Lundi 31 Octobre. Début de soirée.

L’imprévu pointait le bout de son nez sans que je ne puisse rien y faire. C’était ainsi que se déroulait ma nouvelle existence depuis que j’avais accepté de travailler de nouveau dans le monde de l’illégalité. L’imprévu venait sonner à ma porte de temps en temps. Ça n’avait jamais été trop dérangeant pour le moment. Les missions étaient données en avance. J’avais le temps de m’y préparer et de prévenir mon mari. Puis, elles demeuraient assez simples pour le moment. Il n’y avait pas plus de sang sur mes mains. Il n’y avait pas réellement de danger dans ce que Rob me confiait. Cependant, ce soir, les choses risquaient de changer. J’avais posé un jour de congé pour cet Halloween afin de profiter pleinement de cette fête et de cette journée. Après avoir passé une matinée au lit en compagnie de mon mari, nous nous étions rendus chez Summer pour retrouver notre fille et passer l’après-midi à essayer des déguisements avant de choisir ceux qui convenaient. Aurore s’était transformée en sorcière tandis que mon mari était devenu un chat et moi une chauve-souris. Totalement prêts, la collecte des bonbons s’étaient alors lancées dans les rues de Boston pour notre plus grand bonheur. Entre fou rire et frayeur, la soirée commençait si bien jusqu’à ce que, soudainement, mon téléphone ne sonne de cette mélodie fatidique. Cette mélodie qui me condamnait un peu trop vivement. Cette mélodie qui appartenait à une seule et unique personne. La seule qui avait le pouvoir de lancer un changement de programme. L’imprévu était là. Mes iris sombres avaient croisé celles de mon amoureux et je savais qu’il avait déjà saisi le message. Je savais qu’il avait aussi entendu la mélodie qui signifiait que notre programme allait être bouleversé. Sortant le téléphone de ma poche, je m’étais empressé de parcourir le message. Je m’étais empressé de découvrir ce qu’on attendait de moi pour ce soir. Parce que oui, si je recevais un message, ma nouvelle mission risquait d’être pour ce soir. Habituellement, c’était un employé de Rob qui venait me prévenir de la mission quelques jours avant celle-ci sur mon lieu de travail. Lorsque les messages arrivaient, c’était plus urgent. Et, effectivement, la mission d’aujourd’hui l’était. Rob me demandait de me rendre à la sortie d’un bar précis d’ici trente minutes afin de m’occuper d’une affaire pour lui. Trente minutes. Relevant les yeux sur Mio Amore, je mimais un désolé du bout des lèvres. Je venais déposer un baiser sur la joue de ma fille en lui soufflant qu’elle allait terminer la collecte avec son autre papa car j’avais du travail. Je venais embrasser avec tendresse mon mari murmurant des excuses et lui soufflant quelques mots supplémentaires pour nos retrouvailles juste après la mission. Mio Amore allait ramener Aurore pendant que je gérais pour Rob et nous allions nous retrouver un peu plus tard pour un dîner et une soirée en amoureux. Je m’éloignais difficilement de ma famille et je m’enfonçais dans la nuit. Je prenais le temps de m’arrêter dans une petite ruelle pour retirer mon déguisement – heureusement que mon mari et moi avions enfilé des vêtements en dessous des déguisements. Le soupir passait entre mes lèvres tandis que je rabattais la capuche sur ma tête tout en composant le message informant que je m’occupais bel et bien de cette mission.

