Je n’en veux pas à Hadès. Je ne lui en veux plus. Il a eu son lot de drame. Peut être que d’une certaine façon, il est celui qui aurait pu le plus me comprendre. Peut être. Je n’en veux pas à Abé non plus. Je l’ai incendié l’autre coup par sms. Parce qu’il a manipulé Pluton en lui faisant s’imaginer qu’il était de nouveau dans une liaison avec sa femme alors même que ma sœur venait de décéder. J’aurais pu aussi m’énerver pour les funérailles, d’avoir fait sa crise avec Ayma et son conjoint, d’avoir ramené cette fille qui a fait des frasques avec cette gifle. Je n’en veux pas à Phoenix pour autant. Elle n’est qu’un pion perdu sur l’échiquier de ce monde qui la dépasse, qui nous dépasse tous. Je n’en veux pas à mes parents. Ils pleurent à leur façon. La chagrin peut parfois prendre d’étrange forme. Je n’en veux pas à Cece. Elle est dans sa bulle, elle a son mari, sa famille, son noyau. Je n’en veux pas à Pluton. Désespérément paumé, instable, perdu. Comment pourrait-il être ma boussole ? Je n’en veux pas à Louison. Elle a ses démons à gérer actuellement. Et puis elle a toujours été aussi nécrosée que moi, si ce n’est plus, peut être pour ça qu’on s’est tout de suite aimé elle et moi. Bizarrement, malgré d’autres sms incendiaires, je n’en veux même pas à Nate, ni à Arizona. Y’a eu ses potes instagram pour étaler leur bonheur quand moi je vivais les pires moments de mon existence, mais quoi ? On vit un drame, un tremblement de terre, nos certitudes s’effondrent, notre monde s’écroule, on voudrait que la terre s’arrête de tourner, que le temps se stoppe. On voudrait retenir tout ça, ancrer l’image de l’être perdu, s’enivrer de son parfum, écouter en boucle le timbre de sa voix… Puis le temps continue de s’écouler, sans pitié. Et les souvenirs s’amenuisent disparaissent… Je ne veux pas la perdre, j’ai l’impression qu’avancer sans elle c’est la trahir. Je ne peux pas. Ce vide me bouffe. M’aspire. J’ai pris la résolution de rentrer, j’ai pris la résolution de me remettre dans mes cours, de fréquenter à nouveau mes amis, de me lancer corps et âme dans mon club de chasteté. J’ai atterri, congédié mon personnel, pour être seule… Je n’ai prévenu personne. Je leur ai tous dit que j’allais revenir, point. Pas de date. Pas d’heure. Et me voilà donc, errant dans les ruelles de Boston. Enfin je ne suis pas en train d’errer, je sais où je vais. C’est bizarre ce sentiment. Un bien être. Une libération. La nuit est tombée sur la ville. J’avance sur ce pont. Les voitures se font rare. C’est bien. C’est mieux. J’hume l’air du soir avec un étrange sourire sur le visage, fermant un instant les paupières pour laisser un courant d’air caresser mon visage. Un sursaut de lucidité me frappe : je ne peux pas partir sans dire au revoir. La politesse. Toujours. Jusqu’au bout. J’attrape mon portable en avançant. Quelques mots pour tous. Pour chacun. Et je range l’objet au creux de ma poche. Doucement, je m’avance jusqu’à la rambarde. Le fer forgé de cette dernière est froid. Mes doigts l’agrippent quand même sans hésitation, mon pied droit se soulève, décolle du sol et je commence à en enjamber le garde du corps.

