors ouais, on était deux cons à ruminer chacun dans son coin. J'étais à deux doigts de céder, pour aller te rejoindre, mais tu le faisais avant. Tirant un fauteuil pour être le plus loin de moi visiblement. Sympa. T'avais pas tellement l'air encline à parler mais j'allais pas cracher sur l'effort fourni. T'imitant, je me mettais en tailleur sur le canapé, mes doigts qui se trituraient vigoureusement. « et si... j'suis compatible ? » finissais-je par demander, levant les yeux vers toi, tentant le contact visuel. C'était ça, le truc. Et si j'étais compatible, est-ce que t'allais accepter de prendre un de mes reins ? J'étais capable de tout pour toi, y compris ça.

t’étais ridicule à partir comme une gosse à qui on a pas céder. bon, c’est ce que t’étais en réalité. une fille qui avait pas eu beaucoup de frustration dans la vie. habituée à avoir ce que tu voulais la plus grande partie du temps. le problème c’est que les relations humaines te jouaient des tours. et si tu ne te serais jamais permis de te barrer et de laisser en plan ton ex, car tu en aurais sûrement pris une raclée derrière, avec donovan, tu étais plutôt en confiance à ce sujet. tu te ravisais de bouder, rendant compte de ta bêtise. installée dans le fauteuil, tu te tenais face à lui prête à avoir cette discussion.. même si finalement tu savais pas ce qu’il attendait puisque tu lui avait déjà donné les tenants et les aboutissants. et puis voilà, la sentence tombait. ton cœur faisait un bon et tu t’étouffais avec ta salive avalée de travers. quelques secondes a tousser avant de reposer ton regard sur lui, les yeux écarquillés. — t’as perdu la tête ?! pourquoi tu n’y avais pas pensé plus tôt ? ça paraissait presque évident maintenant que tu y pensais. tu soupirais longuement en secouant la tête. — jamais de la vie, retire cette idée de ton esprit disais-tu doucement. t’essayais de garder ton calme, tant bien que mal. si lui il pouvait te donner une partie de lui pour te garder, toi aussi tu voulais le préserver et au maximum pour la même raison.

Évidemment que ça ne me plaisait pas que tu te barres comme ça, sous prétexte que toi ça te plaise pas que je me braque. C'était tout le temps toi qui le faisait et je faisais avec. Aujourd'hui non. Je me rebellais parce que ça me saoulait. Oui c'était ta maladie, t'as vécu avec toute ta vie mais il n'empêche que ça faisait aussi partie de ma vie, dès l'instant où tu avais décidé de me laisser une chance. Alors peut-être que je réfléchis trop oui, c'était une éventualité, mais c'était comme ça que tu m'aimais et fallait aussi m'accepter comme j'étais. Finalement, tu revenais, t'installant sur le fauteuil, sûrement pour éviter tout contact avec moi. Peu importe. Je mettais de côté ma frustration et j'énonçais ce qui me trottait dans l'esprit. Une possible compatibilité. L'énonciation même de cette "solution" te choquait, au point où tu te mettais à tousser plusieurs instants. Aux aguets, inquiet, j'étais prêt à te venir en aide, mais rapidement tu reprenais contenance. Tout ça pour écarter cette idée aussi vite qu'elle est arrivée sur la table. La frustration montait encore d'un cran et je soupirais. « pourquoi ?! » que je demandais, vraiment intéressé à pourquoi tu ne l'envisageais même pas. « si tu devais en arriver là, je préfère de loin te filer une partie de moi rapidement plutôt que tu attendes longtemps celui d'un inconnu » Mort qui plus est.

tu n'aurais jamais pensé qu'il puisse te faire cette proposition un jour. c'était inenvisageable et quoi qu'il en coûte, tu n'accepterais jamais. — pourquoi ? sérieusement? tu levais les yeux au ciel avant de souffler. tu n'en revenais même pas d'avoir cette discussion, alors qu'il te demande pourquoi, c'était pire. — parce que si il t'arrivait quelque chose, t'aurais toujours un rein sur deux. alors que si t'étais compatible, que tu m'en donnais un et qu'il t'arrivait quelque chose... ta gorge se nouait. si quelqu'un devait subir le quotidien des dialyses, ce n'était sûrement pas quelqu'un qui avait deux reins viables. c'était ta maladie et sûrement pas celle de tes proches. — je peux supporter ce qu'il m'arrive à moi, pas ce qu'il pourrait arriver aux autres à cause de moi disais-tu après t'être ressaisit, un peu froidement.

Je comprenais pas cette réaction si virulente. Après tout, c’était normal de l’envisager, cette option, non ? On vit très bien sans un rein et clairement, tu en as plus besoin que moi. Alors oui, pour moi c’était une logique imparable mais visiblement, pas pour toi, refusant toute mention de cette option. « pourquoi tu penses à ça tout de suite ? beaucoup de gens n’ont rien de toute leur vie après une greffe, ils le vivent très bien ! » Forcément je m’étais renseigné en long en large et en travers. Des statistiques, je pouvais même t’en donner à la pelle. « à cause de toi… » Je soupirais. L’angle de vue n’était clairement pas bon. « c’est pas un "à cause de toi", ana. c’est un "pour toi"… y’a une nuance » Parce que "pour toi", je suis capable de déplacer des montagnes. "Pour toi", je serais prêt à risquer ma vie.

le sujet était clairement touchy et venait remuer tout ce que tu enfouissais depuis des années maintenant. en réalité, vous n'aviez jamais parlé de tout ça autre qu'en surface. il n'avait que les bribes d'explications de la vie que t'avais mené pendant un temps. tu le fusillais du regard, tu le détestais de te faire ressentir des émotions aussi virulente, lui qui avait toujours pris soin jusqu'à présent, de te protéger de tout. — tu sais pas ce que ça fait, tu sais pas ce que ça peut engendrer. c'est pas un acte anodin. cette histoire de greffe avait fragilisé les relations entre ta soeur et toi. elle avait même condamné votre relation. — c'est pas un cadeau ou c'est pas me céder un caprice. prise d'un frisson, tu te penchais vers le canapé pour tirer le plaid et t'entourer dedans. — s'il t'arrivais quelque chose, je supporterais pas qu'on m'en tienne pour responsable. c'est toujours comme ça, c'est humain, il faut un fautif dans les moments tragiques. et tu serais la première à t'en vouloir. qu'importe les statistiques, qu'importe si il devait te faire la gueule pendant des mois, tu ne reviendrais pas sur cette décision.

