Nuit du 12 au 13 Avril.

Dis Amore, tu crois que cela cessera un jour ? Dis Amore, tu crois que le destin se montrera plus clément avec nous ? Dis Amore, tu crois qu’il essaie de nous faire passer un message ? De me faire passer un message ? Est-ce que je dois m’éloigner de toi ? Est-ce que c’est de ma faute si le sort s’acharne sur nous à ce point ? Il s’est presque toujours acharné sur moi et j’en ai pris l’habitude. Mais, je ne veux pas que tu subisses ça toi aussi. En liant ma vie à la tienne, est-ce que j’ai fais une erreur ? Est-ce que c’est moi qui t’ai entraîné dans cet antre de l’horreur ? Est-ce que c’est de ma faute si les feux de l’Enfer nous brûle si intensément et bien trop régulièrement ? Dis Amore… Je suis épuisé de ne pas trouvé la solution pour faire cesser notre damnation. Dois-je partir pour te sauver ? Devons-nous partir pour nous sauver ? Je n’en sais rien. Dis Amore, je veux juste que ces cauchemars d’horreur cessent… Les propos tournaient en boucle à l’intérieur de mon esprit depuis dimanche. Les mots se formaient à l’intérieur de ma tête, mais ils ne venaient jamais franchir mes lèvres. Je n’osais jamais ouvrir la bouche pour souffler ces phrases qui cognaient de plus en plus fort. Je n’avais pas envie de laisser glisser de telles paroles entre mes lèvres. Je n’avais pas envie de quitter l’homme que j’avais épousé. Je n’avais pas envie de partir loin de lui. Je n’avais pas envie de lui demander de quitter Boston avec moi… Enfin… Si j’en crevais d’envie bien trop souvent, mais je savais que je ne pouvais pas le faire. Pourtant, cela serait plus simple non ? L’horreur s’était une nouvelle fois abattue sur nous ici à Boston. Ça n’avait été qu’une soirée qui aurait dû être magique. Ça n’avait été qu’une soirée qui aurait dû être pleine de joie et de bonne humeur. Au final, cette soirée s’était transformée en mauvais rêve. Un coup tout allait bien et, la seconde d’après, tout était foutu en l’air. Je m’étais retrouvé le nez en sang perdu dans l’inconscience à laisser mon corps m’emmener de plus en plus de la réalité et de notre existence. J’avais fini par reprendre conscience frôlant la mort comme il m’était bien trop souvent arrivé. Dis Amore, tu crois qu’elle va finir par me faucher comme ça ? Soudainement dans des moments censés être bons?

La trouille me collait à la peau. Je m’étais retrouvé dans une chambre trop blanche une nouvelle fois. Je m’étais retrouvé enfermé à l’hôpital pendant deux jours juste pour être certain que mon état n’allait pas se détérioré. Mais, il n’y avait pas que moi dans l’histoire. Mio Amore était aussi présent à cette soirée de l’horreur. Il avait été blessé aussi je le savais et, bien trop épuisé, bien trop perdu, je m’étais contenté de le croire quand il disait que ce n’était rien et que ça allait. Je n’avais pas cherché à lutter pour l’examiner sous toutes les coutures. Pas cette fois non. L’horreur s’était bien trop instaurée. L’impact était bien trop important. Le médecin qui me suivait depuis l’incident au Lord Hobo était passé nous voir. À priori, j’allais bien. À priori… Ouais… Il n’était certain de rien. Ça avait cogné une partie de la tête tout de même et j’avais vu son incertitude. J’avais perçu son inquiétude qui amplifiait la mienne. Les trous de mémoire ne m’avaient jamais quitté et il était possible, qu’après cette soirée de l’horreur, ils reviennent en force à certains moments. Il était possible que les maux de tête s’invitent aussi tout comme les changements d’humeur brutaux. Et tout ça, c’était sans compter l’impact psychologique parce que, putain, ça c’était là et je le sentais bien trop fort. Le présent et le passé se mélangeait un peu trop par instant. Le noir devenait une prison. La peur devenait une habitude. Dès que je fermais les yeux, je ne savais plus où je me trouvais. Sous les décombres du TD Garden ? Enfermé dans la cave de la maison familiale ? En sécurité ? Je me perdais moi-même. Ça arrivait même en pleine journée. Les gestes brusques me faisaient reculer. Les haussements de ton me chamboulaient. La panique me collait à la peau. Cette panique que mon père surgisse pour me frapper et, bordel, je ne savais pas la contrôler. Je tentais de ne rien dire. Je tentais de la garder secrète, mais j’étais persuadé que Mio Amore avait déjà perçu ces sursauts. Mon mari était le seul qui me permettait de tenir debout aujourd’hui. Prendre soin de lui était la seule mission à laquelle je me raccrochais pour ne pas me perdre dans le méandre de l’horreur. Perdu dans le sommeil léger, les yeux s’ouvraient soudainement. Je prenais une grande bouffée d’air comme bien trop souvent depuis l’événement et mes sourcils se fronçaient. Le corps de Mio Amore se trouvait contre le mien. Je le sentais trembler contre moi. Je le sentais brûlant contre ma peau. Ma main bougeait avec lenteur pour passer sur la joue de l’homme aimé. Il ne dormait pas je le savais alors je murmurais « Amore… Tu es brûlant… Tu trembles… Je… Il y a quelque chose qui ne va pas… » La certitude cognait dans mes propos. Après tout, l’horreur n’avait jamais fini de s’abattre sur nous.

