J’entends encore mes mots lorsque je lance ma hache et que je la vois retomber sans même avoir touché la cible, je suis à deux doigts de me trouver ridicule, qu’on se le dise. Mais on sait tous que ça n’a jamais tué quelqu’un, alors je continue sur ce même chemin. « Ce n’était que l’échauffement. » J’en sourcille en lui décochant un regard, j’ai comme l’impression qu’il la prend un peu trop à cœur ma petite compétition. Je n’ai proposé ça que pour rendre ce moment un tout petit peu plus intéressant. Cependant, vu que le malabar fait deux fois ma taille, je ne me porte pas volontairement pour être celui qui lui ordonnera un ; Redescends.

Alors j’en lève les paumes en même temps que je hausse les épaules, je veux bien le croire qu’il ne faisait que s’échauffer et que dans le maniement d’objets tranchants, il est plus doué. « je ne m'fais pas de souci, elle a l'air d'avoir bons gouts, » Mais c’est que bientôt il va me dire que je suis laid, ou quelque chose dans le genre, que je suis le style de mec qui ne termine jamais ses soirées en étant accompagné. Du coup, j’en pince mes lèvres, je me permets de le jauger, et même de le juger. De bas en haut. De la tête aux pieds. « C’est subjectif. » La beauté, les goûts, et tout ce qui va avec. Une réponse bateau, digne d’un intellectuel, et d’un manque de répartie. Je suis carrément meilleur pour embobiner les femmes plutôt que les mecs bougons. Sauf que bon, même si c’est subjectif, je suis un brin vexé, l’égo égratigné, alors ça me regonfle quand je vois que son nouveau lancé de hache, il vient de le louper. Je vais même jusqu’à le provoquer, « Et il se termine quand, l’entraînement ? » D’un nouvel outil, je m’arme, et sans calculer mon geste, je relance, priant la chance du débutant.

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« Et il se termine quand, l’entraînement ? » Voilà que des veines sur son avant-bras gagnent en volume à mesure que son poing se resserre puisqu’il vient de rater encore une fois, à se demander s’il aurait plus de chance sans viser, s’il ne prenait pas tant à cœur de gagner. D’ordinaire, s’il n’y avait eu cette femme pour apprécier le spectacle, il aurait tout bonnement fait machine arrière en se terrant dans un lourd silence mais puisqu’elle est là, c’est son orgueil et sa fierté qui ont pris le pas. « Et si je visais ton crane, j’aurais sans doute plus de chance, » vu le melon que ce dernier a pris. Malgré tout il en sourit, tâtant de manche qu’il vient d’empoigner en observant la cible que le midinet vient d’ébranler, celle d’à côté.  « Et il fait quoi dans la vie ? » Ce n’est pas que ça l’intéresse particulièrement mais soit proche de tes amis et plus encore de tes ennemis, un crédo qui peut sauver des vies. Alors forcément, dès lors que son voisin dispose d’une arme dans les mains, mieux vaut être en possession de quelques renseignements le concernant. Puis il se prépare lui aussi, les deux pieds sur le pas de tir en prenant garde de ne pas mordre la ligne.

Et bien qu’il s’tait juré de ne pas soigner son lancer, il ne peut s’empêcher de prendre son temps pour viser, toujours animé parle désirs de le rabaisser. Le geste est maitrisé, un peu trop puissant à son gout et dès les premières secondes où le contact est brisé, il se met à regretter.

Je le jure bordel que je tente de me concentrer autant que ce que j’essaie de bien viser. Et je ne sais pas à quel moment la trajectoire de ma hache a pris celle de la cible d’à côté. C’est simple, je vais finir par buter quelqu’un si je m’entête à continuer. « Et si je visais ton crane, j’aurais sans doute plus de chance, » Ou bien je vais me faire flinguer. Je lui en décoche un regard entre l’étonnement et le mauvais. J’ai envie de lui conseiller de se détendre, voir de se branler, parce que là, il est dans l’excès.

