Mon regard qui se relève vers lui, de sa main, par son bras et finalement son visage. Je reste comme un con à le regarder, sans bouger, ma main tenant en partie la sienne. J'ai du mal à cerner ce que j'éprouve à cet instant. Mélange entre le plaisir de ce contact avec le malaise de celui-ci. Et ni l'un ni l'autre, nous ne bougeons, rendant ce moment encore plus étrange. Une sorte de pause dans le temps, de retour en arrière où se toucher était normal, anodin pour nous, même recherchés. Mais maintenant, c'est différent, c'est obscur. Est-ce bien ? Est-ce mal ? J'en sais rien du tout. C'est lui qui bouge alors, doucement pour retirer sa main et relancer le cours de l'histoire. Je baisse à nouveau le regard et lâche finalement l'objet. Malaise de ce pas savoir quoi ressentir, malaise d'avoir eu cette envie de le tirer vers moi et de l'embrasser. Au bar, l'effet de l'ambiance, l'alcool, peuvent être accusé. Moment d'égarement qui peuvent être feinté même si je suis en pleine possession de mes moyens, mais ici... Non, je n'ai aucune excuse d'avoir de telle pensée. "Je vais me mettre au bureau." L'informais je alors pour prendre mes distances, pour le laisser gérer seul le placement des objets et éviter de reproduire cette scène, de ressentir encore cette envie. Parce que vraiment, je ne peux pas suivre son conseil de me laisser aller, parce que je ne peux pas faire une rechute, je ne peux pas encore espérer quelque chose de lui, cela fait trop mal et je commence à peine à me remettre de notre passé commun.

Lorsque les secondes se transforment en heures
@Jaysaël S-Castellan & @Oliver Matthew Davis
TW : none
fin Mai 2023
Département d'Arts Plastiques - Harvard

Go, take off a load
Letting your wings unfold
And keeping everything down to a minimum
Everything a bit low
…

Temps qui se fige l'espace d'un instant, comme pour nous accorder une pause, pour nous permettre de respirer sans paniquer, sans se prendre la tête. Mes pensées deviennent claires, arrêtent de tourner en tous sens, arrêtent de jouer une cacophonie assourdissante… Fou de voir qu'après tout ce qui s'est passé et le temps qui a coulé, son toucher me fait encore cet effet, m'apaise alors pourtant que la situation n'y porte en rien. Et c'est pourquoi la vie reprend son cours et que je me retrouve à bouger délicatement, n'ayant pas envie de le brusquer, de le chasser, lui offrant l'objet qu'il a voulu piger, répondant à sa question.

Lui laissant savoir qu'il n'a pas besoin de se mettre la pression sur comment placer tel ou tel machin, je le vois tout de même reculer, m'indiquer qu'il ira se poser au bureau plutôt. Et je ne peux qu'aquiescer d'un hochement de tête.

- D'accord, fis-je doucement.

Ce n'est pas son domaine, pas vraiment son boulot, alors… d'accord. Je ne vois pas ce que je pourrais dire d'autre; il est libre de faire ce qu'il veut. C'est déjà très généreux de sa part de se pointer ici.

Mon regard traînant un instant sur sa silhouette, j'ai un léger sourire en coin en constatant qu'il a encore la même démarche qui fait rouler les muscles à son dos. Chose qui me faisait baver quand il ne portait ni t-shirt ni chemise avant. Avant… Secouant la tête, je reviens sur terre, essayant de chasser les souvenirs pour me concentrer sur la mise en place, histoire que tout soit prêt pour l'arrivée des étudiants.

Piochant object après objet, le tout s'accumule bientôt et prend forme. Rien de trop facile, les étudiants auront quelques défis au niveau des détails peu importe quel sera leur point de vue. Ayant un dernier tour de vue, j'en profite pour prendre les photos références pour l'évaluation finale, mon regard glissant cependant au-dessus de mon téléphone lorsque Jaysaël se trouve dans la prise de champ. Captant les deux ou trois prises manquantes, je m'approche finalement du bureau.

- Jaysaël… l'interpellais-je en venant me planter devant le bureau, la pulpe de mes doigts venant se poser sur le bois du bureau comme si j'avais besoin d'un appui. Je… commençais-je, avant que la porte de classe ne s'ouvre, laissant passage à quelques étudiants, me faisant baisser la tête, vaincu, et émettre un discret soupir.

Prenant sur moi, je récupère tout de même une attitude professionnelle, me tournant vers les arrivants s'installer tranquillement, faisant dos au bureau. De nouvelles têtes franchissent la porte, puis d'autres encore et bientôt il n'y a plus qu'un tabouret ou deux de libre. Les avertissements tombent. Aucune parole; je ne veux entendre que le bruit des crayons ou fusain contre le papier afin de pouvoir se concentrer et de permettre aux autres de le faire. J'autorise la musique si elle est à faible volume et ne filtre pas hors des écouteurs, nous réservant le droit - à Mr. Castellan et moi-même - d'un premier avertissement et d'une interdiction si ça ne change pas. Les consignes de l'exercice suivent, expliquant qu'il y aura également un changement de place lors de la pause à mi-chemin, que le nombre de croquis n'est pas limité, mais celui en référence devra être remis avec l'oeuvre finale. Ajoutant quelques détails, je finis par sonner le signal de départ, posant un chronomètre sur mon téléphone pour une heure, avant de passer derrière le bureau, devant m'approcher de Jaysaël pour venir le questionner à très faible voix.

- Tu es okay pour la surveillance et les consignes? Lui demandais-je croisant son regard pour m'assurer que tout est clair de son côté s'il veut faire une ronde ou deux pour se dégourdir les jambes, réprimander ou donner des suggestions aux élèves.

…
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