« Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j’ai voulu venir ici déjà ? » Je riais en regardant mon frère. « Parce que tu m'aimes » Et c'était une évidence. Micah aurait-il autant de patience avec moi si nous n'avions pas ce lien particulier pour nous unir ? Peut-être pas. Mais toujours est-il qu'il était là pour moi à cet instant et que ça montrait bien que malgré les mésententes par moment, il restait l'homme de ma vie. On retrouvait notre sérieux tant la discussion était grave. J'imaginais la peine qu'il devait ressentir suite à cette triste nouvelle. Micah avait mis du cœur et du temps pour le refuge et ça me faisait mal pour lui de savoir que l'endroit n'était plus qu'un tas de centres. Mais, pour lui comme pour moi, Boston pouvait s'apparenter à un nouveau départ. Il pouvait toujours trouver un endroit semblable à celui de la Nouvelle-Orléans ici. « J'ai déjà deux essais de prévue dans des refuges cette semaine, on verra bien. » Je lui offrais un sourire tendre, hochant doucement la tête pour approuver ses propos. J'espérais de tout cœur que tout allait bien se passer pour lui. Petit bémol avec les parents par contre. Je ne pouvais m'empêcher de le questionner et je remarquais bien le silence qui suivait. Le serveur prenait commande de nos cafés et j’interrogeais mon jumeau du regard pour mieux comprendre. « Rien de grave. C'est juste qu'ils sont devenus trop…collant ? » - « Comment ça ? » Parce que j'avais vraiment du mal à comprendre là. « On va dire que, je les ai peut être inquiété un peu avec mmm…mon pseudo petit et rikiki passage à zéro. C’est derrière moi, mais pas pour eux…Je te jure qu’il y à rien de plus agacent que d’entendre des ça va, tu vas bien, tu es sûr, à longueur de journée ! » Mes yeux s’écarquillent aussitôt. « Ton passage à zéro ? Pourquoi je ne suis au courant de rien ? » Et surtout, pourquoi je ne comprenais pas ?

Aussitôt qu'il commençait à parler des parents et du fait qu'il ne se sentait pas bien ces dernières semaines -au point d'inquiéter les vieux tout de même- que je me mettais à stresser. Mes yeux s'écarquillaient tellement qu'ils allaient sortir de leurs orbites. Je voulais tout savoir parce qu'il était hors de question que mon jumeau se sente mal -plus mal qu'il n'était déjà- et j'étais persuadée que parler lui ferait un bien fou. « Souffler sur les braises d’un incendie ravive les flammes Mad… Honnêtement, c’est du passé et j’ai vraiment pas envie de repenser à tout …ça… » Je fronçais les sourcils en le regardant. Je me sentais légèrement blessée de me faire repousser de la sorte et de ne rien savoir de plus. Quand mon café arrive, je me ferme quelque peu, le fixant -le café- tout en réfléchissant à une façon de contourner le problème. Micah devait savoir que je l'aurais à l'usure. « Et toi alors ? Que t’as apporté Boston ? » Est-ce qu'il méritait que je réponde à cette question ? Non. Est-ce que j'avais envie de me prendre la tête avec lui ? Non plus. « Une bouffée d'oxygène » que je répondais simplement avec un sourire forcé. « Être ici, c'est repartir à zéro » Et après un viol, c'est certainement le mieux à faire, non ? Finalement, Micah attrapait son verre, c'était le moment qu'il choisissait pour trinquer avec moi. « A nos retrouvailles et à cette nouvelle vie à Harvard ! » - « À nous » que je lui disais simplement. À nos secrets aussi.

