Cela faisait un mois que je suivais mon amoureux dans cette aventure qu'il semblait adorer. Cela faisait un mois que je l'observais sur scène et que l'interrogation revenait sans cesse dans ma tête. Est-ce que mon mari avait envie de vivre uniquement de cette vie d'artiste ? Est-ce qu'il voulait continuer à sillonner les routes et à chanter devant un public ? Bordel, je n'en savais rien. Je n'avais pas osé lui demander. La réponse m'effrayait parce que, putain, je n'étais pas certain de pouvoir suivre cette vie-là moi. Le mois écoulé me le prouvait. Les semaines s'étaient enchaînées devenant toujours plus difficiles à supporter. Cela faisait un mois que la voix dans ma tête ne se taisait pas venant hurler sans cesse que je ne servais à rien dans cette histoire. Je n'étais pas utile. Je n'étais là que pour jouer la plante verte présente partout où le mari était. Je n'étais là que pour jouer l'ombre loin de tout. Une ombre qui ne faisait pas grand-chose de ses journées. Dormir, manger, suivre l'être aimé, le soutenir, l'encourager, le dévorer des yeux, tomber toujours plus amoureux, crier, applaudir et tout recommencer.

Ce soir était le dernier soir avant le retour à Boston. Ce soir était le dernier soir avant de rentrer chez nous récupérer Aurore et repartir pour de vraies vacances en famille. Juste nous trois en Russie. Ça allait faire du bien. J'avais hâte. Mon amoureux s'approchait pour un dernier baiser que je lui offrais avec le plus grand des plaisirs. Les mots tombaient soudainement me poussant à froncer les sourcils « Quatr... »  Je n'avais même pas le temps de finir l'interrogation que les sentiments étaient lancés me poussant à répliquer « Ti Amo Mio Marito » alors que l'amoureux disparaissait sur scène. Ce soir, je n'avais pas eu envie de me mêler à la foule. Ce soir, je jouais le fan numéro un depuis les coulisses. Un fan pas réellement concentré. Le cerveau tournait à toute vitesse. Est-ce que j'avais oublié quelque chose encore ? Est-ce que mon mari et moi avions prévu quelque chose avant de rentrer à Boston ? Est-ce que c'était une surprise ? Et, si c'était une surprise, de quoi s'agissait-il exactement ? Nuls doutes que j'allais torturer mon mari pour savoir ce qui se cachait derrière ces mots. Pour le moment, je me concentrais sur le show de mon amoureux l'encourageant et le dévorant des yeux comme toujours.

Je me tendais soudainement lorsque sa voix se coupait. Que se passait-il ? Mes iris sombres ne quittaient plus Mio Amore du regard et le signal était transmis. Ça me faisait jurer peut-être un peu trop fort. Ça me poussait à sentir cette tension s'élever dans l'être. Le cœur cognait trop fort. Le ventre se tordait. Je serrai les poings. J'hésitais. Rester en coulisse ? Me faufiler dans la foule pour trouver le coupable ? Me jeter sur scène pour entraîner mon amoureux le plus loin possible ? Les possibilités cognaient dans ma tête. Les plans se dessinaient dans mes pensées. Et, je choisissais de rester sagement à ma place prêt à agir au cas où. Gamin qui ne voulait pas gâcher le dernier concert du mari. Gosse qui laissait ses ongles s'enfoncer dans sa main pour ne pas céder à l'envie de meurtre qui cognait. La bête était réveillée et, pour l'instant, je me tenais sage. Plus que quelques minutes. Juste quelques minutes avant qu'il ne soit plus cette cible trop facilement atteignable.

