Trainer, glander, ne rien faire de la journée. C'était mon train-train quotidien et j'étais pas sûr de pouvoir le supporter longtemps en vrai. Mais je n'avais pas le choix. Mon corps, ma tête, ils avaient ce putain de mec gisant au sol, la gueule explosée. Est-ce qu'il allait se réveiller ? Est-ce qu'il allait porter plaine si c'était le cas ? C'était un tas d'interrogation qui me bousillaient l'esprit nuit et jour, si bien que j'étais totalement crevé. Seulement, au lieu d'inverser la tendance, je m'engouffrais un peu plus à chaque journée qui passe, balancé dans un cercle vicieux qui n'en finirait jamais. Et alors que j'avais lancé une énième partie de la journée, histoire de me vider la tête, de me vider l'esprit du mal que je pouvais faire tout autour de moi. Seulement, c'était le moment que Vega avait choisi pour rentrer et ouais, je faisais pas forcément gaffe, bien trop concentré dans la partie que j'étais en train de jouer. Inconsciemment, je la voyais faire des allers-retours avant que finalement, elle ne cogne mes jambes et se mette devant l'écran. Ouais, je cherchais à regarder la télé pour ne pas faire de conneries mais elle ne bougeait pas et je capitulais, mettant pause à ce qui se passait. « Zéro, j'étais pas dans mon assiette » Ouais bon, j'exagérais sûrement un peu trop. Mais faut dire ce qui est, et je n'avais pas des masses envie de croupir en prison après avoir trouvé le golden job. Alors ouais, j'attendais et j'aviserai ensuite. J'ai toujours réussi à tomber sur mes deux pattes. « Je peux finir ma partie ? Je suis tout à toi après »

Ma situation était pour le moins compliquée dernièrement et il fallait pas que j’oublie que j’allais être père. Crois moi Vega, j’oublie pas. Mais c’était quand même une espèce de période de doute que j’étais en train de vivre. Et si j’avais tout foutu en l’air pour défoncer la gueule de quelques membres d’un groupe organisé ? Ouais, je ne savais plus quoi penser de ce qui s’est passé quelques semaines auparavant, quand la haine avait pris le dessus sur la raison et que j’avais fini au poste de police. « Oui, pas dans mon assiette » Qu’est-ce qu’elle ne comprend pas là-dedans ? Ma première préoccupation n’avait pas été de me lever pour aller chercher du boulot. C’était de me demander si j’allais être présent pour cet enfant que je voulais plus que tout. Est-ce que j’allais réussir à être suffisamment chanceux pour être là jusqu’à ce qu’il naisse ? C’était ce que je voulais. Ne plus être confronté à la police. Être présent pour mon enfant était ma priorité mais là, j’étais comme paralysé et incapable d’avancer. Et Vega, elle était à bout, je le voyais. Elle attrapait la télécommande, coupant court à ce qui était diffusé sur la télévision, ce qui me faisait soupirer. « Calme toi un peu, c’est que le temps de quelques jours » Quelques jours où je tentais de faire le point sur moi-même, sur ce que je voulais. Et je voulais certainement pas une deuxième mère sur le dos, comme Vega tentait de faire là. « C’est pas parce que je traine un peu qu’on sera pas une bonne famille. Ça va deux minutes les jugements hâtifs »

autant, y a des moments où l’on pouvait être connectés. autant, là, c’était un dialogue de sourd. je me retrouvais face à une personne qui m’insupportait et j’avais juste la sensation d’être avec un gars totalement laxiste qui se foutait bien de tout ce qui pouvait l’entourer. sauf que moi, j’avais clairement pas signé pour ça. « quelques jours ? quelques semaines ? quelques mois ? tu vois, le problème avec toi c’est que t’es pas fiable. » t’as des beaux discours mais on peut jamais être certains que c’est vraiment ce que tu vas faire. et moi, je refuse de rester dans le doute permanent. je calais mes mains sur mes hanches tentant de contrôler le tremblement frénétique dont elles pouvaient être victimes à ce moment précis. « et ça va deux minutes d’agir comme un branleur chez moi. » au pire, traverse le palier et va faire joujou avec tes jeux vidéos à côté. tu m’éviterais au moins de péter un câble en rentrant le soir. « t’es même pas foutu de jeter tes conneries à la poubelle » tu crois que j’ai que ça à foutre moi ? rentrer le soir et passer derrière toi parce que tu laisses traîner tes déchets sur le sol ? « tu m’pousses à vouloir cette vie de famille mais la seule qui se démène c’est moi. alors CASSES TOI. » et je reculais moi même à l’impact de mes mots. je levais jamais la voix, jamais. ni sur jaxon, ni sur personne en fait. et j’étais moi même sous le choc de la puissance vocale que je venais d’avoir.

