Les iris posés sur le cadran de sa montre, il constate qu’il est en retard Lyssandre, et pourtant, il ne se presse pas plus qu’à l'accoutumé. La brune l’attendra. Ou pas. Il n’est pas bien certain du comportement qu’adoptera Wendy en prenant conscience qu’il l’a faite attendre, même involontairement. Peut-être allait-elle partir sans lui, ou l’insulter de tout les noms en l’apercevant. Deux options fortement probables, bien qu’il en existe des dizaines d’autres, parce qu’elle n’est pas de celles qui aiment qu’on se joue d’elle la Witter. D’ailleurs, il se demande encore le New-yorkais, pourquoi la bostonienne l’a invité aujourd’hui. A ses dires, elle avait besoin d’un souffre-douleur, quelqu’un à maltraiter, sûrement pour évacuer une frustration de plusieurs jours, mais n’y avait-il que cela ? Il se questionne sur le chemin qui le même au lieu de rendez-vous, constatant sa propre bêtise d’avoir accepté une telle chose. Pourquoi fait-il ça ? Parce que c’est les vacances et qu’il a envie de s’amuser, ou parce qu’il aime réellement se faire du mal en se mettant dans des situations dont il ne sait sortir indemne ? A croire qu’il est masochiste Lyssandre, ou qu’il ne sait pas s’autoriser à être heureux.

Lorsqu’il arrive au lieu de rendez-vous, il observe les yeux, un peu inquiet par la présence multiple de chevaux. Dans quoi je me suis embarqué encore ? Au plus profond de lui, il doute. Lui, il n’y connait rien en équitation, et cela va vite se remarquer. Il contourne prudemment les animaux pour rejoindre Wendy qui semblait avoir déjà choisie sa monture et qu’elle flatte calmement, dans un geste qui renforce son apparence princière. « A peine ! » Lance t-il nonchalamment sans réellement chercher à se justifier, ce dont elle se fiche probablement. « Qu’est ce que c’est ? » Demande t-il alors en désignant tout ce qui les entoure, comme s’il n’avait jamais vu un cheval d’aussi près. Ce qui, peut-être est le cas. Il ne se souvient pas en avoir déjà monté un, éventuellement un poney quand il était tout petit, mais là il s’agissait bien d’une autre espèce d’équidé, plus grande, et plus impressionnante.

A la réponse de Wendy, il se retient de rouler des yeux Lyssandre. Il sait ce qu’est un cheval. Il a été à l’école quand même, en a déjà vu en photo, dans les films, les séries. Bref, ce n’est pas le point qu’il souhaitait relever, et il pensait que Wendy aurait suffisamment d’intelligence pour le savoir. Il est d’ailleurs certain qu’elle en a, et qu’elle se plait seulement à se moquer du jeune homme, comme le montre son sourire. Un sourire qui n’inspire aucune confiance à Lyssandre, se demandant presque s’il ne fonce pas bêtement tête baissé dans un piège mis au point par la brune pour se débarasser de lui. Il reste à une distance raisonnable de la jeune femme, mais surtout de l’animal qui, bien qu’il soit calme à l’heure actuel, pourrait très vite s’emballer. Légèrement fasciné parce le geste de la jeune femme, il la regarde cependant faire avant de lui répondre. ” Aaaah ! Je vois ! Je pensais que c’était une vache. Je comprends mieux maintenant. “ Puisqu’elle avait décidé d’être premier degré et se moquer, lui aussi allait jouer à ce jeu. Pourtant, quand elle lui annonce la suite du programme, cette envie lui passe soudainement. ” Attends quoi ? “ Il n’est pas sur d’avoir bien compris. Son cheval ? Pour la journée ? Il ne sait pas si l’idée lui plaît ou l’inquiète et il gère mal cette ambivalence. ” Je crois qu’il y a erreur sur la personne. J’ai pas pris l’option équitation entre les cours de royauté. “ Mais ça ne l’étonne pas que Wendy, si. Après tout, elle ne faisait que confirmer une fois de plus qu’elle avait tout eu pendant son enfance, ne rendant pas compte de son privilège. Mais avant qu’il n’ait pu rajouter quoique ce soit, un homme s’approche, glissant dans ses mains les rênes d’un cheval. ” Euh…. “ Il ne sait pas quoi faire, regarde Wendy avec une détresse évidente. Dire qu’il allait devoir compter sur elle pour survivre aujourd’hui.

