Il me semble que depuis que l’on se connait, c’est la première fois, que l’on passe autant de temps sans nous croiser. Et je déteste me dire que si on pouvait les entendre, mes pensées laissent croire que je suis une femme abandonnée. Relayée au second plan, même si ce n’est pas censé m’atteindre, c’est malgré tout, un tantinet énervant. Cela dit, je préfère me dire que pour une fois, je l’ai gratifié du côté de mon caractère le plus clément.

Mais à la suite de cette fashion week parisienne que j’ai affronté seule, c’est simple, je me suis dit qu’il était temps. Plus d’un mois est passé depuis son foutu summer camp, et la perte de poids qu’il a accusé, la justification de son incapacité à honorer le contrat qu’il a signé chez moi. De fait, la remise en forme que je lui ai imposée, il est temps de la vérifier. Ou plutôt, de la faire contrôler. C’est d’ailleurs par le biais d’un message que je le lui ai signifié, même si dans ce texto, je n’ai pas précisé que je serais là, simplement l’heure et l’endroit. Bien sûr, j’ai booké l’un de mes médecins personnels, et non un de l’hôpital public, même si on pourrait en douter étant donné qu’il va le rencontrer ici et non dans une clinique.

C’est donc tout naturellement que mon chauffeur me dépose devant les portes de l’hôpital, talonnant le bitume armée de mes Louboutin, jetant un œil rapide à l’écran de mon téléphone afin de vérifier l’horaire, je le range dans la foulée dans le sac à main que sur mon épaule, je viens remonter. Je suis donc en avance et lui un brin en retard, dans l’espoir d’apercevoir sa silhouette, je balaie d’un regard l’entièreté du trottoir. Et lorsqu’il se décide enfin à apparaitre, après qu’il ait parcouru dans ma direction plusieurs mètres, je l’accueille d’un mouvement de tête, « Attends, » je l’arrête dans ses mouvements, « Non rien, c’est bon, c’est passé, » je ponctue ma phrase d’un sourire putassier, « l’espace d’une seconde, j’ai cru que j’étais contente de te voir. » mais si je me veux rieuse et de bonne humeur, lui, ça ne semble pas être la même histoire.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

En amour comme en amitié, je ne suis pas de ces personnes qui ressentent un vide, qui se mettent à courir afin de rattraper les individus qui souhaitent me quitter. Je suis plus que douée pour tirer un trait. Pour faire disparaître quelqu’un qui ne saurait compter. Mais cela étant énoncé, je veux bien faire un léger mea culpa et dire qu’il y a un possible amalgame entre ça et le fait de vouloir conserver une certaine emprise sur ceux qui m’entourent. Lui, en particulier. Je n’y peux rien, qu’il fasse partie de mon monde, ça me plaît. Même s’il cherche en permanence à se rebeller.

Et d’entre sa surprise, il articule, vicié. « Tu peux le dire, que j’t’ai manqué. » Cependant, ça me brûlerait la langue, les lèvres, si je le faisais. Un peu comme cette fois, chez moi, où je me suis heurtée à lui révéler que je ne le déteste pas. Alors j’en roule des yeux vers le ciel, faussement exaspérée par l’éventualité qu’il a osé articuler. Puis finis par rire lorsqu’il suppose ; « On vient en personne s’assurer de la marchandise ? » Au moins, je me rassure sur un point, il n’a pas perdu de sa verve, même si je déplore un brin d’absence au niveau de sa superbe.

Une fraction de seconde, le visage incliné, j’observe ses traits, seulement ma patience, elle n’est pas très aiguisée. Je n’ai pas forcément envie de jouer aux devinettes afin de connaître les détails qui divaguent dans sa tête. « Exactement. » que j’approuve en souriant de toutes mes dents, si bien que je lui précise, en guise d’argument, « Je surveille mes investissements. » D’ailleurs, je l’ai laissé s’amuser assez longtemps, c’est donc l’heure de lui rappeler, qu’un contrat existe entre nous qui fait que nous sommes encore et toujours liés.  

Prise par surprise par une bourrasque, faute du climat automnal qui s’installe, je remonte le col de ma veste, le tout ponctué d’une invitation tacite à avancer en direction de l’entrée, après tout, ce n’est pas pour user le bitume qu’on s’est retrouvés. C’et au moment où l’on passe les portes du Massachusetts General Hospital qu’avec une autre œillade, je commente, « Ca va, l’été ne semble pas t’avoir trop amoché. » S’il a souffert, en bonne sadique, j’estime que ce n’était pas assez ; même si ça me tranquillise pour la WW.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Je continue de le sonder d’un regard de biais à la suite de mon commentaire sur sa forme physique qu’il semble avoir récupéré. En tous cas, ça m’en a tout l’air. « Attends de voir le résultat, » A deux doigts de lui persifler que je n’attends que ça. Cependant, un détail parait l’inquiéter, si bien qu’il marque un arrêt. « Parce que t’es là pour ça. C’est bien ça ? » Ma présence, à l’évidence, elle a le don de le perturber. Ce n’était pas le but premier, mais ça me plaît. Pousser l’Adams dans ses retranchements et l’emmerder ça a toujours été une de mes activités préférées. Je me fais vicieuse afin de lui répondre, « Je t’aurais bien proposé un autre moyen de vérifier, mais étant donné que depuis le bal t’as officialisé. » Notons ma bonté envers son histoire aussi ridicule que ce qu’elle me donne des envies de gerber. Promettre fidélité à la prude Haiwee. Inutile de préciser qu’on ne s’est pas vraiment croisés depuis, que je n’avais pas eu l’occasion d’en face me moquer, à croire que m’éviter est une solution qu’il trouve appropriée. Mes instincts pervers pourraient presque penser que c’est une façon pour lui de résister. Oui, en fait, je suis parfaitement convaincue que je saurais le faire rapidement craquer. Un challenge que je me réserve quand j’aurais des envies de la torturer. Pour le moment ça m’ait passé, mais certaines habitudes sont tenaces, on le sait.