L’air frais s’engouffrait soudainement dans mes poumons lorsque je prenais une respiration un peu trop grande. Quelques secondes m’étaient nécessaires pour prendre conscience de la réalité qui m’entourait. J’étais vivant. J’étais en sécurité. Je sentais mon mari bouger à côté de moi dans nos draps. Tout allait bien. Nous n’étions plus sous les décombres. Je n’étais pas avec mon père. Tout allait bien. Non… Attendez… Tout n’allait pas bien. Il y avait ce je ne sais quoi qui cognait en moi pour dire que ça n’allait pas. Quelque chose m’avait réveillé et ça n’avait pas été un cauchemar. Il n’y avait pas eu d’images de l’incident. Il n’y avait pas eu d’images de mon père. Non. Rien de tout ça. C’était autre chose qui m’avait tiré du sommeil. Je ne tardais pas à identifier la source de mon réveil lorsque le corps de Mio Amore se rapprochait encore plus du mien. C’était mon mari qui m’avait réveillé sans le vouloir sans doute. Je sentais son corps trembler contre le mien. Je sentais sa chaleur corporelle beaucoup trop élevée. Bougeant doucement la main, je venais caresser sa joue pour me confirmer que je ne rêvais pas et qu’il était bien brûlant. C’était le cas. Je murmurais alors quelques mots laissant une certitude passer la barrière de mes lèvres. Quelque chose n’allait pas. Je le savais. Je le sentais. Quelque chose ne tournait pas rond. La voix de mon mari me parvenait faiblement comme si il avait du mal à prendre la parole. Mon inquiétude grimpait en flèche en un rien de temps. Mio Amore prétendait avoir froid me demandant de mettre une couverture supplémentaire. Mes sourcils se fronçaient aussitôt et le « Mais Amore… » glissait entre mes lèvres sans pourtant obtenir de fin. L’homme que j’aimais venait de prendre mes bras et de caler son dos contre mon torse. Je le laissais faire. Je laissais passer quelques secondes avant qu’il ne répète qu’il avait froid me poussant alors à rétorquer dans un murmure « Tu es brûlant Amore… Tu… Tu dois avoir de la fièvre… Je… Attends… Je reviens… » Me dégageant doucement de sa prise sur moi, je quittais le lit marital prenant soin de réajuster les couvertures sur lui même s’il était brûlant. Debout dans la chambre, mon cerveau faisait des nœuds. J’avais du mal à réfléchir. J’avais du mal à savoir dans quel ordre j’étais censé agir. En général, je savais pourtant gérer les urgences. Je savais me débrouiller pour réagir rapidement et trouver la voie à suivre. Pourtant, cette nuit, tout semblait trop flou et insaisissable. Jurant à voix basse, je finissais par bouger pour actionner l’interrupteur de la chambre et laisser la lumière envahir les lieux. Je clignais plusieurs fois des yeux pour m’habituer à la lumière un peu trop vive avant de poser mes iris sombres sur l’amoureux. Il était pâle. Beaucoup trop pâle pour que ce soit normal. Quelque chose n’allait pas. C’était certain. Cette vue ne faisait que me le confirmer.

