Mon service était terminé, j'avais raccroché le tablier à la Luna Caffe et je errais dans les rues en quête d'un endroit où me réfugier autre que la Dunster House. J'aimais ma confrérie, mais je n'avais aucune envie de me retrouver seule dans ma petite chambre. J'avais tellement peur de ce qui pourrait m'arriver et puis, quand j'étais seule, je devais lutter si fort avec mes pensées, que je préférais me retrouver dans un endroit avec un petit peu de monde. Depuis quelques soirs, après mon service, je me rendais dans ce restaurant, juste avant la fermeture, pour y prendre un café. Bien souvent, il ne restait qu'une seule personne de présente, très peu de client et l'ambiance calme et tardive m'allait très bien. J'attendais simplement qu'on me mette dehors pour rejoindre ma confrérie et me mettre au lit. Ce soir, j'entrais dans le petit restaurant, comme à mon habitude et j'allais en direction du bar pour demander un thé au jeune homme. Je sortais de mon sac un bouquin, l'ouvrant à l'endroit de mon marque page pour reprendre où j'en étais avant de finalement relever la tête. « Je peux encore demander quelque chose à manger ? » que je demande d'une petite voix quand on me pose mon thé sous mon nez. J'ai horriblement faim. Un truc simple, rapide, ça ira.

mila ☾ nightcall
w/ marla witherspoon  — city center (boston), décembre 2018
Encore une soirée qui était assez calme dans l'ensemble. J'avais commencé mon shift à 21h pour être de fermeture. C'était toujours comme ça pour moi, de par mes cours qui se trouvaient pour la plupart assez tard dans la journée, finissant vers 20h. Et même pas le temps de passer par chez moi, fallait que j'aille direct au restaurant pour manger un truc pour ensuite enchainer avec trois heures, presque quatre des fois, de service à table. C'était juste épuisant. Mais je me devais de le faire, pour avoir de la thune. Les études, les sorties, le reste. C'était juste ça quoi. Et ce soir ne dérogeait pas à la règle. Il y avait cette petite rouquine qui arrivait, se posant au bar pour demander un thé. Aussi tard ? Elle voulait sûrement éviter de dormir. Mais moi je m'en fichais, je me coupais dans mon ménage pour lui servir sa tasse, une boite de thé à côté pour qu'elle puisse choisir le goût qu'elle préférait. Seulement, elle venait me parler à peine la tasse posée, pour à manger. Grimaçant, je finissais par dire ce qu'il en retournait. « Je... Le cuistot vient juste de partir » Glissant ma main à l'arrière de mon crâne, grattant légèrement mon cuir chevelu tout en regardant la cuisine, je finissais par hausser les épaules tout en me retournant vers elle. « J'peux tenter de te préparer un truc mais je promets rien » Un petit sourire suivi d'un léger rire, voilà comment s'improviser cuistot.

Avec mes petites habitudes, j'allais peut-être réussir à reconstruire une nouvelle routine et repartir à zéro ? J'aimerais que ça soit le cas. Pouvoir oublier ce qui me traverse ces derniers temps. Passer à autre chose une bonne fois pour toute. M'éteindre. Peut-être ? Surement. Si je ne voulais plus m’abimer, il fallait que j'éteigne mon cerveau, mes pensées. Ce qui voudrait dire que je devais m'endormir complètement, disparaitre. Je n'allais jamais m'en sortir si je continuais à avancer de la sorte. Il fallait que je trouve un moyen pour me sauver. En fait, le seul moyen que j'avais, peut-être que c'était mon ex-petit ami avec qui j'avais coupé les ponts. Lui, il m'aurait aidé à m'en sortir, pour sûr. Il se serait donné corps et âme pour me maintenir à la surface. Si nous ne partagions plus le même chemin à l'heure d'aujourd'hui, c'était peut-être parce que j'avais déjà fait mon choix quant à la suite. J'étais résignée. Ça n'empêchait pas de continuer à vivre encore un peu, histoire de ne pas semer le doute dans mon entourage. Tous les soirs, je me retrouvais dans ce restaurant, après le travail. À chaque fois, je demandais un café ou un thé, selon mon humeur. Mais ce soir, j'avais besoin de plus que ça. J'avais besoin de me remplir l'estomac. « Je... Le cuistot vient juste de partir » Bun oui Marla, c'est pas parce que tu t'apprêtes à quitter tout le monde qui tu es tout permis. Je rougis intensément. À l'heure qu'il est, même avec mon simple thé, je devais déjà le faire chier. « J'peux tenter de te préparer un truc mais je promets rien » Ma bouche s'ouvre, se referme et s'ouvre à nouveau, pleine d'hésitation. « Oh non.. non. C'était mal élevé de ma part que de demander ça de toute façon... Je trouverais de quoi manger sur le retour, c'est pas un problème » que j'affirme avec un sourire en m'empressant de boire mon thé.