Non, je ne suis pas en colère. Non je n’en veux à personne. Ce soir, la seule à qui j’en veux c’est moi même. De faire ce que je m’apprête à faire. De baisser les bras. De vouloir m’échapper et fuir cette vie quand ma sœur a perdu tragiquement la sienne. Je m’en veux de choisir la facilité. Je m’en veux de prendre cette option. Et en même temps, j’ai l’impression de ne pas avoir d’autre choix…

Il a fallut un message pour te faire sortir de ta bulle dépressive. Tu as délaissé ton verre pour ce soir, il en est même tombé par terre. Et les messages envers ce premier amour se font insistant, mais tu n'as, malheureusement aucune réponse. Un tas de questions te passent par la tête, mais bizarrement, tu sais exactement ce qu'elle fait. Tu sais exactement ce qu'il se passe. Tu te souviens très bien de cette nuit là. Cette nuit où tu as voulu en finir. T'étais sur le toit d'un immeuble, bourré, à deux doigts de sauter. Tu sais que trop bien ce qu'elle traverse et le fait qu'elle ne veuille pas le traverser avec toi, ça, ça te tue. Vous êtes en deuil, tous les deux. Ariana était sa soeur de sang et sa soeur de coeur. Vous l'aimiez comme jamais. Vous l'aimiez plus que tout. Tu montes dans ta voiture, fonçant jusqu'à chez elle, mais il n'y a personne. Putain mais réfléchis ! Sur cette putain de planète, t'es la personne qui la connait le mieux ! un coup de poing dans le mur de pierre, écorchant une fois de plus ta main. Tu ascène un second coup, encore plus violent. Et encore un. Tu paniques, ton coeur tape trop vite dans ta poitrine. Elle devrait le savoir non ? Que tu pourrai pas vivre sans elle. Que ça serait trop te demander. Et que si la mort vous sépare, ça serait définitif, parce que si l'enfer existe, ça serait, sans aucun doute ton royaume. Tu finis front contre le mur, reprenant ton souffle, pour tenter de réfléchir. Vous vous connaissez mieux que personnes. Tu es capable d'anticiper. Et si Cassie voulait mourir, elle ne prendrait pas une arme, elle est contre les armes à feux. Et chez elle, c'est vide. Cassie a toujours voulu voler. Elle te l'avait dit une fois. Quand toi, tu veux pouvoir manipuler les gens comme pouvoir, elle c'est voler qu'elle choisissait à chaque fois. Le pont. c'est forcément en volant qu'elle voudrait partir non ? Tu remontes dans ta voiture, tes mains trop écorchées par les coups, mais les idées plus claires. La souffrance, spirale infernal qui nous font penser que tout est finis. Tu roules, bien trop vite dans les routes de Boston, manquant de renverser, par deux fois, des cyclistes nocturnes. Tu klaxons, t'as pas le temps. Tu tournes vers le pont et tu apperçois, au loin, une silhouette près du bord. Tu te gares, en plein milieu de la route, t'en as absolument rien à foutre. Cassie ! tu hurles son prénom et cours jusqu'à son niveau. Quand tu t'arrêtes, t'es le premier sur les lieux. Elle est dos à toi, elle regarde le vide. T'avances, vers la barrière de ferraille en douceur Cassie, c'est moi ... Ecoute moi, je t'en supplie... Cassie, regarde moi... tu ne peux pas la laisser faire ça. Peut être que pour elle, c'est le mieux mais pas pour toi. Tu ne peux pas la perdre. C'est impossible. Cassie, c'est ton premier amour. Cassie, c'est une des personnes que tu préfères sur terre. Cassie est ton repère quand tout semble s'effondrer. Et personne ne la connait comme tu la connais. Toi, tu l'as vu rire avec toi, aux éclats, tu l'as vu pleurer, tu l'as vu te faire ces regards qui veulent tout dire. Vous avez vécu ensemble pendant les vacances, vous étiez lié. Et si tu l'as quitté, ce n'est pas parce que tu as arrêté de l'aimer ou bien parce que tu voulais coucher, contrairement à ce qu'elle pense. Non, si tu l'as quitté, c'est parce que tu tombais tellement bas et tu l'aimais tellement que tu ne voulais pas l'entrainer dans ta chute. Cassie c'est un amour qu'on connait une fois. Cassie, même si souvent, vous n'êtes pas d'accord, même si souvent vous vous engueulez, il y a ce truc qui fait que tu retournes toujours vers elle. Cassie, elle a veillé sur toi. Et surtout, Cassie est la seule personne à pouvoir comprendre à quel point Arthur te manque. Parce qu'elle a été témoin, témoin de votre complicité, de ton amour pour lui. Elle t'a vu râlé avant sa naissance, elle t'a vu être émerveillé face à ce petit être qui a chamboulé ta vie. Cassie, même dans le pire, elle a toujours réussi à voir la bonne part de toi. Elle a toujours vu et connu le vrai Hades. Pas celui des contes, l'authentique. Elle a toujours su lire à travers les articles de presses ce que tes comportements voulaient dire. Et elle ne t'a jamais jugé pour être qui tu étais. Elle t'en a voulu, surtout quand elle a su pour Ariana et toi, mais Cassie t'as toujours accepté tel que tu es. Cassie est l'une des personnes que tu aimes le plus sur cette Terre. Elle ne s'en rend probablement plus compte, après tout ça. Mais elle l'est. Cassie c'est ton premier amour. Elle t'a toujours rendu fou à sa façon. Vous étiez un duo hors paire. Vous étiez tous les deux inséparables. Cassie, c'est la première personne à qui t'as dis je t'aime sans te forcer. Tu ne peux imaginer ta vie sans elle. Parce que sans son grain de folie et sa malice, la vie serait morose. Cassie, tu l'aimes. Maladroitement et a ta façon, mais tu l'aimes. Que voulez vous ? Alors quand on aime, il n'est jamais trop tard.

