when men are pure, laws are useless; when men are corrupt, laws are broken
w/ @Adrian Dastanov

Le retour à Boston était compliqué et je me devais de jongler entre bien trop de choses. De base, j’avais mis de côté tout ce qui concernait les associations, l’application avançait et on était bientôt à la publication donc je n’avais plus trop à m’en occuper. Et les révisions aussi étaient mises de côté. Tout ce qui m’importait à présent, c’était le boulot, Jayden, Veia et Reyna. Évidemment, mes amis comptaient également. Mais mes priorités étaient là, et le reste suivrait éventuellement. Le retour au boulot était compliqué mais il fallait se remettre vite dedans. Heureusement, j’y étais passé vendredi puisque j’avais un rendez-vous important avec toi ce lundi. Évidemment, le stress était là. Si je connaissais un minimum le dossier, je n’avais pas toutes les connaissances concernant la loi. Je n’étais qu’un assistant, pas à même de tenir un dossier de cette importance. Dans tous les cas, j’aurais ce besoin de chercher l’approbation de quelqu’un de confirmé, de qualifié surtout, même si c’est un étudiant, ou un jeune diplômé. L’organisation étant refaite au niveau de mon bureau, j’envoyais un message à Veia pour m’assurer que mon petit frère allait bien, avant de me rendre dans la salle de réunion réservée pour l’occasion, attendant patiemment ton arrivée, dossier en main, stress visible. Je crois bien que c’était la première fois qu’on serait que tous les deux.

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Même s'il avait besoin de souffler, le temps n'attendait pas Adrian et ce dernier le savait. Certains combats qu'il menait depuis des années ne pouvaient juste pas profiter de son moment de faiblesse pour l'achever, se disait-il ─même si, dans le fond, il n'avait plus envie de se battre. Il voulait que ça s'arrête, ce combat sans fin.
Son avocat en congés, c'était l'assistant qu'il allait voir. Adrian avait assuré que ce n'était rien d'urgent ni de compliqué et plus une volonté d'obtenir des renseignements sur sa situation ; pas besoin de s'alarmer et couper court à ses congés, l'avocat pouvait rester tranquille. Tranquille tant qu'il ne connaissait pas les motifs des questions d'Adrian.
Ce dernier, même s'il semblait aller mieux en présence d'Aria, était toujours maussade, dormait mal et trop. Les cernes étaient visibles, les yeux fatigués, les cheveux ternes. L'abus d'alcool n'avait rien aidé et le sevrage forcé qu'il s'infligeait le fatiguait, l'épuisait. Dès qu'Aria avait le dos tourné, il retombait comme une masse. Et les idées noires étaient toujours là.
Guidé dans la salle de réunion qui avait été réservé, Adrian entrait après qu'on lui ait ouvert la porte et remerciait d'un simple hochement de tête la personne qui refermait aussitôt après qu'il soit entré. Debout, face à la table, le regard se posant sur le jeune Kaiden Winston, Adrian se demanda subitement si tout ça était une bonne idée. Un silence malaisant tomba alors que son regard passait de Kaiden au dossier, puis du dossier à Kaiden. Ca s'annonçait mal. Pourquoi, mais pourquoi était-il ainsi et pas comme tout le monde ?

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w/ @Adrian Dastanov

C’était la première fois que je me retrouvais dans une situation comme celle-ci. Parler avec un client, parler “loi” alors que je n’étais même pas expérimenté, c’était quand même assez stressant, surtout avec les deux semaines que je venais de vivre. Cependant, ce n’était pas vraiment le moment de se laisser submerger par tout ce que la vie me réservait. Je me devais de garder la tête haute, ne pas montrer que toute cette situation me bouffait. Jayden était avec Veia, tout se passerait bien. L’achat de la maison sera bientôt conclue et le déménagement sera imminent. Tiré de mes pensées par ta venue dans la pièce, je me relevais aussitôt, simple politesse, avant de finalement rompre le silence en tendant ma main vers toi. « Bonjour Adrian » Depuis le temps, on pouvait s’appeler par nos prénoms. « Je suis désolé, je viens juste de revenir d’un congé imprévu et on m’a calé cette réunion avec vous sans que je sache réellement le pourquoi du comment et… » Ok, le stress se faisait bien trop ressentir. « Installez-vous, je vous en prie » J’avais l’air bien trop sérieux, je n’aimais pas vraiment ça, mais je reprenais les mimiques de mon boss, histoire de paraitre crédible. « Il y a du nouveau ? » finissais-je alors par demander calmement, stylo en main, calepin ouvert pour la prise de notes.

