Dimanche 20 Novembre. Nouvelle Zélande aux alentours de Nelson.

La vie n’avait pas toujours été clémente à notre égard. Les péripéties avaient été nombreuses sur notre route. Les événements n’avaient jamais cessé de s’enchaîner nous plongeant dans de douloureuses tornades. Cependant, depuis quinze jours, la vie nous souriait avec douceur. Le rayon de soleil restait dans notre existence. Depuis notre départ de Boston, nous vivions pleinement un rêve éveillé dont je gravais chaque souvenir profondément à l’intérieur de ma tête avec l’espoir de ne jamais les perdre. Depuis le début de nos vacances, Mio Amore et moi nous perdions totalement à l’intérieur de cette bulle qui n’appartenaient qu’à nous. Neakas seuls au monde. Neakas ensemble loin de tout. Neakas vivant des moments paradisiaques. Après moult péripéties au sein de notre histoire, notre lune de miel était là. Après tous les événements de notre Neakas, nous avions enfin le droit à ce voyage de noce. Nous avions enfin le droit à notre échappatoire loin de Boston, de la réalité et de notre quotidien. Cette lune de miel pour nos an de mariage était vraiment la meilleure idée que nous avions eu. Le voyage se révélait idyllique. Chaque journée me semblait encore parfaite que la précédente. Chaque instant me semblait encore plus merveilleux que le précédent. Plus les jours passaient, plus l’envie de rentrer se faisait la malle. Nous étions si bien perdus dans notre monde à nous. Nous étions si bien perdus dans notre voyage délicieux. Les rires rythmaient les journées. Les sourires ne cessaient jamais de se dessiner sur les visages. Les paroles se mélangeaient tantôt sérieuses, tantôt amusées, tantôt enfantines. Les sentiments pulsaient entre nous. Les contacts étaient constants. Les caresses s’échangeaient chaque jour. Les baisers me rendaient ivre chaque instant. Les corps à corps me faisaient dérailler à chaque fois. Bordel, tout était parfait. Ce voyage avec mon mari était si merveilleux que je n’avais aucune envie qu’il s’arrête. Je ne voulais pas que ça prenne fin. Je n’avais plus envie de rentrer à Boston pour retrouver notre quotidien. Est-ce que ma vie là-bas me manquait ? Je n’en savais rien. Peut-être un peu. Par moment. Est-ce que des personnes là-bas me manquaient ? Oui. Bien sûr. Ma fille et Summer me manquaient. Mon meilleur ami me manquait. Mais, c’était supportable. Le manque n’était pas douloureux tandis que je savais que le retour à la réalité risquait d’être brutal. Quand nous allions rentrer à Boston, ça risquait d’être foutrement compliqué. Durant ce voyage, Mio Amore et moi passions la totalité de notre temps ensemble – ou la quasi totalité en tout cas. Nous étions constamment l’un avec l’autre. Nous avions constamment un contact physique. Bordel… Revenir à Boston allait être dur. Le manque de mon mari allait être fort je le savais. Mais, je ne voulais pas y penser. Pas encore. Pas tout de suite. Le voyage n’était pas terminé et peut-être que je parviendrais à convaincre mon mari de le prolonger pour toute notre vie. Ne plus jamais rentrer. Ne plus jamais s’arrêter. Vivre à jamais cette vie agréable à s’émerveiller sans responsabilités. Non… C’était un peu trop fou ça. Alors, il fallait juste profiter le temps que ça durait. Il fallait juste vivre pleinement cette aventure.