Ma main glissait nerveusement dans mes cheveux. La panique s’infiltrait de plus en plus vivement dans mon être. Je me sentais totalement paniquer. Le cœur se mettait à cogner plus fort au point d’en faire mal. La respiration s’accélérait. Et, putain, je m’en voulais de réagir ainsi. Ce n’était pas comme ça avant. Je savais gérer habituellement. Fermant les yeux un bref instant, je tentais de reprendre le dessus. Il fallait que je gère. Il fallait que je suive les étapes. Oh bordel… Mais quelles étapes ? Tout s’emmêlait dans mon crâne. Rouvrant les yeux, je me rapprochais de nouveau du lit grimpant dessus sans passer sous les couvertures. Ma main venait caresser doucement le front de mon mari avant de se perdre dans ses cheveux et je demandais avec lenteur « Hey mon cœur… Tu me fais voir ton bras s’il te plaît… » Ce bras où il avait eu une blessure lors de l’effondrement. Ce bras où il y avait une plaie. Je ne m’étais pas réellement occupé de son bras jusque là. Je me souvenais vaguement avoir aidé mon amoureux à changer le bandage, mais je l’avais toujours fait sans m’y attarder. Juste le faire et fermer les yeux après à cause de cette fatigue que je ne parvenais pas à vaincre. Juste le faire un peu trop déconnecté. Juste le faire sans réellement prêter attention à cette inquiétude qui cognait dans l’être parce que j’étais bien trop épuisé pour m’y attarder. Et, soudainement, la culpabilité s’engouffrait dans mon être. Je la sentais me bouffer de l’intérieur. Je la sentais me dévorer tandis que j’étais presque certain d’avoir loupé quelque chose. Défaisant lentement le bandage, mes iris sombres finissaient par apercevoir la plaie et elle n’était pas belle. Pas du tout. Je jurais à voix haute soudainement. J’aurai dû le voir ça non ?! J’aurai dû me rendre compte qu’une infection commençait non ?! Je n’avais rien vu. Je n’avais pas fait attention. Je n’avais pas pris soin de l’homme que j’aimais. La douleur de cette vérité me percutait. Mes doigts tremblaient alors que je remettais la bande en place. Il valait mieux la garder jusqu’à l’hôpital. Je murmurais alors « Je… On va… On va aller à l’hôpital Mio Marito… » Les mots tombaient sans laisser la possibilité à la discussion. Mon mari n’avait pas le choix. Il fallait aller à l’hôpital. Je n’étais pas capable de gérer ça. Je ne pouvais pas gérer tout seul. Bougeant lentement, je quittais de nouveau le lit pour aller enfiler un jogging et un tee-shirt à manche courte. Attrapant un jogging, un tee-shirt et un pull pour mon mari, je m’approchais de nouveau du lit me baissant à hauteur du visage de mon amoureux. Je lui offrais un sourire que je voulais rassurant avant de déposer mes lèvres sur son front. Mes doigts se perdaient dans ses cheveux et je reprenais « Ça va aller Amore… Je vais t’aider à t’habiller et je vais te porter à la voiture pour aller à l’hôpital… » Ouais, c’était mieux ainsi. C’était ce qu’il fallait faire. S’habiller et rejoindre l’hôpital. C’était ce que je devais faire pour prendre soin de l’homme que j’aimais. Une tâche que je n’avais pas été capable d’accomplir ces derniers jours. Pitoyable gamin. Mari nullissime.