La Mafia chamboulait réellement ma vie. Si jusque là, l’impact avait été minime, je sentais que les choses commençaient doucement à changer. Les missions étaient plus nombreuses. Certaines étaient imprévues. Et, surtout, elles ne cessaient jamais de monter en intensité. Installé à l’arrière d’un taxi, je lisais de nouveau le message m’imprégnant pleinement des consignes. Envoyer un message à un numéro lorsque j’étais installé dans la ruelle indiquée non loin d’un bar. Attendre qu’un homme vêtu d’un manteau bleu et d’un chapeau noir ne passe dans la ruelle. Lui faire passer le message qui était écrit sous mes yeux mots pour mots. Le frapper jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Envoyer un message à Rob. Attendre la voiture. Partir. Ce n’était pas compliqué à suivre n’est-ce pas ? Je ne pouvais guère y échapper de toute manière. Je n’avais pas encore trouvé de failles dans la vie de Rob. Je n’avais pas encore obtenu sa pleine confiance. Je n’avais pas encore pu récupérer les photographies qui m’impliquaient dans le meurtre de mon père ni même apprendre combien d’exemplaires il pouvait en avoir. Je n’avais pas le choix. Il fallait que j’accomplisse cette mission sinon je risquais de finir mes jours en prison et surtout je risquais de mettre en danger ma famille. Aurore. Mio Amore. Fermant les yeux, je soupirais longuement me frottant le visage. Il fallait vraiment que j’arrive à faire bouger cette histoire. Comment gagner plus vite la confiance de Rob ? Est-ce que je pouvais monter un coup pour faire croire à une trahison d’un de ses confidents et tuer moi-même ce confident pour qu’il me fasse confiance ? Est-ce que je pouvais aller demander de l’aide à Côme pour tenter de me défaire de l’emprise de Rob ? Comment faire pour connaître le nombre de photos et toutes les récupérer ? Bordel. Les interrogations étaient nombreuses. Les réponses demeuraient inexistantes. Je n’avais pas le temps de me prendre plus la tête sur cette histoire car le taxi m’indiquait être arrivé à destination. Une fois la course payée, je me glissais dans la ruelle indiquée en toute discrétion avant de composer le message au numéro inconnu. Quelques minutes à peine après l’envoi, la cible débarquait dans la rue. Soufflant un grand coup pour prendre le courage d’attaquer cet innocent à mes yeux, je me précipitais sur lui. Main posée sur sa gorge, je venais le plaquer contre le mur le plus proche avant de m’approcher de son oreille pour y souffler le message de Rob. Ce message d’horreur. Ce message de peur. Ce message de condamnation. Et, sans attendre plus longtemps pour ne pas laisser le temps à l’autre de réagir, je m’éloignais rapidement laissant les coups commencer à pleuvoir. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Je ne m’arrêtais pas malgré les supplications de l’autre. Je continuais encore et toujours malgré le liquide carmin que je sentais couler sur mes doigts. Et, putain, je ne ressentais rien. Je me sentais même bien à faire ça comme si c’était ma place parfaite et mon rôle absolu. C’était presque comme si toute ma vie était faite pour que je sois ce garçon là. Ce garçon de la Mafia. Ce garçon obéissant sagement aux ordres. Ce garçon qui retrouvait une partie de son plaisir passé en cognant cet étranger. Bordel, que ça faisait du bien de frapper encore et encore. Que ça faisait du bien de sentir mes poings douloureux. L’inconnu s’échouait à terre. Je m’éloignais à bout de souffle. Gamin prêt à dégainer le téléphone pour composer le message. Gosse prêt à suivre les consignes.

Néanmoins, tout changeait soudainement lorsque la sirène de la police se faisait soudainement entendre dans la rue. Rien ne soufflait qu’ils m’avaient vu bien sûr. Rien n’indiquait qu’ils venaient ici. La voiture ne faisait peut-être que passer. La voiture n’allait peut-être même pas s’arrêter. Dans ma précipitation pour observer les alentours et être certain que ma mission allait être accomplie sans problème, l’équilibre me quittait. Je m’étais reculé trop vite. J’étais à bout de force. J’étais bien trop instable. Et, dans cette précipitation, mon corps finissait par s’étaler au sol. Ma main retombait étrangement et le crac ne tardait pas à se faire entendre à mes oreilles. La douleur me parcourait aussitôt. Douleur intense. Douleur atroce. Mes dents venaient mordre ma lèvre au sang pour retenir le hurlement qui voulait m’échapper. Il ne fallait pas hurler. Il ne fallait pas faire de bruit. Il ne fallait pas prendre le risque d’alerter la police. La police qui semblait continuer sa route d’ailleurs. La sirène s’éloignait tandis que je me redressais difficilement osant poser mon regard sur ma main gauche. Cette main où mon index était un peu trop tordu et gonflé. Bordel, je venais de me casser un doigt. Attrapant rapidement le téléphone, je composais le message pour Rob. Message codé pour indiquer le succès de la mission. Message