Je me sens libre ce soir. La fête Mather se déroule bien. Je m’amuse, je me sens heureuse, même si ce n’est qu’une illusion temporaire. J’envoie des oeufs sur des façades. Je déroule du papier wc sur des arbres, sur mes camarades. J’suis moi, Louison Chamberlain, vingt-trois ans, toutes ses dents et une partie de son coeur en moins, mais on s’en fout. J’déambule dans les ruelles, entourée de mes compagnons, d’Hardin. Petit squelette heureux, ivre. J’tourne sur moi-même, je sens la brise se fracasser sur mon visage. J’ouvre mes bras et je relève ma tête vers le ciel, véritable chape de pétrole. Et puis mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean noir tout troué. Je le retire, l’approche de mes yeux et j’distingue un message effrayant provenant de mon amie Cassie. Odeur de suicide. J’panique. Pas un autre mort. Non, pas ça. Serah, c’était déjà trop. Je pianote, vite, très vite. Aucune réponse. Mon coeur coure dans ma poitrine. Je m’éloigne du groupe. J’me sens appeler, quelque part. J’tourne dans Boston. Je vérifie mon portable toutes les secondes. Je fouille les réseaux sociaux, rien, pas d’infos. Je me rapproche de la Charles River et là, mes globes oculaires manquent de rebondir sur le sol. Cette silhouette, petite, qui enjambe le pont ! Cassie ? Mes cheveux fouettant ma frimousse, je tape un sprint monumental jusqu’au pont, jusqu’à cette fille qui pourrait arrêter sa vie pour je ne sais quelles raisons. Plus je m’approche, plus je constate que c’est toi. « FAIS PAS ÇA, REVIENS, REDESCENDS, CASSIE, PUTAIN » J’hurle à m’en arracher les bronches. Je regarde tout autour de moi, personne. Ah si, Hadès, le vice-président Eliot, le magouilleur. Mauvaise idée. Mes pas résonnent encore plus contre les murs. J’arrive enfin près de toi, à un mètre et des poussières et je m’immobilise. « Reviens-nous, je t'en supplie, reviens-nous, attrape sa main » Et j'regarde le brun également sur place, à distance égale, un vrai triangle équilatéral formé par nous trois.   

Les sms d’au revoir envoyés, politesse oblige, le portable bien rangé au fond de ma poche, j’ignore royalement les bips qui résonnent. La sonnerie également. Des textos en nombre. Des appels que je ne prends pas. Je ne leur ai pas écrit pour leur parler, pour me confier, pour me lamenter en larmoyant au téléphone avec eux. Je leur ai juste écrit pour leur dire au revoir. Parce que c’est comme ça. Je suis Cassandra. Je suis polie. Même dans mes derniers instants. On ne part pas sans dire au revoir. Et ce soir, c’est décidé, je m’en vais. Le temps est froid. Un froid sec. Un frisson me traverse. Je me dis que c’est le froid. J’aime mieux accuser la météo plutôt que mes émotions. J’ai toujours détesté que mon corps me trahisse. Et je crois que je veux me convaincre que je n’ai pas peur, que je ne flippe pas. Le mieux c’est de ne pas réfléchir. Ne pas attendre. Alors je saisis la balustrade, l’enjambe, me hissant pour me retrouver face au vide. Grisant. Un vague sourire se dessine sur mon visage. Je n’ai jamais eu le vertige et j’ai toujours aimé ça. Ces sensations au creux du ventre quand on joue avec la gravité. J’ai toujours voulu voler. J’inspire profondément, mes paupières se ferment quelques instants. Tout va s’arrêter bientôt. Il ne reste plus qu’à faire un petit pas, avancer, se laisser tomber dans le vide et… s’envoler. Et tout sera terminé. Quelques secondes, yeux clos, je respire et me concentre. Mais une voix me trouble. Une voix m’interpelle. M’appelle. « Hadès… » C’est le fruit de mon imagination ? J’ouvre de nouveau les yeux, mon visage se tourne pour découvrir que non, ce n’est pas un délire, ou alors il s’agit d’une