Il n’est pas très confiant avec les équidés Lyssandre, la faute à une éducation trop urbaine, à la jungle de béton dans laquelle il a grandi, un peu trop à l’écart de la vie sauvage, du grand air. L’aisance qu’il a auprès des animaux se limite à celle acquérie auprès des animaux de compagnie. Les chiens, les chats, les lapins et quelques autres rongeurs. Pour le reste, sans en avoir réellement peur, disons plutôt qu’il se sentait moins mal à l’aise à une distance raisonnable. Une distance qui n’est pas du tout respectée aujourd’hui quand un employé de l’écurie dépose dans ses mains les rênes d’un des chevaux qui les entoure. Et c’est un peu ce qui l’inquiète Lyssandre, d’être entouré d’autant de chevaux, de ne pas savoir lequel excitera les autres, provoquant probablement une catastrophe. Oui, il imagine déjà le pire Lyssandre, mais il faut dire qu’avec sa chance légendaire, si quelqu’un devait prendre un coup de sabot aujourd’hui, ça serait lui. Son regard se tourne vers Wendy, face à qui il a perdu toute assurance, même s’il continue de faire le mariolle. Elle n’espérait quand même pas le faire monter sur un de ces trucs-là. Si ? Pourtant, elle semble déterminée dans ses intentions, ce qui inquiète un peu plus le Wayne. Et s’il avait accepté d’être son souffre douleur c’était uniquement parce qu’elle n’avait pas précisé en quoi cela allait consister. Et qu’il avait tout imaginé, ou presque, sauf CA !

En contre-bas, il la toise, le regard un peu mauvais. « Tu veux dire agir comme une diva et prendre les gens de haut ? » Il ne perd pas son aplomb face à la jeune femme, d’autant plus que c’est ce qu’elle a l’habitude de faire. Pourtant, sans attendre de réponse, de la brune, il observe autour de lui, place son pied dans l’étrier et se donne une impulsion pour passer l’autre jambe de l’autre côté du flanc du cheval. Il tient fermement les rênes, réajuste sa position, sans trop savoir si elle est correcte. Il gesticule, peu importe comment il se met, il a l’impression d’être mal installé. « Qu’est ce que je fais maintenant ? » Il regarde Wendy, attendant d’elle de meilleurs conseils que les précédents, qui sait, peut-être en vain.

Il prend un instant pour réfléchir Lyssandre, et trouver une autre alternative. Il aimerait éviter de monter sur le canasson mais à part rentrer chez lui, il ne voit pas d’autres options. Il n’y a pas de calèche ni un quelconque autre moyen qui consisterait à être tiré par l’animal plutôt que de le chevaucher. Mais en voyant que Wendy s’impatiente de ses enfantillages, il se décide à faire ce pourquoi il est venu ici : souffrir. Un pied dans l’étrier, il se donne enfin l’impulsion nécessaire pour grimper sur le cheval, essayant de ne pas paraître trop gauche. On oublie totalement l’allure princière, mais déjà, il ne s’était pas - encore - cassé la gueule, et il n’avait pas eu à s’y reprendre à deux fois.  Les jambes de part et d’autre du flanc de l’animal, il se retrouve malgré tout à gesticuler dans tous les sens, éprouvant continuellement une sensation d’inconfort, de gêne, et de douleur. Il ne l’imaginait pas, mais ça tire bien dans les cuisses qu’il ne l’aurait cru.