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Kaiden était un visage qu'il connaissait mais avec qui il n'était pas aussi familier que son avocat. Dans le fond, les visages se ressemblaient un peu tous pour Adrian, arrivé à un certain point. Son dossier baladé, les croisements, partages d'infos, travaux en équipe... et lui qui restait comme un poteau à faire de son mieux sans mettre des batons dans les roues. Mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, il venait pour un sujet plus sombre.

─ Bonjour.

Par de familiarité parce que ça le gênait dans ces circonstances ; d'entrée de jeu, il instaurait de la distance. S'exécutant sans histoire, Adrian pris place sur une chaise et à la question du jeune homme, il soupira, un peu défaitiste. Il devait se rendre à l'évidence que, s'il était ici, il devait parler, en dépit de toutes les peurs que cela pouvaient induire.

─ Je viens pas... pour le dossier habituel, confessa-t-il.

Il humecta ses lèvres et se passa une main derrière la tête pour se gratter le cuir chevelu, visiblement embarrassé. Il fit une moue, laissa son regard dans le vide un court instant, puis repris la parole.

─ Je viens pour savoir... ce qui adviendrait de tous mes biens si je venais à décéder. Je n'ai pas de descendance et pas de famille proche... Mes parents sont connus mais je n'ai jamais été sous leur tutelle. Comme la maison est en pleine dispute avec mon père, si je venais à disparaître... est-ce qu'il en hériterait automatiquement ?

Car c'était ça qui le dérangeait. L'idée que tout ce combat ait été pour rien, mais aussi que tout son héritage soit perdu. Parce que même si la peur de vivre était présente, il ne voulait pas être oublié. Pas complètement.

─ Et tout le reste, comme ma voiture ou mon argent, je peux en faire don à des collectivités ?

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Le stress parcourait chacun des vaisseaux de mon corps. Depuis vendredi, j’appréhendais ce rendez-vous, ne me sentant pas à la hauteur mais l’urgence imposée faisait que je n’avais pas le choix que de le prendre en charge. Alors quand tu te retrouvais face à moi, je ravalais mes peurs, et faisais en sorte d’être quelqu’un plus digne que ce que je n’étais vraiment. Tu t’installais face à moi, non sans soupirer, ce qui me poussait à froncer les sourcils. C’était pas forcément clair ce qui devait se passer aujourd’hui. « Ah ? » Ok, donc tout ce que j’avais face à moi ne servait strictement à rien. Mais je n’étais pas le seul gêné dans la pièce. Ta posture, ton visage. Rien n’était comme d’habitude. Puis les mots qui sortaient, l’explication à tout ça. J’en perdais presque la respiration tant ça me coupait le souffle. « Je… » La surprise pouvait se lire sur mon visage, très clairement, ne sachant même pas quoi dire ou penser pour le coup. « La situation est si… critique ? » Enfin, pour parler d’un décès j’entends. Parce que pour moi, toutes ces années de bataille n’étaient pas faites pour se terminer ainsi, surtout pas pour une maison. Mais mon avis ne comptait pas à vrai dire, je n’étais que témoin de l’aspect légal d’une bataille pour un bien immobilier. « De ce que je sais, pour tout ce qui concerne vos biens à vous, un simple testament devrait suffire pour indiquer où doivent aller ce qui vous appartient » Mentionner les dons aux collectivités sont donc nécessaires de cette façon et c’est assez simple à mettre en place. « Pour la maison, je pense que c’est plus délicat. De mon point de vue, ça devrait être votre choix également, puisqu’elle vous a été léguée. Ce que je redoute, c’est que votre père vienne à contester une nouvelle fois l’héritage et vienne à gagner puisque vous ne seriez plus là pour vous battre » Parce que j’avais bien remarqué que tu étais tenace, plus que l’homme que je pouvais voir en face de moi. Seulement, pas grand monde l’était autant. « Mais… je suis pas forcément la personne adéquate pour répondre à ce genre de questions. Il faudrait mieux voir avec un avocat, un notaire… » Une grimace qui se faufile sur mon visage, que je réprime bien assez rapidement. « Ça va pas..? » finissais-je par tenter comme approche. Ça passe ou ça casse.