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w/ marla witherspoon  — city center (boston), décembre 2018
Une routine éreintante mais qui, quelque part, me convenait parfaitement. C'était un concept assez étrange, d'autant plus que j'allais pas dormir tout de suite quand j'allais rentrer chez moi. Quelques projets de dernière minute m'attendait sur l'ordinateur. C'est ça quand on est sur un domaine informatique. On a toujours des trucs à faire. Que ce soit des formations, des améliorations ou du débug. C'était surtout du débug là en l'occurrence. J'avais pas mal merdé sur ma release qu'il fallait que je fixe un peu tout avant de pouvoir mettre en production, sur l'internet. Bref, qu'importe ce que j'avais en tête, j'saluais le cuistot avant qu'une fille ne vienne sur le bar pour prendre un thé. Seulement, quand elle réclamait à manger, je bloquais totalement. Je ne savais pas tellement quoi lui dire puisque... ouais, le cuistot venait de partir. « Non, non, c'était pas mal élevé, c'est... un resto après tout. C'est juste qu'il vient de partir et... » Je soupirais tout en regardant la cuisine. J'suis sûr qu'il restait encore pas mal de trucs à pouvoir cuisiner sur le pouce. « Je.. tu viens avec moi ? On va te faire cuire quelque chose à ton goût » Je tendais ma main par dessus le bar pour qu'elle l'attrape afin qu'on aille ensemble jusque dans la pièce en question. Mais l'hésitation se lisait sur son visage, ce que je pouvais comprendre en somme. « Promis je te mangerai pas. L'alarme et la caméra sont actives. Si tu cries à l'aide, quelqu'un viendra te secourir » Autant la rassurer comme je pouvais. Mais je n'allais pas m'en prendre à elle dans tous les cas, je voulais juste sauver son estomac qui devait crier famine.

Je n'avais même pas réagit à quel point ma demande ne se faisait pas. J'entrais ici comme une reine, demandant un thé et un plat de dernière minute alors que très clairement, l'heure du dernier service avait sonné depuis un moment déjà. Il était tard et avec le travail, je crois que je perdais une notion du temps. « Non, non, c'était pas mal élevé, c'est... un resto après tout. C'est juste qu'il vient de partir et... » Mes joues s'empourprent toute seule, une fâcheuse habitude. Le cuistot est déjà parti, ce n'est pas le moment d'être chiante Marla. « Je.. tu viens avec moi ? On va te faire cuire quelque chose à ton goût » Mes sourcils se froncent naturellement, ne comprenant pas très bien. Le suivre ? J'avais rêvé ? Non, il semblerait que non à en croire la main qu'il me tendait. « Je... » ne sais absolument pas quoi lui répondre. Est-ce que c'était une pratique qu'il faisait régulièrement ? Est-ce que c'était légal tout ça ? « Promis je te mangerai pas. L'alarme et la caméra sont actives. Si tu cries à l'aide, quelqu'un viendra te secourir » Je ne peux m'empêcher de rire en l'écoutant. « Tu sais que c'est un coup classique ça ? Le psychopathe qui dit qu'il n'en est pas un ? » Ça ne m'empêchait pas de contourner le comptoir pour le rejoindre à l'arrière. « Qu'est-ce que tu me proposes en plat rapide ? Tu crois qu'il y a de quoi faire un croque monsieur ou un truc du genre ? » Okay, propose-moi, mais je t'aiguille quand même hein.

