On chahute, on rigole, on se tords sans tous les sens. Il râle, évidemment il râle, surtout quand il n'a pas le dessus et qu'il me sait meilleure. Jusqu'à ce qu'il chute au sol et que mon éclat de rire se cogne contre les murs. « T’es virée ! » Le regarde, se retient de rire du mieux que je le peux, lâchant quelques bribes de rire qui passent la muraille de mes lèvres. « J’te vire de ta journée shopping. » Fausse mine d'être choquée ; "QUOI ? Je refuse ! Pourquoi ?!" l'exagération évidente, le plus beau jeu d'acteur de ma carrière -c'est faux-. « Parce que tu triches. » Lève les sourcils ; "Oh je triche ? Moi je triche ?" fausse menace, tout n'est que faux dans cette chambre, sauf les rires partagés et les souvenirs qui sont crées. "Tu veux voir c'est quoi de la triche ?" que je lance, me mettant debout sur le lit, féline, prête à attaquer l'homme ; "Sofia attaque triche !" et je lui saute dessus, tout bonnement. Le Summer Camp, c'est avoir une Sofia folle quotidiennement. C'est n'importe quoi et ça va dans tous les sens.

Combien j'ai de crédibilité à faire ça ? Aucune autorité. Strictement aucune. J'suis pas docile pour autant. Un juste milieu. Le milieu qui s'en fout. Qui n'respecte rien, et estime n'avoir aucun pouvoir sur personne. Enfin. Ca dépend du contexte. Dans l'antre du Sidh, paré de paillettes, je suis le roi. Dégagé de ma tenue de gala, je n'ai plus que celle de travail. Corps exploité pour le jeu ; sauf qu'il est d'enfants, cette fois. Chambre en bordel, rires qui perlent. Ma tête qui fait « oui » plusieurs fois, chiot à l'arrière d'une voiture. « Ben ouais, vas-y madame la Triche, t'sais faire que ça de toute façon ! » J'ai perdu ma répartie en même temps que ma dignité. La virilité revisitée. La crêpe roulée debout, qui regarde d'un air méfiant la lionne. L'impression d'être une antilope déjà emprisonnée. Putain de pokémon. J'en gueule à moitié, lâchant boxer et couette qui commence à se barrer pour te chopper au vol. La capture n'est pas réglementaire. Concrètement, j't'ai attrapé une fesse et un bras, « J'te touche le cul mais c'est toi qui l'a voulu ! » Qu'on soit clair sur la position pas réglementaire. Relâche l'animal au sol et l’aplatit de tout son poids pour neutraliser la bête -pas si lourd, ok, mais y a quand même 1m82 de carcasse d'apprenti catcheur-. « Lààààà.. calme.. » Moqueur, les doigts qui caressent tes cheveux.

Des jeux d'enfants dans une chambre qui n'est pas la leur, le matelas sur lequel on saute, les murs qu'on tape, les souvenirs éphémères. Qu'importe, rien n'est à nous, alors autant profiter de tout. Se battre quand on le peut, se chamailler comme jamais. « Ben ouais, vas-y madame la Triche, t'sais faire que ça de toute façon ! » Fait même pas semblant d'être touchée tellement je me prépare à attaquer. Le visage se baisse, le regard devient chasseur. Jusqu'à sauter sur le corps d'en face. « J'te touche le cul mais c'est toi qui l'a voulu ! » Explose de rire. C'est pas que je l'ai voulu, c'est que ça ne me gêne pas. Rien de sexuel dans le mouvement, on est seulement comme deux enfants. Les corps ne sont pas des objets à plaisir, juste des carcasses dans lesquelles des âmes vagabondes vivent. Heurte le sol, la carcasse, et rigole encore, même avec une gazelle sur le corps de la lionne. Mais, le rire s'estompe, il frappe moins contre les murs, résonne moins dans les coins. « Lààààà.. calme.. » il s'éteint, le rire, doucement, lentement. Les lèvres se pincent, d'un sourire, d'un léger rire qui sort comme un souffle du nez, les yeux qui se perdent dans ceux d'en face. Je l'avais jamais vu comme ça, Horace. Sa main dans mes cheveux, la mienne rejoins son poignet pour l'attraper, sans rien faire de plus. Juste avoir mes doigts qui l'entourent, suis ses mouvements, alors que je me calme. Le tout devient plus silencieux. Il a les yeux verts, ou bleus ? J'en sais, je m'y perds.  Je l'avais jamais vu comme ça, Horace, et pourtant, là, en un instant, je le vois.  

