Ma dernière heure de cours de la matinée, la cloche sonne alors que j'commençais à ronfler sur mon bouquin d'éco. Je fais mon sac en un éclair, je sors de ma salle. Passage obligé vers la liberté, le dehors malgré le froid de canard : le grand hall. Je m'engouffre au milieu des corps, direction la cantine. J'avance péniblement, je me fais écraser les pieds : les temps sont rudes quand on chausse du quarante-deux. Quand je sens une main qui agrippe mon poignet. Qui me tire. Pitié, pas le moment de me faire kidnapper. La main m'agrippe sur le côté, à l'écart de la cohue et je pose mes yeux sur la petite tête brune que je dépasse de quelques centimètres. "Hey !" Je souris, une grosse banane qui me fend le visage. Tamsin. La fille de la Kirkland, la fille d'Insta, la fille d'Halloween. "Hello ! Je t'ai presque pas reconnu sans ton déguisement." Faut croire que même sans ma perruque rose, elle m'avait reconnue. En même temps, des grandes métisses, ça court pas les couloirs d'Havard. "Le jaune soleil, ça te va bien !" Je lance avec un sourire en faisant un petit signe vers son pull. Et puis je la regarde, sans me départir de mon sourire mais je sais pas quoi dire, je suis plantée là. "Hum, t'allais manger ?"

Le problème quand j'arrive sans être préparée, c'est que souvent, ça part dans tous les sens. Je vais partout et nulle part à la fois, je réponds à des pulsions, à des envies, plutôt qu'à mon cerveau qui élabore un plan avant d'agir. Attraper sa main, la tirer vers moi n'était qu'un maigre exemple, actuellement. "Hello ! Je t'ai presque pas reconnu sans ton déguisement." souris, je change pas tellement, mon visage reste le même quoi que je fasse. "J'ai eu du mal aussi !" mensonge, j'ai reconnu les atouts que je voulais reconnaître, j'ai accès à son instagram donc sait à quoi elle ressemble. "Le jaune soleil, ça te va bien !" regarde le pull, relève les yeux vers la jeune femme. Un compliment, déjà ? Aurais-je mes chances sans même avoir à me battre pour ? Je hausse les épaules, "C'est gentil, j'étais pas convaincue ce matin pourtant !" je l'ai quand même mis, parce que le temps devient plus frais. "Hum, t'allais manger ?" regarde la demoiselle, je suis pas certaine de savoir quoi répondre. Souris en coin, "ça dépend, tu me propose quoi ?" Tamsin, toujours plus. Quand on me demandera, je dirais que c'est toi qui a commencé, Numa. Que tu es celle qui a pris les devants, celle qui m'a invitée.

ta réponse était parfaite et j'ai changé le nom du coup

"J'ai eu du mal aussi !" Menteuse, c'est toi qui a attrapé ma main dans la foule, non ? Mais je reconnais, on s'y habituait vite à ma petite perruque rose. Je la vois qui regarde son pull, qui me sourit. "C'est gentil, j'étais pas convaincue ce matin pourtant !" Je ris en secouant la tête. Je propose d'aller prendre un quelque chose à manger, j'ai les crocs. "Ça dépend, tu me propose quoi ?" "Huuuum, je t'avoue que je pensais à la cafet pour tester le très fameux sandwich au poulet." J'veux dire, je comptais pas aller au Ritz puis j'avais les cours de ma seconde période qui reprenait assez tôt dans l'après-midi. "Ça te va ?" J'attends pas vraiment la réponse de Tamsin, j'ai faim. Puis je vois tout ce beau monde qui se dirige vers le réfectoire et je tiens à ma bouffe. Je fais un petit signe de la tête à la brune et je me dirige vers la cafétéria. "Je suis contente que t'aies survécu à la soirée, il paraît que des étudiants d'Harvard ont fini mangés par les zombies." Je glisse en riant, en attrapant un plateau que je fais glisser le long des rails du self. "Ça aurait été dommage de te perdre juste après notre rencontre !" Un petit clin d'oeil alors que je glisse un sandwich et une pomme sur mon plateau avant d'arriver en caisse.