hallucination. Le belge est là. Un peu essoufflé. L’air dévasté. Et déjà, je sens ma détermination fléchir. « Je… Va-t-en Hadès. » Il va tout gâcher. Les frissons sont plus forts. Le vide plus oppressant. Mes mains deviennent moites. Et une autre voix se fait entendre, m’ordonnant de redescendre du garde corps. « Louison ? » C’est pas possible, voilà ce qui arrive quand on est poli… Mon cœur s’accélère, mon pouls s’affole. « Mais laissez moi tranquille… » Je me mets à trembler. De trouille. De colère. De tristesse. De je ne sais quoi mais je tremble, perdant un peu plus le contrôle de mon corps. Sauf que quand on joue à l’équilibriste sur un pont de plus de 30 mètres, ça finit toujours mal… « Allez vous-e… Haaa… » Dans un mouvement pour les faire partir, mon pied dérape, je vacille, tente de récupérer mon équilibre mais je bascule… C’est un saut de l’ange que j’aurais voulu, là tout ce que je fais c’est m’emmêler les pinceaux et glisser. Rien de beau. Rien de classe. Je vais tout rater jusqu’à mon suicide en fait c’est ça ? Dans un réflexe salvateur de survie, mes doigts agrippent l’un des barreaux de la balustrade dans ma chute, et je me retrouve alors suspendue, là, les pieds dans le vide...

Quand tu la trouves dans cet état, c'est tout ton coeur qui saigne. Dur blessure qui se réveille, te rappelant tous ceux que tu as perdu. Non vous n'êtes plus un couple, toi et elle. Oui, vous n'êtes pas souvent d'accord, vous avez des visions radicalement différentes de la vie, parce que toi, cette vie, tu as méprise, quand elle, jusqu'à il y a 1 mois, elle l'aimait. Pourtant, t'as toujours aimé sa façon de voir les choses. T'as toujours aimé sa manière de voir la vie. Cassandra a une singularité folle. Elle n'est pas comme tout le monde et je crois que c'est pour ça que tu l'aimes tant. Alors la voir aussi brisée, bien entendu que ça fait mal. C'est dans ces moments là qu'on découvre le coeur qui sa cache derrière ta froideur. Cassandra. Tu avais l'habitude de l'appeler ton ange quand vous étiez ensemble et encore aujourd'hui, ce mot parfois t'échappe, comme un rappel qu'elle est et resteras toujours une part de toi, de ta vie. Quoi qu'il arrive. Au dessus du vide, tu ne pense plus à ces rancoeurs, tu veux juste la récupérer. Tu sais que tu es mal placé parce que toi, quand t'as perdu Arthur, t'as pas voulu de l'aide des autres, mais comment pourrais tu l'abandonner ? Elle, elle avait essayé de t'aider. Et tu te souviens de lui en avoir voulu pour ça. Parce que tu ne voulais pas d'aide. Peut être qu'elle ressentira la même chose, ce soir. Peut être qu'elle te détestera de tout faire pour la sauver. Mais comment peut elle penser que tu la laisserai mourir ? Vous êtes Hadès et Cassie. La Belgique et le Liechtenstein, l'Europe même, sait à quel point tu l'aimes. Quand finalement, elle semble accepter ta présence et se tourner vers toi, elle semble être dans l'ignorance : es tu réel ou un simple mirage ? Dans le fond, elle te connait assez pour savoir que tu es là. Elle, qui semblait si déterminé il y a deux secondes, semble s'être ravisé d'un coup, comme prise de court. Non, je te laisserai pas Cassie ! et une troisième voix se fait entendre alors que tu tends la main vers elle pour qu'elle l'attrape. Dis donc, les VP sont de sortis ce soir. Et pour une fois, tu ne l'attaqueras point. Même si en réalité, la vraie qui veut s'en prendre à eux est ta présente, et non toi. Toi, tu as décidé de laisser du répis à la vermine. Je pense pas que tu aurais pu être plus content de voir une autre personne venir t'aider à la sauver. N'en déplaise à certains, t'es pas là pour être le héro. Pour attirer la lumière et clammer que tu as