S’il savait combien t’avais pris de claques, au théâtre. Des vrais, pas des fausses, hein. Celles qui claquent, celles qui laissent une trace rouge sur la joue. Alors c’est pas une chute qui te tuerais, quoi qu’en ce moment t’avais l’impression d’être une petite chose fragile. Ta cheville, ton poignet. Si tu pouvais éviter de retourner voir Victor Têtedecon tout de suite, ça t’arrangerais. Stop de t’éparpiller Cali, reprends ton rôle. J’ai senti son parfum. C’est n’importe quoi, Matt. Tu te demandes comment il peut continuer à croire, après tout ce temps, que t’irais voir un jour ailleurs. Comment pourrais-tu seulement ? C’est surement un collègue, on était tous ensemble ce soir, je te l’ai déjà dit ! Tes yeux qui le supplient. Je le savais, espèce de salope. Son pied qui vient frôler ton vêtement. En vérité, pour Cassie, c’est un coup dans le ventre. Un coup qui te plie en deux, les poings serrés à l’endroit du coup. Arrête, arrête ça ! Tes mains en arrière, tu recules, tes jambes qui glissent sur le parquet. Ton poing toujours serré contre ton ventre, ça fait mal. T’aimerais partir loin d’ici avant que ça ne dégénère un peu plus. C’était déjà trop.

La colère elle est là entre les phalanges de Matt, prête à exploser. Et Cassie, elle ne ressemble plus à grand chose par terre. Tu as envie de l'écraser et de la protéger en même temps. Tu veux qu'elle soit qu'à toi. A personne d'autre. Alors ta mâchoire se contracte. « Pourquoi, pourquoi tu me fais ça ? » Tu donnes un nouveau coup de pied, rageur. « Je t'avais dit de rentrer directement. » Mais non, elle est sortie avec ses collègues sans même te prévenir. Elle sait pourtant que tu vas t'énerver, on dirait qu'elle fait tout pour t'énerver. Et tu ne te supportes plus toi-même, pourquoi tu lui as fait ça ? La seule femme qui t'aime, la seule qui t'a pas abandonné. Tu la vois, la gisant sur le sol. Tu te retournes et attrape ce que tu juges être une bouteille et tu l'envoies s'écraser par terre. Qu'elle agonise elle aussi. Tu n'en peux plus de tout ça. Tes épaules s'affaissent et tu te mets à pleurer. Tu pleures jamais toi Maverick, mais là c'est Matt, et ça te libère étrangement.

Pourquoi, pourquoi tu me fais ça ? Son pied qui te percute une nouvelle fois, ton corps qui se plie, l’inconfort, l’insécurité. L’expression sur ton visage, c’est elle qui fera tout. L’angoisse, la douleur, la peur. Tes yeux qui se remplissent de larmes, allez Cassie, pleure. Tu le déteste cet homme que ton cœur aime plus que tout. Ta tête qui contredit ton cœur, mais ton cœur qui garde le pouvoir par-dessus tout. Je t’avais dit de rentrer directement. T’as les yeux rivés sur le parquet, roulée en boule ici bas. Et puis y’a de cri qui trépasse tes lèvres alors que la bouteille s’écrase sur le sol de la scène. Un cri de désespoir, d’appel au secours, n’importe quoi. La haine, elle est là. Juste là, elle crève les yeux. Tes dents serrées, tes yeux qui souffrent mais qui ont soif d’une vengeance, qu’il souffre autant qu’il t’fait souffrir. Une bête. Je te déteste. Des mots qui sortent de ta tête, qui sont à l’intention du publique, pas de Matt. Et puis doucement, le corps faussement endolori par les coups, tu te redresse et boitille jusqu’à Matt qui pleure. Et t’enroules tes petits bras frêles autour de son immense carcasse d’homme détruit, d’homme perdu. Je t’aime Matt. Y’a certainement rien à ajouter, tout venait d’être dis, là. Et puis Cassie disparait. Toi, petite Cali, tu frottes tes yeux qui ont coulé pour de vrai et bondit dans les bras de Maverick. T’as été parfaaaaaait purée ! que tu couines avant de regagner le sol.

Elle se replie et tu peux voir sur son visage les expressions qu'elle envoie. Tu brises la bouteille au sol et son cri à elle retentit. Tu l'observes lorsqu'elle décide de faire une apparté pour le public et tu comprends que tout est fini. D'un coup, tu redeviens Maverick et tu trouves ça étrange comme sensation. Tu souris jusqu'aux oreilles alors qu'elle se jette dans tes bras. « Tu trouves ? » que tu dis. Mais on va pas se mentir, tu as adoré cette expérience. Y'a quelque chose de grisant à jouer comme ça. Tu t'essuies toi aussi rapidement de ton avant bras et puis tu viens la regarder. « Bon maintenant, on joue l'autre situation ? » Ouais, ça peut-être cool surtout qu'il te semble que c'était plus léger. Et tu attends bien sagement qu'elle commence à vous briefer.