Une aventure qui continuait dans la ville de Nelson où nous nous étions arrêtés pour la nuit. Nous avions arpenté les rues comme toujours avant de finir au sein d’une église reconvertie en bar à bières. Les boissons avaient été dégustées sans abus. Le repas avait été englouti. Et, notre soirée s’était terminée lorsque le van s’était garé sur la plage pour nous laisser nous endormir au bruit des vagues l’un contre l’autre. Une nuit paisible. Une nuit agréable. Une nuit meilleure que celle d’avant. Une nuit sans cauchemars. Au petit matin, la bonne humeur était toujours présente et nous prenions notre temps comme toujours. Jamais pressés par les aiguilles de l’horloge. Jamais inquiétés de ce temps qui passait. SI le programme n’était pas respecté à la lettre, ce n’était pas grave. Le plus important était de profiter pleinement. De vivre réellement. Après un moment à traîner au lit, mon mari et moi avions fini par bouger pour prendre un café et marcher un peu sur la plage. Juste lui et moi. Juste notre duo. Seulement notre Neakas le temps de quelques minutes avant de se retrouver face à la route de nouveau. Je me glissais derrière le volant prêt à prendre la route en direction du parc Nation de Nelson Lakes. Mio Amore était installé à mes côtés sur le siège passager et je sentais son regard se poser régulièrement sur moi. Ce regard qui me brûlait agréablement. Ce regard qui me réchauffait si délicieusement. Ce regard que je croisais aussi souvent qu’il m’en était possible. Les discussions allaient bon train dans le van. Les mots s’échangeaient. Les rires fusaient. La bonne humeur se ressentait. Et que dire de ces paysages qui défilaient. Si splendides. Si apaisants. Tout était parfait… Jusqu’à ce que… Soudainement le van ne se stoppe. C’était brutal. C’était imprévisible. Mes sourcils se fronçaient et je m’empressais de tourner le volant pour tenter de ne pas rester plantés en plein milieu de la route. Le van s’immobilisait totalement sur le bas-côté tandis que mon froncement de sourcils ne faisaient que s’intensifier. C’était quoi le problème ? Deux semaines sans le moindre accroc et ça finissait par nous tomber dessus ? Le rire de Mio Amore résonnait subitement dans l’habitacle et ça avait le don de me détendre en quelques secondes seulement. Son rire se faisait entendre et mes prunelles se tournaient vers lui tandis que je me détendais presque aussitôt. Gamin qui n’avait pas eu conscience de s’être autant crispé. Gosse qui cessait de froncer les sourcils. La main de mon mari remontait lentement sur ma cuisse allumant délicieusement la flamme du désir tandis que la question tombait. Cette question qui me poussait à éclater de rire. Cette question qui faisait retomber toute la pression. Cette question qui renvoyait au loin tous les démons désireux de s’inviter dans notre voyage. Cette panne n’était peut-être pas aussi grave. Mon rire résonnait un bref instant. Heureux. Nerveux. Peut-être juste un savant mélange des deux. Plantant mon regard dans celui de l’homme que j’aimais, je soufflais « J’aimerai bien te faire le coup de la panne Mio Amore… » Oh ouais, ça aurait pu être plaisant de le faire. Surtout ici. Surtout maintenant. En entendant l’interrogation de mon amoureux, l’idée m’était passée par la tête et j’aurai pu prétendre que cette panne était fausse le temps d’un long moment. Ouais, putain, j’aurai pu. Cependant, je n’avais aucunement envie de mentir à Mio Amore. Haussant doucement les épaules, je reprenais alors « Désolé de te décevoir Amore, mais ce n’est pas un coup monté et nous sommes réellement en panne… » La moue désolée se dessinait alors sur mon visage et je m’empressais de détacher ma ceinture. Je me penchais sur mon mari pour lui voler un rapide baiser avant de déverrouiller le capot et de descendre du van. Je venais ouvrir le capot soupirant grandement. Que se passait-il par ici ? L’imprévu réel se pointait sur notre chemin et il ne me semblait pas aussi dérangeant que les épreuves que nous avions pu affronter par le passé. Une panne en plein road-trip… Ça faisait partie de l’aventure. Non ? Me penchant sur le moteur, mes iris sombres se mettaient déjà en quête du problème alors que je lançais à haute voix « Tu viens m’aider à trouver la panne mon parfait mari ? » Je croisais les doigts pour que la panne soit simple et que nous parvenions à la résoudre rapidement. Mais, quelque chose me soufflait que ça n’allait pas être aussi aisé. Et, ça ce n’était pas une bonne nouvelle tant les alentours semblaient déserts…