S’habiller. Monter dans la voiture. Conduire jusqu’à l’hôpital. Je répétais les étapes à l’intérieur de ma tête incessamment comme si ça pouvait m’aider à ne rien oublier. Je les soufflais encore et encore dans mon esprit comme pour être certain de bien agir. J’étais habillé et je m’empressais de revenir vers le lit pour annoncer le programme à mon amoureux. Ce programme que je répétais dans ma tête. Ce programme que je lui annonçais à haute voix sans qu’il ne dise rien en retour. De toute façon, il n’avait pas son mot à dire cette nuit. Je l’aidais doucement à se redresser ne voulant pas le presser ou le rendre encore plus mal. Je l’aidais avec lenteur quand bien même l’inquiétude était en train de dévorer tout l’être. Le vite, vite, vite résonnait à l’intérieur de mon crâne et ça ne correspondait pas du tout à mes gestes. Des gestes doux. Des gestes lents. Je voulais juste faire attention et prendre soin de l’homme que j’aimais. Une tâche que je n’avais pas été capable d’accomplir. J’étais vraiment nul. La grimace passait sur mon visage lorsque je voyais les milliers de frissons se former sur la peau de mon mari. Ça ne me plaisait pas. Ça confirmait à quel point ça n’allait pas. Pourquoi ne m’avait-il pas dit qu’il se sentait mal ? Pourquoi ne m’avait-il pas réveillé ? Je m’en voulais d’être ce gamin. Trop faible. Trop vulnérable. Si pitoyable. Si j’étais plus fort, peut-être qu’il aurait osé me tirer du sommeil pour me signaler que ça n’allait pas. Si je n’étais pas autant la victime, peut-être qu’il n’aurait pas hésité à m’éveiller pour me faire savoir que ça flanchait de son côté. Concentré sur les vêtements, mes sourcils étaient froncés. Mon expression se détendait lorsque Mio Amore s’excusait et je soufflais aussi un « Chuuuut… » pour l’obliger à se taire. Je ne voulais pas de ces excuses là. Elles ne sonnaient pas bien. Elles me donnaient mal au ventre. C’était comme si il s’en voulait d’être dans cet état alors que, putain, c’était de ma faute. C’était moi qui avait apporté les péripéties dans notre vie. C’était moi qui n’avait pas pris soin de lui ces derniers jours. C’était ma putain de faute. Et, bordel, je ne voulais pas qu’il parle. Je voulais qu’il conserve les forces qu’il avait pour autre chose. Je voulais qu’il les garde parce que je ne pouvais pas garantir de tout suivre. Moi le gamin aux trous de mémoires. Moi le gosse aux difficultés trop présentes. Mio Amore ne tardait pas à être habillé et sa tête se déposait sur mon épaule. Mes doigts glissaient avec douceur dans sa nuque. Je prenais quelques minutes de pause. Je lui offrais ces quelques instants de paix avant de subir l’épreuve. Il fallait bouger. Il fallait rejoindre la voiture pour ensuite prendre la direction de l’hôpital. J’allais dire à mon mari que nous allions y aller lorsque sa voix résonnait pour une demande qui me poussait à soupirer. Je n’avais pas envie de m’encombrer d’une veste. Pourtant, je ne cherchais pas à discuter obéissant sagement. Je me redressais pour aller chercher le vêtement et l’enfiler en vitesse avant de revenir auprès de mon mari pour l’aider à se mettre debout. Il disait qu’il pouvait marcher et je voulais y croire. Je voulais me dire que ce n’était pas aussi grave que ce que ma tête était en train d’inventer. Alors, je me contentais de le soutenir pour qu’il puisse se mettre debout.

Foutue illusion. Il ne pouvait pas bien marcher. C’était grave. Je m’en rendais compte au fil de nos pas. Nous nous approchions des escaliers lorsque la voix de mon mari résonnait de nouveau pour une remarque qui me faisait brièvement sourire. Il était encore capable de tenter de détendre l’atmosphère et ça retirait le poids de l’inquiétude pendant un bref instant. Ça effaçait cette panique atroce pendant quelques secondes. Cependant, je savais que la réalité était tout autre que les mots. C’était beaucoup plus grave qu’une mauvaise cuite. C’était beaucoup important que cette impression qu’il avait. Je marmonnais alors « Mais c’est plus grave que ça… » sans savoir retenir les propos. Pour être le mari rassurant, on repasserait hein. L’inquiétude me bouffait tellement que je ne savais même pas contrôler mes mots. Arrivés en haut des escaliers, je fixais le bas. Putain, nous n’allions jamais y arriver de cette manière. Soudainement, je regrettais d’avoir un étage dans notre maison. Mes prunelles sombres se posaient sur l’homme que j’aimais. J’hésitais un quart de seconde. Il fallait se décider rapidement. Il fallait aller à l’hôpital et cesser de perdre du temps en futilité. J’en avais déjà bien trop perdu