codé pour indiquer qu’il pouvait venir récupérer l’étranger. Message codé qui ne venait rien dire de plus. Je ne parlais pas de ma frayeur. Je ne parlais pas de ma douleur. Me relevant, je gardais ma main gauche dans mon dos supportant la douleur qui me terrassait. Elle était si intense que je rêvais de me laisser tomber au sol de nouveau. Je n’en faisais rien. Je restais bien droit jusqu’à apercevoir la voiture de Rob dans la ruelle. Alors, sans attendre plus longtemps, je tournais les talons redevenant un simple citoyen de Boston comme un autre. Je m’empressais d’appeler un taxi et de me glisser à l’arrière de celui-ci en lui demandant de me conduire le plus vite possible à l’adresse de ma maison avec Lukas. Mon doigt me faisait terriblement mal. L’hôpital était préférable. Mais, bordel, j’avais les mains couvertes du sang d’autrui. J’en avais aussi sans doute sur mes vêtements. Il ne fallait pas prendre de risque. Il fallait rentrer se débarrasser des preuves avant de penser à soigner mon doigt. Le véhicule se mettait en route et je tentais de joindre mon mari pour le prévenir que nos plans étaient annulés pour ce soir. Il ne répondait pas. Ni aux messages. Ni aux appels. Jurant à voix basse, je changeais soudainement la destination pour revenir à l’endroit de rendez-vous convenu avec mon mari. Juste devant ce restaurant où nous étions censés aller dîner. Les yeux fermés, je tentais de réciter des règles de mécanique à l’intérieur de ma tête pour oublier la douleur qui me terrassait. Je tentais de réciter ces règles pour ne pas m’évanouir. Je crevais de chaud bordel. La voiture finissait par se garer. Je m’apprêtais à payer lorsque mes iris se posaient sur mon mari. Mon mari avec un autre mec. Un autre mec un peu trop proche de mon mari. Un autre mec qui laissait ses doigts glisser le long du bras de mon mari. Un autre mec qui venait réveiller le démon pas assez enterré à l’intérieur de mon être. Je sentais mes veines bouillir. La douleur totalement oubliée, je lançais les billets au chauffeur avant de me précipiter à l’extérieur de la voiture. La portière claquait. Je m’approchais vivement du duo. Et, sans même un regard pour mon amoureux, je fondais sur l’inconnu qui le draguait. Mes mains attrapaient le col de l’étranger. Mon visage s’approchait du sien et je grognais sombrement « Je peux savoir ce que tu fous à poser tes doigts sur mon mari ??!! » La question tombait sans réellement attendre de réponse. L’inconnu était projeté au sol sans que je ne sache contenir ma force et je m’approchais de lui. Je me plaçais au-dessus de lui debout attrapant son col pour le surélever. Poing droit serré, j’étais prêt à le frapper. Prêt à lâcher la bête de nouveau. Gamin mafieux dans l’âme. Gosse démoniaque dans l’être. Être humain qui n'était que lui-même.

Gamin parfaitement soumis et obéissant. Gosse docile dont on pouvait faire ce qu’on voulait. C’était sans doute cette impression que je renvoyais si régulièrement. C’était cette image qui me collait si facilement à la peau lorsque quelqu’un m’observait de loin ou même lorsqu’une personne me fréquentait sans réellement connaître ces sombres secrets que je gardais bien enfouis. Bien évidemment, on pouvait me reprocher mon addiction au sexe et donc le fait que j’étais le genre de mec qui avait clairement du mal avec la fidélité et les coucheries avec une seule et même personne. Enfin… On pouvait me reprocher cela avant mon mariage, avant que je ne prenne sur moi chaque jour pour demeurer dans le droit chemin. Quoiqu’il en soit, cette ombre noire semblait être la seule réellement présente sur mon tableau aux yeux de tous. Il y avait aussi mes cauchemars et mon trouble, mais ce n’était pas visible par tous. Ce n’était pas quelque chose que j’étalais. Mais, il y avait pire que ça. Une noirceur bien plus grande et dangereuse se trouvait en moi. Le genre de noirceur que personne ne pouvait sans doute imaginer chez moi. Et, pourtant, elle existait. Le démon était présent dans mon existence. Le mafieux faisait partie intégrante de moi. Peu le savait. Personne ne le voyait réellement. Néanmoins, c’était bien ça la réalité. Je n’étais pas aussi innocent et sage qu’on pouvait le penser. Je n’étais pas aussi blanc qu’on pouvait le croire. Oh non… Ce soir, la bête se réveillait d’ailleurs pour cette mission que Rob m’avait confié. Une mission qui m’empêchait de finir mon Halloween avec mon mari et ma fille. Une mission qui survenait à la dernière minute modifiant la totalité des plans. Ce soir, je me retrouvais soudainement dans une ruelle pour cogner un inconnu comme on me l’avait demandé. Je frappais sans me soucier de la douleur que je pouvais causer. Je cognais sans m’intéresser aux supplications de l’étranger. Je frappais et bordel que ça faisait du bien. La mission prenait fin et les choses se chamboulaient un peu. La sirène de police avait donné vie à la panique