Si je devais avoir peur, reculer, j’aurais été trouver mon père rapidement, j’aurais pleuré dans ses bras, il m’aurait caressé les cheveux, me rendant mon courage, m’affirmant que personne n’avait le droit de me voler mon sourire, et j’aurais pu me battre contre le monde entier. Mais je savais que cette force me lâcherait quand j’aurais quitté les lieux, je pleurerais sans mon père, sans sa force, j’aurais l’adrénaline qui retomberait, et même si j’étais habituée avec les courses, je finirais par laisser la peur me ronger entièrement.

Pourtant, je suis là… Entre Bill et ses hommes, je ne veux pas qu’il lui arrive du mal, car malgré les menaces, la crainte de cet homme, j’avais aussi du respect pour l’humanité qui était en lui. Pour cette étreinte qui m’avait réconforté le jour de l’enterrement de mon père, pour ses quelques secondes de plus au volant de ma firebird…. Balançant l’argent, l’homme récupère l’enveloppe. Mais il attend... Il attend le baiser.

Face à Bill, je veux faire tout passer dans mes yeux, sans parler, mes excuses, ma colère, ma peur, mon envie de fuir, vite, avec lui, car je ne pourrais pas dormir de le savoir ici et moi ailleurs, mais je m’excuse à voix basse alors que je suis si près de lui que personne d’autres ne pourrait nous entendre, c’est un souffle même pas un murmure. Sa voix me fit fermer les paupières, on était perdu hein ? Il partirait et j’aurais à faire à cette brute ? C’était peine perdue, je ne pourrais pas continuer à la coloc avec Abril et Sam, avec Jeremy dans ma vie… S’il leur arrivait du mal ? Non, c’était fini tout ça… Et même l’homme en face de moi, celui qui était déjà le maître de ma dette, de mes angoisses la nuit du 4 du mois, était à leur merci.

Je baisse la tête et recule un peu, même si au plus près de lui, il y a une sécurité qui règne qui me rassure plus que trois pas trop loin près de ses types armés. Mais c’est un homme qui frappe Bill et mon corps qui réagit dans un réflexe pour reculer. « Non ! Non ! NON ! VOUS DEVIEZ LE LAISSER TRANQUILLE! STOP ! » Je tente de prendre la main de l’homme le plus près de moi pour le reculer, je tire sur son bras en hurlant. « LAISSEZ-LE ! STOP ! » Mais rien n’y fait…

Les coups pleuvent et moi, je ne sais plus comment l’aider. Je devrais hurler que je vais appeler la police, mais si je le fais, la balle dans la tête est pour moi… Mon cerveau ne va pas assez vite, je ne réfléchis pas aussi rapidement que je le voudrais, la panique étant source de paralysie. Les gestes de ses bourreaux ralentissent et ils s’éloignent. J’attends qu’ils quittent les lieux, un regard plein de dégoût en leur direction avant d’aller m’asseoir près de Bill.. Ma main se pose sur son bras. « Il faut aller à l’hôpital… Je ne peux pas te laisser comme ça… » Les larmes coulent toutes seules, je ne les sens même pas sur mes joues, le soulagement de les savoir partis, loin…

Je m’approche de l’homme, ma main sur son bras, je regarde son corps, observant ses mouvements m’attendant à le voir grimacer, à l’entendre geindre même mais rien… C’est sa mâchoire qui a tout pris… Il n’est pas très beau à voir, mais c’est le cadet de mes soucis, je veux juste aller à l’hôpital, qu’il soit soigné, et ne plus jamais entendre parler de ce jour. J’aurais tellement aimé qu’il soit comme les autres 5 du mois. Une rencontre dans un piano bar, dans un resto, mais… Pas comme ça… Le dernier…

À cette pensée, mon corps frissonne… J’aurai d’autres personnes le mois prochain en face de moi, et à cette pensée mon estomac se serre. Sa voix m’attire, comme un aimant, mes yeux se plongent dans son regard, déjà marqué… Comment pouvait-il dire ça ? Il était poursuivi par ses hommes, et moi… J’aurais à faire à eux… Je le suis du regard, me levant, les jambes encore tremblantes, tenant à peine debout, l’adrénaline quittant petit à petit mon être avec les dernières forces qu’il me restait.

