caractèreEn vrai, Nimuel n'a pas grand chose de spécial, si ce n'est un léger narcissisme contrôlé mais de bonne foi. Son attitude envers les gens peut être classifiée de l'épitome de l'expression « avoir le sang chaud », étant un gamin de douze ans dans un corps adulte. Cela dit, Nimuel reste un gamin très attentionné et mature lorsqu'il le faut, et est considéré par la majorité de son entourage comme étant quelqu'un de très généreux et naïf, malgré sa méfiance envers certaines personnes et sa nature plus ou moins rancunière. En dépit de cette rançon, il reste quelqu'un de naturellement calme et loin d'être un fauteur de trouble, et a réussi à contrôler ces nombreux tantrums qu'il semblait avoir il y a quelques années. Bref, tout comme la classification de la texture de ses cheveux sur l'échelle d'un trichologue, la personnalité du petit Bañaga est extrêmement ambigüe et dépendent entièrement de son humeur, qui change, malheureusement pour vous, au gré du vent.

admission à harvardTON ADMISSION À HARVARD - Avec toute honnêteté, ça a dû être un mélange entre un malentendu, un coup de chance, et du génie de son côté. Comme vous l'avez peut-être noté à travers son style d'écriture et son franc-parler assez ambigü, Nimuel a toujours eu un peu de mal avec les mots; on s'attendrait donc à ce que ses essais d'admission soit d'une qualité à désirer, et largement en-dessous de la moyenne. Et pourtant, il avait passé de nombreuses nuits, semaines, à épurer l'histoire qu'il avait concocté, à perfectionner les petits détails de l'anecdote bien réelle qu'il avait décidé de partager, l'histoire de son adoption et de son enfance dans un orphelinat tagalog, et de ce conflit entre ses deux identités, espagnole génétiquement parlant et tagalog par adoption. Un récit qui avait dû avoir réchauffé les yeux des lecteurs et lectrices, sachant qu'il fus admis il y a de cela deux ans malgré avoir obtenu des SATs en-dessous de la moyenne (1410), et que le reste de sa candidature, bien qu'unique, peinait à comparer à celle de certains de ses compères. Sans oublier qu'il avait bien joué le système par ailleurs, lui qui avait choisi une des études majeures les moins compétitives, avant de transférer en philosophie après quelques mois à Harvard.

story of my lifeJ’avais toujours tenté de cacher cette insécurité, vulnérabilité qui m’avait quittée cette soirée, peu après le passage de mes six ans. C’était un soir brumeux, après une longue journée de pluie assez inhabituelle pour un pays comme le nôtre, surtout en plein août. Nous étions tous restés à l’intérieur, sachant que l’orphelinat n’avait qu’un petit jardin non couvert ainsi qu’une aire de récréation trop peu luxurieuse pour qu’elle soit considérée comme usable après un jour de pluie. Et pour passer le temps, comme à notre habitude, moi et quelques potes on s’amusait à jouer des tours l’un sur l’autre, voire même parfois sur nos superviseurs. Y avait cette dame qui était dans la vingtaine, elle devait être ici pour un stage maintenant que j’y pense, qui avait clairement l’air de mourir à l’intérieur chaque fois qu’elle mettait les pieds au sein de notre enceinte. Notre cible préférée, et cible du jour surtout. Un soir pluvieux, je le répète, avec une température faite pour ruiner des morals et tuer l’ennui, franchement, c’était la situation idéale pour un prank prêt à rentrer dans les anales. Et pourtant, c’était ce même jour que mademoiselle Dalisay s’était introduite à moi, un air solennel pour la première fois, mais une excitation assez feinte dans sa voix. « Rodrigo, narito ang isang tao para sa iyo ». Mon cul hispanique avait pourtant du mal avec le tagalog, mais c’était des mots qui sonnait comme une douce musique à mes oreilles. Et pour qu’un langage pareil sonne comme d’la musique…

