Storyboard Darren […]
C’est l’histoire d’un gars qui aurait grandi dans un foyer étouffant, entouré en somme, par une famille qui ne l’aurait que très peu compris.
Ce même gars qu’aurait connu une enfance particulièrement difficile, des parents absents - de nombreux frères et sœurs, dont il aurait voulu être l’égal, mais c’est tout bonnement infaisable. Parce que Darren ce n’est rien d’autre que l’enfant « cassé ». Toi tu n’étais que ce gosse pitoyable qui a passé une bonne partie de son enfance à l'hôpital en raison d'une santé précaire. Système immunitaire vraiment faible, t’as enchaîné les maladies. Les poumons ayant été les premiers à être touchés, t’as enchaîné bronchites et pneumonies avec complications.  Tes frères et sœurs — notamment ton aîné, ayant toujours été ta force, ceux qui ont toujours été là pour toi. Ceux qui rendait ta vie moins monotone, surtout avec l’absence presque constante de tes parents, de ton père. Et si pendant longtemps tu n’avais rien dit, en grandissant tu ne te cachais plus pour le clamer haut et fort.

Etant jeune, ton allure chétive dû à ton asthme ne t’a pas vraiment attiré la sympathie de tes camarades de classe. Bien au contraire. En effet, c’est le môme qu’on a harcelé durant toute sa scolarité avant même d'entrer au collège. Chouchoutés des professeurs mais haïs des autres enfants. Brimades qui se sont poursuivies d'une classe à une autre. Mais tout ça, c’était juste impossible pour toi d’en parler aux flics surtout pas après tous ces reportages sur les descentes d’Afro-Américains. C’était impossible pour toi d'en parler à tes parents… déjà qu’ils n’avaient pas énormément d’argent, t’avais peur de l’idée d’être un problème supplémentaire. Alors t’as subi sans jamais riposter. Violences verbales et physiques dont t’as gardé plus d'une séquelle.

Puis dans le lot y’a ton frère/ta sœur mieux loti, qui excelle dans ce qu’elle fait. Et tout ça, ça ne fait que creuser les inégalités, accentuer le pourquoi du comment tu t’es toujours senti différent... Différent de Levi, qui semble être le préféré de votre père. En soit cela n’entache en rien ton affection pour lui ni même ton respect. Il est ton aîné un point c’est tout. C’est juste ainsi que peu à peu ta jalousie pour lui s’est installé, à l’image d’une graine qui pousse lentement. Pourquoi ? Éternel questionnement. Sans doute parce que toi aussi aurais aimé être normal. Toi aussi t’aurais aimé lui ressembler à Levi.

Et mine de rien tout ça, ça te travaille jusqu’au point où, à l'âge de dix-sept ans tu finis par faire une dépression sévère et décider de ne plus jamais remettre les pieds dans ton bahut. Tu fais l'école buissonnière dans le plus grand des secrets, entraîné par un camarade de classe. T’entamera une relation avec Alicia dans les mois qui suivront. Une bouffée d'oxygène pour le gosse mal-aimé que t’es. De mauvaises fréquentations en mauvaises fréquentations, tu finis par dealer pour te faire un peu d'argent de poche. Pour te payer de quoi partir loin avec ton pote, avec Alicia. Parce que mine de rien pour la première fois t’apprends enfin à aimer. T’apprends enfin à t’accepter. Dans ce même intervalle, tu deviens populaire (enfin on se comprends). Tout commence enfin à te sourire du moins en apparence. Le business de plus en plus florissant, l’offre à la demande qui se poursuit, du moins jusqu’à ce que ça devienne trop pour toi. Trop envahissant, trop stressant, trop difficile pour toi de soutenir le visage des tiens quand ils te questionnent. Alors tu décides d’arrêter, de reprendre ta vie en main. Le problème étant que la vie avait enfin décidé d’aller dans ton sens et que toi t’avais décidé de la baiser ¬– et c’est sans doute ça que la vie avait pas accepté. S’ensuit donc une longue descente en enfer tandis que tu te rends compte que t’as brisé la vie de ton pote, qu’il enchaîne désormais les soirées, consommant ce qu'il fournit...

Survient alors la dispute de trop, celle où tu élèves un peu trop le ton. Celle où tu le préviens de vous laisser en dehors de ça, Alicia et toi. Mais qu’est-ce que tu peux faire, toi, petit asthmatique sans courage ? Rien. Alors ça te ronge, et t’hésites à appeler Queenie, Levi… mais cette merde tu t’y es mis tout seul, c’est à toi de t’en sortir.

Tu finis par opter pour la solution la plus évidente. Et t’appelles les flics, parce que tu veux pas que ça tourne au vinaigre. Le problème c’est juste que t’es naïf. Et ça, tu ne t’en rends compte que plus tard quand il tente de s’enfuir, quand tu le vois étalé à même le sol. Quand il se fait descendre juste à côté de toi (crois-tu seulement), trop con, trop jeune tu n'appelles pas assez rapidement les secours, trop choqué pour réaliser ce qui lui arrive. Tu préfères t’enfuir, loin de cette merde. Parce que te battre, affronter les choses t’as jamais su faire ça dans les règles de l’art.

Quelques semaines plus tard, toi et Alicia ce n’est plus d’actualité. Qui donc voudrait rester avec une balance ? A croire que ça t’apprendra. Et pas un seul jour passe sans que tu ne repenses à ce que t’as fait. Traumatisme qui te fait te replier totalement sur toi-même, s'en suivront des semaines d'apathie. Parce que tu t’en étais voulu, t'en voulais encore - seule chose du passé que tu traînes toujours avec-toi comme un boulet et que tu regrettes (bruit de balle qui résonne sans cesse), la seule personne tierce pour laquelle aujourd'hui tu as encore un peu d'empathie ❖ depuis ce jour, tu n'as plus été capable d'aimer - simplement t'attacher à la limite mais la peur au ventre de perdre quelqu’un de plus.