MADE BY @ICE AND FIRE.

Je passe au-dessus de ses airs contrariés que je devine derrière ses lunettes à l’évocation de celle qui se prénomme – pour ce que j’en sais – Haiwee. J’essaie même de ne pas revenir sur le sujet des histoires de sexe et autres parties à trois. L’intimité mise à part, donc, nous ne pouvons pas nier que l’aveugle ici présent donne l’impression d’être dépressif de longue date, et que la vie qu’il mène ce n’est plus vraiment l’éclate.

Alors les doigts sur le verre, j’attends qu’il me donne une raison de trinquer avec lui et ses traits renfrognés. Il semble marquer un arrêt dans le tumulte de ses pensées, si bien que j’en retiens mon souffle, j’imagine un compte à rebours, des roulements de tambours… convaincue qu’il va enfin m’avouer ce qui fait qu’il est agacé en ce jour. « Tu peux toujours tenter avec elle. Je crois qu’elle est libre maintenant, » Merde, à celle-là, je ne m’y attendais pas. Parce qu’il ne tenait pas le même discours il y a de ça deux mois. Bien que le message sur son réseau social ne fût pas des plus virulent, pour la désigner comme chasse gardée, il était suffisant. Car pour comprendre ses nuances, il ne faut pas être bien intelligent. « Mais dépêche-toi. Sa colocataire à l’air d’être intéressée. » Sourcils toujours arqués, j’ai des envies de lui demander de rembobiner, parce que je crois qu’il est là, le vif du sujet.

Seulement il attrape à son tour son verre, et vient le heurter au mien. « A ta santé, » une grimace légèrement esquissée pour l’effacer derechef en amenant mon verre à mes lèvres, pour le boire d’un trait. Crachotant faute de sa teneur en alcool et fermant les yeux avec ferveur. « Affreux. » je commente après avoir avalé, peu coutumière des beuveries, je préfère les cocktails à l’alcool de riz. Bien loin du Sazerac de chez moi. « Comment est-ce qu’on peut « croire » que quelqu’un est libre ? » Surtout lorsque c’est soi la seconde moitié, un couple, ça se fait à deux, il parait. « A ma santé… » Je répète, le cœur faussement léger, un sourire de façade esquissé, un jour, je lui dirai que ma tête va finir par exploser, simplement pas aujourd’hui, pas maintenant, pas alors qu’il semble aussi paumé qu’un enfant qui ne sait pas gérer une conjonctivite et ses sentiments. « Justement tiens, » je me fais espiègle en allant récupérer un second donut pallier le vol du premier, « si tu devais mourir demain, tu choisirais laquelle ? » de chute de reins.



  

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Elle en aura vite terminé parce qu’elle avale ce qu’il lui a servi d’un trait, sans même prendre le temps de déguster. Mais en fait c’est elle qui a raison puisque cet alcool se fait apprécier qu’une fois la gorge brutalement incendiée. C’est à croire que ces derniers jours il a perdu ses repères, même les plus ancrés. « Affreux. » Elle ne sait pas ce qui est bon… « Comment est-ce qu’on peut « croire » que quelqu’un est libre ? » Il jette un coup d’œil furtif de biais, le verre encore intact et porté à ses lèvres, rejetant pour un moment sa propre phrase, ce concept qu’il vient de lui annoncer, pour plus fortement y songer. « Des paroles de féministes… » qu’il murmure avant d’y gouter et de reposer son verre qu’il a à peine touché, le bruit du heurt souligné par son « A ma santé… » Mais voilà qu’elle l’exclue de l’équation en ne lui souhaitant pas un toast à la sienne, parce qu’il est plutôt coutume de trinquer pour autrui et non de penser qu’à soi dans ces moments-là, une erreur qui venant d’elle ne l’alarme pourtant pas.

« Justement tiens, si tu devais mourir demain, tu choisirais laquelle ? » Lui faire avaler son bulletin de naissance, la question ne s’est jamais imposée à lui excepté peut-être la fois où il s’est mis bêtement en danger, trop jeune et trop impulsif pour appréhender toutes les menaces que ses activités pouvaient lui causer. Et bien qu’il se soit sorti presque indemne de cet accident à ses vingt ans, depuis, il n’a jamais songé qu’il pouvait y rester un instant, bien né, fortuné et béni de ces déités qu’il encense.  « Le choix, je ne l’ai pas. » Mais s’il ne s’agissait que d’une nuit, qu’un moment intime à partager, le dernier avec celle qui l’a fait le plus vibrer. « Mais si je pouvais… » Son verre il l’a repris, visualisant difficilement les faibles ridules à la surface du contenu qui vacille lentement sous sa poigne. « Tu le sais très bien. Faudrait-il encore qu’elle le veuille aussi » parce qu’il ne se voit pas l’y contraindre ou de la piéger pour y parvenir, qu’il est question d’une dernière fois et que les deux parties doivent y consentir.   