Je capture, dévoile toute l'étendue de ma cape de super héros de la douceur. Gamin turbulent qui virevolte, mais véritable talent pour apaiser les tourbillons. La candeur qui ressort des pores, contraste de vices pourtant bien encrés. Alors de mon corps superposé au tien, pour le maintenir captif, je me moque de ton électricité. J'vois même pas que j'y rajoute un peu de la mienne. Que la symbiose fane légèrement les rires et la bataille, puisque tes doigts autour de mon poignet, ont arrêté de lutter et se postent juste là, en accompagnement délicat. J'suis mon mouvement du regard, avant de capter que le tien est dirigé vers ces deux billes. Les miennes. Un fin sourire. « Alors, quelle couleur ? » Chacun s'y retrouve, chacun y voit ce qu'il y désire, la couleur qui lui sied le mieux. Les tiennes sont plus honnêtes et franches. J'm'y perds un peu, et j'crois que je me rappelle que j'ai grandi depuis les éclats. Perdre quelques années, en taquinant le bout de ton nez d'un coup de langue. Comme pour se rappeler ce qu'on est, d'un rictus espiègle. La réussite n'est pas franche, et j'te soufflerai bien qu'il va falloir reprendre les rires, pour éviter que ma respiration ne se fasse trop profonde. Mais j'ai pas trop envie de te donner des indices, t'es grande Dunn-Aguera. « Attention à ta réponse. » Attention, tout court. Ma main dans la jungle brune, qui glisse dans l'étau faible de la tienne, de main, et vient capturer quelques doigts.

Le jeu est devenu différent, et est-ce qu'on joue encore vraiment ? De ses doigts, il sépare des mèches de mes cheveux, il s'applique, de ses yeux qui suivent les lignes brunes, avant de retomber sur mes billes. « Alors, quelle couleur ? » Je ne suis même pas concentrée sur deviner la couleur, trop occupée à m'y noyer. Je sais pas, quelle couleur. Je le regarde, je me mords la lèvre, réfléchit quelques instants. Aucune idée. La langue d'en face me sort de ce vide quand elle s'écrase sur mon nez et me fait rire, avant de plisser le nez et de revenir dans ses yeux. « Attention à ta réponse. » et sa main glisse jusqu'à la mienne, agrippant certains de mes doigts, et je crois que c'est à ce moment là. Ce moment là. Ce moment précis où je perds pieds, que de sa main dans la mienne, je le sens, le ressens. Le cœur qui vibre, qui gronde, qui frappe. Qui sent, ressent, alors mort depuis longtemps. Depuis Aidan, vraiment. Mes doigts se heurtent aux siens, s'agrippent, se referment. Attends, quoi ? Le temps s'arrête et le cœur vient de louper un bon, ou alors d'en faire trois ou quatre de plus, rapidement. Je sais pas, mais je l'ai senti, frapper dans la poitrine, vouloir sortir, aller à la rencontre du sien. "Je... je... je sais pas trop.. je dirais... euh..." c'est nouveau, ça. Trop nouveau, et surtout avec lui. Horace. C'est Horace, ça va pas, faut que je m'échappe, que je sorte de là. Je peux pas rester. Le cerveau envoie un message d'alerte à tout le corps déclenché par la réaction du cœur, probablement. "Oh wow il se fait tard, le soleil va partir si on se dépêche pas !" et tout le corps repousse l'homme d'un geste, se relevant rapidement, enfilant vite les vêtements qui avaient été abandonné là ; "On s'rejoint en bas ? On dit ça ? à la piscine, c'est bien la piscine, j'vais peut-être prendre un truc à boire mais la piscine c'est bien j'pense et puis c'est pratique tu sais où c'est, pas vrai ?" Sofia, le problème c'est qu'elle parle trop quand elle panique ou qu'elle est bourrée, mais là, elle est pas bourrée, juste troublée.

