A-t-elle vraiment changé depuis qu’elle côtoie cette société ? Est-ce que la vie à Harvard, Boston, l’a modifiée ? A la Wind River, elle savait ce qu’elle faisait, elle connaissait les us et les coutumes de son clan, elle maitrisait les règles, les légendes, les lois dont ils dépendent. Elle n’avait pas de mal à s’imaginer cheffe, à se voir à leurs manières régner, après s’être alliée à son fiancé. Destinés à diriger. Mais à présent ? Elle a accumulé les lacunes à la faveur de la justice de ces gens. Elle est une fille perdue, indéniablement.

Une fille qui n’arrive pas à éteindre ce qu’elle ressent envers l’étudiant s’étouffant. « Ça se voit tant que çà ? » Elle te connaît, c’est aussi simple que ça. Elle a tout le panel de ses expressions faciales gravé dans son esprit. Et même s’il s’essaie à la nonchalance en affichant un presque sourire, en faisant mine de s’allonger, la Haiwee sait. Elle voit. « Comment est-ce qu’on peut survivre à çà… » Au moins, grâce à lui, elle est certaine qu’elle saura la vaincre, cette mélancolie. Cette déception de sa propre personne qu’elle subit, parce qu’aux mots de Sheng, elle sourit. Jusqu’à lui proposer de sortir, de switcher, d’aller dans un autre espace, buller.

Seulement il s’évertue à feindre de désirer l’inverse, la brune en secoue donc par la négative la tête, tandis qu’avec mollesse, c’est à moitié qu’il se redresse… " Et toi. Comment tu fais ? " Il interroge si bien qu’Haiwee en hausse les épaules. Elle n’en a aucune réelle idée, pourtant, il lui faut qu’une fraction de seconde, pour lui répondre. « Moi, » qu’elle débute en renouant la serviette sur sa poitrine d’un mouvement machinal de ses doigts, « je ne fume pas. » pas faute d'avoir voulu essayer, n'est-ce pas ? Pour ensuite allez attraper sa main, l’inviter à se remettre sur pieds, ses yeux dans les siens, elle s’apprête à lui souffler de choisir le prochain, d’ouvrir le chemin, cependant c’est autre qui passe la ligne de ses lèvres, « T’es déçu ? » pas de cet instant, mais bel et bien d’elle, de cet échec cuisant.

Malgré tout ce qu’il s’est passé entre eux, elle est incapable de le nier, ne prend même pas la peine de s’y évertuer, c’est l’avis de l’étudiant qui prime au milieu de ceux de toutes les personnes qu’elle connaît. Toujours victime de ce que pour lui elle peut éprouver. D’ailleurs, elle est presque lasse de faire semblant que c’est terminé, que les sentiments se sont étiolés. Elle a besoin de lui, au point de ne pas savoir si elle pourrait supporter de l’avoir déçu en ce début d’été. « De ? » il continue la conversation en la rattrapant, « Que t’aies quitté ton poste ? Pas vraiment. » En un hochement de la tête, elle acquiesce, à l’orée de se mettre à rire de sa propre crédulité. Pour décevoir, il faut compter, et Haiwee, c’est pas vraiment qu’elle le fait. Mais le pire dans tout ça, c’est que ce qu’elle aurait voulu qu’il réponde, elle ne sait pas. Martyre d’un n’importe quoi. Car il a dit croire en elle, sauf que ce soir, rien ne lui paraît réel. « Je te l’ai dit, il n’y a aucune gloire à porter ce titre cette année » pourtant c’était le pari que tous les deux vous aviez fait. Peut-être que tout ce serait bien passé, si c’était ta personne qu’elle aurait dû manier. « Puis avec l’excitée que vous avez à votre tête maintenant, pour nous c'est la victoire assurée. » Juste comme ça, il arrive à la faire sourire, tentée de lui souligner que c’est l’une des amies de celle avec qui il l’a trahi. Néanmoins, elle n’a pas la force de mettre Wendy sur le tapis.