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w/ marla witherspoon  — city center (boston), décembre 2018
Elle voulait juste manger, rien de plus, rien de moins. Et forcément, j'étais un bon samaritain moi, derrière mes allures de mec je-m'en-foutiste. Alors je me rendais à lui proposer de lui faire à manger, histoire qu'elle ne se retrouve pas l'estomac vide dans la rue, quand les portes de ce resto auront fermé. Normalement, j'aurais déjà du fermer mais hey, comme j'ai dit, bon samaritain. Bon, ça avait l'air surtout d'être un traquenard et j'essayais de la rassurer comme je pouvais, mais elle restait perplexe. C'était totalement son droit après tout, la situation n'était pas forcément à mon avantage. « ... c'est vrai, mais j'te jure que j'en suis pas un ! Je m'appelle Mickey Ainsworth, né à Seattle, dernier d'une fratrie de trois. Mes parents sont décédés il y a plusieurs années dans un accident de voiture à côté de Philadelphie et... tu pourras faire toutes tes recherches sur moi sur internet pour en avoir le cœur net si tu veux » Je forçais le sourire histoire qu'elle comprenne que je suis sans grand danger. Mais bon, si elle a encore peur, elle peut toujours s'enfuir. Mais visiblement, ça fonctionne puisqu'elle contournait le bar pour me suivre jusque dans la cuisine. « Bah... croque monsieur c'est faisable ! Quel fromage dedans ? On a le classique cheddar mais il me semble qu'on a de l'emmental aussi quelque part. Et si t'as des envies particulières à mettre dedans, on peut s'arranger. T'aimes épicé ? » Je commençais à m'activer pour récupérer le pain de mie, les différents fromages, le jambon. « Un œuf sur le dessus ? » Je haussais à plusieurs reprises les sourcils en mode aguicheur mais j'étais surtout en train de jauger ce qu'elle voulait.

« ... c'est vrai, mais j'te jure que j'en suis pas un ! Je m'appelle Mickey Ainsworth, né à Seattle, dernier d'une fratrie de trois. Mes parents sont décédés il y a plusieurs années dans un accident de voiture à côté de Philadelphie et... tu pourras faire toutes tes recherches sur moi sur internet pour en avoir le cœur net si tu veux » Wow. S'il n'était pas un psychopathe que je m'étais amusée à l'avancer, il était, pour sûr, un fou. J'en avais appris sur lui en trente secondes autant que ce que je n'oserais avouer sur plusieurs années. Parler de mon début de vie chaotique, très peu pour moi. « D'accord, j'te crois » que je disais en levant mes mains pour qu'il se calme. Je le rejoignais derrière le comptoir en l’interrogeant sur ce qu'il pourrait me préparer à manger. S'il n'avait pas l'habitude, je pouvais toujours lui filer un coup de main. Pour ma part, la cuisine était une passion et non pas une tâche du quotidien que je faisais par automatisme. Je l'aiguillais dans ce dont j'avais envie. Pourquoi pas un croque monsieur ? C'était super bon, rapide à faire et ça tenait au corps. « Bah... croque monsieur c'est faisable ! Quel fromage dedans ? On a le classique cheddar mais il me semble qu'on a de l'emmental aussi quelque part. Et si t'as des envies particulières à mettre dedans, on peut s'arranger. T'aimes épicé ? » - « Je reste avec le classique cheddar... Et ouais, j'adore manger épicé » et je le regardais sortir les différents ingrédients. La cuisine était impressionnante et ça me donnait envie de l'aider. « Qu'est-ce que je peux faire ? Tu t'en fais un aussi ? » que je demande avec intérêt avant de me mettre à rire en le regardant agiter ses sourcils épais. « Un œuf sur le dessus ? » - « Soyons fous.. Mais... Ça devient un croque madame là.. » L'identité du plat changeait, mais je n'avais aucun doute sur le fait que ça restera délicieux.

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w/ marla witherspoon  — city center (boston), décembre 2018
Je n'avais rien à cacher et c'était bien pour cette raison que je m'étais amusé à tout déblatérer. Mais évidemment, tout le monde n'est pas comme ça et certains psychopathes s'amusaient même à donner une fausse identité comme ça pour prouver à l'autre qu'ils sont sincères mais la force de persuasion fait qu'ils ne sont pas pris immédiatement dans le sac. Le temps de commettre leur crime. MAIS moi je n'étais pas comme ça, et elle allait vite s'en rendre compte. Sourire esquissé sur le visage, elle me suivait dans la cuisine, me croyant alors digne de confiance. Ou du moins, elle ne se sentait pas inquiétée. « On peut rajouter quelques jalapeños.. ou du chorizo, histoire de rehausser le goût » Pour l'épice en tout cas, pour le reste, j'écoutais ce qu'elle voulait. Cheddar donc, avec le pain de mie et le jambon. « Pour te tenir compagnie, je peux potentiellement m'en faire un ouais. Si t'as une recette en tête, je suis prêt à donner de mon corps pour la goûter. Sinon, la même chose que toi » Et moi, je prenais les jalapeños dans tous les cas. « Exact. Merci pour la rectification » que je disais en souriant alors que la poêle chauffait sur le feu. L'assemblage était quasiment fini et je récupérais les œufs pour les avoir à portée de main quand il allait falloir les faire cuire. J'attrapais l'appareil à croque-monsieur, quasi chaud, prêt à recevoir nos deux sandwichs. « Qu'est-ce que tu faisais avant de débarquer ici, pour ne pas avoir mangé à une heure si tardive ? »