Tu veux savoir ce que ça donne, un type qui s'y attend pas ? Certain, pourtant, presque. Bien dans le jeu, bien dans la légèreté, bien quand ça s’alourdit d'un peu de douceur. Si tu captes pas la nuance, regarde-les. Écoute les rires qui se meurent pour laisser l'atmosphère prendre quelques années. J'crois que j'ai trop pris l'habitude de ne m'inquiéter de rien, pour anticiper la suite. J'ai supposé que t'étais pareil, assourdi par cette complicité qui se glisse dans la plus décomplexée des expériences. J'ai oublié les conversations où nos avis divergent. Rien n'est grave. Surtout pas mes doigts dans tes cheveux. Encore moins l'fait de te regarder, mieux, plus attentivement que d'ordinaire. On a dit qu'il n'y avait pas de règle, Sofia, tu te rappelles ? Le SC, le n'importe quoi, toussa, t'en fais quoi ? "je... je... je sais pas trop.. je dirais... euh..." Il trébuche le « pas de règle », et j'l'entends se casser la gueule sur le sol sécure que j'représente. J'espère. J'ai merdé quelque-part ?  "oh wow il se fait tard, le soleil va partir si on se dépêche pas !" J'capte quedal, les sourcils froncés, la tronche qui grimace, et j'ai le corps qui dégage. Je suppose que pour l'ego, ça fait une belle remise en question. Repoussé, j'bronche pas, me reculant même davantage que la distance réclamée par ton geste. J'suis pas de ceux qui s'imposent, qui imposent. « le.. soleil.. » Répété, bêtement, avec la mine qui va avec. Qu'est-ce qu'il vient foutre là-dedans le soleil ? J'regarde, depuis le sol, corps toujours dévêtu, le tien qui se hâte à faire l'inverse. J'en rapproche la couette contre ma silhouette. La pudeur, tu sais, s'invente quand elle n'est plus si bien acceptée dans l’œil d'en face. On est pas jeudi. Pourtant, contre mes doigts, j'avais cru capter le rythme de ton carcan. Mais, j'sais pas. J'me suis planté, j'crois. Le stup et l'alcool, ça fini par laisser quelques traces. "on s'rejoint en bas ? on dit ça ? à la piscine, c'est bien la piscine, j'vais peut-être prendre un truc à boire mais la piscine c'est bien j'pense et puis c'est pratique tu sais où c'est, pas vrai ?" J'ai lâché à la première question. Clairement, le reste se perd et j'ai pas réussi à suivre la musique. J'attrape mon boxer que j'enfile à m'tournant à moitié ; parce que j'te l'ai dis, j'ai l'air sacrément con dans cette tenue, désormais. Hier c'était drôle. « La piscine, ouais, ouais... d'accord. » Rien de plus lisible que les traits d'un gosse qui n'comprend rien. « Jeee.. » Gonfle ses joues et souffle. Cherche le reste de ses affaires. Cacher la peau. « Tu veux qu'on s'rejoigne là-bas ? » Puisque j'entends la fuite, et je refuse le rôle du geôlier. Il suffira que tu fasses un pas vers la porte, pour que je ne retienne pas un : « .. So ? » Me laisse pas avec ça sur le ventre. « J'ai fais.. » Bouche pincée. « j'ai fais un truc qu'il fallait pas ? » Je sais que j'suis tactile, impudique, que j'fais pas toujours gaffe. « J'suis désolé, j'dors quasi toujours à poil, il fait mille degrés dehors, eeet, j'viens d'Angleterre, alors tu vois..  » C'est pas bon. Mais j'ai pas eu l'temps de préparer mon dialogue, y a trois minutes j'avais clairement d'autres projets au bout des lèvres.

