Joykner - How to save a life

Je me retrouvais au milieu de tout ses inconnus. Si pour cette soirée jeu, j’étais invitée sur le tard, je n’en étais pas moins contente d’en faire partie. Trois années, déjà que j’étais ici et je ne me laissais aucunement de faire de nouvelle rencontre. Si j’étais toujours plutôt discrète au début, avec une petite tendance timide, je tombais rapidement le masque. Je laissais Sim parler avec ses potes, m’éloignant, pour éviter les regards posés sur moi. Je rentrais dans ce qui semblait être la cuisine commune, à la recherche d’un verre pour me désinhiber et fissurer un peu ma carapace. « Je.. Pardon. » Te disais-je alors que tu semblais t’afférer à faire, je ne sais quoi. Intrigué par ma voix, tu te retournais vers moi. Et… Ton visage m’était si familier. Il me fallait quelques secondes pour me rappeler. La fumée, les cris, l’enfer… « DJ ? » Nom que j’avais hurlé, pour aider ton meilleur ami à te retrouver. « Maze, l’inconnue qui vous a aidé, ton pote et toi. » Que j’ajoutais rapidement. Peut-être que tu n’avais aucun souvenir ou que tu ne t’étais pas souvenu de mon prénom quand j’avais cherché à converser avec vous pour te garder éveillé.

Une soirée avant de commencer les exams, je sais pas si c'était vraiment une bonne idée mais... en vrai, pourquoi pas. Moi ça m'allait très bien. Plutôt confiant sur la finalité, j'étais pas tellement effrayé, stressé ou quoi. Je maîtrisais mon sujet et je savais que j'étais le meilleur de ma promo. Passionné, on ne m'enlèvera jamais ça. Donc oui, je profitais clairement de ce soir, sans me prendre la tête, sans penser à ce qui m'attendait la semaine prochaine. Installé dans la cuisine pour me faire un verre, j'étais pas tellement concentré mais je sortais de mes pensées quand tu me bousculais légèrement. Rien de très dérangeant en soi, juste ça me sortait de mes pensées. « pas d'souci t'inquiète » que j'disais avec un sourire avant d'être interpellé par mon surnom. Comment tu le connaissais ? J'tournais la tête vers toi avant que tu ne donnes un peu plus de précision. Saut en arrière, au moment du tragique événement du TD Garden. « oh, maze ! je... wow » Me tournant entièrement face à toi, je te regardais sans trop savoir quoi dire, quoi faire. « t'as l'air d'aller bien ! »

Parce que je ne pouvais pas être moi, sans être un peu gauche sur les bords, c'était ma silhouette qui rencontrait ta carrure. Des excuses qui sortaient automatiquement et... Il ne me fallait pas plus de quelques secondes pour assimiler ton visage et ta voix. Des heures d'horreur que nous avions partagée, mais qui ne changeait rien au fait que nous étions de parfaits inconnus. Si ce n'est qu'un lien s'était forcément créé. J'avais pensé à toi, souvent. J'avais même dû rendre des comptes à mes frères pour avoir osé prendre le risque de t'aider, un comble. « Ravie de te voir sur tes deux jambes et en pleine conscience. » J'avais eu vent de ton état, par les quelques messages échangé avec Léo, mais j'étais ravie de pouvoir enfin le constater de mes propres yeux. « Je n'avais pas grand-chose. » Je me dandinais doucement d'un pied à l'autre. « T'es toujours en convalescence ? » Curieuse de savoir où t'en étais, au moins physiquement. « Toi aussi, t'as été invité à la soirée du coup ? Parce que j'connais personne ici, alors j'suis pas contre un p'tit verre de ça. » Pointant du doigt la bouteille juste derrière toi. Aux grands maux, les grands remèdes.

Tout ce que tout le monde voulait ici, c'était décompresser des sessions intensives de révisions pour les exams qui approchaient. Et oui, j'en faisais partie. Même si je n'étais pas le plus stressé de la Kirkland les concernant, j'avais pas non plus envie de les foirer totalement. Alors dans une volonté de ne pas tout gâcher, j'allais alterner alcool et boissons softs. C'était pas mal comme plan ça. Et quand je me rendais justement dans la cuisine, je percutais quelqu'un sans faire exprès. Ou tu m'as percuté, j'en sais trop rien. Dans tous les cas on s'excuse, jusqu'à se reconnaître. Souvenirs qu'on préfère effacer cependant... Tragédie qui nous lie jusqu'à la mort maintenant. « c'était pas toujours le cas... mais ça va mieux oui » disais-je d'un sourire timide. Ouais, les jours qui ont suivi l'effondrement, ma présence à l'hôpital avait fait flipper pas mal de mes proches... et moi y compris. Les soins intensifs, c'était pas l'endroit le plus joyeux qui existe. « tant mieux, c'est le principal » Me calant contre le plan de travail, je regardais mon bras avant de te regarder de nouveau. « ouais je.. viens de retirer mon plâtre, je commence les séances de kiné. c'est pas simple, ça fait mal mais c'est nécessaire alors j'le fais » Et puis surtout, ça me permettra de retrouver l'usage de ma main et de mes compétences en robotique. « invité non.. j'ai organisé » que j'disais d'un rire. « je suis à la tête de cette confrérie avec un pote et cette année, ils sont plutôt fervents des soirées alcoolisées donc on s'adapte et ça me plait bien » Et forcément, la curiosité se mêle à la conversation. « qui t'a invité du coup ? »

Te revoir me faisait sincèrement plaisir. Si j’avais une tendance timide au début, avec toi, j’étais étonnamment à l’aise. Peut-être qu’avec ce que nous avions vécu, il était normal de sentir un lien se créer, sans même apprendre à se connaître. Je t’interrogeais un peu sur ton état, pour avoir un complément des informations que Léo aurait pu omettre de me dire. « J’aurais aimé t’aider davantage, tu sais. » Soupirais-je légèrement. Je regrettais de ne pas avoir pu t’aider à sortir de là avant, peut-être que les mois suivants auraient été moins difficile. Je souriais, me rappelant qu’il n’y a pas si longtemps, j’étais à ta place, mais bien moins touché que toi, j’avais déjà entamé la kiné. « Tu dois avoir hâte non ? » De t’approcher un peu plus près de la lumière pour enfin t’extirper de cette situation. « Oh je vois… » Je riais, gênée. « Justement, vu que t’en parles du coup… Sim. » Ton fameux pote. Les pommettes qui se teintaient de rouge. Je restais cependant moins gênée, que lors de notre arrivée, est-ce qu’ils regardaient tout ces plus un de la même façon ? « J’crois que ça fait un peu parler, c’est pour ça que je suis venue me réfugier ici. » Je n’avais jamais aimé être au centre de l’attention.