J'cherchais pas ça, une dispute, une embrouille ou quoi que ce soit. C'était surtout une discussion dont j'avais besoin, pour comprendre pourquoi tu réagissais comme ça. Pourquoi tu n'acceptais pas mon aide qui était proposée. Tu savais que j'te considérais comme tout à mes yeux. La prunelle de ma vie, celle pour qui je voulais décrocher les étoiles si c'était possible. Te voir dans le mal me foutait un coup dans le bide à chaque fois et j'espérais juste pouvoir t'aider à surmonter tout ça. « je sais que c'est pas anodin, ça fait des jours et des jours que je lis des trucs sur le sujet, des témoignages de donneurs et... oui, il y a un avant et un après. mais je m'en fiche de ça, des conséquences. j'veux juste que ta santé soit moins compliquée pour mieux profiter de la vie » Parce que je t'aime et que je veux que le meilleur pour toi. C'est si compliqué à l'entendre ? J'te regardais t'enrouler dans le plaid, l'esprit vif qui tournait encore bien trop vite pour tenter de comprendre ce refus catégorique. « c'est mon choix, en quoi tu serais responsable ? j'pourrais très bien le donner au premier inconnu que ça serait la même chose » Il n'y a pas de coupable dans ce cas là, juste de la malchance s'il devait arriver quelque chose.

cette maladie tu la subissait. elle avait rythmé ta vie et elle continuait de le faire. elle avait aussi conditionné ta famille à agir d'une certaine manière avec toi, pensant être bienveillant, on t'avais enfermé dans cette bulle qui avait fini par se fissurer. à force de vouloir colmater des plaies, d'autres s'étaient crées. ta soeur avait pâti de tout ça, reléguée sur un plan second car sa vie ne dépendait pas de machines. pourtant, sans elle, peut être que tu serais toujours branchées à trois fois par semaine pendant des heures, qui sait? — ce sera toujours compliqué ! t'exclamais-tu. les nerfs remontaient, au moins ça te donnait un peu plus chaud. — parce que j'prendrais des médicaments à vie. parce que j'suis une putain de toxico aussi et ça, t'as tendance à l'oublier donovan ! tu le sais, ton addiction peut être plus forte que beaucoup de choses. la preuve, t'en avais bousillé ton rein viable à force de t'enfiler des boites de cachetons. — c'est pas la même chose parce qu'on se connait ! si demain on se séparait, tu pourrais me porter responsable de ce qu'il adviendrait de ta santé ! j'en connais un rayon sur le fait de se sentir redevable, sur le fait d'être responsable dés que la fièvre augmente un peu, ok ? ta sœur ne manquait pas une occasion de te le rappeler. tu baissais la tête, prête à exploser. une cocotte minute qui arrivait à ses fins. les larmes dévalaient tes joues, de nerfs, de tristesse aussi. — t'as trouvé mes parents géniaux, avoue? sauf qu'ils ont choisi à ma place et à la place de lorana. parce que mon état de santé était déplorable à un moment et que la seule personne qui était compatible c'était elle. liquide salé que tu t'empressais d'essuyer du dos de ta main. tu ne voulais surtout pas lui faire pitié à ce moment là, la colère t'envahissait tellement que tu n'aurais de scrupule à le repousser.

Rien dans tes mots ne me faisait capter la raison de ton refus catégorique. J'avais du mal à comprendre le pourquoi du comment et c'était de plus en plus flou dans ma tête. Enfin, sur pourquoi tu agissais de la sorte. Parce que mon choix, il était raisonné et réfléchi. C'était juste toi qui bloquait à cause de... je ne sais même pas à cause de quoi finalement. C'était flou et j'avais bien du mal à comprendre ce qui pouvait expliquer cette virulence de ta part. « je l'oublie pas non » Se prendre une claque dans la gueule quand j'ai été témoin de certaines des pires phases de ta vie dernièrement. J'oublie pas les choses, pas quand elles sont aussi importantes. J'essaye juste de positiver et de voir le meilleur chez les gens, voilà tout. « tu sais très bien que j'te tiendrai jamais pour responsable, qu'on se sépare ou non... par contre, tu pointes le vrai problème ici... tu veux pas te sentir redevable, c'est ça ? » Trop de pression sur les épaules si tu venais à merder avec le rein que je t'aurai filé ? Parce que t'es pas infaillible et que du coup, les conséquences sont beaucoup plus grosses. Je détestais te voir pleurer, seulement là je continuais de pousser parce que je ne comprenais juste pas... enfin, jusqu'à ce que tu explicites les choses. Rendu comme un con, en tailleur sur le canapé, mes jambes tombaient, pieds sur le sol. Con, voilà ce que j'étais. Mais parce qu'on avait jamais parlé de ces choses là, mentionné ce passé douloureux. « il est à elle... celui qui est possiblement en train de lâcher ? » que je demandais, d'une petite voix, préférant éviter de partir dans les cris et les tours. Pas envie de te blesser d'avantage non plus.