Tout se bouscule partout, dans la tête, dans le ventre, dans le cœur. Pourquoi je ne choisi pas ? Pourquoi je ne peux pas juste montrer quelqu'un du doigt et dire c'est pour celui-là, que je veux ressentir ça ? Pourquoi les êtres sont imposés ? Pourquoi ça ne fonctionne pas autrement ? Pourquoi est-ce que le cœur impose et implose ? « le.. soleil.. » Alors je bouscule tout, c'est le bordel dedans et ça le sera aussi dehors. Pas lui, pas Horace. Parce que tout se passe si bien, parce que l'amitié est belle, parce que la complicité aussi. Parce que on est colocataires, qu'on en rigole, qu'on se connais. Parce que je peux compter sur lui, parce qu'il m'apporte de la glace quand il comprends que la journée a été difficile et qu'il fait de la soupe les jours précédents les règles douloureuses. Parce que je le soutiens, parce qu'il me supporte. « La piscine, ouais, ouais... d'accord. » Je comprends pas non plus, moi aussi, je suis perdue. « Jeee.. Tu veux qu'on s'rejoigne là-bas ? » La tête fait oui, enfile le t-shirt et avance vers la porte. « .. So ? » se retourne vers l'homme, les yeux qui attendent. « J'ai fais.. j'ai fais un truc qu'il fallait pas ? » Non, justement. Justement tout l'inverse, Horace. « J'suis désolé, j'dors quasi toujours à poil, il fait mille degrés dehors, eeet, j'viens d'Angleterre, alors tu vois..  » Rigole nerveusement, fait oui de la tête. Je crois que je me suis empêché de ressentir, après Aidan. Je crois que j'ai tout bloqué, tout verrouillé. J'ai été avec d'autres, après lui. Caesar, Alek, mais c'était pas comme ça. Je m'avance vers Horace, secoue la tête ; "non non non, t'as rien fais de mal, rien du tout même." inspire, expire, et joue la carte de la franchise, comme toujours avec lui. Montre le sol du doigt, où nos corps étaient il y a encore peu. "juste... là, j'ai faillis... craquer, tu vois ?" et je veux pas que ça complique les choses, je veux pas que ce soit bizarre. J'ai pas envie qu'on perde nos jeudis. C'est juste pour les jeudis, oui. "J'ai eu envie de t'embrasser," et elle rigole, comme d'une blague vraiment drôle, "c'est fou quand même quand on y pense" et elle rigole encore un peu, gênée de le dire à voix haute. Il n'y avait pas que ça, mais il comprendra assez avec cette information là. "J'me suis vite retirée pour ça, t'as rien fais du tout, c'est seulement moi, tu vois ?" et dans ma tête, j'ai été la seule à vouloir cette proximité. "Après t'aurais su comment j'embrasse et tout, t'aurais commencé à vouloir que j'te dise bonjour comme ça, vraiment ça aurait été n'importe quoi cette coloc, vraiment !" au second degré, qu'elle lance ça. A la rigolade, de manière pas sérieuse, l'air de changer le sujet, de ne pas assumer, de se moquer d'elle, d'eux.