tenté de sauver la princesse. Non, si tu es là, c'est uniquement pour Cassandra. Chacun d'un côté, tu devines la silhouette de la superbe brune qui a un goût d'homme, probablement aussi aiguisé que son penchant pour les alcools bons marchés. Tes yeux ne quittent pas Cass, ta Cassandra qui semble, d'un coup, sa raviser. Elle veut vous faire partir, mais tu devines dans ses gestes qu'elle ne veut plus vraiment sauter. Elle vous demande de partir, dans un geste désespéré et c'est là que ça se produit. Le coeur qui s'arrête d'un coup alors qu'elle vascille en arrière, perdant gauchement l'équilibre CASS ! un hurlement au milieu de ses cris alors que tu accours vers elle. Tu vas vraiment la perdre. Ton corps se cogne contre la rembarde alors qu'elle te tient à peine à un barreau. Tu réfléchis même pas. Tu enjambes la barrière sans mal Accroche toi Cass, lâche pas. tu la regarde tout en reprenant vers Louison, sans la regarder, trop occuper à analyser la situation Appel des secours pas de s'il te plait. Je vous le disais, toi et Cass, vous êtes différent. Mais il y a pourtant ce truc qui vous a lié. Toi et elle. Tu te baisses, t'aggripant solidement à un des barreaux de la rembarre de fer et tends ta main vers elle Attrape ma main Cass. Tu me connais mijn Engel, si tu lâches, je lâche. J'ai pas peur de sauter dans le vide pour toi. tu te penches un peu plus, elle n'a qu'à tendre la main. Tu ne mens pas, soit elle le fait, soit le saut de l'ange vous le faites à deux. Voyons si un démon et son ange peuvent voler. Et peut être que la destruction mather se joindrait à vous. T'en dis quoi Louison ?

Te laisser tranquille alors que tu es sur le point de sauter ? Impossible. Complètement impossible. T’as pas saisi, j’crois que les deux personnes qui sont là sont prêtes à plonger si tu fais le grand saut. Tu veux vraiment ça ? Qu’on meurt tous noyé ? Je l’aime pas ce remix de Titanic. Je l’aime pas du tout. Bouge toi Hadès. Je le regarde d’ailleurs du coin de l’oeil et j’hoche négativement ma tête, ne sachant pas quoi faire dans ce type de situation. J’suis pas formée aux tentatives de suicide. Et maladroitement, tu glisses. Tu te raccroches in extremis à un barreau de ce fichu pont. Je crie. Mon coeur s’arrête. Tu vois ! Le réflexe, tu t’es raccrochée, tu t’es pas laissé partir, tu tiens à la vie, c’est flagrant. Tu peux pas lâcher. Le belge escalade ensuite la rambarde et j’suis prête également à le faire, mais ouais, c’est plus prudent d’appeler des gens compétents. « Tenez bon ! » Je dégaine alors mon téléphone de ma poche et je compose le numéro des urgences dans la panique générale. J’suis tellement pétrifiée que je m’adresse en français à la femme qui décroche. J’entends des I don’t understand et je me rassemble très vite pour formuler quelques informations en anglais. « Ils arrivent, on nous envoie du renfort » Je raccroche, je me rapproche de vous deux et merde, j’enjambe à mon tour la balustrade pour joindre ma force à celle d’Hadès « J’suis là Cassie, on est là, tu tombes, on tombe blondie » C’est pas si haut en soi, mais le courant est assez impressionnant sous nos pieds. Et si j’perds l’équilibre moi aussi ? Si j’tombe ? Si j’vois pas le jour demain ? Peut-être que mon heure est arrivée. Être au mauvais endroit au mauvais moment. Pourtant j’me sens à l’endroit auquel je devrais être, j’pourrais pas être ailleurs. J’dois secourir Cassandra Von Liechtenstein, c’est obligé. Serrant alors d’un bras la barrière, je te tends à mon tour ma main. « Eliot & Mather dans la même galère mec » lançais-je au jeune homme à mes côtés, bien déterminée a sauver notre amie commune de ce vide potentiellement meurtrier. 

