Encore aujourd’hui, il ne parvenait pas encore à s’expliquer pourquoi…

Il avait fait sa connaissance à New-York. Encore junior, il s’était vu affecté à une étrange affaire de violence domestique. Il ne s’agissait absolument pas d’un cas qui tombait dans la juridiction du FBI, mais Bennett apprit plus tard que son patron de l’époque connaissait bien la mère de la présumée victime. Mère qui n’en pouvait plus de l’incompétence présumée du NYPD. Bien que la lycéenne lui laissa une forte impression à l’époque, lui qui étudiait généralement les drames humains à travers des colonnes de chiffres plutôt que directement, ce n’est que plusieurs années plus tard qu’elle refit son apparition dans sa vie.

Au Lord Hobo, plus précisément. Alors qu’il arpentait doucement cette Boston où il s’était réfugié après son divorce, il l’avait aperçu, maintenant presque femme. Et c’est lors de ce funeste instant qu’une horrible idée germa dans son esprit… Elle contrevenait à absolument tout ce pour quoi il avait vécu jusqu’à présent, mais pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’admirer toute la perfection de l’idée. Et la puissance de ce qu’elle pourrait mettre en branle. Il ne lui suffisait que d’en allumer l’étincelle.

Bien entendu, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu, et peu après avoir lancé Tom, l’agresseur fraîchement relâché de Kalypso, sur les traces de sa précédente victime, tout dérailla. Ce qui devait se révéler un jeu d’enfant se transforma en cauchemar lorsque Bennett perdit la trace de Tom. Et il ne les retrouva que trop tard. Beaucoup trop tard. Alors que l’horreur déployait son plus hideux visage.

Il garda un bref contact dans les semaines et les mois suivants, assistant autant la victime que sa famille dans les douloureuses étapes qui s’en suivirent. Et s’assurant que rien ni personne ne pourrait le connecter à Tom…

Ses visites s’amenuisèrent à mesure que William prenait conscience de l’ampleur de ce qu’il venait de provoquer, s’éloignant par instinct de conservation de cet inexplicable trou noir l’ayant conduit sur les chemins les plus sombres de son existence.

Jusqu’à ce que 2022 ne frappe et que cette noirceur anecdotique ne se rapproche dangereusement de la norme.

Alors qu’il rentrait tout juste de ce séjour forcé en Europe, à jouer les pantins pour la CIA, il prit conscience d’une chose : ses manœuvres devraient prendre de l’ampleur s’il ne voulait pas se faire avaler par plus gourmand que lui.

Et c’est dans ce contexte que le souvenir se Kalypso se rappela encore et encore à sa mémoire. Lui susurrant qu’il n’était peut-être tout simplement pas allé assez loin…

Il lutta quelques jours, alors qu’il voyait son sommeil être agité par les souvenirs de cette atroce nuit dans les bois, en quelque part près de la frontière du Mexique. Mais peu importe comment il tentait de se convaincre du contraire, la résiliente étudiante constituait exactement le morceau qui lui manquait.

C’est donc vêtu de son veston sombre, de sa chemise blanche et de la cravate qui complétait son uniforme habituel qu’il se présenta au loft qu’elle habitait, seule, pratiquement 9 mois après sa dernière visite de courtoisie. Il était passé 20h. Quelques jours après la fin des classes. Dans sa main gauche, il portait une petite boîte de carton sur laquelle était posé un sachet de papier.

La main droite levée, il hésita plusieurs secondes, avant de finalement la rabaisser. Il poussa un profond soupir pour chasser ses tourments.

« Here we are. Don’t turn away now… »

Il frappa trois coups francs, sans se donner le temps d’hésiter. Et lorsqu’elle ouvrit finalement la porte de son impressionnant loft, il lui adressa un léger sourire.

« Bonsoir, Kalypso. Désolé de passer à l’improviste. Est-ce que je te dérange ? »