Partir ? Quoi ? Je secoue la tête. « Tu... quoi ? » Ses mots étaient comme une lame acérée qu’on m’enfonçait dans ce ventre déjà noué, plus rien… Ma voiture… Un adieu comme ça… Sursaut quand il frappa le verre, mais une rage soudaine monta en moi sans que je ne la contrôle. Je ne sais pas pourquoi ni comment j’avais pu arriver si vite derrière lui, mais je posais ma main, pas aussi gentiment qu’avant sur son bras, même un peu trop sèchement, et le tirai pour qu’il se tourne vers moi. « Tu plaisantes hein ? Tu... Tu vas me laisser avec eux ? Tu... C’est fini, c’est ça ? Je t’ai peut-être évité la mort et tu… Me laisse seule avec ses fous ? » Mon petit corps tremblait sans que je ne lui demande rien, mes larmes coulaient toujours, mais la colère dans mes yeux était inédite. « T’as pas le droit ! Je suis dans cette merde à cause de toi ! Et tu peux pas partir comme ça ! »

C’était la colère qui me rongeait, la peur aussi et surtout, même si je tentais de la cacher, les jambes tremblantes, le coeur s’emballant et le regard fuyant quand il finit face à moi suite à mon geste. Son ton, calme, trop calme, ses mots clairs claquant dans l’air… Il répète et moi je recule d’un pas, comme si c’était une menace, alors que je le sais, il n’est pas comme eux. On allait trouver une solution, refaire une fois cette rencontre, se réveiller après s’être pincé, je ne savais pas trop ce que j’attendais, réalité ou l’envie de ne pas croire que j’étais fichue , que nous étions fichu, lui qui devait partir et moi… Qui devrait me protéger lors de la prochaine rencontre, m’attendant au pire…

Mon regard rivé sur son dos, je n’ose même pas regarder dans les débris de miroir. « Parce que tu crois réellement ce que tu dis? Il t’aurait peut-être fait bien pire et après hein? Tu crois quoi? » J’écarte les bras pour montrer la pièce. « Regarde où on est … Ce qu’ils ont dit, ils ne m’auraient jamais laissé partir d’ici… Pas intacte… » Soyons réalistes, ses gars se seraient servis.

Mais quand il revient de nouveau vers moi, son regard est trop droit, son corps tendu, il est grand, il n’est plus simplement l’homme respecté, celui qui était toujours là, je le sens… Petite fille qu’on gronde, baissant les yeux légèrement… Sa tirade me fait réfléchir. Ils pourraient encore lui faire du mal. Je ne doutais pas qu’ils n’étaient pas dignes de confiance et que Bill devrait trouver une solution…  « Toi ! Je… Je voulais te... Nous sauvé… » J’arrive à dire malgré que la claque que je prends, la réalité des choses, de cette merde pas possible dans laquelle on était.. Je me laisse tomber, assise sur le lit. « Toi bordel… Je ne pouvais pas les laisser te faire quoi que ce soit.. Je suis pas comme ça… » Phrase qui se termine dans un murmure... Depuis quelques temps, tout les mois je le voyais, il était un entourage, ok totalement malsain, mais c'était comme ça... "Je... Je suis désolée..."

@William Bennett

Comment imaginer qu’on pouvait regarder un homme se faire tuer devant soi.. Jamais je n’aurais pu rester là sans agir. J’étais peut-être bête, naïve mais je tenais à me regarder dans un miroir… Et même mon pire ennemi j’aurais tenté de le sauver… Ironique non? Je ne voyais même pas Bill comme tel. Plus depuis quelques temps en tout cas… Même s’il était celui qui me reliait à la douleur, à la colère, que j’avais une haine envers lui, … J’avais aussi cette certitude qu’il y avait autre chose. Depuis ce moment dans le cimetière… Et avec tous ces regards… Aujourd’hui il avait tenté de me protéger… Et je ne pouvais les laisser lui faire du mal…

Mon regard se lève pour le regarder. Sa mort… Ça paraissait si lointain pour un homme comme lui et pourtant avec ses hommes qui avaient débarqués, avec ce mot… Deal… C’était si près d’un coup. Je fronce les sourcils… Un jeu? Il plaisante là.. C’était de sa vie qu’on parlait, et ce n’était pas un jeu ! Lorsqu’il parle de ses responsabilités, du fait que je sois intervenue, j’ai du mal à avaler ma salive, j’avais pris ce droit, mais c’était pour lui ou pour moi au final?
Je baisse les yeux, gênée de ses mots, j’aurais pas dû intervenir je le sais, mais … C’est pas un jeu pour moi non plus, je ne fais pas ça juste pour le plaisir… Je secoue la tête silencieuse. S’il savait… Mais il n’a pas besoin de tout savoir… Et c’est mieux ainsi… Et puis c’est lui non qui parlait de Deal, moi.. Moi j’ai voulu être chevaleresque? Non.. J’ai juste pas réfléchi encore une fois, j’ai voulu sauver une personne qui n’avait pas encore rendez vous avec la mort. Pas maintenant. Pas pour me laisser seule.