Cette aventure était délicieuse dans notre quotidien parfois un peu trop difficile avec toutes ces choses qui nous tombaient incessamment dessus. Ce voyage était le bienvenue au sein de notre existence un peu trop mouvementée. Ça faisait tellement de bien d’échapper à toute cette vie. Échapper au quotidien. Échapper aux coups douloureux du destin. Échapper à notre vie bien rangée. Ça faisait tant de bien que j’avais presque envie que cela ne s’arrête jamais. Était-ce réellement possible ? Est-ce que mon mari accepterait de vivre une telle vie à présent ? Honnêtement je n’en savais rien. Il y avait quelques temps, j’aurai répondu oui sans la moindre hésitation. Il y avait quelques temps, j’étais persuadé que mon mari aurait accepté sans plus réfléchir. Néanmoins, les choses avaient changé depuis. Il y avait Aurore dans notre vie et il n’était pas possible de passer notre temps sur les routes avec elle. Pas sans Summer en tout cas et je n’étais pas certain qu’une vie à quatre sur les routes se révèlent être une bonne chose. Surtout avec l’état de santé de ma Wifey. Ce n’était pas le seul frein bien sûr. Mio Amore avait le Sun Rock à Boston. Ce projet lui tenait à cœur. Il aimait tant cet endroit et je ne pensais pas qu’il pourrait le laisser indéfiniment. Plus maintenant. Alors, faire des voyages de manière fréquente c’était ok, mais passer notre vie sur la route ne l’était sans doute pas. Puis, nous finirions peut-être par nous lasser de ne pas avoir de véritable chez nous si le van devenait notre maison non ? Je m’étais lassé moi par le passé de bouger sans cesse sans savoir me poser et construire quelque chose. Enfin… C’était si différent. J’étais tout seul avant moi. Je bougeais simplement à cause du danger qui semblait me coller. Je bougeais pour survivre et je ne profitais pas réellement. Putain, la réflexion était compliquée. Une partie de moi avait réellement envie de continuer cette vie et d’oublier le monde quotidien et la panique qu’il provoquait. Une partie de mon être désirait vivre cette vie avec mon mari en effaçant les autres et les obligations. Juste lui et moi chaque jour sur la route à découvrir le monde. Une vie de nomades qui me faisaient envie. Mais, une autre partie de mon être refusait ce chemin. Nous avions une maison, une fille et des boulots. Nous avions une vie qui ne fonctionnait pas si mal à Boston malgré toutes les péripéties. Alors, continuer de la vivre et de profiter de quelques voyages ne semblaient pas être une si mauvaise idée. Les pensées s’agitaient à l’intérieur de ma tête tandis que Mio Amore et moi nous trouvions sur la route pour rejoindre le parc Nation de Nelson Lakes. C’était un nouvel arrêt programmé pour notre voyage de noce en mode road-trip. C’était un nouvel arrêt qui n’était bien sûr pas programmé à la minute prêt. Ce n’était guère le but de ces vacances. Non. Ce voyage n’était pas une course après la montre. En dehors de profiter de chaque seconde, nous n’avions aucune attente. Alors oui, bien sûr, le trajet était prévu. Néanmoins, ça importait peu si nous ne l’effectuions pas en entier. Peu importait si nous n’allions pas partout. Ça nous donnerait une excuse pour recommencer. Non ? Sourire aux lèvres, je chassais mon tourbillon de pensées alors que je me trouvais derrière le volant. Je mettais sur pause la tête pour simplement profiter de chaque seconde. J’arrivai à le faire ici avec mon mari loin de notre chez nous et de notre quotidien. Ici, je parvenais à juste me concentrer sur la seconde qui s’écoulait sans chercher plus loin. Au travers des paysages magnifiques de notre route, je me sentais bien. J’étais juste là à conduire et à rire. Je me trouvais juste ici avec mon mari à discuter et à l’aimer encore plus à chaque seconde. Cette vie était si agréable. Ces moments étaient si précieux. Ils représentaient des souvenirs que je ne voulais jamais oublier. Des souvenirs que je ne pourrais jamais effacer de mon être. Ils étaient si salvateurs. Si uniques. Si Neakas.

Soudainement, le van s’arrêtait. C’était si brutal que j’en fronçais les sourcils. Je ne m’attendais guère à cet arrêt. Il n’était pas inscrit au programme quand bien même celui-ci n’était pas franchement suivi à la lettre. Gamins qui se fichaient du temps qui s’écoulait. Gosses qui avaient simplement envie de profiter sans rien s’imposer. Amoureux qui appréciaient ce temps loin de Boston et du quotidien. Tournant rapidement le volant, je parvenais à garer le van sur le bas-côté avant qu’il ne se stoppe totalement. Sans même m’en rendre compte, tout mon être s’était empli de tension. C’était comme si j’avais soudainement peur que le destin vienne abattre l’un de ses coups monstrueux sur nous. Tout était si idyllique ici. Tout était si paradisiaque. Et, putain, soudainement, j’avais peur de me prendre le revers de cette vie. J’avais peur de subir le contre-coup. Après tout, toute ma vie était ainsi en général. Lorsque j’avais accès au bonheur, les contre-coups étaient présents pour me ravager. Toujours. Lorsque je pensais que tout était rose, le noir ne tardait pas à s’inviter pour assombrir mon existence et effacer mon bonheur. Alors, je me crispais devant cet imprévu sans parvenir à m’en empêcher. Je sombrais un bref instant sans savoir me raccrocher. Heureusement pour moi, je n’étais pas seul dans