Je la laisse lancer une proposition, en sachant très bien que je serais la seule à décider si je refuse ou non. La réponse sera oui, quoi qu'il arrive. "Huuuum, je t'avoue que je pensais à la cafet pour tester le très fameux sandwich au poulet." Je souris et hôche la tête, "Ça te va ?" - "Je te suis !" c'est pas l'endroit que je préfère, pour être honnête. Trop d'étudiant, trop de foule. C'est une jungle, et dans la jungle, on sait qu'on est pas maître. Ca fait peur, ça etouffe, ça ressert les organes entre eux. On aime pas, quand les organes se sentent peu chez eux. "Je suis contente que t'aies survécu à la soirée, il paraît que des étudiants d'Harvard ont fini mangés par les zombies." Rigole, hoche la tête, "C'était pas les meilleurs étudiants que j'ai eu l'occasion de manger, pour tout t'avouer." que je cale en grimaçant un peu, dans la blague. Je la suis, l'imite, attrape un plateau. J'y met une salade, qui ressemble pas réellement à une salade, et prends un fruit. Quand c'est pas moi qui cuisine, je suis toujours un peu sceptique. Le contrôle jusqu'à l'os. "Ça aurait été dommage de te perdre juste après notre rencontre !" regarde la belle, surprise. Si après ça, elle est pas intéressée, je sais pas ce qu'elle est, alors. "T'a de la chance, tu m'a pas perdue." souris en coin, règle la note et on part à la recherche du table. C'est notre jour de chance, on trouve vite. Impresionnée. "Allez, laisse-moi deviner." souris, se mord la lèvre, la regarde de haut en bas. "Cabot et tu étudies.. le journalisme ?" la vérité c'est que je sais déjà tout de toi, mais le jeu en vaut vraiment mieux la chandelle. C'est plus sympa, tu te sentira mieux en confiance, ce genre de chose.

Mais quelle dalle monstre ! J'le regarde avec envie ce sandwich vegan. Je lance un petit regard rieur à Tamsin, dommage de la perdre et son pull jaune soleil, ouais. Je suis contente de la croiser par ici. "T'a de la chance, tu m'a pas perdue." Je souris en réglant la note et nous voilà, à chercher une place dans la marée d'étudiants. Bonne chance à nous. Et la chance est au rendez-vous ! Deux nanas partent tout juste quand on débarque dans l'allée centrale, je pose mon plateau avec hâte. Faut marquer son territoire. On s'assoit, je prends une petit bouchée de pain et de salade. Bonheur. "Allez, laisse-moi deviner." Je hausse un sourcil avec un petit sourire, ohla ce petit sourire en biais qu'elle a, ses dents qui viennent se mordre la lèvre. Des signes qui trompent pas. Merde, je prenais pas ça comme ça moi de base, j'ai chaud d'un coup. "Cabot et tu étudies.. le journalisme ?" Gloups, jeu des devinettes. Je me fais peut-être bien draguer ouais. Je m'essuie le bord des lèvres avec une serviette en papier, je passe une mèche rebelle derrière mon oreille. Je me fais belle, magré moi, hein, parce que j'aime les mecs qu'on soit clair là-dessus. Je me le répète, je me le répète. J'suis hétéro, hé-té-ro. Pourtant je réponds avec mon sourire le plus charmeur, je bats un peu des cils. "Cabot c'était facile." Je réponds avec le regard qui brille, que je fixe dans ses yeux avec un petit sourire. "Mais non ! Eco et droit, avec l'ambition absolument originale de devenir avocate." Absolument original indeed. Je crois bien que la moitié des grands avocats d'affaires de ce monde viennent des rangs d'Harvad. "A moi ! Joueuse de ping-pong, eeeet ta couleur préférée c'est le ble... le jaune !" Je dis avec un petit regard rieur pour son sweatshirt. Je sais pas ce que je raconte, je fais des blagues, je la taquine. Oh putain, ça ressemble à de la drague non ? Hé-té-ro, Numa, hé-té-ro.