Et quand à l’accueil, il s’avance à demander, « Le Dr Fost… » je fronce le sourcils, l’air contrarié, parce qu’il pense vraiment que je vais laisser à un médecin inconnu le loisir de l’ausculter ? C’est mal me connaitre, Sheng, et pourtant je pensais que tu le faisais. « Non, non, » que je désapprouve, l’index se secouant de gauche à droite aussi autoritaire qu’amusée, « le docteur Parker nous attend. » mon air se fait plus souriant, et je détourne le regard de la secrétaire, alors qu’elle annonce, « La salle d’attente au fond du couloir bleu. » J’opine et commence déjà à m’y avancer, « Je ne laisse jamais rien au hasard. » que je lui souffle, et il devrait le savoir.

I am not a muse
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La vérité, c’est qu’avec Sheng, je m’attends toujours à tout et plus encore tant il aime jouer avec mes nerfs et que dans le fond, ça peut me plaire. Il est le seul de mes employés à vouloir me tenir tête ou bien me faire taire. Cette démission qu’il avait pu m’envoyer il y a quelques mois en arrière, je l’ai toujours en travers. Alors c’est pour ces raisons-là, que je suis à ses côtés aujourd’hui. Parce qu’il sait est capable de se comporter comme un gamin auquel il faut tenir la main.  

Et sortant son téléphone de sa poche, il observe l’écran, mon attention se perdant sur les sièges qui se trouvent devant, « Samedi prochain… » d’un sourcil arqué, je concentre à nouveau ma vision sur son profil, comprenant ce qu’il était en train de vérifier. Un rendez-vous que j’ai prévu pour l’ensemble de mes employés, un briefing sur les prochains shootings, les prochaines apparitions publiques, ‘ailleurs s’il le veut, je peux lui citer toutes celles pour lesquelles ça le concerne lui, c’est ce qui va de paire avec le fait d’être de la WW, l’égérie. « Et si je suis indispo ? » J’en déglutis, tandis qu’il va s’asseoir. Il s’agirait qu’il arrête, de se foutre en permanence de ma tête.

C’est en face de son assise que je me positionne, parfaitement en face de lui quand de ma langue je souligne mes lèvres, prise de la fièvre de la peste mauvaise. Je le promets, je fais de mon mieux pour me contenir lorsque je lui précise ; « Ca fait trois mois que t’es indispo. » mais malgré tous mes efforts, les mots sont crachés entre mes dents, mes mâchoires crispées, par l’irritation, je sais, mon regard voilé, mes doigts me démangent de le gifler, et si j’étais à côté, je l’aurais fait, « Ma patience est limitée. » bien que ce ne soit pas utile de le lui énoncer, l’amusement est terminé, « J’dois te rappeler que t’as signé un contrat ? » que j’ai du ravaler ma foutue fierté pour toi, et que j’ai une sensation de le payer encore, tu vois.  

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Trois putains de mois qu’il me balade et se fout de moi. Si j’ai fait preuve d’une certaine dose d’indulgence, nouvellement tolérante. Il est temps maintenant d’arrêter les frais. Il a eu assez de temps pour jouer les jolis cœurs auprès de son indienne, pour faire l’idiot avec ses copains en compétition, mais à présent c’est bon. Avec moi, il a assez joué au con. Il devrait réaliser que mon comportement est bien plus bienveillant que celui d’autres patrons. Alors oui, je lui rappelle qu’il a signé, qu’il a accepté d continuer, malgré cette aversion qu’il se plaît à feindre envers ma personne. Et ça m’insupporte de le regarder ne pas réellement m’écouter et se concentrer plutôt sur son téléphone.

Les mâchoires encore crispées lorsqu’il daigne relever ses iris et me demander, « C’était pas un truc à durée déterminée ? » Mon rictus nerveux, je ne le retiens pas. Qu’il soit déterminé ou pas, il est toujours en cours et en vigueur c’est tout ce qu’il a besoin de retenir, même si ça semble difficile pour lui et l’atrophie de son esprit.
Cependant pas le temps de tergiverser, d’appuyer ma supériorité sur mon employé, puisque le docteur nous invite à nous lever. « Mme Witter et Mr Xian. » Un fin sourire vient se glisser sur mes lèvres tandis que je me redresse, je me stoppe une fraction de seconde à hauteur de mon mannequin, désigné pour être aujourd’hui, mon pantin. Pour qu’il se redresse, j’effectue un léger mouvement de la main.

Évidemment, il se positionne à mes côtés, invités par le docteur à pénétrer dans son bureau en premier, je lui murmure, troublante de sincérité. « Le mariage, c’est à vie. » A l’issu du notre, je n’entrevois pas de divorce. Ponctuant ma phrase d’une caresse vicieuse et d’un sourire carnassier, je finis par m’asseoir dans l’un des fauteuils face au bureau du médecin, et annonce derechef la couleur, guidée par mes instincts régisseurs. « Monsieur Xian est l’un de mes employés, comme vous le savez, et j’aimerais savoir s’il est apte à reprendre, dès demain. » Que toutes ses coutures soient observés. Aucun répit possible, comme si samedi c’était trop loin. Les commandes, il devrait ne jamais oublier, qu’elles se trouvent entre mes mains.

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