Le visage tourné vers Wendy, il l’interroge, cherche à savoir quoi faire maintenant, à comprendre comment on manœuvre un tel animal, oubliant une règle fondamentale : ca ne serait pas lui qui dirigerait. Il attend un conseil de la jeune femme, lève les yeux au ciel quand elle reprend enfin la parole. Panique pas… Il a envie de lui répondre le plus puérillement possible, en répétant ses mots pour en révéler l’absurdité. Il n’a pas d’autre choix que de paniquer car il est sur un putain de cheval qui fait facilement dix fois son poids, et lui dire ne sert à rien. QU’EST CE QUE JE FAIS BORDEL WENDY ?! Il se retient de lui hurler dessus pour ne pas effrayer les chevaux, mais aussi pour ne pas trop irriter celle qui s’improvise comme sa professeur d’équitation pour l’après-midi. Après tout, il aimerait autant ne pas finir dans la lac, ou perdu, au milieu de nul par, là où le canasson l’aura sûrement abandonné avant de s’enfuir. ” Les mouvements du ch… Attends quoi ? “ Est ce qu’elle venait de dire qu’il pouvait finir castré ? C’est quoi ce délire ? Dans un geste le moins viril qui soit, il vient poser une main sur ses parties génitales, comme si ça pouvait les protéger. Pourquoi était-il venu déjà ? ” Et je suis censé faire comment pour suivre ses mouvements ? Comment je le fais avancer déjà ? “ Dans les films, il suffit de leur mettre un petit coup de talon pour qu’ils se mettent à gambader, mais il n’a pas envie de s’y risquer, ne serait-ce que pour ne pas faire de mal au cheval.

Lui n’a suffit que d’une phrase de la part de Wendy pour donner envie à Lyssandre de descendre du cheval. Il ne comprend pas comment ça pourrait véritablement être possible, ni même pourquoi les hommes se sont évertués à continuer dans ce cas, mais ça le rend tout de suite plus attentif, moins imprudent. Il suit Wendy du regard pour qui cela semble si simple, si évident, si enfantin. Comme une seconde nature, comme si elle ne faisait en réalité que marcher. Il se gardera bien de le dire, mais l’élégance qu’elle dégage à cet instant est particulièrement plaisante à voir. Lui qui ne cessait de la qualifier par des surnoms royaux, comprend aujourd’hui qu’elle n’était peut-être pas si loin de l’image qu’il se faisait réellement d’une princesse finalement.

Immobile sur son cheval, il l’observe, ne sachant pas quoi faire. Est ce qu’il devait dire un mot pour que le cheval se mette à avancer, est ce qu’il y avait un geste ? Pourquoi est-ce que ça c’était pas aussi simple qu’avec les voitures ? Wendy revenue à sa hauteur, il fronce le regard alors qu’elle semble le juger si fort. Néanmoins, il se décide à l’écouter, vient poser ses mains sur les rênes en la maudissant intérieurement si quelque chose venait à arriver à sa masculinité. Il saisit la corde entre ses doigts, sans tirer dessus, suffisamment lache pour qu’elle puisse presque s’échapper de ses mains à tout moment. ”Comme ça ? “ La question peut sembler un peu bête, mais il n’a jamais fait ça par le passé. Ce qui semblait évident pour beaucoup de personnes présentes aujourd’hui ne l’était pas pour lui.

Pendant un quart de seconde, il se sent un peu plus confiant, plus à l’aise, avant de se raidir totalement. Le cheval de Wendy en marche, elle entraîne celui de Lyssandre pour la même occasion, ce à quoi il n’était pas prêt à faire face. La preuve, il venait de faire tout le contraire de ce qu’elle lui avait conseillé. Il sent ses muscles travailler dès les premiers pas, les vibrations remonter dans tout son corps. Les pupilles une nouvelle fois sur Wendy, il se retient à nouveau de dire qu’il n’a pas le profil pour agir comme une parfaite grognasse. Ce n’était certainement pas le moment de la reprovoquer. Il lui faut quelques mètres avant de commencer à se détendre, d’essayer d’appliquer les consignes de la brune après l’avoir observé. Il tente de suivre les ondulations du cheval, fait comme des vagues d’avant en arrière à chaque pas, comme s’il allait chuter avant de se rattraper. Il n’est pas certain de lui, mais pour l’instant le cheval semblait savoir quoi faire, même sans cavalier. Et heureusement pour lui. ” Ca va ou je suis le pire élève que t’ais jamais vu ? “ Il a bien une idée de la réponse, mais il fallait bien commencer quelque part.