Jeudi 4 Août. 23h00.

La douleur était intense à l’intérieur de ma tête. Ça cognait beaucoup trop fort contre mes tempes. Ça pulsait un peu trop douloureusement se répercutant dans la totalité de l’être. Allongé dans le lit, mes iris sombres ne se fermaient pas tandis que mes gémissements de douleur était retenu pour ne pas réveiller l’amoureux à mes côtés. À croire que les deux verres consommés avec mon mari deux jours plus tôt avaient été une très mauvaise idée. Pourtant, ce n’était pas mes premiers verres du Summer Camp. J’en avais pris d’autres et j’avais su gérer le contre-coup. J’avais bu beaucoup plus d’alcool une fois même et tout s’était très bien déroulé pour ma tête. Que se passait-il alors ? Était-ce l’impact des verres cumulés du Summer Camp ? Était-ce l’impact d’un trop plein de verre pour ma tête qui ne fonctionnait plus correctement ? Peut-être bien ouais. Peut-être que j’avais dépassé la limite et que mon corps se retournait contre moi pour me le faire payer à présent. Le médecin l’avait pourtant bien dit… Ne pas boire. Mais, fermé dans ma tour d’ivoire depuis des mois, délaissé à l’arrière au Summer Camp, j’avais cédé à l’appel de la déchéance et de ce monde qui avait été la totalité de mon existence avant mon mariage. J’avais eu envie de replonger dans ma vie d’avant. J’avais eu envie de m’occuper et de vivre pleinement. L’erreur était grossière. La douleur était bien trop réelle. Elle me déchirait la tête. Me redressant lentement, je venais frotter mes tempes en laissant le soupir de douleur passer la barrière de mes lèvres. Mon regard se posait un instant sur mon amoureux qui se trouvait endormi à mes côtés. J’hésitais un instant. Est-ce que j’étais censé le réveiller pour lui dire que j’avais beaucoup trop mal au crâne ? Est-ce que j’étais censé le tirer du sommeil pour lui demander de contacter mon médecin à Boston parce que ça n’allait vraiment pas bien ? Je déglutissais difficilement. Ma main bougeait pour se tendre vers le mari. Cependant, je m’arrêtais avant même de l’avoir touché. Entre son agression et la perte de la chaîne, son équipe qui lui prenait du temps et de l’énergie et les derniers événements avec Anton qui avait laissé les nerfs à vif, Mio Amore avait besoin de ce temps de repos. Je ne pouvais pas le réveiller simplement pour me plaindre de cette souffrance qui me terrassait. Il ne pourrait rien y faire de toute manière. Il n’y avait aucun remède miracle à cette douleur. Je devais simplement subir et tenter de survivre. Ou peut-être que… La voix s’élevait à l’intérieur de la tête. Cette voix qui poussait toujours dans le danger. Cette voix qui prenait souvent le pas pour me balancer droit dans les conneries. Elle soufflait des mots dans ma tête. Elle lançait une proposition dans les airs. Mes doigts glissaient dans mes cheveux. J’hésitais. Vraiment. Cette voix était bien trop forte. ELLE savait parfaitement me manier. Encore plus lorsque je n’étais pas capable de résister. Me levant avec lenteur du lit, je griffonnais un message à mon mari pour lui dire que j’étais sorti prendre l’air et que ça allait. Toujours lui laisser un mot. Toujours essayer de ne pas l’inquiéter. Enfilant un boxer, un pantalon et une chemise, je me faufilais hors de la chambre prêt à suivre le chemin qu’ELLE dessinait dans mon esprit. Gamin inconscient. Gosse qui fonçait dans le danger.

Vendredi 5 Août. 00h30

Cela faisait une heure que je m’étais échoué dans un club à quelques pas de l’hôtel – ou peut-être plus loin allez savoir. Je m’étais laissé guider sans faire réellement attention à mon environnement. Je savais juste que je n’avais pas eu à chercher pendant des heures avant de trouver un lieu au sein duquel m’échouer. Guidé par le bruit et la nuit, appelé par la déchéance et poussé par la voix à l’intérieur de ma tête, je m’étais bien trop rapidement retrouvé au sein de l’antre bruyante. Installé seul sur un tabouret au bar, les verres s’enchaînaient devant moi. Ils étaient vidés les uns après les autres. Ils étaient descendus bien trop rapidement oubliant les consignes du médecin et la limite qui était peut-être imposé. L’alcool envahissait les veines et ce n’était pas suffisant. Ça cognait encore trop fort dans la tête. Ça faisait encore trop mal dans le corps. Alors, mes iris sombres s’étaient mises à observer les alentours pour trouver une entrée sur un autre monde. Un monde auquel je n’avais pas touché depuis de très longs mois. Un monde que je n’appréciais pas plus que cela. Un monde qui, pourtant, me semblait indispensable ce soir. C’était ce qu’ELLE disait. Il s’agissait de l’unique manière d’échapper à cette douleur qui me charcutait un peu trop vivement. Alors, finalement, j’avais trouvé à qui m’adresser. Les mots échangés à l’abri des regards. Les billets glissés en toute discrétion. Et, finalement, les deux pilules glissées sous ma langue. Je ne savais même pas ce que j’avais pris exactement. Je ne savais même pas les risques que je pouvais encourir en mélangeant l’alcool à cette substance inconnue. Est-ce que c’était de l’ecstasy ? Putain, je n’en savais rien et je ne voulais même pas demander. Gamin qui se foutait de tout. Gosse qui voulait juste effacer la douleur. J’avais sagement regagné ma place commandant un nouveau verre. Le temps se mettait alors à filer sans que je n’en sois réellement conscient. Gosse qui était simplement assis là à attendre que l’impact débarque et que la douleur s’efface. Au fil des minutes qui s’écoulait, la douleur semblait être reléguée au second plan. Elle disparaissait lentement tout comme ces angoisses qui bouffaient l’être et ce mal-être qui torturait la tête. Au fil du temps qui passait, tout changeait. Verre en main, j’avais envie de me mêler à la foule plus bas. Je n’avais plus envie de faire la fête en solitaire. Je n’avais plus envie d’être abandonné sur le bas-côté. Le pas tanguant, j’avançais avec hésitation en essayant de faire attention. Malheureusement, le destin avait choisi autrement. Je percutais un homme. Un mec un peu trop baraqué sur lequel mon verre se renversait. Le moue glissait sur mon visage. Le rire m’échappait sans que je ne puisse le contrôler. Avant même que je ne puisse tenter de bafouiller des excuses, l’étranger me bousculait et hurlait des mots. Bien trop de mots. Je n’y comprenais rien. Je levais les deux mains en l’air comme pour jouer l’innocent et le poing de l’inconnu venait s’échouer sur mon visage. Ça réveillait la douleur. Ça éveillait le démon. Mes poings se serraient. J’étais prêt à frapper alors que je n’avais aucune chance. Ils étaient plus nombreux. Ils étaient en meilleur état que moi. Mais, je n’étais qu’un stupide gamin qui n’était plus réellement dans la réalité. Et je voulais juste frapper ce mec qui avait réveillé cette douleur que je voulais fuir. Cependant, avant même que mon poing ne touche l’inconnu, un nouveau coup me mettait à terre. Et la voix de mon père s’élevait dans ma tête minable gamin, pitoyable être humain. Putain, ce que ça faisait mal. Dedans. Dehors. Partout. Je venais essuyer mon nez en sang du revers de la main. Le cœur cognant trop fort dans ma poitrine, j’allais me relever et lâcher la bête sur eux.