rappelant le Neal modèle à la surface. Je m’étais tellement noyé dans cette panique qu’une chute avait eu lieu. Une chute qui me causait une blessure laissant l’index de ma main gauche gonflé et tordu. Une chute qui me faisait perdre un peu de temps tandis que je finissais par composer le message pour Rob. La voiture ne tardait pas à arriver pour récupérer l’homme évanoui dans la ruelle. Mes iris sombres fixaient la voiture un long moment. Quelques secondes. Quelques minutes. L’hésitation pulser quelque part. Au fond, je n’étais qu’un mafieux dans l’âme. En vérité, je me sentais à ma place dans ce monde. J’avais follement envie de rejoindre la voiture de Rob pour assister à la suite des événements. Je voulais m’impliquer. Je voulais me mouiller encore plus. Je voulais être plus que ce pion sur l’échiquier. Je voulais participer activement à la partie. J’avais envie de m’impliquer encore plus dans cette Mafia qui avait bien trop marqué ma vie. L’hésitation pulsait dans l’heure. Elle était palpable. Pourtant, je finissais par faire demi-tour. Je prenais la fuite pour rejoindre cette vie que tout le monde me donnait. Je m’éloigner pour redevenir un simple citoyen de Boston autrefois trop infidèle et, à présent, marié et heureux avec sa famille. Je me glissais à l’arrière d’un taxi pour replonger dans une normalité banale. Je me glissais dans ce véhicule enfermant doucement une part importante de mon existence. Une part qu’il fallait noyer totalement avant de pouvoir faire bonne figure.

Je voulais prendre le temps de passer à la maison pour me rincer et me changer. Le liquide carmin tâchait mes doigts et mes vêtements. Le liquide carmin tâchait mon âme et mon image. J’avais envie de rentrer chez Mio Amore et moi pour prendre une douche rapide et calmer la pression. Il fallait que je me nettoie. Il fallait que je parvienne à enfermer la bête. Et, putain, il fallait que je me rende à l’hôpital parce que mon doigt semblait réellement cassé. Attrapant mon téléphone, je voulais prévenir mon amoureux de ce changement de programme. Adieu le bon dîner au restaurant, bonjour la soirée à l’hôpital. Cependant, malgré mes tentatives, je ne parvenais pas à contacter mon mari. Il ne répondait pas à mes appels. Il ne semblait guère voir mes messages. Annuler nos plans semblaient alors mission impossible. Je n’avais d’autres choix que de me rendre au restaurant pour intercepter mon mari et lui faire passer ce message. Marmonnant la nouvelle direction au chauffeur, je tentais de souffler avec lenteur à l’arrière du véhicule. Le contrôle était important. Le contrôle m’échappait pourtant. Bête assoiffée qui ne savait pas se calmer. Mafieux violent qui cognait dans l’être. Le véhicule ne tardait pas à se garer et j’avais l’espoir de trouver mon mai au plus vite pour lui demander de quitter les lieux. J’étais même prêt à dire au taxi de m’attendre ici car je n’en avais que pour quelques secondes. Cependant, tout se bouleversait en un rien de temps. Mon regard se posait soudainement sur mon amoureux. Il était bel et bien là devant le restaurant. Mais, il n’était pas seul. Un homme était à ses côtés. Trop proche. Trop réel. Un homme était en train de toucher mon mari qui ne semblait même pas bouger. Non ? Les images s’affolaient dans ma tête. La réalité était difficile à saisir. Je ne distinguais plus le vrai du faux tandis que la bête assoiffée était bien trop alimentée. Je sentais la rage cogner follement dans mon être. Fermant les yeux, je tentais de me contenir. Un instant. Un trop bref instant. Mais, je n’étais pas capable de le faire. Pas maintenant. Pas après la mission qui avait ouvert des portes que je n’avais pas réussi à clore si rapidement. La haine prenait de plus en plus de place. Elle s’intensifiait au point d’effacer le Neal que les autres connaissaient. Elle brûlait si vivement pour laisser le Diable sortir. Quittant vivement le taxi, je m’empressais de rejoindre le duo qui se trouvait à quelques pas. Je m’empressais de m’approcher de mon mari me sentait brûler de l’intérieur. Et, sans même perdre de temps ou laisser un instant pour les explications, la bête prenait le contrôle. Je fondais sur l’inconnu l’attrapant par le col et le questionnant sans attendre de réelle réponse de sa part. Je le projetais au sol sans savoir me contenir et me foutant totalement de toute l’attention que je pouvais attirer sur moi. Moi le gamin mafieux qui ne pensait même plus à la sécurité. Moi le Diable qui avait simplement envie de frapper encore. Oh ouais, ça m’attirait ça. Le liquide carmin sous mes doigts. Je le voulais et je me fichais de briser l’image trop lisse qui pouvait me coller à la peau. Rapidement installé au-dessus de l’homme, ma main gauche venait attraper son col pour le soulever du sol tandis que mon poing droit se fermait. J’étais prêt à frapper. J’étais prêt à lâcher le démon sur lui. J’en mourrais d’envie.