Ils ne partent pas. Ni l’un. Ni l’autre. Déjà je me sens vaciller. Ils sont là, juste derrière moi, ça complique tout. Mon esprit s’emmêle. Ma volonté faiblit. Le doute emplit mes yeux, ma voix, ma tête. Mon corps refuse de m’obéir. Je me mets à trembler, je ne contrôle pas vraiment, je ne contrôle plus vraiment mes gestes. Et comme la funambule maladroite que je suis glisse, perd l’équilibre, bascule. Le vide m’aspire, m’attire. Le vide que je voulais tant épouser quelques minutes avant. Il est là, il m’appelle. Peut être qu’il a senti mon hésitation, il s’est dit qu’il allait choisir pour moi. Mais le réflexe humain, instinctif, incontrôlable de la survie l’emporte sur tout. Ma main se tend. Agrippe l’un des barreaux. Suspendue à ce pont. Refusant l’impact que j’avais pourtant projeté de provoquer. « Hadès… » Mes yeux s’emplissent de larmes alors que mes petits doigts glissent lentement contre le métal. La gravité fait son travail. Alors c’est comme ça que je vais mourir ? Au moins, j’aurais vu l’amour de ma vie une dernière fois… Sauf que ce regard, cette douleur, cette détresse que je lis dans ses yeux. C’est intolérable. Et tout se passe super rapidement, alors que je me sens glisser, partir, je le vois qui enjambe cette balustrade à son tour, qui me rejoint de l’autre côté. Ma tête fait non, mais c’est trop tard, il est déjà là, main tendue vers moi. La seule pensée, la seule peur qui me hante, qui m’obsède, qui me tétanise à cet instant c’est qu’il tombe. Il est ici par ma faute. Si il lui arrive quoi que ce soit… J’ai projeté de mourir, pas d’emporter les miens avec moi. Et comme si il lisait en moi, il énonce ma crainte à voix haute, sorte de menace dissuasive pour me faire agripper ses doigts. " Je n’ai plus de force Hadès… " Plus de force pour tenir la rambarde, pour tenir sa main. Ou plus de force pour vivre… Et mes bras m’élancent vraiment en fait. J’ai jamais été douée pour les tractions. Et pourtant, je m’accroche. J’essaie de me hisser un peu, pour attraper Hadès… Et la silhouette de Louison arrive dans mon champs de vision, elle nous rejoint là, attrape la rambarde et me tend également la main. "Lou, non..." Je puise dans mes dernières forces pour essayer d’atteindre les mains qu’ils me tendent. Je ne veux pas qu’ils sautent, ou simplement qu'ils trébuchent et qu'ils terminent dans la même position que la mienne. Alors dans un effort surhumain, j’y arrive finalement. Mes phalanges atteignent celles du Belge. Et soutenue par ce dernier mon autre main réussit à agripper celle de Louison, ils me hissent à eux deux. Etrange duo de sauveurs. Les VP ennemis. Et puis quand je retrouve le sol sous mes pieds finalement, jambes flageolantes, j’éclate en sanglots. Les nerfs qui lâchent. Cassie 1. Le vide 0. Ca m’apprendra à être polie…

Il y a cette peur de la perdre, cette peur d'avoir à vivre sans elle. Cassie, elle est là depuis tellement de temps. Il y a ces personnes qu'on connait depuis toujours. Toi, roi de l'enfer, coeur de pierre et de glace, les gens ont toujours pensés que tu ne ressentai rien, parce que tu ne sais pas exprimer ce que tu ressens. Tu n'es pas doué pour ça. Tu vis dans un monde qui bouffe les gens, dicté par les apparences et la force de l'indifférence. Vous vivez dans le luxe, c'est vrai, personne ne peut le nier. Mais il y a tout le poids de la réussite sur vos épaules. Dans ce monde sans foi ni loi, où seul le plus fort survis, vous agissez tous différemment. Il y a les gens qui sombrent, comme ta soeur, qui refuse ce monde bien trop injuste. Il y a aussi ceux comme toi, brisé par la malédiction, qui ne vit pas réellement. Et il y a les personnes comme Cassandra. Cassandra