God, I'm running in fear
— with judandra

Je sais pas où on vas, mais ce que je vois, on y va, et de manière plutôt précipité. Comme si on voyait ce mur, comme s'il était là, juste devant nous, mais on a arraché les freins depuis longtemps maintenant, on ne fait que rouler. Alors on est dans cette pente descendante, sans freins, face à ce mur. On a pas énormément de solution face à nous. Soit on continue dans la voiture et on prends le mur, soit l'un abandonne l'autre pour se sauver, laissant l'un s'exploser contre le mur pendant que l'autre évite les dommages collatéraux aux mieux, soit on arrête tout et on saute ensemble hors de cette voiture. Dans deux des cas, on est ensemble. Dans deux des cas, on finira séparés. En allant hors de la voiture, on s'évite à tous les deux les dommages collatéraux, on choisi le plus évident, la solution de facilité, celle qui nous murmure de tout abandonner. En continuant... regarde-nous. On continue, déjà. On est déjà dans l'impact, on est déjà de ceux qui se prennent le mur. On y est. Plus de retour arrière, et pas forcément d'avancer non plus. Comme si notre amour pouvait détruire des barrières, des frontières ou des murs. Comme si nous étions plus que tout ses autres couples qui finissent par s'y perdre. « J'veux pas mieux.. j'veux pas.. je.. » Je le reconnais, j'ai eu un moment de batement. Un moment où j'ai hésité, parce que Jude,t u me fais mal. Quand tu me parles comme ça, quand t'es comme ça, tu me fais mal. Alors j'ai eu ce moment d'attente, celui où j'ai hésité entre retirer ma main, et la laisser. J'ai fini par la retiré, oui. Très peu de temps, très peu de secondes. J'ai retiré ma main, et j'ai lâché ma veste au sol, avançant d'un coup vers lui. Mes bras s'enroulent autour de lui, mon emprise se resserre. J'inspire. "ça va aller Jude.. ça va.. j'suis là.." l'une de mes mains glisse dans ses cheveux. Je sais pas où on va, j'en ai aucune idée, mais pour ce soir, mettons-nous juste sur pause.  

God, I'm running in fear
— with judandra

Je sais pas pourquoi on se fait autant mal et je crois que si j'allais bien, je la laisserais me faire du mal. Parce que la base du problème actuel dans ma tête, c'est cet accident, cette culpabilité. Mais je sais qu'à l'heure d'aujourd'hui, la situation est trop critique pour faire le con. On est censé pouvoir se parler, alors pourquoi on y arrive plus ? Je dis que je veux la quitter et le pire, c'est que je l'ai pensé. Mais à l'idée même de me retrouver seul, un sentiment de panique m'envahit et me paralyse. J'ai déjà goûté à ça. Je sais ce que ça fait de la perdre et je ne suis pas prêt à mener une bataille comme ça. Pas dans l'état dans lequel je suis. Alors j'lui fais du mal, comme si lui faire du mal soulagerait le mal qu'elle me fait. Mais en fait, ça ne fait qu'empirer et alors que je pensais avoir déjà touché le fond, je me rends compte que non. Comme si à chaque fois, un trou se creusait dans le fond pour me noyer un peu plus. Je ne vois même plus clair quand j'attrape son poignet. Beaucoup diraient que c'est honteux pour un homme de pleurer comme ça, mais quand on a mon passé, on se fiche de ce genre de chose. Leandra m'a vu en manque, elle m'a vu dans un lit d'hôpital.. je suis plus à ça près. Je sens son poignet se défaire de mon emprise et je vois encore plus flou, pensant qu'elle allait partir et que c'est comme ça qu'elle me filerait entre les doigts. Mais soudainement, je sens son emprise, je la sens contre moi. Et rien qu'à l'avoir contre moi, j'arrive à sentir toute la peine, toute la fragilité de son côté. "ça va aller Jude.. ça va.. j'suis là.." Elle serre son éteinte et je me laisse complètement faire, les bras ballants, comme si je n'avais même plus la force de les enrouler autour d'elle pour être sûr qu'elle ne m'échapperait pas.  « J'ai essayé... j'ai essayé aussi longtemps que je pouvais.. », que je murmure entre deux sanglots. Je parle d'avoir essayé d'être là pour elle, d'être présent, d'être l'épaule sur laquelle elle est censée pouvoir se reposer alors qu'elle vient de vivre un drame.  « J'suis tellement désolé de te demander de rester.. » Et je le suis, je suis sincère. J'voulais pas avoir à lui demander de renoncer à quelque chose dont elle ait autant envie et je sais à quel point elle aime faire ces stages d'été qu'elle peut mettre fièrement en valeur sur son CV. J'espère juste qu'elle sentira ma sincérité. J'veux pas être un obstacle. Surtout pas. Et les pensées négatives reviennent, parce que je n'arrive pas à les chasser. C'est de ma faute si son père est mort, c'est de ma faute si on va mal. Toujours, toujours de ma faute.