à cause de mon incapacité à prendre soin de l’amoureux. « Hé Amore… On… On pourra pas descendre les escaliers comme ça… Je vais te porter… Ce sera mieux… » Ouais, c’était mille fois mieux comme solution. Dans les situations normales, il m’était déjà compliqué de faire confiance à ma jambe. Elle me trahissait plus d’une fois. Elle se dérobait régulièrement. Néanmoins, dans cette situation, je savais que je ne pouvais absolument pas faire confiance à mon appui. Mio Amore était bien trop instable et s’il tanguait juste un peu, je risquais de suivre le mouvement sans savoir garder le contrôle. Minable gamin bien trop amoché. Il était préférable que je le porte dès le départ plutôt que de prendre le risque d’une chute dans les escaliers. Ce n’était clairement pas le moment de rajouter un nouvel accident à notre liste. Sans même lui laisser la possibilité de protester ou de discuter, je ne perdais pas de temps pour placer mes bras et soulever l’homme que j’aimais avant de descendre les escaliers avec prudence. Le rythme était lent, mais il était préférable d’agir ainsi. Je ne voulais pas prendre de risque. Le soupir de soulagement passait la barrière de mes lèvres lorsque nous nous retrouvions en bas de l’escalier et je hâtais le pas pour rejoindre la porte d’entrée l’ouvrant à la volée sans la refermer. Je rejoignais la voiture déposant Mio Amore au sol tout en le soutenant. J’ouvrais la portière avant de l’aider à s’installer et à s’attacher. Je m’empressais de faire le tour de la voiture pour allumer le moteur et lancer le chauffage avant de souffler un « J’reviens… » en quittant l’habitacle de la voiture. Courant aussi vite que je pouvais me le permettre, je revenais à l’intérieur de chez nous récupérer mon portefeuille et une couverture avant de quitter les lieux. Je fermais la porte à clé et revenait en courant à la voiture pour ouvrir la portière passager afin de déposer la couverture sur mon mari. Murmurant un « Ça va aller… » autant là pour lui que pour moi, mes lèvres se déposaient sur son front et je m’éloignais en vitesse claquant la porte pour rejoindre le volant derrière lequel je m’installais. Mes mains se posaient dessus et… Le trou noir. Je me sentais totalement perdu. Je ne savais plus ce que j’étais censé faire pour que le véhicule avance. Le « Putain de merde ! » passait entre mes lèvres violemment. Ma main frappait le volant poussant le klaxon à résonner dans la nuit. Le cœur s’accélérait. La respiration s’échappait. Le venin s’infiltrait. Mes prunelles se fermaient un bref instant. Il fallait reprendre le contrôle. Il fallait gérer. Je devais prendre soin de mon mari. Il fallait que je cesse d’être cet incapable. Tout était de ma faute. Ma langue glissait sur mes lèvres sèches et, quand mes iris s’ouvraient de nouveau, les étapes s’étaient dessinées dans mon esprit. La voiture se mettait en route en direction de l’hôpital. Mes yeux faisaient des allers-retours entre la route et mon mari à qui je soufflais « Tu t’endors pas hein Mio Amore… Parle-moi… » Il fallait que j’entende sa voix. Il fallait qu’il reste conscient. Il fallait qu'il parle pour que je reste concentré sur la route sans risquer l'accident.

La première épreuve de cette course à « Sauver l’Amore » était une réussite. Mio Marito et moi avions réussi à descendre les escaliers de notre maison sans faire la moindre chute. J’avais réussi à le porter dans ces escaliers et à le déposer en voiture sans que ma jambe – bien trop faible – ne se dérobe sous notre poids à tous les deux. Peut-être était-ce simplement l’adrénaline du moment qui m’avait permis de gérer la situation aussi bien. Peut-être que, dans quelques heures, j’allais regretter d’avoir agit aussi rapidement sans prendre la peine de réfléchir à d’autres possibilités. Peut-être que, dans quelques heures, j’allais regretter d’avoir porté mon amoureux et de ne pas avoir sélectionné une autre option. Peut-être ouais. Néanmoins, sur l’instant, je m’en foutais bien. Je me fichais de toutes ces conséquences. Je me foutais de cette douleur qui pouvait naître. Plus rien ne comptait parce que Mio Amore était dans la voiture et que nous étions prêt à partir pour rejoindre l’hôpital. Mon mari était installé sur le siège passager avec une couverte et moi… Attendez… Est-ce que Mio Amore avait vraiment besoin d’une couverture ? Il semblait crever de chaud maintenant non ? Oh bordel, est-ce que c’était ainsi que je devais me comporter au vue de l’infection de sa plaie ? Est-ce que je suivais les bonnes directives ? Est-ce que ma tête se plantait ? Je ne savais plus. Je