Il bouge et mon regard se lève sur lui, sur l’arme. Pourquoi je n’ai pas tiré?… « Sur toi? » Mon regard ne peut plus quitter l’arme, je l’avais eu entre les mains.. « Je … Je sais pas tirer. » Je l’aurais probablement loupé, et ça aurait été mieux. « Et je ne suis pas … Je ne pouvais pas. » Parce que j’avais besoin d’être moi… Et que la Angèle qui allait réparer des voitures avec son père, mangeant les plats de sa mère, celle qui avait tout perdu, n’était pas aussi mauvaise que ça. « Tu aurais voulu que je le fasse? Ça t’aurais apporté quoi? Hein? J’aurais été seule avec ses types, et … Tu serais mort !  » Je n’aurais jamais ce cran… Même si ma vie en dépendait, je crois que jamais je ne pourrais faire ça…


@William Bennett

L’arme quitta mon champs de vision. Moi qui avait une peur bleue de ses trucs c’était bien mieux comme ça. Même si ça ne règlait aucun des problèmes que j’avais pu causer en défendant comme ça Bill.. En nous défendant car je refusais de penser qu’ils avaient le droit de m’avoir .. Enfin c’es à eux que je devrais l’argent maintenant et eux… étaient surement pire que Bill vu ce que nous venions de vivre là…

Je fronçais les sourcils et plantais mon regard dans le sien. Je n’avais jamais demander à les rencontrer, ni lui, ni le dénnomé Romano… Et si j’avais pu m’en passer je l’aurais fait avec plaisir, mais en attendant si je négociais c’était pour ma survie. Et… Pour les courses.. « Jamais personne n’a su qui j’étais pour les courses. il n’y a qu’un type qui gère mes inscriptions et il prends un pourcentage… Personne ne sait que j’ai pas autant de courage que toi pour tenir une arme à feu entre mes mains… Mais pour le moment je n’ai jamais perdu. » Je lui dis, comme un aveu, venant de nouveau mettre Devious, mon identité lors des courses, au grand jour. Et si sur le bitume j’étais bien plus sereine… Là j’avais perdue. Je devrais faire affaire avec de sales types, je ne verrais plus son regard azur, je serais seule face à ses démons bien pire que lui…

Il récupère ses affaires et continue de parler. Mon regard suit le moindre de ses mouvements. Un an jour pour jour… « Attends … » Mais il continue. Ne me laissant pas le temps, j’aperçois son geste et tends les mains pour récupérer les clefs à la volée. Il s’en allait… Il partait… Non. Pas possible, il ne pouvait pas. Je regarde les clefs, elles sont plus lourdes.. Je les connais par coeur. Je fixe ce métal en plus, cette fleur… Buttercup.. Je ne contrôle pas les larmes qui coulent en silence sur mes joues. L’adrénaline retombant, cette sensation d’avoir un être qui part encore… Une partie de mon père qui était rattaché à cet homme qui s’en va définitivement… Je redresse les yeux à temps pour apercevoir son sourire et entendre ce surnom raisonner… « De rien…Bill… » J’ai les jambes qui tremblent, je m’assois de nouveau sur le lit.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, sur ce lit, à fixer le porte clef entre mes doigts. À me dire que j’allais devoir affronter la suite seule, sans lui.. À avoir cette sensation de vide en moi… Mais quand le soleil était déjà bien couché, j’ai soufflé un coup et je me suis levé. La firebird était là, sur le parking, et c’est en m’installant au volant que j’ai pris conscience que tout avait changé… Que tout changerait encore… Mais surtout que j’étais maintenant orpheline… Tombé dans un monde trop grand et trop vorace pour moi… Tentant de me dire que ce monde n’était pas le mien, et qu’il ne le serait jamais, je regagnais le garage…


@William Bennett