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« Des paroles de féministes… » Tu m’en diras tant, même s’il reste des détails que je n’entends pas vraiment. Et comme mon but n’est pas de plus le contrarier, je me retiens de le pousser dans ses retranchements. Les hommes ont toujours ce problème lorsqu’il est question de parler et dealer avec les sentiments. C’est déplorable, mais ça fait partie des règles de masculinité, immuables. Alors je prends un autre chemin, grâce aux paroles qu’il a prononcées, il m’offre une autre possibilité. Lui demander, si c’est la rousse ou la brune, sa préférée. Ou bien une autre que je n’aurai pas croisée. Tout est possible, à dire vrai, je suis bien placée pour savoir que ça se cultive, les secrets.

Je n’aurais pas songé que ça le plonge dans une telle réflexion, ça me peine un peu de le voir de cette façon. Plus que la maladie, je ne peux qu’effleurer les choses qu’on attend de lui. Tout aussi bien née, je connais ce qu’on attend et espère des héritiers. Je n’y échappe que parce que je vais crever, ma maladie, mon angiome, c’est mon fardeau comme ma liberté. « Le choix, je ne l’ai pas. » Oui, mais, on est dans un scénario hypothétique, là. Donc s’il pouvait fournir un petit effort, ça m’arrangerait. Son regard voilé posé sur le verre qu’il détient, comme si les bonnes réponses se trouvaient dans cet écrin. « Mais si je pouvais… » Ah, on y est. Roulement de tambour, sourcils arqués, et mon donut en suspens, à la lisière de mes lèvres et mes dents. « Tu le sais très bien. Faudrait-il encore qu’elle le veuille aussi » J’en affiche directement une expression froncée, grimace non-dissimulée, pour finalement parachever le tout d’un rire aussi nerveux qu’enjoué. C’est donc l’amérindienne la gagnante de cette loterie, celle avec laquelle il désirerait vivre ses derniers instants de vie. « Ouais d’accord, » Sheng, pas à moi, ça fait quelques années qu’on se côtoie, et j’en ai vu des tas tomber dans ses bras, « parce que c’est bien connu, les femmes te fuient, n’est-ce pas ? » je reprends la dégustation de mon beignet, toujours autant amusée, et ne prends pas la peine de terminer ma bouchée afin de lui préciser « Pas de Witter, alors. » Heureux qu’il disait, c’est moche de mentir, ça ternit l’amitié. « Elle crève de toi, tu m’expliques dans quelle configuration, elle pourrait te dire non ? » T’as fait quoi ? Et pourquoi c’est moi qui joue les infirmières – pas très bien d’ailleurs – et pas elle qui prend soin de toi ?



  

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Elle se fout de lui dans un rire qu’il trouve justifié, lui le digne fils à qui tout sourit et qui trébuche sur des questions aussi futiles, parce qu’il est question de sentiment et que ces choses-là, il ne peut les contrôler totalement. Encore moins depuis que l’amérindienne s’est ouvertement déclarée, rendant ce qu’elle éprouve pour lui  probant et vrai, brisant les fragiles frontières qu’il a toujours su maintenir. « Ouais d’accord, » mais il est moqueur le ton qu’elle vient d’employer. « Parce que c’est bien connu, les femmes te fuient, n’est-ce pas ? » Un point pour la petite brune à la tignasse frisée, choucroute pour lui en ces temps de légère cécité. Mais il n’est pas question de toutes les femmes là, mais d’une seule, différente des autres et c’est bien pour cette dissemblance qu’elle arrive dans ses choix premiers. Puis elle reprend là où elle s’en était dans sa dégustation, plantant ses dents dans la source de calories et de glucose avant de poursuivre son plaidoyer. « Pas de Witter, alors. » Femme acerbe qui ne prend plaisir qu’à le diminuer lorsqu’il a pour malheur de la croiser, ce serait un rapport de forces quotidien, une lutte acharnée et un défi de tous les jours que d’être son conjoint. Ce n’est pas le prix du meilleur Adams qu’il aurait mais celui de l’homme le plus déterminé, ou le plus fou. Il se prend même à vouloir trinquer une nouvelle fois à cette vaillante idée, silencieux, amenant le verre à ses lèvres pour d’un coup sec cette fois le vider. « Elle crève de toi, tu m’expliques dans quelle configuration, elle pourrait te dire non ? »