cette aventure. Mon amoureux était là. Il était cette lumière dans mon existence. Il était ce rayon de soleil qui chassait bien vite l’obscurité. Je me raccrochais à lui. Je me raccrochais à ce rire qui résonnait dans l’habitacle et, presque aussitôt, mes mains se desserraient du volant que j’avais serré au point d’en faire blanchir mes jointures. Je respirais de nouveau soudainement. Je me détendais. F*ck it. Ce n’était pas un contre-coup du destin. Ce n’était pas une douloureuse altercation dans le bonheur si parfait de notre voyage. Non. Cette panne n’était pas un drame. Ce n’était qu’un événement supplémentaire de notre voyage. Ce n’était qu’une nouvelle aventure pour nous faire vivre un road-trip unique. Ce n’était qu’une péripétie que nous pourrions compter à notre fille et que nous garderions en souvenir. La main de mon amoureux glissait sur ma cuisse. Elle allumait la flamme de ce désir qui était toujours présent aux côtés de l’homme que j’aimais. Un petit geste et je m’embrasais. Je fermais les yeux un instant pour profiter de cette brûlure bien trop agréable qui parcourait mon être. J’étais presque prêt à sauter sur mon mari sans chercher à me retenir. Je n’en avais aucune envie. Cependant, l’interrogation résonnait. Cette question qui me poussait à ouvrir les yeux tandis que j’éclatais de rire. Heureux. Lumineux. Apaisé. Tout le sombre était envoyé à la poubelle. Toute la tension douloureuse s’effaçait. Mon regard se perdait dans celui de mon amoureux et je soufflais mon désir. Ce désir d’avoir pensé à jouer un tel événement. Ce désir de simuler cette panne juste pour s’amuser un peu plus et donner vie à un moment unique. Encore. Toujours. Cependant, haussant les épaules, je m’empressais d’avouer que ce n’était pas un coup monté. Nous étions réellement en panne. Ici. Au milieu de nulle part. Juste mon amoureux et moi. Le van avait vraiment rendu l’âme. Moue désolée sur le visage, je souriais en entendant les propos de mon mari. Il aimait cette panne. Fausse ou vraie. J’aurai aimé être comme lui et prendre simplement mon temps. J’aurai aimé prendre ça autant à la légère. Néanmoins, même si je savais que ce n’était pas une course, je ne parvenais pas à me détendre complémentent. Il fallait que je jette un œil au van. Il fallait que je jette un œil à la panne. Juste pour être certain que ce n’était pas si grave que ça. Simplement pour être rassuré. Juste pour être sûr que ce n’était pas l’horreur qui revenait nous courir après. Décrochant ma ceinture, je venais rapidement embrasser Mio Amore avant de quitter l’habitacle pour aller ouvrir le capot et me pencher sur le moteur en quête de la panne. Pas de feu. Pas de fumée. Rien de bien dangereux. Ça me rassurait. Ça m’apaisait encore plus. Alors, j’invitais l’amoureux à venir m’aider pour chercher la panne. Il ne tardait pas à arriver, mais il ne se plaçait même pas à mes côtés. Non. Il se plaçait derrière moi. Ses mains se posaient sur mes hanches provoquant une vague de chaleur. Son menton se posait sur mon épaule provoquant une vague de bien-être. Il déposait un baiser dans le creux de mon cou me poussant à fermer les yeux et à oublier un instant ma mission. Une mission foutrement difficile lorsque le souffle de mon amoureux se fracassait sur ma peau. Sa question tombait me poussant à ouvrir les yeux de nouveau. Ma langue glissait sur mes lèvres et, avant même que je ne puisse lui offrir une réponse, mon mari reprenait la parole pour offrir une solution. Une solution qui me poussait à sourire. Une solution qui me poussait à m’offusquer « Tu ne me crois pas capable de trouver la panne Mio Amore ? » L’interrogation était soufflée d’un ton amusé. Je savais que ce n’était pas ça. Je savais que mon mari voyait juste une occasion de profiter. Mais, je voulais le provoquer alors les mots m’échappaient. Mes prunelles se promenaient sur le moteur un instant. La panne ne me sautait pas aux yeux. Je risquais d’y passer des heures. Je risquais de me prendre la tête sur ça. Encore plus si Mio Amore continuait à me coller comme ça. Il semblait avoir un autre plan en tête. Un plan alléchant. Un plan que j’avais envie de suivre. Je passais mes mains derrière moi. Des mains qui venaient se poser sur les hanches de mon mari. Des mains qui glissaient jusqu’aux fesses de l’homme aimé. Et, tandis que je me pressais contre lui, je reprenais « Je suis certain que tu as déjà une idée de la façon dont nous pourrions occuper notre temps en attendant le garagiste… » Moi j’en avais une en tout cas. Une qui me plaisait énormément. Une qui me poussait à rendre les armes. Appeler le garagiste était mieux lors de ce road-trip. Profiter de l’attente pour avoir du temps à nous me plaisait plus que de chercher une panne. Mon mari avait gagné. Le désir était plus fort que l’envie de résoudre le problème. L’amour était plus important que le timing. Profiter ensemble. Juste Neakas. Amoureux. Désireux.