Numa, c'est une beauté folle. Je pourrais danser dans ses yeux toute la nuit, si elle me le demandait. Je ne pourrais voir qu'elle. Elle dégage quelque chose, et quelque part, je me déteste de sentir ça. La chaleur qu'elle envoie, la beauté qu'elle est. J'arrive pas à regarder ailleurs, j'arrive pas à voir autour. Je suis accrochée à ses lèvres, pour le moment, en tout cas. "Cabot c'était facile." Je souris et hausse les épaules, une nouvelle bouchée de ma salade que je dévore. Pas si facile, il n'y a pas de petites victoires. "Mais non ! Eco et droit, avec l'ambition absolument originale de devenir avocate." je souris et hoche la tête. J'ambitionne rien, personnellement, alors vaut mieux avoir le mérite de vouloir devenir avocate que d'être ici uniquement pour apprendre. "Une future avocate ? C'est fou, j'en croise si peu à Harvard !" que je dis, le sourire aux lèvres, taquine. Je rigole, en réalité, à partir du moment où l'entrée à Harvard est validée, c'est que tu as les capacités nécessaires pour être ce que tu souhaites. "A moi ! Joueuse de ping-pong, eeeet ta couleur préférée c'est le ble... le jaune !" Je rigole, secoue la tête, "Joueuse de beer-pong, déjà." rectifions, jouons franc jeu. "En réalité, le bleu ça me correspond plutôt bien !" mais je suis solaire, je souris, je ris, j'illumine. J'essaie. Je suis lunaire, selon certains autres. Je suppose que l'un ou l'autre ne pourra être confirmé. Approche un peu son visage au dessus, parle plus bas, comme d'une confidence ; "Par contre les cabots, c'est pas le meilleur choix.. la kirkland par contre.. c'est bien mieux." souris en coin, reprend une bouchée. On aurait peut-être été à une porte près.

Je sais pas ce qui me prend depuis un certain temps, à reluquer les nanas. Tiens, regardez, Tamsin j'ai tout de suite remarqué son petit sourire, ses joues à bisoux, le contour de sa mâchoire, la forme de ses lèvres même. Oh god, god. Je sais pas ce que j'ai, j'suis bizarre en ce moment. J'ai toujours aimé les mecs, je vais à la Pride mais que pour le fun, accompagner des potes. J'veux dire, ouais, non. Je sais pas. "Une future avocate ? C'est fou, j'en croise si peu à Harvard !" Elle me lance avec un petit sourire, ça me fait rire, je plonge mes yeux vers mon sandwich vegan en secouant la tête. Allez vas-y Numa, glousse comme un dindon, comme une ado in love et fais comme si elle te faisait zéro effet. Bon, je suis nulle en devinettes. Mais je la fais rire. "Joueuse de beer-pong, déjà." Je hausse les sourcils en riant. "En réalité, le bleu ça me correspond plutôt bien !" Je hoche la tête avec un petit sourire. "J'ai eu faux partout alors, 1-0 pour toi." Parce qu'on joue à quelque chose là ? Je sais pas, je raconte n'importe quoi. Puis la brune se penche un peu sur son plateau, vient parler tout bas. "Par contre les cabots, c'est pas le meilleur choix.. la kirkland par contre.. c'est bien mieux." Elle se retire, prend une bouchée. Je m'enfonce sur ma chaise, je crois les bras, un petit air de défi. "Je sais pas, on m'avait un peu vendu le truc comme l'antre des gros nerds à lunettes." Pas méga sexy. Enfin les lunettes ça pouvait l'être, mais pas celles du nerd que j'avais en tête. Puis je me sentais bien chez les roses, des colloc sympas, une ambiance cool, sans prise de tête. Il y a un petit silence entre nous, où je souris quand même comme une idiote alors que je mâche mon sandwich. "Alors, hum, t'as un copain ? hm." Mon dieu. Je sais pas ce qu'il me prend à poser des questions comme ça. Je suis un boulet, c'est pas possible. "Enfin, j'demande ça comme ça, hein, tu vois ?" J'ai sorti les rames. Puis pourquoi je lui pose la question moi ? Si elle a un copain, dommage pour lui parce qu'elle semble vachement avenante, puis si elle en a pas, pourquoi je voudrais le savoir. Je suis pas intéressée, du tout.