Son sourire se pince au passage vivifiant de l’alcool dans sa gorge, reposant le verre sur la table, le bruit du heurt pour lui attester du choc. « Parce qu’elle me l’a fait comprendre, » par ses mots à elle, dans un aparté qu’il aurait préféré éviter même si aujourd’hui il se sent flatté et à la fois lésé.  « Et que je n’ai rien dit, » ni fait pour lui témoigner de cette réciprocité à laquelle il n’a clairement jamais songé. Lui se plaisait seulement dans leur pseudo amitié arrangée, dans cette relation sans engagement, libre de ses choix à chaque instant. Il lui faut pourtant l’avouer, la savoir blessée et ne souhaitant le revoir lui pèse à mesure que les jours passent. « J’ai fait ce qu’on attend de moi, » c’est-à-dire se montrer disponible et non l’anneau au doigt afin de faire vendre son image, de plaire pour continuer de faire naitre les fantasmes dans l’imaginaire féminin du grand public. Mais il en a assez dit. « Et toi, ta dernière nuit ? »

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Tandis qu’un piètre suspense s’installe, la réponse ne se faisant pas réellement attendre, ou tout du moins, juste le temps pour lui de laisser passer la brûlure de l’alcool et de poser son verre à sa place initiale. « Parce qu’elle me l’a fait comprendre, » Merde, avec mon donut, je manque de m’étouffer, j’avoue que je suis moi-même surprise de l’ingénue nommée Haiwee. Il est clair qu’on parle du fait « qu’elle crève de lui », comme je le lui ai si bien dit. Arquant les sourcils comme pour quémander la suite car il ne peut décemment pas s’arrêter ici. « Et que je n’ai rien dit, » Deuxième presque étranglement. C’est limpide, il veut me flinguer. Il n’a rien dit, et moi je suis choquée. Sur le cul, si on me permet. Je m’apprête d’ailleurs à d’avantage le questionner, parce que des infos je n’en ai pas assez. Il y a trop de pièces égarées dans son puzzle, et je peine à le reconstituer.

Mais comme s’il possédait la faculté de savoir lire dans mes pensées, il vient parapher. « J’ai fait ce qu’on attend de moi, » tu lui as brisé le cœur, donc. « Je vois… » Du moins je crois. Et peut-être que des détails à donner sur ce fait là, il n’y en a pas. Des personnes, j’en ai abîmé aussi, malgré moi. Pour leur bien, même s’ils ne le voyaient pas. J’évite les maux liés à mon futur décès, c’est un acte, je le jure, de bonté. J’avoue rester silencieuse, indubitablement songeuse. Je n’ai plus le goût de mon donut, et l’alcool de riz qui me rend nauséeuse. « Et toi, ta dernière nuit ? » Un regard de biais lui est décoché, ainsi qu’une grimace, de ma lèvre supérieure relevée. « Moi j’ai pas de potentielle petite amie. » Même si… « Enfin, je suis allée au bal avec une fille, mais de là à dire que je veux qu’elle soit ma dernière nuit. » On ne se connaît pas assez, vues trois fois, même si Sam a ce petit truc, tu vois ? « Peut-être que Bella Hadid sera dispo cette nuit-là. » Je repose le beignet, « Ou Brad Pitt dans sa version 7 ans au Tibet. » me redresse en train de rigoler, afin de changer de sujet, tapant dans mes paumes afin de donner le La. « Tu veux que je te mette tes gouttes ? » Assise dans le bon sens je patiente pour que le feu vert me soit donné, aller chercher le traitement et m’occuper du grand malade ici présent. « Elle l’a dit comment ? »



  

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« Moi j’ai pas de potentielle petite amie. » La déclinaison au féminin est passée inaperçue, dissimulée par la liaison si bien que s’il avait s’agit d’un autre que lui, ses gouts auraient très certainement surpris. « Enfin, je suis allée au bal avec une fille, mais de là à dire que je veux qu’elle soit ma dernière nuit. » Qui sait, peut-être que cette inconnue se serait peut-être révélée être la bonne pour Tee... « Peut-être que Bella Hadid sera dispo cette nuit-là. » Interpellé par le nom d’une célébrité il a détourné la tête vers elle sans vraiment lui porter plus d’intérêt, cherchant vaguement dans ses souvenirs à quoi elle peut bien ressembler parce qu’il a beau naviguer dans le même univers, il n’a jamais eu l’occasion physiquement de la croiser. « Ou Brad Pitt dans sa version 7 ans au Tibet. »  Celui-là non plus, que ce soit de près comme de loin, jamais vu. Et même s’il nourrit une passion qu’il se garde bien de partager pour ce pays en conflit contre le sien, ce film, il ne l’a jamais regardé.