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J’étais pas dans la meilleure période de ma vie. À vrai dire, ça ressemblait au Jaxon post-annonce de fin de carrière dans le baseball. Alors ouais, c’était pas la meilleure version de moi mais qu’est-ce que je pouvais faire? J’avais pas le choix que d’attendre que ça passe pour mieux rebondir. Pas le choix non. Mais Vega, elle ne comprenait pas ça. Et si je finissais en taule ? Chercher un boulot m’apporte rien maintenant, il fallait d’abord que je sache si j’avais une chance de rester en liberté avant. « Pas fiable ? » Aoutch, ça fait mal. Mais je reste impassible, cherchant simplement à garder la face. Le pire dans tout ça, c’est que je voyais qu’elle s’énervait, contre moi de surcroit. Mais je n’étais pas capable d’agir en conséquences pour empêcher le torrent de se déverser. « J’allais les jeter » Mais elle ne m’en a pas laissé le temps. J’suis pas un porc comme on pourrait le croire. C’est juste que je remets à plus tard ce que je peux faire maintenant, y compris faire le ménage. Et alors que je me levais pour lui faire face, puisque de toute évidence je ne pouvais pas vraiment continuer de jouer en l’état actuel des choses, je me recevais les mots les plus violents qui soient. Surpris par ce qu’elle venait de dire, je restais immobile, la regardant, ne comprenant pas comment ça a pu dégénérer de la sorte. « Tu veux que je m’en aille ? » C’est ça la question au final. Est-ce qu’elle veut que je m’en aille ou que je me bouge le cul. C’était deux choses différentes. Et deux manières de le dire différentes. Là, elle a été par le raccourci et peut-être que retourner chez moi était la solution dans le fond.

jamais je ne faisais ça. jamais je ne perdrais le contrôle au point de lever la voix. les excès de colère, comme ça, c’était typiquement le genre de chose que je détestais. et pourtant, là, j’avais complètement lâchée prise. le truc, tu vois, c’est que c’est toi qui me met dans cet état là. et tu devrais pas me pousser à bout comme ça. alors je sais pas si c’est aussi cette connerie d’hormones qui me met dans tous mes états mais ouais, je suis en train de péter un câble. « ouais, t’allais le faire. tout comme t’allais chercher un boulot. tu vas faire beaucoup de chose en fait mais là, présentement, tu fais rien. » à part jouer aux jeux vidéos et te morfondre sur toit même j’entends. sauf que c’est pas comme ça que la vie fonctionne et qu’il y a un moment où va falloir que tu te secoues. genre.. maintenant en fait. j’ai besoin que tu te réveilles maintenant et que tu arrêtes d’agir comme ce mec laxiste qui s’en fout de tout parce que c’est clairement pas possible. sauf que tu m’énerves et les mots dépassent ma pensée. « non.. non. » parce que j’ai besoin de toi en dépit de tout le reste. mais tu peux pas me laisser tomber dans un moment comme celui-là. j’veux dire.. c’est pas le moment où t’es censé me laisser en plan en fait. pas quand t’es celui qui me pousse à accepter cette nouvelle situation. « je.. laisse tomber. j’vais prendre l’air. » c'était sûrement le mieux à faire pour éviter tout ça. j'détestais lâcher prise comme ça alors peut être qu'en soit, il était préférable que je t'évite pour le moment.

C’était quand même perturbant de l’entendre me gueuler dessus. Certes, elle était maniaco-quelque chose, mais elle ne gueulait pas. Elle rangeait tout dans le plus grand silence, pour être en paix avec elle-même, mais elle ne gueulait pas. Alors oui, c’était étrange de l’entendre me parler sur ce ton mais j’allais devoir m’y faire, parce que probablement que les hormones y étaient pour quelque chose. J’allais devoir bouger mon cul, parce que Vega en colère, je ne voulais plus la voir. Mais pour être sûr que c’était bien ce qu’elle voulait, je lui posais la question, la fatidique question. Et suivant sa réponse, je saurais la gravité de la situation. Je pars : c’est grave ; je pars pas : c’est moins grave. Voilà les deux options. Et j’entendais son “non”, celui qui me soulageait. Mine de rien, j’aimais pouvoir être à ses côtés la plupart du temps, le soir notamment, quand on s’endort l’un collé à l’autre. « Non. Attends » Je soufflais avant de choper mon téléphone sur la table basse. Je cherchais dans mes contacts Dimitri, avant de lui rédiger un message que j’envoyais aussi sec. Un message contenant “Hey, salut Dim, c’est Jax, de la salle de sport. Dis.. T’aurais un job pour moi. Un truc, n’importe lequel. Je prends.” C’était simple, mais efficace et j’espérais que ça allait convenir à Vega. Au moins, elle pourrait plus dire que je ne fais pas d’efforts. « Tiens, regarde, je fais des efforts, je cherche un boulot » Qu’elle ne s’y méprenne pas, je n’étais pas sûr que ça fonctionne, mais c’était la seule idée qui m’était venue en tête en cet instant. Alors je saisissais l’opportunité et on verra ce que Dim me répondra.