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Critique ? Si on voulait. Adrian fit une moue, un ni oui ni non qui laissait comprendre que c'était juste compliqué. Néanmoins, Kaiden lui délivrait les réponses qu'il attendait. En vérité il s'en doutait déjà mais l'incertitude l'avait convaincu de venir se renseigner, même si ce n'était pas chez la bonne personne. Il n'avait pas revu le notaire depuis des années et l'idée d'aller le voir le dérangeait étrangement.
Adrian hochait lentement la tête, très légèrement, écoutant et réfléchissant aux paroles offertes. Il n'aurait pas le choix que d'aller le voir de toute manière ; mais il pouvait tout aussi bien disparaître sans donner aucune instruction. Après tout, quand on est mort, on s'en fiche, non ?
Ca va pas ..? La question tombait et Adrian relevait les yeux pour observer Kaiden un instant. Un silence retomba, silence durant lequel il ne cessa pas de le regarder ; puis enfin, il eut un lent soupir et les yeux se baissant sur les papiers, devant l'assistant.

─ ... Je suis fatigué.

Fatigué. Juste ça. Qui voulait tout et ne rien dire à la fois. Fatigué par le travail, fatigué d'une soirée, fatigué d'un combat, fatigué de vivre, fatigué d'éprouver des sentiments, fatigué de réfléchir, fatigué d'écouter ; fatigué. Un tout et rien, une réponse vague. Mais rien de plus. Un regard qui demeurait baissé, de plus en plus sombre à mesure qu'Adrian se perdait dans ses pensées. Pourquoi sombrait-il aussi profondément alors que deux jours auparavant, il avait pensé qu'il pouvait tenir le coup ? Pourquoi est-ce que là, maintenant, il ne le voulait plus ?
Quelle galère.

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w/ @Adrian Dastanov

Cette situation devenait hors de contrôle. Difficile de réellement savoir ce qui se passait dans la vie des gens, dans la vie des personnes qu’on pouvait côtoyer souvent mais dont la limite privée n’était jamais réellement atteinte. J’avais une petite idée de la personne que tu étais, oui, mais aucune réelle façon de savoir comment tu étais dans la vraie vie, comment tu gérais tes problèmes. Que des théories, des suppositions. Rien de vrai. Mais en cet instant, quand je me risquais à poser cette question, celle que toute personne censée ne voudrait pas répondre, surtout pas à l’assistant de l’avocat sur une affaire de propriété immobilière. Un combat familial de longue haleine. Alors non, je ne m’étais pas attendu à ce que tu répondes sincèrement. Et je me sentais fatigué pour toi, vraiment. Ce combat acharné contre ton propre père, qui n’a jamais voulu de toi. « Je peux comprendre… » Après tout, j’avais bien déjà eu ce genre de pensées, durant quelques années, avant de réussir à sortir la tête de l’eau. « Je ne sais pas ce que tu- » Une brève pause avant de me reprendre. « … ce que vous traversez, mais sachez que vous n’êtes pas seul. Si vous… avez besoin d’aide, d’écoute, de soutien, je peux être là » Le côté bien trop altruiste ressortait, mais je n’y pouvais pas grand chose. C’était comme ça quand on faisait face à un désespoir le plus total. « Enfin, je voudrais pas… dépasser les limites, désolé » Je frapperais presque le front pour avoir osé sortir ça. Mais qu’importe, c’était trop tard. C’était dit et la ligne avait été franchie.

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Avouer ce genre de choses à l'oral n'était pas chose aisée mais il y avait une certaine sérénité à le dire à quelqu'un qui ne pouvait pas briser le secret professionnel. Probablement que cela remonterait à son avocat, et tant mieux. En vérité, l'assistant seul lui suffirait également. Adrian ne se formalisa pas du langage et hocha très légèrement la tête face à l'offre qu'il venait de recevoir. Fatigué, oui il l'était ; la colère, elle, n'était pas présente pour l'heure.

─ Le tutoiement me dérange pas. Ca n'a pas d'importance.

Ca n'en avait jamais eu pour lui, il n'aimait pas cette fausse politesse. Cette distance naturellement instaurée à son arrivée en évitant de le saluer personnellement se dissipait enfin pour laisser place à une parole plus libre. Les yeux un peu éteints, il ne lâchait pas du regard Kaiden, face à lui. Les bras d'Adrian étaient lâches, le long de son corps, mains sur les cuisses. Il n'y avait pas de protection, pas de carapace.

─ Mais ça va. Tu peux le noter au cas où ? Si jamais je vois pas le notaire ou n'ai pas le temps de trouver la bonne association pour... J'aimerais que ma maison soit donnée à une association caritative ainsi que mes autres biens matériels. Comme ça, si jamais quelqu'un conteste ou cherche à récupérer... même mon avocat saura que j'en ai décidé autrement.

