C'est l’État de l'Ohio qui a vu naitre les beaux yeux bleus de la première fille des Abercrombie. Née dans l'opulence, elle n'a jamais connu un seul refus, un seul objet qu'elle ne pouvait posséder, aucun but qu'elle ne pouvait atteindre. Tout semblait lui ouvrir les bras avec une facilité déconcertante, agaçante. Beaucoup à cause de ses parents, une partie à cause d'elle-même depuis son plus jeune âge, alors qu'on passait le temps à la féliciter, la complimenter pour telle ou telle choses. De cette façon, elle aurait pu devenir une de la pire espèce qui soit, comme on en voit que dans ses milieux là. Mais c'est en majorité le contraire qui se produisit. Comme tout les enfants, Denna grandit. Et alors, elle ne fut que l'ombre de ce que l'on attendait d'elle, ce qu'on avait attendu d'elle, ce que les gens croyaient qu'elle était et qu'elle avait toujours été. Alors elle se perdit parmi toutes ces attentes, étouffée, ne parvenant pas à faire ressortir qui elle était vraiment, devenant une coquille vide sans réelle personnalité, en profondeur des plus instables, encore aujourd'hui. Pour ne pas souffrir, pour ne pas penser, elle s'est au fil du temps, forgé masque sur masque, pour chaque évènement, chaque personne, devenant celle qu'ils voulaient qu'elle soit, sous toutes les coutures. Pantin sans vie, manipulée, bousculée, parfois inconsciemment, parfois consciemment. Alors elle vint se réfugier derrière tout ces masques, puis derrière une carapace de cristal qu'elle se construit autour d'elle, réduisant au début chaque attaques d'autrui, chaque tentative d'affaiblissement, puis chaque émotions, chaque sentiments, qu'elle a parfois du mal à ressentir sans les fuir de tout son être. Elle était devenue un bouclier contre le monde, attaquant le plus souvent pour se défendre avec des mots qu'elle regrettait la plupart du temps. Poupée de cire au corps enduit de l'acier le plus intense, presque incapable elle-même d'y laisser pénétrer quelqu'un avec une confiance aveugle.

Elle avait dix-huit ans et venait juste d'entrer dans la prestigieuse université qu'elle avait tant désiré. Elle ou ses parents, elle ne savait plus qui avait réellement planté la graine dont avait germé cette idée et puis au fond, quelle importance ? Que cela vienne d'elle ou d'autrui, l'important n'était pas l'atteinte espéré du but ? On dit souvent que les moyens importent peu tant qu'on obtient ce que l'on veut obtenir. La cause de tout ça devient bien souvent plus que secondaire. La réussite d'un objectif n'est après tout pas bien différent d'une guerre. On se bat le plus souvent sans même se souvenir pour qui ou pourquoi. Futilités. Et pour ne pas faire bouillir son cœur sans raison, Denna avait préféré se résigner à l'idée, la majeure partie du temps. La plupart de sa vie n'était qu'un mensonge dont les nombreux fils semblaient aujourd'hui bien trop noués pour qu'elle ne parvienne à s'en défaire. Et à trop en vouloir, on ne se complait plus que dans nos rêves.