Puis elle change brutalement de position frappant dans ses mains ce qui le fait se raviser, l’obligent à réajuster sa posture parce que craintif de ce rapprochement inopiné. La petite brune n’a jamais été des plus prévisibles, que ce soit dans ses relations ou ses agissements, véritable électron libre. « Tu veux que je te mette tes gouttes ? » Il a déjà en tête une multitude de scénarios catastrophiques, elle, lui perforant la cornée ou bien déversant la totalité du contenu du collyre parce qu’elle aurait mal dosé sa force… Pourtant il accepte sans rien dire, se calant et basculant la nuque contre le renfort du canapé afin d’observer le plafond et patienter, levant sa main pour l’y autoriser. « Elle l’a dit comment ? » Et du fait de devoir revivre une seconde fois cette histoire pour le lui expliquer, il soupire profondément, cillant des paupières avant qu’elle ne se lance dans ses soins et tant qu’il y en est encore autorisé. « Elle m'a balancé une déclaration, » crachée serait plus approprié, sans qu’il n’y soit préparé au préalable. « Ainsi que le  contenu d'un verre » c’est tout ce qu’il a retenu de la soirée. « Rigoles, tu peux, » l'asiatique lui donne le droit de se moquer, après tout il l'a bien mérité.

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Je ne peux pas mentir, oui, ça attise ma curiosité, c’est le genre de comportement qui sait me fasciner. Quelqu’un d’aussi sur de ses sentiments pour aller jusqu’à les déclamer. Il y a du courage qui se cache dans ce fait, à ne pas en douter.

Alors je vais rapidement récupérer le traitement que son majordome a laissé sur le côté, l’observe se mettre en position, après un soupir, il sourcille et me donne enfin l’information ; « Elle m'a balancé une déclaration, » et j’ai envie d’ajouter un " mais encore ? " sauf que je me retiens, parce que pour lui extirper des détails, je sais que je l’ai perdue d’avance, la bataille. Qu’il accepte de m’en faire ce petit résumé, c’est déjà un grand pas, donc je vais devoir m’en contenter. « Ainsi que le contenu d'un verre » Ah merde. Généralement ce n’est pas ce qui suit une déclaration. J’en ai un rictus qui m’échappe, beaucoup trop expressive sur le coup, si bien qu’il me donne derechef une autorisation ; « Rigoles, tu peux, » j’en ai envie, c’est vrai, mais déjà que mes doigts ont le don de sursauter, je vais éviter d’accentuer la chose, alors que je m’approche de ses yeux, armée. « D’où la conjonctivite. » que je souffle amusée une paume apposée sur sa joue. Grimaçante mais surtout compatissante, et fais glisser mes doigts jusqu’à sa paupière que j’écarte, délicate… « Tu lui as donc brisé le cœur, » peut-être qu’il s’en contrefiche de mon opinion, cependant nous sommes deux à entretenir cette discussion, « elle s’en remettra, » que j’assure en hochant le visage et en pressant sur le flacon pour laisser tomber une goutte dans sa cornée. « Ou peut-être pas. » Oui, je rigole de ma bêtise, cette fois. C’est bien connu, non ? Le premier, on ne s’en remet jamais. « Mais y a un truc qui cloche, dans ton scénar. » je passe à l’autre œil, fronçant le regard, « si elle serait ta dernière, » l’ultime nuit à partager, « pourquoi tu ne lui as pas dit ? » qu’elle importe, que c’est réciproque. La seconde goutte tombée, je reprends dans la foulée, captivée. « T’as eu le droit au "Je t’aime" ? » Gamine devant son feuilleton préféré.  



  