tu sais, c'est pas une vie pour moi non plus d'être constamment sur toi. j'suis pas censée agir comme ta mère ni te dire quoi faire. t'es censé de toi même prendre les bonnes décisions et peut être bien que je pourrais juste t'aiguiller un peu par moment mais là.. tu te laisses couler. j'ai pas envie de couler avec toi. j'ai pas envie que tu m'entraînes vers le fond. et tu sais le pire, c'est ce que cette situation, on l'a déjà vécu. y a des années déjà quand tes rêves de sportifs se sont écroulés. sauf que là, on attends un enfant. on parle pas d'une passion qui s'évapore ou d'un échec d'admission. un bébé c'est réel, ça reste et c'est jusqu'à notre dernier souffle qu'on devra assumer cette création là. mais on fait comment si toi, dès le début, tu restes juste planté dans mon salon à attendre une intervention divine qui ne viendra pas ? et j'pousse un soupir parce que même ta façon de faire, c'est pas convainquant. je vois ça comme un "regarde vega, j'ai envoyé un message arrête de me saouler" plus que comme un "désolé bébé, j'te promet de me relever". j'ai pas envie que tu prennes le premier truc qui te passe sous la main, c'est pas gratifiant pour toi et j'en tire rien moins à te voir faire un truc qui te plaira pas. je veux juste que t'essayes en fait. « laisse tomber » et au lieu de partir, j'trouve refuge dans la cuisine, à ouvrir les placards pour en sortir un plat pré fait. puis j'fond en larme la seconde d'après sans pouvoir le contrôler. ça me bute cette situation, ce manque de contrôle et le fait que tu donnes l'impression de te foutre de tout aussi. j'ai l'impression de devoir tout gérer comme si j'étais une putain d'adulte alors qu'en vrai, j'ai même pas assez grandi pour être capable de remplir moi même des papiers.

Ce qu’il faut savoir sur moi, et ce que je pensais que Vega savait, c’était que je retombais toujours sur mes pieds. Qu’importe la situation. Certes, il pouvait y avoir un moment de doute, de flottement, mais je finissais par me relever et être sur mes deux pieds. Il n’est nul doute que Vega doutait de tout ça à présent puisqu’elle semblait stressée par le fait que je ne me bouge pas. Ok, ça faisait plusieurs jours que je restais assis sur ce canapé à ne rien faire d’autre que jouer aux jeux vidéos, mais c’est juste le temps d’avoir une idée, d’avoir un but dans la vie. Ça peut prendre quelques jours comme quelques mois… Ouais bon, pas quelques mois puisque de toute évidence, on allait avoir un bébé d’ici là. Et alors qu’elle commençait à baisser les bras vis à vis de ma personne, je me bougeais le cul. L’intervention divine, une idée me frappait. Dimitri, de la salle de sport. C’était un riche mec qui allait sûrement me trouver un boulot dans sa multinationale. SMS envoyé, je n’avais plus qu’à attendre une réponse de sa part. Cependant, elle s’en allait dans la cuisine, me laissant alors seul face à moi-même. Et quand je l’entendais fondre en larmes, ouais, je n’hésitais pas une seule seconde et j’allais à sa rencontre. La prenant dans mes bras après l’avoir retournée, je cherchais à la réconforter. Ouais, façon Jax quoi. « J’suis désolé… Je voulais pas te mettre dans un état pareil » Non, vraiment pas, au contraire. C’était même pas vis à vis d’elle tout ça mais bien vis à vis de moi. « Je me mets un coup de pied au cul, promis » Je déposais mes lèvres dans son cou, remontant le long de sa mâchoire pour finalement atterrir sur ses lèvres.