Elle reste à réfléchir en silence, tente de remettre de l’ordre dans ses idées qui semblent tourner à contre-sens. Suivant le chemin qu’il choisit, marchant par automatismes si bien qu’elle n’a pas conscience de la porte qu’il ouvre sur leur prochaine activité. « Puis j'avoue qu'il n’y avait qu’une seule personne que je craignais. » Elle relève ses prunelles sur le visage de son compagnon, tait l’évidente question. « Toi. » Elle en sourcille, totalement étonnée, encore ses lèvres s'étirent, un arc parant ses traits qu’elle ne peut déterminer, entre l’amusement et le dépit, c’est vrai, « Moi ? » elle répète en détournant le regard sans réellement le prendre au sérieux, « Pourquoi ? » inspecte le lieu, « T’aurais pas eu le cœur à me battre ? » interroge, le ton rieur, sans chercher à le provoquer, « Pourtant en général ça ne te dérange pas de me blesser, » de le faire et de se rattraper, de lui montrer qu'elle a toutes les raisons de l'aimer, même si pour cette compétition, elle ne l’aurait pas été vraiment, et se reprend, « Tu sais que le sauna et le hammam ce n’est pas très différent ? » experte de pacotille qui taquine l’étudiant.

Même si elle évoque ses blessures, elle sait que ça ne servirait à rien de réécrire l’histoire… Puis elle aime la leur telle qu’elle est, malgré les aspects désillusoires. « Sans le vouloir » Il précise au moment où il décide de s’assoir. Mais parce qu’elle n’a pas envie de passer une soirée sous le signe des reproches, elle n’ajoute rien, elle se contente plutôt de le taquiner sur l’endroit qu’ils occupent à présent. L’un de l’autre, pas si différents. « Je respire mieux dans celui-là. » Un sourire s’esquisse sur la commissure de ses lèvres, s’amusant de ses doigts qui brassent l’air ambiant. Elle se contente d’hausser les sourcils comme seule approbation et ne bat pas en contradiction, car à l’évidence, il est convaincu de ce qu’il avance. « J’ai beau aimer l’eau, je ne suis pas encore un poisson. » Cette phrase, comment pourrait-elle la contredire ?

A la mesure de ses prunelles qui se perdent à le détailler les secondes défilent, et quand il lui intime ses prochains gestes, elle sait pourquoi elle se sent fébrile. « Monte. Que j’en profite durant quelques secondes. » Ponctué par sa main qui heurte le bois. Elle songe à la portée de ses mots, ce qu’elle y décèle, craignant toujours de ne pas comprendre ce qu’il espère d’elle. « Tu sais que tu m’as vaincu l’année dernière. » Elle pouffe car il l’a toujours en travers, cette partie de volley, alors qu’à la finalité c’est l’entière compétition qu’il avait gagné. « Alors que j’étais capitaine. Techniquement, c'est un peu comme si... tu avais vaincu l'équipe entière. » Elle pourrait presque y croire lorsqu’elle le jauge en plissant les paupières. En inclinant le visage sur le côté, elle observe le profil de ses traits, touchée par sa manière bancale de vouloir la rassurer.

Alors elle tend sa main et celle de Sheng dans un automatisme la rejoint afin d’être un appuie pour qu’elle monte comme il lui a ordonné. Elle lui offre un sourire lorsqu’elle s’assoit, frileuse quand elle lâche ses doigts. Son corps positionné face au sien, elle reste, quelques secondes, recroquevillée afin d’aller s’aventurer de ses empreintes sur la longueur de son bras, elle suit un chemin tout tracé à la langueur de ses envies muselées, et arrive sur l’encre recherchée. « T’as gagné ton plus beau tatouage ce jour-là. » Honnête bien qu’amusée malgré la mélancolie et quelques regrets, elle relâche la douceur de son emprise à l’instant où elle recule son être pour aller, elle aussi, sa caler contre le mur boisé.