Les ongles s’enfonçaient dans la main de plus en plus fort au fil des secondes qui s’écoulaient. L’envie de meurtre ne cessait de monter dans l’être. La bête ne cessait de cogner en moi. Il fallait que je me contrôle. Je respirais fort. Sans doute beaucoup trop fort. Je le sentais. Mes prunelles ne quittaient pas mon amoureux sur scène de peur de le voir s’effondrer à tout instant. S’effondrer à cause de la pression de cette foutue situation. S’effondrer à cause d’une blessure infligée. Je faisais soudainement un pas en avant à la peur qui naissait dans mon être face à cette possibilité. Je me reprenais bien vite reculant sagement. Il ne fallait pas foutre en l’air le concert. Il ne fallait pas gâcher ce qu’aimait faire mon mari. Je devais rester sagement en coulisse et attendre. Je devais juste rester là à patienter pour que la fin arrive et que mon mari vienne me rejoindre. Bordel. J’aurai mieux fait de me trouver au sein de la foule ce soir. J’aurai pu agir tout de suite. J’aurai agi tout de suite. Là, je sentais la trouille de bouger de ma place. Rejoindre la foule revenait à perdre l’amoureux du regard et tout pouvait se passer pendant cet instant. Alors, je restais à ma place. La respiration trop courte, le cœur douloureux, le ventre tordu. Le mode mafieux était déjà activé. L’attente était insoutenable.

Les applaudissements résonnaient. Contrairement aux autres soirs, je ne parvenais pas à m’y joindre. Je ne parvenais pas à crier devant la réussite de mon amoureux, devant son talent. Je ne parvenais pas à demander encore plus de chansons. Je ne parvenais même pas à juste applaudir comme tout le monde. Non, je ne faisais rien. Je n’étais que cette statue trop immobile qui fixait le mari et l’attendait. Ça me semblait durer une éternité alors qu’il embrassait les membres du groupe. Ça me semblait durer des heures avant qu’il ne finisse par dévaler les escaliers et me rejoindre. Il débarquait. Enfin. Il me rejoignait. Soudainement. Je l’avais dans mes bras un bref instant. Et, pendant quelques secondes, cela retirait le poids dans mon être. Pendant quelques secondes, je me sentais respirer à nouveau presque prêt à oublier ce qui venait de se passer. Comme si ce n’était qu’un cauchemar dont on s’éveillait. Mais, ce n’était pas ça. Je le savais. Le souffle court de mon amoureux le confirmait.

Les mots tombaient alors entre nous révélant ce qu’il se passait et ce qu’il fallait faire. S’en aller maintenant. Le choix de l’amoureux résonnait. Et, bordel, ce n’était pas mon choix à moi. Ce n’était pas le choix du mafieux. Ce n’était pas ce que je voulais faire. J’avais envie de contredire mon mari. Pourtant, je me contentais de fermer les yeux et de souffler. Je prenais sur moi pour ne pas éclater. J’acceptais de plier l’échine juste une fois. L’ombre était là pour s’occuper de ça non ? Hochant doucement la tête, je m’apprêtais à presser mon amoureux pour y aller comme il le souhaitait plutôt que de reprendre son souffle là. Je voulais le pousser à y aller dès à présent et à respirer mieux plus tard. Mais, la voix s’élevait. Cette voix que j’avais déjà entendu. Cette voix qui me faisait grogner malgré moi. Je m’apprêtais à pousser mon amoureux pour me jeter sur ce mec sans attendre. Néanmoins, Mio Amore se retournait et s’adresser directement à la cible. Ça me déplaisait. Ça me tordait le ventre. Je n’étais pas d’accord. Sans attendre, je bougeais passant devant l’amoureux. Je refusais qu’il soit devant. Je refusais qu’il soit entre lui et moi. Je ne voulais pas qu’il soit une cible lui aussi. Corps devant celui de mon mari, je déposais ma main sur sa hanche comme pour le conserver derrière mon corps et le protéger. Mes iris sombres se relevaient sur la cible de Rob et je grondais « Tu n’as rien à foutre ici. » Cette histoire allait mal finir.