Cheveux ébouriffés, j’avais ce jour-là perdu tout semblant d’identité hispanique que j’avais pu avoir auparavant. La langue était toujours dans ma mémoire, mais la culture castillane de mes ancêtres (enfin, c’était une hypothèse proposé par le patron de Dalisay) s’était progressivement dissipée. Rodrigo n’était maintenant qu’un nom lointain, disparu dans les pages de ces premiers chapitres de ma vie. Papa et maman, eux, m’avait appelé Nimuel. « paix ». En vrai, je ne pouvais pas leur en vouloir, c’était un p’tit prénom assez affectif, et même si le surnom qui pouvait suivre avait un air assez efféminé, je n’pouvais pas me plaindre de la connotation associée à ce nom. Niveau patronyme, j’imagine que c’était pas trop compliqué à comprendre par vous-mêmes. Bañaga, le nom de papa, était aussi celui du PDG de l’une des rares multinationales axées sur le Tourisme, en Philippines. Nope, c’était pas mon père, c’était l’sien.

Maman était stérile. L’diagnostic était arrivé assez tôt dans sa jeunesse, alors qu’elle était encore adolescent et que très tôt, la pauvre avait eu peur d’avoir été enceinte après quelques, ahem, aventures peu religieuses auprès d’un de ses camarades de classe. Après avoir entendu la nouvelle, bien évidemment, maman avait pleuré jusqu’à ne plus en être capable, avant de finalement reprendre le cours de sa vie sans réaliser la gravité du fait. Une fille dans la quinzaine avec une attitude pareille ne pensait pas qu’elle allait avoir une envie soudaine de construire une famille dans le futur, malgré la pression de sa famille derrière elle. Si vous l’avez toujours pas réalisé jusqu’à maintenant, maman était un peu spéciale et beaucoup moins traditionnelle que le reste de sa famille; contrairement à papa, elle n’avait de tagalog que le nom. Still love u. Papa, d’un autre côté, avait toujours voulu avoir une famille, quitte à être rejeté par le reste de sa famille. Car oui, sa famille ne supportait bien évidemment pas l’adoption d’un bâtard comme moi (ou d’un fils de pute comme ils aimaient tant le dire, nan mais les a-priori stp grand-père?). Du coup, les jours qui suivirent mon adoption furent ponctués d’une bonne dose de papiers à remplir, quelques disputes coutumières entre mes deux parents, et surtout un trouble assez perturbant de mon côté. Le début de tous mes problèmes, le début de cette période de questions qui se lançaient dans ma tête. Qui étais-je, assez simplement. J’imagine que c’est ce qui m’avait finalement poussé à étudier l’existensialisme au fond, ça ou bien le fait que j’avais pas vraiment d’autre passion qui pouvait mettre du pain sur la table à côté. T’imagines, dîner de famille, posé devant une dinde de Thanksgiving, et pendant que tout le monde racontes leur journée et parlent d’à quel point ils étaient épuisés d’une semaine de quarante heures toutes aussi longues que les autres (duh), toi, tu viens en mode « ouais, j’ai eu du plaisir au boulot cette semaine moi! ». Ils vont tous t’envoyer au bûcher.

Bref, grandissant dans une famille assez aisée au niveau philippin constituant d’une journaliste aka mannequin (t’as cru que ça venait de papa?) et d’un homme d’affaires qui bossait pour l’une des familles les plus puissantes de l’archipel, j’ai jamais vraiment eu à me plaindre. Y avait toujours un toit sur ma tête, des épaules en-dessous, et je mangeais à ma faim à chaque repas. À part la tromperie constante entre eux-deux au fil de leur vie, des gendres d’adultère qui avaient suivis, du fait que j’avais grandi dans un orphelinat hispanique mais une famille tagalog, des relations ambigües mais pourtant assez claires à mes yeux entre papa et la mafia cebuano, tout allait bien, j’avais vraiment pas à me plaindre du tout. J’imagine que ce chaos qu’était mon enfance avait donné bonne nature à mon attitude aujourd’hui. J’fumais quelques joints une fois de temps à autres, j’écrivais pour me détendre et oublier c’qui s’passait autour, mais voilà, en vrai je ne démontrais jamais cette insécurité, cette vulnérabilité qui venait de mon enfance. J’avais toujours tenté de la cacher, et à part pour ces quelques mots que j’venais d’vous écrire, j’avais bien réussi jusqu’à maintenant. Z’avez tout ruiné pff, j’espère que vous êtes fiers de vous au moins?