perdais pied et je préférais me détourner de la vision pour agir. Il fallait aller à l’hôpital. Il fallait prendre le volant pour nous conduire à l’hôpital. Conduire… Le juron passait mes lèvres. Mes mains s’abattaient sur le volant déclenchant le klaxon sans que je ne le veille. Ça s’embrouillait vivement dans ma tête. C’était comme un disque rayé qui ne parvenait pas à fonctionner correctement. Les paroles n’avaient aucun sens. La musique était dérangeante. Ce n’était qu’un charabia que je ne parvenais pas à saisir. C’était foutrement désagréable. Prunelles fermées, je sentais mon cœur cogner beaucoup trop fort dans ma poitrine. Ça faisait mal. Je sentais ma respiration s’emballer au point où j’avais l’impression de perdre pied. Le venin s’intensifiait et je serrais les mains sur le volant pour ne pas m’envoler loin de la réalité. Je ne savais plus comment j’étais censé conduire. Ce n’était bien évidemment qu’un de ces oublis habituels dont j’étais victime. Ce n’était qu’un effacement provisoire dont j’avais tant pris l’habitude depuis qu’une balle avait charcuté ma tête. Mais, bordel, c’était toujours aussi déroutant et dérangeant. Encore plus en cet instant où j’étais censé agir rapidement. J’étais censé tenir toutes les cartes dans ma main afin d’agir le plus vite possible pour le bien-être de mon mari qui se trouvait à mes côtés dans cette voiture. Un mari dans un sale état. Un mari dont l’état s’était dégradé au fil des jours sans même que je ne le vois. Incapable gamin qui n’avait pas fait assez attention à l’homme qui l’aimait. Stupide gosse qui s’était tellement perdu dans ses conséquences sans penser à l’amoureux. La main de Mio Amore se posait sur la mienne m’obligeant à m’ancrer de nouveau sur terre. Je replongeais totalement dans l’instant présent soufflant avec lenteur pour calmer la respiration et le cœur. J’appliquais les trucs habituels pour tenter de faire revenir la mémoire. Et, fort heureusement pour nous, ça fonctionnait.

Les souvenirs finissaient par complètement revenir dans ma tête. J’envoyais un sourire rassurant à Mio Amore comme pour lui dire que l’oubli s’était fait la malle et que j’allais gérer. Je lui envoyais ce sourire comme pour lui dire que j’étais là et que j’avais les choses en main. Tout allait bien se passer. Je me souvenais du chemin pour rejoindre l’hôpital. Je me souvenais de la manière dont il fallait conduire une voiture. Je me souvenais des pédales, des vitesses, du volant. Oui, tout était de nouveau clair à l’intérieur de mon esprit. Alors, je ne perdais pas de temps pour lancer la voiture sur la route. Aller à l’hôpital en vitesse. C’était ce que je devais faire à présent. Néanmoins, je n’étais pas totalement et réellement concentré sur le bitume qui s’étalait sous mon regard. Mes prunelles sombres ne cessaient de faire des allers-retours entre cette route et Mio Amore qui se trouvait à mes côtés. Je ne pouvais pas m’empêcher de le regarder. Je ne pouvais pas m’empêcher de faire attention à son état toutes les deux secondes. Il fallait que je sois certain qu’il ne s’endorme pas parce que j’avais trop peur que ses yeux se ferment pour bien trop longtemps et ça je n’étais pas capable de l’encaisser. Pas maintenant. Pas après tout ça. Pas avec notre mariage. J’étais bien trop lié à lui. J’étais bien trop dépendant de lui pour parvenir à fonctionner correctement. Sans sa présence à mes côtés, je risquais de déraper sur de mauvais chemins. Sans lui, je risquais de commettre trop de fautes qui seraient sans doute impardonnables. Mes prunelles se posaient sans cesse sur l’homme que j’aimais comme pour être certain qu’il demeure conscient pour notre arrivée à l’hôpital parce que, putain, je n’étais pas certain de pouvoir assurer là-bas. Et, tandis que cette pensée s’infiltrait à l’intérieur de ma tête, je ne pouvais m’empêcher de me dire que Mio Amore méritait mieux que la médiocrité que j’étais. Il méritait mieux que ce gamin que j’étais. Il méritait plus que ce mafieux que j’étais pouvait lui offrir. Peut-être que le quitter était la meilleure chose à faire pour lui. Il ne l’accepterait pas si facilement… Surtout pour ces raisons. Alors peut-être que je devais le tromper pour qu’il me déteste et mette fin à notre relation. Ou peut-être que… Oh f*ck, tout s’emmêlait de nouveau dans le crâne. Alors, je finissais par souffler quelques mots à l’attention de mon mari. Je lui demander de parler pour qu’il ne s’endorme pas. Je lui demandais de me parler pour que mes prunelles cessent de faire des allers-retours trop dangereux entre deux points. Je lui