La confrontation allait avoir lieu. Elle était inévitable. À l’instant même où mon amoureux avait choisi de se retourner vers la cible, c’était acté. Il ne pourrait pas en être autrement. La machine s’actionnait d’elle-même. Le mode s’enclenchait tout seul. Au départ, j’étais prêt à partir à la demande de mon mari. J’étais prêt à accepter de simplement fuir comme un lâche. Cependant, à présent que la cible se retrouvait face à moi, face à mon mari, la fuite n’était plus envisageable. Pas pour moi. Pas pour ce mafieux que j’étais. Je ne pouvais pas l’accepter. La confrontation devait avoir lieu. Et, j’ignorais de quelle manière elle risquait de se terminer. La cible répondait à mon mari sur ce qu’il voulait. La tête de Rob… Cette tête que je refusais de donner. Cette tête que je refuserais toujours de donner. Mon poing se serrait en entendant la demande. Je m’empressais alors d’agir et de venir me mettre devant mon mari. Cette histoire ne le concernait pas putain. La tension cognait dans mon corps. Mon cœur s’affolait dans la poitrine. L’adrénaline circulait vivement dans mes veines. Ma main se déposait sur la hanche de mon amoureux pour le conserver à l’arrière. Peut-être aussi, pour tenter de rester connecté à lui, de rester calme.

Ce n’était pas gagné. Malgré ce contact, je me sentais déjà vaciller du mauvais côté de la ligne. Les mots échappaient à la cible une nouvelle fois. Les propos résonnaient laissant clairement entendre des choses que je n’aimais pas qu’il souligne. Encore moins devant mon mari. Mes iris sombres se relevaient sur lui et je grondais un premier avertissement. Je restais sagement à ma place. Je gardais mes distances. Je me contentais d’avertir. Son regard se posait sur moi. La réponse tombait et elle venait juste m’agacer encore plus. Son sourire amusé me déplaisait foutrement. J’avais juste envie de me jeter sur lui pour abîmer son visage et faire disparaître ce sourire. J’avais simplement envie de le frapper sans m’arrêter. La tension montait encore. Les barreaux de la cage de la bête s’effritaient. Je ne pourrais pas me contenir. Je n’allais pas savoir gérer. Je n’allais pas parvenir à me maîtriser. Mio Amore devait le sentir. Il tirait sur mon bras soufflant des mots que je peinais à entendre. Il lançait une proposition sur laquelle je ne pouvais plus me jeter. Pas maintenant. Plus après cet échange. Pas alors que l’ombre n’était même pas à sa place.

Les mots de trop étaient alors soufflés. La cible se croyait vraiment tout permis à exiger tant de choses. Il se fichait de moi clairement. Il se jouait de nous. Et, c’était beaucoup trop. La limite était dépassée à présent. Il était trop tard pour faire marche arrière. La cage explosait. La bête entrait en scène. Le « Va te faire foutre ! » résonnait vivement tandis que je retirais mon bras de la prise de mon amoureux. Je m’approchais rapidement de la cible pour ne m’arrêter qu’à quelques centimètres de lui. Gamin sanguin. Gosse qui passait tant de temps à se contrôler. Être humain qui ne pouvait plus se contrôler ce soir. Ça explosait. Mon doigt se posait sur le torse de la cible et je continuais « Tu n’auras ni la tête de Rob ni des putains d’excuses. Tu n’auras rien. » L’annonce était claire. La réalité était posée. Je ne céderais pas. Et, comme pour que ça résonne encore plus clairement, je venais croiser les bras sur mon torse. J’avais envie d’hurler que moi aussi je souffrais. J’avais envie de crier qu’on m’avait tiré dans la tête et que j’étais fichu en l’air. Je voulais hurler que j’avais mal, mais que ce n’était pas pour autant que j’étais parti en chasse après les responsables. Je ne m’en étais pris à personne. Pourtant, tout ça restait dans le silence. Mes prunelles se plantaient dans celles de la cible et je soufflais « Tu ferais mieux de dégager d’ici maintenant. Tu as de la chance, j’ai fais une promesse à mon mari sinon ton mignon Minjun aurait déjà pris cher. » La menace tombait sans en être réellement une. Je ne pouvais pas m’en prendre à ce Minjun. J’avais promis à Mio Amore. Néanmoins, les mots tombaient pour montrer que moi aussi j’avais des cartes en main. Il ferait mieux de dégager dès à présent avant que la situation ne s'envenime encore et ne pousse au pire.