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« D’où la conjonctivite. » La conjonctivite n’a très certainement aucun rapport avec le contenu du verre parce que dans son malheur, fort heureusement pour lui, elle ne sait pas encore bien viser la Haiwee. Mais le fait est que la petite brune s’amuse à lui une promiscuité qu’il ne peut jauger, ou alors juste au toucher puisqu’il la sent à présent sur lui cette paume venue l’empêcher de bouger. Les choses commencent à se corser lorsqu’il ressent sa présence se rapprocher de lui, les genoux de la petite brune s’enfonçant dans le renfort à coté de sa cuisse. Puis c’est au tour de sa paupière, réflexe craintif avant de s’efforcer à se détendre après un soupir profond. Plus vite il obtempère en se laissant faire et plus vite elle en aura terminé à moins que ne vienne l’idée de le torturer. « Tu lui as donc brisé le cœur, » Ce ne serait pas la première à lui déplorer son manque d’affection sauf qu’il n’en a jamais eu l’intention. Pas avec elle du moins. « elle s’en remettra, » avec le temps n’est-ce pas ? « Si tu l’dis » c’est que c’est vrai, qu’elle l’oubliera mais pas dit que pour lui ce soit aussi le cas. Le contact du liquide le brule à peine est-il déposé sur sa cornée et témoigne ainsi de son efficacité. L’envie de se frotter le démange fortement mais sa main reste bloquée sous la jambe de sa soignante alors il ne peut que se contracter lorsque la douleur se fait cinglante. « Ou peut-être pas. » Voilà, maintenant il va regretter leur dernière soirée et éprouver des remords à ne pas avoir pu lui expliquer réellement ce qu’il ressent. « Mais y a un truc qui cloche, dans ton scénar. »

C’est au tour du second d’être traité, sa paupière écartée avec un peu plus de dextérité que pour le premier. Il se laisse faire mais appréhende le choc du sérum sur son œil, fermant celui déjà soigné pour son propre confort. « si elle serait ta dernière, pourquoi tu ne lui as pas dit ? » Tout simplement parce qu’il n’est pas prêt de tomber, et que le monde demain continuera toujours de tourner. « Parce que je me sens encore en forme et pas près de caner. »  Voilà qui est fait, son infirmière a eu sur lui le dernier mot puisqu’elle se redresse une fois qu’elle en a terminé et lui qui réprime un geste, son envie de se gratter avortée. Alors c’est sur sa barde que ses doigts viennent s’écraser pour satisfaire à son désir même si ce geste n’aura pas la même finalité. « T’as eu le droit au "Je t’aime" ? » Il tente encore une fois de se détendre, serrant les mâchoires le temps que le produit fasse de son effet en se redressant, les poings sur ses genoux. « Comme dans une comédie romantique, » ces films dont elle était friande et qui lui faisaient passer le temps. Elle a du s’en inspirer mais n’a pas vraiment su comment bien les exploiter, d’où le verre qu’elle lui a jeté.  « Tu devrais.... aller te laver les mains, » dès fois qu'elle serait contaminée.

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Pour une fois que j’arrive à lui tirer des informations, des détails sur sa vie privée, j’avoue que je ne pas trop où se trouve la limite à ne pas dépasser. Mais je me fais violence pour obtenir sa réponse. Le pourquoi il ne lui a dit qu’il l’apprécie, lui aussi. Qu’elle pourrait être la dernière, comme les plus nombreuses de ses nuits. « Parce que je me sens encore en forme et pas près de caner. » Ok, le pire c’est que ça se tient. Et puis, qui suis-je réellement pour juger ? Moi qui ne veux pas m’attacher, qui fais souffrir les gens, à la volée… Alors je me contente de terminer mon œuvre sur ses yeux, bien que je vienne lui demander s’il a eu le droit d’entendre, ces deux mots, si fameux.

Il se redresse, la tension palpable sur les veines de ses bras, j’avoue qu’à son honnêteté, je ne m’y attends presque pas. Parce que j’aurais cru qu’il évite, qu’il dévie… Si bien que je comprends qu’il est plus touché que ce qu’il ne le dit. « Comme dans une comédie romantique, » le soupir que je crache, je ne le maîtrise pas. Pourtant je m’y attendais, mais une telle audace de la réservée Haiwee, je ne saurais pas dire si elle est à plaindre ou si je suis fascinée. Néanmoins, de réactionner plus que cela je n'ai pas le loisir car mon ami, à raison, reprend, « Tu devrais.... aller te laver les mains, » je hoche la tête, en me dirigeant vers la cuisine, paraphant tout de même son idée d’un « Ouais, j’veux pas le choper ton machin. » Des merdes, j’en ai assez, et ça leur donnerait une nouvelle raison de m’enfermer, aux médecins.

En vitesse je me lave donc les paumes, l’esprit ailleurs, mon regard oscillant vers lui, soucieuse plus comme une sœur qu’à l’image d’une amie, et puis reviens sur mes pas, en proposant « On s’en regarde un ? » la télévision indexée, je me rattrape dans le but de le taquiner, « Enfin, moi, je le regarde, toi, tu l’écoutes. » Le film romantique que je m’apprête à lancer. « Et tu me diras à quel moment Haiwee s’est loupée. » Le prénom de l'étudiante pour la fois, dans la conversation, soufflée. Un film pour un essaie de dédramatiser.