voit le meilleur des gens, à chaque fois. Et n'en déplaise les apparences, elle a tout autant du caractère. Mais là, c'est brisé que tu la retrouves. Brisé par la vie. Elle est une des personnes les plus vivantes que tu connaisses et la voir comme ça, c'est plus que douloureux. La faucheuse vous frôle alors que Louison, soeur ennemie se joint à vous. Et pour une fois, tu ne refuses pas son aide, parce que c'est Cassie qui est en jeu. Et tu le vois, elle va flancher, encore quelques mots et elle reviendra vers toi. Parce qu'on ne sépare pas l'inséparable. Pas vrai ? Mais la mort est joueuse, le vide attire et appel et alors qu'elle semble flancher et revenir à la raison, c'est l'équilibre qui la quitte et tu la vois tomber. Tu pousses un cris en prononçant son prénom. Ton ange vole t-elle enfin ? Visiblement ce n'est pas aujourd'hui que tu le sauras. Toi, prince des ténèbres, tu prends un élan et passe la barrière, sans crainte pour ta vie. Comme quoi, l'égoiste ne l'est pas tant que ça. Tout est relatif. Et dans cette lute pour la vie, la piquante blonde des mathers prévient les secours. C'est une bataille, une bataille pour la vie. Pour que la lumière ne s'éteigne pas. Elle te regarde alors que tu es penché, au plus possible vers elle. Si elle tombe, tu sauteras. Tu iras la chercher. Peu importe ce qu'il y a en bas. Tu te penches un peu plus, d'une main, tu tiens le barreau, seul destrier pour t'empêcher de flancher toi aussi. T'es qu'à quelques centimètres de sa main et celle que tu pourrai qualifié de serpent en temps normal, mais qui est ce soir, d'une bravoure sans nom, se joint à ta quête pour sauver la princesse, l'ange de ta vie. Prête, elle aussi, à sauter dans les méandres du vide. Ta blonde semble prête à lâcher. Tu tournes rien qu'un instant la tête vers Louison, quand elle te parle, avec ce genre de regard que tu as peu, un regard de remerciement. Et quand tu reposes ton regard sur Cassie, tu reprends, simplement mais franchement Tu peux le faire. T'es l'ange le plus fort que je connaisse. Attrapes ma main Cassie. et sa main, froide, attrape finalement la tienne. Tu refermes ton emprise sur elle, et rassemble toute ta force pour la soulever un peu plus alors qu'elle attrape la main de Louison aussi. C'est de l'adrénaline pure. Il n'y a plus de fatigue, tu ne la lâches pas du regard. Si t'avais été conscient, t'aurais remercié la musculation et l'armée et son entrainement pour ça. Toi et la mather arrivez à la ramener sur Terre. Toujours au bord du vide, mais sur Terre. D'instinct, tu te places derrière elle, pour l'empêcher de tomber de nouveau, les mains solidement accroché aux barreaux. Elle pleure. Elle s'effondre. Elle se brise. Mais elle est en vie. Retourne de l'autre côté, je la tiens. Comme ça, tu la récupères. que tu annonces à Louison, les femmes d'abord non ? Qui a dit que tu n'étais pas galant parfois ? Ton ange elle, c'est ses nerfs qui lâchent, laissant place aux sanglots. Je crois qu'à tous, vos coeurs battent à cent à l'heure. Ca va aller, on te lâchera pas mijn Engel. Je t'abandonnerai pas. Tout ira bien. Tu te pardonneras probablement jamais de pas avoir été là plus tôt. De l'avoir laissé prendre ses distances quand tu savais que ça n'était pas la solution. Tu savais et tu n'as rien pu faire pour empêcher ça. Mais tant qu'elle est encore là, tu peux encore te rattraper. Le roi des enfers, est lui aussi capable de grandes choses non ? Même en présence de la Mather. Même main dans la main avec l'ennemie. Peut être parce que dans le fond, ce n'est pas vraiment toi l'ennemie. Toi, tu préfères juste que les gens te craignent plutôt qu'ils t'aiment, parce que c'est plus efficace.