Y’avait pas besoin que cette scène dure plus longtemps, l’essentiel en était ressorti et même si t’avais aucun public pour lâcher la critique, t’étais contente de ce que vous aviez fait. Mav’ avait été parfait, un vrai comédien. Tu trouves ? Mais carrément ! Avoue, tu m’as menti ? C’est pas tes premiers pas sur scène ? le taquines-tu en lui donnant un petit coup de coude. Tu files chercher la bouteille d’eau – pas brisée du tout, petite bouteille en plastique – et en bois quelques gorgées avant d’la tendre à Mav, le regard interrogatif. Bon maintenant, on joue l’autre situation ? Tu hoches la tête, laissant l’eau couler dans ta gorge. Ah, ça donne soif le théâtre. On peut ouais. Tu poses la bouteille au bord de la scène et file chercher quelques cordes en coulisses que tu viens poser sur le sol de sorte à former un carré assez grand pour vous deux mais trop petit pour pouvoir évoluer séparément. L’idée, c’est qu’on se déteste. Du moins, moi j’te déteste. Toi, tu m’adores. Mais t’as pas trouvé mieux que d’me faire chier pour me le montrer. Tu sautes dans le carré de cordes. On s’retrouve enfermé là dedans, ça fait cinq heures déjà et je t’ai pas dit un seul mot. Voilà le cadre. que tu lui souffles en posant tes poings sur tes hanches. Je serais Emma.

T'es un peu gêné qu'elle te complimente de la sorte. Pourtant tu es bien le genre à fanfaronner mais là ce que tu as exposé c'est ton vrai toi, un truc qui venait du fond et qui a servi à incarner Matt alors du coup c'est étrange, t'es à la fois gêné et content. Tu passes ta main dans tes cheveux avec un grand sourire alors qu'elle te détaille la scène suivante. « Ok Emma. Et moi je serai Christopher. » Voilà, c'est dit, t'es amoureux de cette Emma et elle peut pas te blairer. C'est con quand même. Mais ça franchement, c'est un rôle que tu as déjà joué contrairement à l'autre. « On y va ? » Tu te glisses à ton tour au milieu du carré et vous laissez le silence emplir la scène pendant quelques instants. Tu la regardes, tu l'observes, tu bouges, un peu. Tu regardes le plafond. Tu soupires. « Tu vas faire la gueule encore longtemps ? » Tu lui lances un regard en coin. Ça fait cinq heures tout de même. Elle pourrait te parler, ça paraîtrait moins long.

La première scène étant terminée, Maverick il te demande pour enchaîner avec la suivante. Dans le fond, tu ne pensais pas vraiment qu’il jouerais les deux. Une, surement que ça lui aurait suffit. Mais t’es vraiment contente qu’il le fasse, qu’il t’aide. Christopher et Emma. C’est parti. Tu vas faire la gueule encore longtemps ? Emma, t’es dans le coin de cette ridicule pièce dans laquelle vous êtes enfermés depuis beaucoup trop longtemps. Sur toutes les personnes de cette planète, il a fallut que ça tombe sur Christopher, celui qui te pourri la vie depuis si longtemps. Aussi longtemps qu’il le faudra. Tes bras croisés contre ta poitrine, ton petit pied qui martel le sol symbole de ton impatience. J’veux sortir d’ici. On s’croirait dans un mauvais jeu. Celui où sera libéré que lorsqu’on aura craché ses sentiments vis-à-vis de l’autre. Ouais, c’est ça. Mais il était hors de question qu’tu dises quoi que ce soit à Chris’, il en vaut tellement pas la peine. Tu l’détestes.

Tu l'observes Emma. Tu comprends pas pourquoi elle te déteste autant. T'as toujours été fasciné par elle quoi que tu fasses et faut l'avouer, ta seule approche a été de l'embêter. Parce que c'est la seule qui la faisait réagir. « On peut pas sortir Einstein. » que tu dis d'une voix que t'aurais aimé plus polie et douce. Ça fait des heures que vous êtes bloqués là dedans et le fait qu'elle ne te parle pas te rend fou. Tu peux pas empêcher ton regard de revenir sur elle. Pourtant t'as essayé, mais y'a rien à voir dans cette pièce. Y'a qu'elle. Alors tu poses cette question. « Pourquoi tu me détestes autant ? » Oh tu as bien ton idée et t'es un peu masochiste dans ta démarche faut l'avouer. Mais tu veux qu'elle te parle, tu veux son attention alors tu t'en fiches même si c'est sa haine que tu viens récolter. Cela vaudrait toujours mieux que le néant.

On peut pas sortir Einstein. Le ton de sa voix, bon sang, tu le détestes. Il te rabaisse, continuellement. T’adores ça, m’faire croire que j’suis nulle, insignifiante et risible au possible Chris ? Arrête, laisse moi tranquille, ça sera mieux pour nous deux j’crois bien. Tu lui lances un regard foudroyant puis détournes le regard. Pourquoi tu me détestes autant ? Tu pouffes de rire, nerveusement. Tu t’moques de moi, là ? Tu commences à perdre patiente, là, enfermée dans cette pièce ridicule. Devine pourquoi, devine ! que tu lui grognes dessus avant d’aller dans un autre coin et taper sur les murs invisibles, espérant les faire tomber et enfin pouvoir sortir de cette prison dorée.

T'es pas toujours aimable. Même rarement en fait. T'es pas doué pour les compliments, la douceur. T'es rustre mais bon au fond. Sauf que Emma elle en a rien à foutre de ce que tu es au fond. Les rares fois où tu as été sérieux, elle s'est foutue de ta gueule, pensant sans doute que tu te payais la sienne et tu t'es enfoncé dans ce malentendu avec elle. Et là, en plus vous êtes coincés. Elle est entrain de taper contre le mur et tu t'approches d'elle. « Non vraiment je sais pas. » Tu attrapes sa taille, fatigué qu'elle t'ignore, tu la plaques contre le mur. T'es trop rustre, tu le sais. « Réponds-moi, pourquoi ? » Tes billes sombres se posent sur les clairs, elle t'énerve et elle t'attire en même temps et tu veux savoir.