Volontairement, je ne réponds pas, pas maintenant en tous cas, parce que je n’ai pas pour prévision de la fin de journée de me faire abîmer le portrait. Parce que bon, je suis réaliste, au corps à corps, je serais le premier à me coucher. Ko technique au premier round assuré. « Et il fait quoi dans la vie ? » Encore une fois, je ne m’y attendais pas, l’air surpris, de lui demander ce que ça peut lui foutre, j’en ai presque l’envie. Après tout il n’a pas fait preuve d’une grande démonstration d’envie de faire avec ma personne ami-ami.

Et si je m’apprête à rétorquer, je fais preuve de respect quant à son prochain jeté et je me tais. Parce que bon, s’il rate encore, je suis persuadé qu’il serait capable de m’accuser. La hache retombe mollement sur le sol sans s’être plantée dans la cible, et j’en pince mes lèvres comme premier commentaire. « Il est avocat. » pour lui répondre tandis que je m’arme d’une nouvelle hache sans grande conviction, j’en perds ma motivation, « Et il n’a pas envie de crever. » Il a même perdu son entrain pour jouer. C’est agaçant de se louper.

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D’échec en échec cette partie risque de s’éterniser parce que l’un comme l’autre, aucun des deux n’a la main heureuse. « Il est avocat. Et il n’a pas envie de crever. » Soudainement il est devenu un peu plus intéressant de le côtoyer et la montagne trouve même opportun de lui décocher une nouvelle œillade, différemment des  précédentes. « Comme quoi l’habit ne fait pas le moine » pour une fois de plus gentiment l’attaquer. Un représentant de la justice qui vient s’essayer à une épreuve de force, voilà de quoi faire sourire et attiser sa curiosité alors qu’il va derechef lourdement vers l’établi chercher de quoi se défouler. Quelque soit l’arme qu’il choisira, il y a fort à parier qu’il ne parviendra pas à toucher la cible. Pour eux c’est visiblement une journée sans et ils feraient mieux d’aller se recoucher, le tout est de savoir si oui ou non l’un des deux sera accompagné.

« Et qu’est-ce qui pousse un.. avocat à venir ici ? » Visiblement il n’est pas dans son élément et si c’était pour trouver de quoi s’extasier il aurait mieux fait d’aller dans une boite de nuit branchée. Soudainement, alors qu’il s’apprête à un énième lancer, sa main s’abaisse lourdement pour rire sans raison si ce n’est parce qu’il lui est venu à l’esprit une vision : la militaire le brisant net dans une partie de jambes en l’air. Plutôt risible pour une nuit de passion.

Ouais, je n’ai pas envie de crever, cela dit, s’il tente de me planter comme il essaie de viser la cible avec sa hache… Je me dis que niveau survie, j’ai peut-être mes chances. « Comme quoi l’habit ne fait pas le moine » Je me demande, du coup, comment il voit les avocats. Parce que franchement, là, sa phrase, je ne la comprends pas. Rats de bibliothèque ou un truc dans ce genre-là. Y a des stéréotypes accouplés à mon métier ? Moi qui pensais qu’on était épargnés. Comme quoi, on en apprend tous les jours, pas vrai ?

Je vais donc naturellement m’armer pour mon prochain lancé, parce que même si je suis à deux doigts de laisser tomber cette petite compétition, je possède tout de même un égo, et dieu pourrait en témoigner, il est plus que surdimensionné. Mon orgueil n’a pas d’égal, voilà toute la vérité. Et si je garde le silence, patientant pour le voir jeter son outil à son tour, lui, il continue les questions, « Et qu’est-ce qui pousse un.. avocat à venir ici ? » Avant de lui répondre, je lui laisse le loisir de retenter, respecte sa tentative, me disant que s’il se rate, il ne pourra pas m’accuser.

Une fois que sa hache est retombée sur le sol, je me décide, « La même chose qui pousse un … ? » l’interrogation lancée, il sait ce que moi je fais, et les interrogatoires à sens unique, je n’ai jamais bien apprécié. J’ai cette sensation désagréable d’être un criminel qui prépare sa défense alors qu’il est d’avance condamné. On passera sur le fait, que je n’avais simplement rien à faire de ma journée et pas une grande envie de bosser mes dossiers. Chiant de banalités. La hache, me voilà donc sur le point de la relancer.

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