Mon caractère laissait à désirer. Les retrouvailles avec mon jumeau ne se passait pas aussi bien que je l'aurais pensé. Peut-être parce que nous avions été séparé quelques mois et que j'avais du mal à l'apprivoiser. Puis, la surprise n'était pas peut-être pas la meilleure des idées quand on sait que je suis partie de mon gré et qu'il m'en a voulu. En tout cas, j'étais ronchon parce qu'il ne me disait rien et par pure vengeance, je faisais la même chose avec lui ; restant silencieuse ou en disant un minimum de chose. « C’est ton moyen de me mettre mon pseudo joker dans la tête ? On va finir par être plus que limité en conversation, à ce compte-là, on aurait peut-être dût le mater ce film, ça aurait été plus productif non ? » Ma bouche s’entrouvre, je n'en crois pas mes oreilles. « Micah... » que je prononce simplement, quelque peu déstabilisée. « Madie, je sais que c’est frustrant, et je réagirais sûrement comme toi… S’il te plait, je veux juste tout reprendre à zéro aussi, mais je te promet qu’au moindre petit coup de mou à venir, tu seras la première au courant, comment avant petit chat. » C'était égoïste de me dire ça. « Comment tu peux me reprocher de ne pas faire des efforts et tenter de me faire culpabiliser alors que toi-même, tu ne veux rien me dire ? Je pensais qu'on partageait tout... » Est-ce que c'était le passé ça ? Je trinquais finalement avec lui, amère. Qu'est-ce qu'on pouvait se dire d'autre en fait ? « Où vas-tu loger ? » que je sache où le trouver.

Avec Micah, je marchais sur des œufs. On venait tout juste de se retrouver et pourtant, la situation ne m'avait jamais paru aussi compliquée. Nous avions beaucoup de mal à nous comprendre et j'avais aussi beaucoup de mal avec son comportement. Je partais du principe que nous devions tous les deux faire des efforts et aller vers l'autre, mais comment faire quand votre frère lui-même n'a aucune envie de partager ses petits secrets ? Difficile pour moi, une vraie tête de mule, de parler de ma vie si je n'ai rien à me mettre sous la dent en retour. « Mad, je cherche pas à te faire culpabiliser ou autre chose. » Pourtant, c'est ce qu'il faisait, qu'il le veuille ou non. « Tout comme je te reproche pas de me rendre la pareil, je me demande juste si tu veux vraiment rien me raconter ou si c’est juste de la vengeance. Et quand bien même tu cherches à te venger, je t’en voudrais pas Maddie, Parce que dans le fond, je suis le premier à avoir merdé à faire le mort… » - « Je me venge » que je répondais d'un ton ferme. Il le savait très bien, il me connaissait. « Mais, il y a aussi vraiment rien à raconter tu vois... Je suis une étudiante à Harvard qui fait de son mieux, qui travaille beaucoup, qui n'a pas de petit ami et qui travaille dans un club de striptease pour payer son loyer. Il ne se passe rien dans ma vie. » Et je n'avais pas envie de lui raconter des trucs juste pour le fun. Quoi que sa réaction à propos du Nirvana m’intéressait après réflexion. Tout comme j'étais intéressée de savoir où il vivait. « Je tourne au coatsurfing la plupart du temps, et j’ai un peu de tune de côté pour l’hôtel au cas où, même si mon charme naturel me permet de trouver sans trop de difficulté des plans de dernière minute ! » - « Pourquoi ne pas trouver quelque chose de plus stable ? » Et je savais déjà qu'il ne valait mieux pas que je lui propose de vivre avec Mave et moi.

Ma vie était désormais un long fleuve tranquille et je ne regrettais en rien la Nouvelle-Orléans. Au moins, ici, personne ne me connaissait (ou presque) et surtout, tout le monde me foutait la paix. Je pouvais me consacrer à mes études sans qu'on me demande quoi que ce soit. « Papa serait aux anges d’entendre ça ! » Je souriais, tristement. Les parents me manquaient par moment. Enfin, le fait de ne pas avoir des adultes pour veiller sur nous et nous réunir me manquait. L'éducation en elle-même ne me manquait pas du tout. « Je ne suis pas obligée de mentionner le club... » que je lui confiais en haussant les épaules. Parfois, il valait mieux mentir plutôt que de créer des histoires inutiles. Quant au Nirvana, je n'étais que barmaid et non pas l'une de ces filles en petite tenue. « J’aurais un peu trop de stabilité à la rentrée. Tu sais la médecine, ça t’isole, entre les cours, les stages, le boulot et la Dunster, la routine va vite arriver ! Alors autant profiter de ses deux mois pour faire de nouvelle rencontre ! Et toi alors ? Ou vas-tu vivres pendant ses vacances ? » - « La dunster, vraiment ? » que je lui demandais en souriant. J'étais contente qu'il s'intègre à un groupe d'étudiants. « Je vais me trouver un appartement et peut-être même que je le garderais à la rentrée... Tu pourras venir squatter si tu veux... » On aura beaucoup de temps à rattraper.