demandais de me parler pour que ma tête cesse de s’évader trop loin. Il obéissait sagement à ma demande laissant sa voix résonner dans l’habitacle. Je l’entendais. Mais, putain, sa voix était si faible. Trop faible. Je sentais la culpabilité tordre à nouveau mon ventre. Je sentais les pensées venir charcuter de nouveau mon esprit pour tenter d’offrir une autre vie à l’homme que j’aimais. Une vie où il serait mieux. Une vie avec quelqu’un de mieux. Je tentais de ne pas m’attarder sur ces propos préférant me concentrer sur ceux de mon amoureux. Ces mots qui, malgré moi, me faisaient grimacer. Il voulait voyager. Encore un voyage. Bordel, j’en avais tellement envie. Je voulais faire ce voyage. Je voulais faire des milliers de voyage avec lui. Mais, ELLE se plaisait à dire qu’il serait mieux à voyager avec d’autres. ELLE se plaisait à me rappeler que Rob ne serait sans doute pas content de me voir disparaître encore des jours et des jours. Mordillant nerveusement ma lèvre, je finissais par souffler « En Russie hein… Nous partager où tu as grandi… Alors tu veux faire ce voyage avec Aurore hein ? » Je le questionnais pour tenter de le faire parler encore plus. Je l’interrogeais pour que sa voix résonne encore le temps du trajet qui nous restait. Mon regard se posait un bref instant sur lui et je murmurais « J’ai très envie de découvrir ça Mio Amore… » Les propos étaient doux. Les mots étaient rassurants. Mais, surtout, ils étaient vrais. Je voulais réellement faire ce voyage dont nous avions déjà parlé sans jamais avoir eu l’opportunité de le faire encore. Je le voulais tellement. J’y avais le droit. J’avais le droit d’être avec lui dans cette bulle de bonheur. Non ?

Pauvre petit incapable. Être humain bien trop minable. Gamin pas à sa place. Gosse qui gâchait l’existence. Les propos tournaient en boucle à l’intérieur de ma tête sans que je ne sois capable de les stopper. Ils tournaient comme un disque mis sur repeat et je ne parvenais guère à les occulter. Ils étaient là et je ne pouvais rien y faire. Ils étaient présents en sourdine dans mon être et je tentais simplement de faire avec. Il fallait que je parvienne à passer outre de toute manière. Il fallait que je gère l’imprévu qui venait de nous tomber dessus. Il fallait que je fasse avec ce fond sonore sans m’y perdre. Il le fallait pour parvenir à prendre soin de cet homme qui était mon mari. Cet homme qui était malade aujourd’hui et qui se retrouvait face à un gamin incapable de gérer comme un adulte. Un gosse incapable d’agir comme il le fallait sans doute. J’avais perdu plusieurs minutes à tenter de savoir quoi faire ou comment agir. Je détestais ça. Je haïssais cette incapacité qui semblait me coller à la peau depuis que les trous de mémoire s’étaient invités dans mon existence. J’aurai aimé être capable d’agir comme des années auparavant. J’aurai aimé savoir gérer et tout de suite savoir quoi faire sans avoir besoin de dépendre de qui que ce soit. J’aurai aimé être en mesure de m’occuper de Mio Amore seul. Pourtant, ce n’était pas le cas. Je ne pouvais pas gérer ça. Je ne savais plus gérer ça. Alors, nous perdions des minutes pour nous habiller et descendre les escaliers avant de rejoindre la voiture. Et, je perdais encore plusieurs minutes une fois installé derrière le volant alors que l’oubli se profilait dans ma tête. Je ne savais pas conduire une voiture… Si ? Le cœur cognant bien trop fort, ma respiration s’accélérait alors que quelque part en moi j’avais l’impression que le temps était compté. Il fallait que je me dépêche. Il fallait agir pour le bien-être de mon amoureux. Mes prunelles se fermaient. Le cri de rage m’échappait. Mes mains se serraient sur le volant. Et, même atrocement malade, mon mari agissait pour prendre soin de moi. Ça intensifiait la voix dans mon crâne tout autant que ça me faisait revenir plus présent dans le moment actuel. Les souvenirs revenaient. Le sourire rassurant m’échappait alors que la voiture se mettait en route pour l’hôpital. La main de mon mari sur la mienne sur le pommeau de vitesse aidait un peu. Ça m’empêchait de sombrer profondément dans la tornade désastreuse de ma tête. Ça m’empêcher de me perdre trop loin dans cette voix qui résonnait à l’intérieur de mon crâne. Je me concentrais sur ce contact. Je me concentrais sur cette route sous mes yeux. Néanmoins, il m’était bien trop difficile de conduire sans regarder mon amoureux. J’avais besoin de poser mes prunelles sur lui pour être certain qu’il était toujours conscient. J’avais besoin de le regarder pour être sûr qu’il respirait toujours.