"J'ai eu faux partout alors, 1-0 pour toi." Rien qu'à la voir, je sais que j'ai mes chances. C'est probablement horrible dit comme ça mais avec le temps, j'ai appris à voir ce qui plaisait, ce qui me plaisait et surtout quand je plaisais. Elle a pas l'air franchement habituée, encore un peu hésitante, encore un peu innocente, mais au fond, je suis persuadée qu'elle sait ce qu'elle fait et où elle veut aller. Surtout, avec qui, et quand je vois son regard, je sais que j'ai quelque chose à voir là dedans. Regardez la, son air de défi, cette petite moue, depuis le fond de sa chaise. "Je sais pas, on m'avait un peu vendu le truc comme l'antre des gros nerds à lunettes." lève un sourcil, regarde la demoiselle, "C'est complètement faux ! En réalité, il y a énormément de gens vraiment cool, et on fait autre chose que des soirées vernis et pyjama." souris en coin, "J'veux dire, on s'amuse vraiment, on fait pas juste semblant." taquine, toujours aussi taquine. "Et très franchement, j'ressemble à une nerd à lunettes ?" se mord la lèvre en regardant son interlocutrice. On sait toutes les deux que non. Que dans une robe, je suis la personne la plus sexy au monde. Bon d'accord, là j'en fais un peu trop. Parce qu'au final, dans un pyjama, j'suis juste cette fille next door à peine remarquée. "Alors, hum, t'as un copain ? hm." je relève les yeux, souris en coin. On est à ce genre de question, alors ? "Enfin, j'demande ça comme ça, hein, tu vois ?" je souris et j'hoche la tête, prenant une bouchée de mon plat ; "Et toi, t'a un copain ?" allez tamsin, tu peux mieux faire ; "une copine ?" que j'ajoute, toujours ce sourire taquin aux lèvres.

"C'est complètement faux ! En réalité, il y a énormément de gens vraiment cool, et on fait autre chose que des soirées vernis et pyjama." Soirées vernis et pyjama, c'est vraiment comme ça qu'on nous voit ? Je secoue la tête en riant. "J'veux dire, on s'amuse vraiment, on fait pas juste semblant." Je mâche un bout de mon sandwich, un petit sourire aux lèvres. "C'est vrai que ça manque de beaux mecs..." J'hausse un sourcil, je guette peut-être sa réaction. Je sais pas pourquoi je dis ça moi, pour mettre à distance ces papillons dans le ventre. Comme une piqure de rappel que je me fais à moi-même, hé-té-ro, j'suis hétéro. Je bave devant les beaux mecs pas les jolies nanas. J'dois pas être très convaincante parce que Tamsin me fixe avec ses yeux rieurs, son sourire taquin. Et moi je gobe une mouche. "Et très franchement, j'ressemble à une nerd à lunettes ?" Je rêve ou elle se mordille le bout de la lèvre ? Wow, j'ai chaud, assise sur ma chaise. J'ai des petits regards autour de nous. Je sais pas, j'ai pas envie que les autres remarquent notre petit manège. Je repose mes yeux sur Tamsin. Elle est jolie. Je secoue la tête avec un petit rire, pour dissiper ma gêne, mes émotions contradictoires qui s'agitent dans ma tête. Ce qui nous laisse avec ce petit silence, ce blanc où j'me sens un peu bête. Mais où je peux pas m'empêcher de la fixer. J'oublie de jouer l'indifférente. Et la question qui tue. Je vous jure, j'me donnerais des claques. Elle a ce sourire qui trompe pas et pour toute réponse, elle hoche la tête. Elle hoche la tête, attendez, ça veut dire quoi ? Oui ? Un copain et elle vient draguer la première métisse qu'elle croise, que, quoi ? Mon ventre grogne, c'est le bazar là-dedans. "Et toi, t'a un copain ? une copine ?" Glouups. Je me gratte l'arrière de la nuque, si j'avais un teint plus pâle, on pourrait deviner mes joues qui s'empourprent. "Je hum... Une copine ? J'suis hétéro moi tu sais hum..." Je me justifie avant de répondre. Rien qu'avec ça, je suis méga cramée. Je secoue la tête avec un petit rire nerveux. "Hum non, non, j'ai rompu avec mon copain y a un petit moment et depuis, libre comme l'air..." Petit rire nerveux toujours. Libre comme l'air, ouais. Je finis toutes les soirées dans le pieu dans nouveau mec, torchée comme pas permis. J'me lève le matin, j'ai mal partout, j'ai pris aucun plaisir et pourtant je recommence. Une routine réconfortante.