C’est impossible. Elle ne peut pas nous quitter. Elle ne peut pas. Elle va tenir, on va la sortir de là. On va tous l’entourer, lui donner de l’amour comme elle le mérite. Cette fille, c’est la bonté incarnée. C’est une amie comme on en fait plus de nos jours. C’est celle qui m’a soutenu dans l’ombre quand je tombais. Pourquoi je n'ai rien vu ? Pourquoi ? Si une de nous deux devait quitter ce monde, ce serait bien moi. Alors ouais, j’ai pas peur de franchir cette barrière d’acier pour échanger ma vie contre la sienne. « Chut, c'est normal qu'on soit là, concentre toi pour nous revenir » Ouais tu vas revenir, tu vas la trouver cette force pour récupérer nos mains. Dans une minute, tu feras brûler tes semelles sur le goudron de Boston. Tu n'as pas le choix. Si tu tombes, on sautera tous les deux, Hadès et moi. On ne t'abandonnera pas. Si Cassandra ne veut plus de ce monde, le monde la réclame, nous la réclamons. Et finalement, tu puises probablement dans tes ressources et tu t’élances vers la main de l’Eliot. Mon souffle se coupe. L’instant me parait durer une éternité. Tes doigts se lient à ceux du brun, puis aux miens. Je referme ma pince autour de tes phalanges et on te ramène sur la corniche. Encore sous le choc, j’parviens tout de même à écouter les conseils d’Hadès et je les exécute. Je passe de l’autre côté et je vous aide à revenir avec moi, sur la terre ferme. L’ascenseur émotionnel est si fort que t’exploses et je te suis. J’pleure. J’ouvre les vannes. J’vous rejoins et je vous enlace tous les deux. Je vous serre contre moi. Je nous mélange tous. Eliot, Mather, on s’en fout. C’est de Cassie qui l’est question. Pour elle, on pourrait décrocher la lune, parce que Cassie, elle nous le rend toujours bien. Cassie, c’est notre boussole, une boussole qui a rebondi contre le sol, qui est endommagée, mais qu’on peut tous réparer. Ouais, elle nous redonnera le nord très prochainement, j’le sais. « Je t’aime Cassie, je t’aime » Je lui ai peut-être pas dit assez, j’en sais rien. « Toi aussi je t’aime gros méchant » adressais-je à l'impitoyable De Belgique. On se connaît pas, on m’a dit de me méfier de toi, mais après ce que t’as fait ce soir, j’peux pas le nier, c’était beau, c’était humain, c’était brave.
 

Tu dois pas connaître beaucoup d’autres anges alors. Voilà ce que j’aurais presque pu répondre, dans d’autres circonstances, si j’avais pas les yeux embués de larmes, la gorge nouée et les doigts qui glissent. Oui, parce qu’en cet instant, les pieds dans le vide, je ne me sentais rien d’un ange, je me sentais rien de fort. Je ne m’étais jamais sentie aussi vulnérable. Le sang bat mes tempes, mon cœur fait un tintamarre infernal dans ma cage thoracique, je suis en vie. J’ai jamais été aussi en vie. Et à deux doigts de mourir aussi… Les secondes passent, suspendue ainsi, jusqu’à ce que je puise en moi mes dernières ressources. Pour me hisser, attraper leurs mains. Celle d’Hadès d’abord, puis de Louison. Parce qu’il faut être au moins deux pour me remonter et lutter contre cette fichue gravité qui me voudrait plusieurs mètres plus bas. C’est pas moi que je sauve, ce n’est pas ma vie. C’est la leur. C’est parce que je les sais capables de mettre leur menace à exécution que je trouve ce dernier sursaut d’énergie pour ne pas chuter. Et lorsque je retrouve le bitume du pont au contact de mes pieds, les larmes qui emplissaient mes yeux se mettent à couler, sans que je ne contrôle rien… J’entends en sourdine la voix d’Hadès, il parle à Lou, il me parle ensuite, tout me paraît lointain, comme étouffé dans du coton. Je n’ose même pas regarder le vide, celui qui m’avait happé un peu plus tôt, et ce malgré la sécurité des bras d’Hadès qui m’entourent… Je suis juste capable de pleurer. Lousion nous aide à ré-enjamber la rambarde pour nous retrouver de l’autre côté, et c’est dans un câlin au goût salé que la demoiselle nous lie, avec ses bras qui nous enlacent, avec sa bouche pleine de mots d’amour, j’arrive presque à afficher un petit sourire, devant son ‘gros méchant’ à l’attention d’Hadès. « Il est pas gros… » que je corrige entre deux sanglots. Il est pas méchant non plus, d’ailleurs. Mais si je le dis, il va m’en vouloir de ruiner sa réputation. Je pourrais dire que je les aime aussi, je pourrais probablement les remercier, je le devrais même, mais y’a le son des sirènes qui se rapprochent de nous peu à peu, les lumières bleues défient soudain l’obscurité de la nuit. « Oh non… » Je me raidis d’un coup. Et quand les secouristes s’approchent de nous, je me sens paniquer. « J’ai trébuché… C’était un accident, j’ai juste trébuché… C’est pas ce que vous pensez. »