Bordel, comment n’avais-je rien vu ? La situation n’avait pas pu survenir d’un seul coup cette nuit. Cela devait faire quelques jours qu’il y avait des signes. Non ? Cela devait faire quelques jours que l’état de mon mari ne faisait que se détériorer. Non ? Putain, il semblait vraiment trop malade et j’aurai dû déceler plus tôt que quelque chose n’allait pas. J’aurai dû me rendre compte plus tôt qu’il n’était pas bien. Lentement ça recommençait. La litanie dans ma tête semblait devenir plus forte que le reste. L’idée de tromper Mio Amore revenait sur le devant de la scène. Si je commettais une telle faute, peut-être qu’il allait me quitter et qu’il pourrait être heureux ailleurs. Il fallait que je fasse quelque chose de grave pour qu’il m’abandonne. Il fallait qu’il puisse se retrouver avec quelqu’un de mieux que moi. Non ? Je n’en savais rien. Je ne savais plus. Ça s’emmêlait dans ma tête. Je me sentais me déconnecter de plus en plus à la réalité. Secouant brièvement la tête, je finissais par demander à mon mari de me parler. Je quémandais d’entendre sa voix autant pour éviter de le regarder trop régulièrement que pour éviter de me perdre dans mes pensées. Les deux étaient bien trop dangereux. Les deux pouvaient nous conduire à un accident. La voix de Mio Amore ne tardait pas à résonner. Faible, mais présente. C’était angoissant et rassurant à la fois. Il parlait d’un voyage en Russie et ça me faisait grimacer légèrement quelques secondes. Heureusement que Mio Marito n’allait pas bien et qu’il ne verrait pas cette grimace. J’avais envie de voyager avec l’homme de ma vie. Je voulais le suivre sur ce voyage, mais je n’étais pas certain que ce soit facile à organiser. Il faudrait voir. Je ne voulais pas parler de ce soucis maintenant en tout cas. Je préférais le questionner sur la présence d’Aurore à nos côtés pour ce voyage car mon amoureux semblait la compter pour ce périple. Aurore… Ma fille. Notre fille. Peut-être qu’elle aussi je devais l’abandonner et la laisser uniquement avec Lukas et Summer. Peut-être qu’elle serait mieux ainsi. Plus en sécurité. Pour éviter de me perdre dans ce dédale de sombres pensées, je murmurais que j’avais envie de découvrir ça. Et, la voix de mon mari ne tardait pas à résonner de nouveau entre nous. Il confirmait vouloir faire le voyage avec Aurore et moi donnant les lieux et même une date. Il désirait faire cela cette année. Je m’apprêtais à ouvrir la bouche pour lui répondre et lui demander plus de détails si il pouvait m’en donner. Néanmoins, avant même que je ne puisse parler, mon amoureux retirait soudainement la couverture de lui et ouvrait la fenêtre soufflant qu’il avait trop chaud. Mes prunelles sombres se perdaient sur lui tandis qu’il gesticulait un peu trop en tentant de retirer son pull. Un pull putain ! Encore une idiotie de ma part ça. Mordillant nerveusement ma lèvre, je soufflais un « Doucement Amore… » comme pour l’inviter à atténuer ses mouvements qui risquaient de lui donner encore plus chaud. Ma main glissait rapidement sur son genou comme pour tenter de l'apaiser. Mon pied enfonçait un peu plus la pédale de l’accélérateur et je rajoutais « On va bientôt arriver Mio Amore… » J’hochais la tête certain de moi tandis que ma conduite se faisait sans doute plus brusque que quelques minutes plus tôt. Je voulais juste arriver au plus vite à destination. Et, après plusieurs minutes de route, lorsque l’hôpital se dessinait quelques mètres plus loin, le soupir de soulagement passait mes lèvres. Posant rapidement les yeux sur mon mari, je lui demandais « Est-ce que ça va le faire pour marcher ou il faut que je te porte ? » L’interrogation était essentielle pour savoir comment me débrouiller une fois que j’aurai garé notre voiture sur ce putain de parking qui semblait bien trop rempli et me faisait jurer.