J’entendais la voix de mon mari en arrière-plan. J’entendais le surnom et la demande, mais je ne parvenais pas à m’y accrocher. J’étais bien trop ancré dans un autre monde. J’étais bien trop perdu dans une autre personnalité. Sur le moment, j’avais presque envie de me retourner vers mon mari pour lui sourire et lui faire un doigt d’honneur. Juste pour lui faire passer un message. Juste pour lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas m’arrêter. Pourtant, je n’agissais pas ainsi. Je restais fixé sur l’inconnu. Je restais suffisamment en contrôle pour ne pas m’en prendre à l’homme que j’aimais. Un homme qui ne tardait pas à agir face à mon absence de réaction aux premiers mots. Mio Amore s’approchait trop vivement. Il débarquait trop rapidement. Ange soudain qui pénétrait dans les Enfers pour tenter de stopper le feu du Diable. Il se retrouvait à genoux à mes côtés. L’une de ses mains se déposait sur mon poignet qui tenait le col du mec tandis que son autre main se posait sur mon poing armé. Les mots tombaient. Plus doux. Plus accrocheurs. Plus réels. Je grognais en les entendant. Je grognais pour montrer que j’avais parfaitement entendu. Je grognais pour monter que, putain, je n’avais aucune envie de laisser tomber. Le duel se faisait dans mon être. Le mafieux ou le citoyen lambda. Lequel pouvait gagner ce soir ? Le citoyen lambda devait gagner pour le bien de mon mariage, pour le bien de ma famille et le bien de la réalité. Mais, putain, quelque part en moi, j’avais envie que le mafieux gagne parce qu’il était bien plus moi que le reste. Soupirant soudainement, je me dégageais du contact de mon mari sur mon poing fermé. Je lâchais soudainement l’étranger. Je le lâchais peut-être un peu trop vivement forçant pour que sa tête cogne le sol. Je me dégageais de tout contact avec mon mari levant les yeux sur lui. Un regard qui appelait au secours ? Un regard qui lui reprochait d’être intervenu ? Je n’en savais rien. Tout ce que je savais c’était qu’il s’agissait d’un regard où le duel du mafieux et du citoyen faisait rage. Ma langue glissait avec lenteur sur mes lèvres avant que je ne siffle « Puis-je savoir pourquoi tu ne décroches pas ton foutu téléphone ??! Tu… » Le cri de rage s’échappait de mes lèvres lorsque je me taisais soudainement. Gamin amoureux qui ne pouvait pas s’en prendre à celui qu’il aimait. Mafieux noyé sous les sentiments qui pulsaient. Des propos s’étaient formés dans ma tête, mais bordel, je ne pouvais pas me résoudre à les prononcer. Je ne pouvais pas les souffler. Pas à mon mari. Pas à cet homme que j’aimais et qui n’avait sans doute rien fait de mal. Soufflant bruyamment, je me relevais rapidement m’éloignant de plusieurs pas de l’étranger et de l’homme aimé. Mes mains glissaient dans mes cheveux. Je tournais comme un lion en cage. Les films défilaient dans ma tête. Les divers chemins possibles se dessinaient sous mon regard à une vitesse folle. Lentement la panique prenait place sur la rage parce que tout allait trop vite et tout m’avait échappé. Bordel, je n’avais pas su me contrôler. Tout m’avait filé si aisément entre les doigts. Est-ce que Rob était en train de gagner ? Est-ce que Rob allait parvenir à m’enrôler totalement et à m’éloigner de cette existence que je m’étais forgée ici ? Peut-être ouais. Peut-être. La peur tordait mes entrailles tandis que je m’arrêtais soudainement. La douleur de la main s’éveillait de nouveau. Je pointais un taxi sans attendre avant de relever mes iris sombres sur mon mari pour marmonner un « On rentre… » qui semblait être plus une supplication qu’un ordre. Gamin qui avait besoin d’une douche pour se débarrasser du liquide carmin de la mission. Gosse qui avait besoin de s’éloigner de cet endroit où le diable avait pris le dessus. Être humain qui avait besoin d’aller à l’hôpital.