Il s’agissait d’un shift comme un autre. Diverses personnes occupaient le Sun Rock en cette soirée des plus quelconques. Certains jouaient, d’autres buvaient, d’autres observaient. Chacun vaquait à son activité et notre barmaid s’occupait de les abreuver lorsque cela s’avérait nécessaire. Cocktails, bières, shots et on recommence. Sans oublier la vaisselle dès que possible pour ne pas prendre de retard. Son emploi était devenu une routine. Elle était seulement un peu plus fatiguée qu’à l’accoutumée, ayant quelque peu perdue l’habitude de cumuler deux emplois. Les légères cernes qui s’étalaient au-dessus de ses pommettes étaient guère visibles pour quelqu’un qui ne la connaissait pas, d’autant plus que le maquillage l’aidait bien à les masquer.  Son débardeur noir floqué du nom de l’enseigne mettait son décolleté en valeur. Le reste de sa tenue était composé d’un simple slim noir ainsi que des bottines à talons hauts assorties. Le genre de vêtements qu’elle portait régulièrement lorsqu’elle travaillait en ce lieu.

Une voix qui détonna parmi celles des autres raisonna à ses oreilles. Une voix qui la saisit un court instant tandis que la jeune femme rechercha la réaction la plus appropriée. De la joie ? De la suspicion ? D’une attitude purement professionnelle ? Il lui était difficile de savoir ce qu’elle devait faire. Après une grande inspiration et expiration durant laquelle elle ferma ses paupières rehaussées de longs cils sombres, la brunette se retourna vers son client des plus inattendus avec un sourire poli, attendant de voir la suite de la conversation avant de se décider sur la façon dont elle traiterait l’agent qui s’était immiscé sur son lieu de travail. La dernière fois où il lui avait parlé avait tourné en une sorte d’accusation par message, ce qui ne lui avait guère plu. Dans d’autres circonstances, il aurait été probable que leur relation soit totalement différente, mais bien qu’elle puisse ressentir certaines choses à son égard, elle ne pouvait se permettre de baisser sa garde en sa présence, d’autant plus qu’elle n’avait pas l’excuse d’être alcoolisée en cette soirée.

« Bonsoir. Effectivement nous servons de l’excellent café ici, la personne qui vous a dit ça vous a assurément bien conseillé. »

Ou peut-être pas selon la façon dont la suite de leur conversation allait se dérouler. Le fait qu’il se soit installé au comptoir démontrait qu’il n’attendait probablement pas de compagnie. Le lieu n’était pas propice pour faire de la paperasse non plus. Ce qui était sûr c’est que ce soir-là ne serait pas des plus tranquilles pour elle…

« Quel type de café désirez-vous ? » lui demanda-t-elle d’une manière un peu plus guindée qu’elle ne l’aurait voulu.