Me confond pas avec les autres, ne fuit pas mes doigts ni mon regard. Ne remonte pas les vêtements sur ta peau, ne te pose aucune question, quand c'est moi qui suis dans tes parages. J't'en supplie, me mélange pas avec ceux qui t'ont abîmé, ceux qui foirent quand tu les approches. J'veux être le rire et le réconfort, je refuse tout autre rôle qui ne serait pas un refuge. Parce qu'on marche bien, non ? Je demandais un canapé, j'ai eu un lit. Tu n'râles pas trop quand j'ai du retard dans le loyer, et je me rattrape en t'offrant les meilleurs massages de pieds de la ville. Je pensais pas qu'il était possible de trouver une colocataire avec qui les choses seraient aussi fluides. Donc j'ai pas réfléchi. On est pas chez nous, les éclats ne raisonnent pas pareils là-bas, qu'ici. J'en sais rien. Je triture les quelques neurones et ça piétonne en rond là-dedans. La marche arrière déconne, j'en viens à douter de chacun de mes gestes. J'peux me planter. J'fais que ça depuis des mois. Mais avec toi, je l'avais pas vu venir. "juste... là, j'ai faillis... craquer, tu vois ?" Histoire qu'on raconte, pas perçue de la même manière par tous les auditeurs. Enfin, sur les termes, j'suis d'accord, mais je ne perçois pas la gravité. "j'ai eu envie de t'embrasser," Les lèvres qui se pincent, qui disparaissent presque, compressées l'une contre l'autre en punition. Parvient tout de même à glisser, les orbes grandes ouvertes et les joues remontées, trahissant un amusement mal contenu : « Oh mon dieu, ça a l'air terrible dit comme ça. » J'en plaque mes doigts fins contre ma bouche. Cachez moi ce mal que je ne saurais voir. "c'est fou quand même quand on y pense. j'me suis vite retirée pour ça, t'as rien fais du tout, c'est seulement moi, tu vois ?" Rectification : « J't'aurais sûrement embrassé, qu'importe la réponse que tu m'aurais servi. » Si j'utilise « surement », c'est par pure convention. « Et c'est pas grave. » Epaules soulevées, qui s’affaissent. « A partir du moment où on est majeurs et qu'on est pas frère et sœur.. c'est plutôt des choses qui s'gèrent. » Je ne tiens pas ma frivolité de mes parents, alors y a quand même peu de chances. "après t'aurais su comment j'embrasse et tout, t'aurais commencé à vouloir que j'te dise bonjour comme ça, vraiment ça aurait été n'importe quoi cette coloc, vraiment !" La bouche devient rieuse. Et, le corps, presque revêtu entièrement désormais. Dans ce n'importe quoi qu'on s'accorde, je commence à percevoir les limites. « On s'balade à poil un jour par semaine, So', c'est déjà n'importe quoi. J'crois que je connais chaque emplacement de tes grains de beauté. » Défaut de l'amoureux des peaux féminines, de leurs dessins et rayures. Un pas vers toi. « C'est bon, il s'passe rien. T'es canon, j'suis canon, on est à moitié nus dans une chambre.. j'aurai été vexé si t'avais pas voulu m'embrasser, au moins une micro-seconde. » Ne nous enferme pas dans quelque-chose qui nous dépasse, qui nous ralentirait. Laisse-moi souffler sur le sérieux de ton recul, dissiper les silences. Le sourire est large. « Allez viens. Le soleil, toussa. » Il va partir, c'est ça ? Courrons-lui après.