Léger. Le poids se levait un peu de ses épaules. Se voir préparer à l'avance était, en un sens, un peu libérateur. Il galérait à trouver une balance dans tout ce qu'il faisait en temps normal et jamais il ne s'était senti aussi instable, mais dès qu'il agissait pour anticiper sa propre disparition, subitement, tout lui semblait plus facile. La voix d'Adrian était calme, un peu trop posée peut-être compte tenu du poids de ses mots.

─Je m'arrangerai pour payer d'avance, car je pense que mon père cherchera à contester de toute manière. Déjà qu'il volait son père, pourquoi pas son fils, hein ?

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w/ @Adrian Dastanov

C’était pas forcément le genre de choses facile à accepter. Tu avais des pensées sombres, bien trop sombres. Et c’était quand même effrayant. Alors oui, mon côté altruiste ressortait pour tenter de te venir en aide, même si pour le coup, je n’avais aucune idée de comment faire. Après tout, c’était délicat, on ne se connaissait pas non plus énormément, à part à travers ce dossier compliqué. Autant dire tout de suite que j’étais pas à l’aise. Mais je n’en montrais rien, ne voulant pas me paraitre insultant. Un sourire qui s’esquisse rapidement sur mes lèvres pour disparaitre presque aussi vite. Puis je m’empressais de prendre mon stylo et écrire tout ce que tu me disais dans mon calepin, afin de répondre à ta demande précise. « C’est noté. Autre chose ? D’autres précisions… Des messages à faire passer ou… » En fait, je tâtonnais le terrain, montrant mon inexpérience sur le sujet. « Tu penses que… ça lui fera ni chaud ni froid ? Tout ce qui l’intéresse c’est cette maison ? » Incapable de mettre les mots sur ce que tu voulais vraiment faire. C’était quand même assez fou de tenir autant à quelque chose de matériel comme ça. Une maison, certes, regroupait des souvenirs, mais ça restait que quatre murs et un toit sur un terrain. « Enfin, de ce que je sais de lui, il semble pas vraiment prêt à faire des concessions… » soufflais-je. Quatre ans et demi qu’il se battait pour ce bien immobilier, et il n’était pas prêt de lâcher. « Si j’ai un conseil… faut pas laisser les parents déterminer ce que tu deviens. Ils ne sont que des géniteurs et n’ont aucun droit, main mise sur ta vie » Enfin, tu le savais sûrement déjà ça. « Il faut juste trouver la source d’énergie qui permet de tenir pour combattre ses démons et ça ira mieux ensuite » Garder espoir d’un jour meilleur.

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Kaiden s'exécutait et tentait de ne pas trop en faire. Le malaise était palpable et c'était d'autant plus compliqué que Adrian, lui, semblait ne pas trembler face aux paroles qu'il prononçait. Se retrouver face à une personne qui semblait en paix avec l'idée de mettre fin à ses propres jours devait être terrifiant. Adrian eut malgré lui un léger rire, comprenant bien où Kaiden voulait en venir mais ne pouvant pas douter comme il le faisait. Les sourcils se levèrent alors qu'il soupirait, profondément ; puis il reprit la parole.

— Si le meurtre n'était pas puni par la loi je suis convaincu que je n'aurais pas dépassé les six ans.

Son regard se releva sur Kaiden et son visage affichait une expression teintée d'un léger sourire défaitiste.

— Même si mon père venait à abandonner et disparaître de ma vie ça ne changerait rien à ma situation. Il ne veut cette maison que pour sa valeur. Il se fiche des sentiments et des souvenirs qui y sont liés. Il veut la revendre et empocher les gains, rien de plus. Je l'ai refaite à neuf à mes propres frais pendant 5ans, sa valeur a bien augmenté...

Le regard se perdit encore un peu dans le vague alors qu'il se laissait aller un peu sur sa chaise, se mettant étrangement à l'aise.

— Vivre pour soulager la conscience des autres c'est pesant. Tout le monde n'est pas fait pour vivre vieux et normalement. On a pas tout ce luxe de pouvoir convenir à la société et ses exigences. Dans un autre monde... Peut-être que c'est toi qui ne te sentirais pas à ta place.

Le silence retombait. Adrian restait là, immobile, à l'aise sur sa chaise et la tête tournée vers la fenêtre voisine pour regarder le ciel, les yeux un peu vides.