Et dire que j'avais simplement demandé s'il était possible d'avoir un repas, voilà que je me retrouvais en cuisine à le faire "moi-même", en compagnie du charmant serveur qui avait pris l'habitude de prendre ma commande chaque fois que j'arrivais à la fermeture. Je le suivais donc, me fiant à mon instinct en me disant qu'il ne me ferait rien de mal. Rapidement, il se met à l’œuvre et c'est avec des yeux émerveillés que je suis ses mouvements. La cuisine, elle faisait rêver mine de rien et j'avais envie de lui venir en aide moi aussi. Avant ça, il fallait élaborer la recette et le point de départ était donc un croque monsieur. « On peut rajouter quelques jalapeños.. ou du chorizo, histoire de rehausser le goût » Je hochais la tête avec entrain. « Allons-y pour les jalapeños » ça allait m'arracher la gueule mais tout va bien. Je me proposais de faire le sien, on pourrait partager le repas, il avait l'air cool comme type. « Pour te tenir compagnie, je peux potentiellement m'en faire un ouais. Si t'as une recette en tête, je suis prêt à donner de mon corps pour la goûter. Sinon, la même chose que toi » - « Oh » Je me mettais aussitôt à rougir, dépourvue d'idées. « Mange la même chose que moi.. » que j’assène d'une petite voix en le rectifiant sur la recette finale. « Exact. Merci pour la rectification » Au final, il faisait tout de lui-même et je ne m'imposais pas. Ma présence était déjà un miracle je suppose alors je ne touchais à rien. « Qu'est-ce que tu faisais avant de débarquer ici, pour ne pas avoir mangé à une heure si tardive ? » - « Je travaille au Luna un peu plus loin.. On ferme plus tôt qu'ici, mais faut nettoyer les lieux après.. » Et comme j'avais demandé plus d'heures, je me tapais le ménage.

mila ☾ nightcall
w/ marla witherspoon  — city center (boston), décembre 2018
J'étais pas méchant comme garçon alors j'essayais d'être assez avenant envers cette fille qui voulait juste manger. Le cuistot est plus là ? Pas grave, on saura rebondir de cette situation. La faisant venir derrière le comptoir puis me suivre dans la cuisine, on fera nous-même cette bouffe qui lui donne tant envie. Des besoins, des envies particulières ? Bon, j'avais cette envie de faire des folies un peu, histoire d'expérimenter un peu et d'aiguiser ces talents que je me trouvais petit à petit. Des jalapeños, c'était une idée qui semblait lui plaire alors j'en sortais deux, que je me mettais à couper en morceaux afin de les incruster dans la recette. « Donc deux croques madame épicés ! C'est parti » Je souriais alors que le beurre commençait à crépiter dans la poêle. Et du coup, la curiosité était de mise. Pendant que je m'attelais à construire nos deux repas, je cherchais à en savoir plus la concernant, notamment sur le fait qu'il était tard et qu'elle n'ait rien mangé de la soirée. « Ah oui, je vois où c'est » Les deux sandwichs montés sans les œufs, je les mettais dans la poêle et c'était parti pour une cuisson minute. « Je comprends cette faim du coup. Mais d'habitude tu finis pas aussi tard, enfin j'ai pas souvenir de te voir ici aussi tard » Et je passais pour le creepy qui se souvenait de la cliente récurrente. « Enfin, qu'importe. Tu vas pouvoir manger, chanceuse que tu es » J'esquissais un sourire en voyant que le beurre chaud commençait à colorer le pain de mie. Ce n'était plus qu'une question de minutes. Et puis je remarquais que je m'étais totalement planté, puisque j'avais sorti l'appareil à croque monsieur. Tant pis, je l'éteignais et le mettais de côté. Il servira pour le service de demain probablement.