Tu leur est similaire, pourtant, et moi tu sais, j'en ai marre de tomber pour ceux qui ne me veulent pas, ne me méritent pas, n'ont pas la patience nécessaire. J'en ai marre d'échouer, d'être déçue, d'être celle qui rêve de beaucoup mais qui ne trouve que des échecs. Celle qui s'attachent aux mauvais, à ceux qui volent, libre de vivre comme ils le sentent. J'en ai marre de choisir ceux qui ne me choisissent pas. Ceux qui sont là une fois dans mes draps et disparaissent le lendemain. J'en ai marre de ça, alors je me joue des corps et m'amuse des silences. Je prends le sans réponse pour un souffle et j'essaie de ne pas aimer, de ne pas m'attacher, de ne pas ressentir. Sauf là, sauf cette fois. J'ai senti, ressenti, et j'ai pas aimé ça. « Oh mon dieu, ça a l'air terrible dit comme ça. » ça l'est, si tu savais. Je sais pas si j'y crois encore, je crois qu'au fond de moi c'est foutu. Je rencontrerai pas l'homme qui me fait vibrer, et je le sais. Je me contenterai juste de quelqu'un qui veut de moi, et ça m'ira bien. C'est pas comme ça, qu'on fait ? « J't'aurais sûrement embrassé, qu'importe la réponse que tu m'aurais servi. Et c'est pas grave. A partir du moment où on est majeurs et qu'on est pas frère et sœur.. c'est plutôt des choses qui s'gèrent. » Rigole légèrement, fait oui de la tête. C'est pas ça Horace le problème, c'est que j'ai eu des palpitations quand ta main s'est resserrer dans la mienne, et j'en ai marre de m'attacher aux âmes qui volent, tu comprends ? J'ai pas envie de te dire que mon cœur s'est emporté, peut-être parce qu'il s'est juste trompé. C'était juste une fois, comme ça. Des restes d'alcool d'hier, probablement. Un mauvais coup du destin, quelque chose comme ça. Ouais, c'était pas toi. Impossible que ce soit toi. « On s'balade à poil un jour par semaine, So', c'est déjà n'importe quoi. J'crois que je connais chaque emplacement de tes grains de beauté. » souris, fait non de la tête ; "Pas totalement." que je lance, taquine. « C'est bon, il s'passe rien. T'es canon, j'suis canon, on est à moitié nus dans une chambre.. j'aurai été vexé si t'avais pas voulu m'embrasser, au moins une micro-seconde. » Le baiser n'est pas le problème, comment je l'aurais ressenti, oui. « Allez viens. Le soleil, toussa. » La tête fait oui, plus légère. "Ouais, le soleil, t'as raison." vu l'heure, il est pas prêt de s'échapper, mais allons le rattraper. Avec lui au moins, c'est sécurisé.

Tout est léger, jusque là. J'hallucine et j'fais halluciner les autres, quand je conte ce qu'on est, combien on fonctionne bien et avec fluidité. Nos plans exhibés, nos corps avec, nous sommes deux gosses qui ont trouvé une grotte où se cacher et vivre en toute sincérité. Alors, là, je capte pas, et ça me fait flipper. Je prends le recul comme une gifle que t'as la gentillesse de ne pas infliger à ma peau. Juste repoussée. Percutée. Je ressens sûrement trop fortement la distance que t'instaures. Habitué à ne pas tout comprendre des autres, je pensais pourtant maîtriser ton verbe. J'essaye de récupérer ces pas que tu mets entre nous, et je saupoudre sur l'atmosphère alourdie, un peu de gaîté. On s'en fout, Sofia. On s'en fout tellement. Tu l'entends ? Et j'm'enferme là-dedans. C'est ça le problème des insouciants ; ils espèrent toujours que ça soit contagieux. Ne voient pas qu'en face, ça fait bien semblant. Ca marche d'autant mieux quand l'autre n'essaye même pas de différencier ce qui sonne faux. « J'regarderais mieux la prochaine fois. » Repris avec un large sourire gamin, de celui qui n'a rien capté. Mais, qui, la prochaine fois que le temps ralentira entre nous, se rappellera. Espérons. « Allez allez ! » Gosse qui s'empresse, te pousse un peu pour te doubler dans l'encadrement de la porte. Te touche comme pour vérifier que tout va bien entre les peaux, que tu ne recules plus. Bataille immature. Ca, on sait faire. Contentons-nous d'une maîtrise du rire. Quelques heures pour effacer le reste, oublier en t'faisant boire la tasse, qu'on était pas loin de la chute.

FIN