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Le petit pschit de la cannette viendrait presque rompre ce moment suspendu dans le temps. Je faisais quoi hier, je ferai quoi demain ? Je sais pas. Sur ce lit, à discuter encore avec lui. "C’est réciproque en fait…" Je fronce les sourcils en secouant la tête, avec un petit sourire. "Et ça te fait pas peur ?" Non ? La foudre nous tombe sur la tête et on accepte, c'est une fatalité alors ? Que je tombe amoureuse de lui ? Je viens faire errer le bout de mes doigts sur son visage de boxeur. "Roxanne j’ai..." Je hoche la tête, je sais ce que ça fait d'avoir les mots qui se bloquent dans la gorge. "Je peux rester dormir ici ?" "Oui." C'est une évidence, il peut, je le veux. J'invite sa tête à se poser sur mes genoux, lui passer la main dans les cheveux, sentir son crâne contre mon ventre. Peut-être qu'il sentira les coups du bébé ? Je sais bien que ça donne pas de coups à ce moment là, mais je sais pas. Un aura, une onde, quelque chose. "J’suis un mec un peu casse gueule, tu sais ? J’m’entends bien avec tout le monde mais j’ai mes… phases de colère. J’sais pas pourquoi, c’est comme ça depuis que j’suis petit. Peut-être la mort de mon père." Je l'accepte alors. Je crois que je veux l'accepter tout entier. Même si c'est difficile. Je pourrai jamais tomber sur un mec facile de toute façon, je crois que je suis à vif. "Je suis une casse gueule aussi." Je finis par souffler avec un petit sourire, mes doigts toujours maternels entre ses boucles. "J'ai un petit corps, je fais pas peur mais je suis sur les nerfs." On fera la paire. Je pense de nous au futur. Alors c'est bon ? Je le sais ? Que je le veux lui ? "Qu’est ce que t’as ressenti à sa mort ?" Je laisse mes yeux se perdre dans l'obscurité de ma chambre. "J'étais toute petite tu sais. Quatre ans. Il a été malade pendant longtemps." Ce qui m'a fait le plus mal, c'est le silence de ma mère. Deux longs mois durant lesquels elle a à peine ouvert la bouche. Et puis nous sommes parties toutes les deux, pour le Nouveau Monde. Il vient toucher ma joue, ses pouces roulent sur ma peau. "Parle-moi d’autres choses sur toi. Je veux t’apprendre en entier." Je souris, je souffle. Je déteste ça, parler de moi. Je suis d'une pudeur infinie, quoi qu'en laisse penser mes tatouages, ma gueule de rebelle. "Je suis pas d'ici, je suis née en Angleterre, quand j'étais petite j'avais l'accent." Je dis ces derniers mots en imitant l'accent des mineurs anglais avec une voix de canard, ça sonne pas très juste. Je ris. Mon enfance en Louisiane a gommé les traces de mon accent britannique. "Puis j'ai grandi ici, j'ai connu que ces deux pays, ah non, une fois au Mexique sur un scooter, j'ai traversé la frontière." Sinon c'était l'éternel mouvement de balancier des Etats-Unis à mon île natale, mais les voyages se faisaient rares. Pas de sous. "Et voilà, je veux pas te mentir, j'ai rien d'extraordinaire, je joue la dure mais je suis encore une enfant, je crois bien."
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