God, I'm running in fear
— with judandra

Quelque soit la destination, une chose est sûre, on y vas. Est-ce qu'on y va ensemble ? Certainement, oui. « J'ai essayé... j'ai essayé aussi longtemps que je pouvais.. » j'hoche la tête. J'aimerai dire que oui, que je le sais, et je l'ai vu essayer, je l'ai vu s'occuper de moi, accuser les coups quand je frappais au plus fort possible. Je l'ai vu faire. Ne rien dire quand je crachais mon venin contre lui, ne pas se vexer quand je m'absentais chez ma mère avec les enfants, ne pas être en colère quand je lui refusais un cinéma. Prendre ma colère contre lui seul et l'accepter. Oui, je l'ai vu faire tout ça. « J'suis tellement désolé de te demander de rester.. » Je secoue la tête en gardant l'étreinte un peu plus. "C'est pas grave.. c'est pas grave." en réalité, ça l'est. Mais pour le moment, là, ce soir, plus rien n'est grave. Mes mains attrapent son visage, l'encadre, et je recule doucement de lui pour que je puisse le regarder et qu'il puisse me regarder aussi. "Mais j'peux pas faire ça seule, Jude, okay ?" mes pouces caressent tendrement son visage, " J'peux pas m'occuper de toi seule.. on a des enfants, on est une famille, j'ai besoin que tu sois là.." J'ai besoin que tu tiennes droit, au moins. Parce que toi et les enfants, ce sera beaucoup trop pour moi. Ce sera trop pour mes épaules, j'y arriverai pas. J'ai besoin qu'il se reprenne, qu'il essaie, au moins. Qu'il appelle sa psychologue, autrement. Je peux pas faire ça seule, je le sais. Pas maintenant, pas dans cet état.

God, I'm running in fear
— with judandra

C'est comme si la pression était tout à coup retombée, comme si le mur était tombé. Je sens son étreinte se serrer encore plus alors que je m'excuse de lui demander de rester. Je sais à quel point elle aime ces stages et pourquoi ça la contrarie autant. "C'est pas grave.. c'est pas grave." Je la sens reculer et elle attrape mon visage entre ses mains doucement. Je la regarde, en essayant de me calmer un peu quand elle me dit : "Mais j'peux pas faire ça seule, Jude, okay ? J'peux pas m'occuper de toi seule.. on a des enfants, on est une famille, j'ai besoin que tu sois là.." Je ferme les yeux et j'hoche la tête doucement.  « D'accord.. d'accord.. » Je vais tout faire pour me concentrer sur le positif.  « Je prendrai des rendez-vous téléphoniques avec ma psy cet été.. » Je passe mes mains sur mes joues humides et j'inspire.  « Tu peux peut-être essayer de reporter ton stage au mois d'août ? » Ca me laisserait un mois pour aller mieux, si tout se passe bien entre nous et avec l'air du Summer Camp, ça pourrait être faisable.

God, I'm running in fear
— with judandra

Je peux pas faire tout, toute seule. Je peux pas tout porter sur moi, quand bien même je tenterai, je me ferais écraser sous le poids trop important. « D'accord.. d'accord.. Je prendrai des rendez-vous téléphoniques avec ma psy cet été.. » Je hoche la tête, ça me semble être une bonne idée. « Tu peux peut-être essayer de reporter ton stage au mois d'août ? » Je souris tristement et secoue la tête, "On parle plus de stage, okay ?" je veux juste qu'on soit d'accord aussi là dessus. C'est le mot qui peut me mettre en colère, qui me met en colère, j'ai pas envie de ça. Parce que mine de rien, malgré tout, même si je fais ça pour lui, une partie de moi est en colère, et ça, je le sens. J'arrive pas à m'en défaire, j'arrive pas à faire en sorte que cette partie disparaisse.

God, I'm running in fear
— with judandra

Je me dis que si elle décale son stage à Août, ça irait sûrement mieux. Ca me laisserait le temps de me retourner et ça lui donnerait la possibilité de ne pas louper cette opportunité. Pourtant, je sens sa réticence quand je lui propose cela puisqu'elle sourit tristement et secoue la tête, "On parle plus de stage, okay ?" Je me mords la lèvre et j'hausse les épaules. On fait comme elle veut, si elle ne veut plus en parler on en parlera pas. A mon tour, je passe mes mains sur son visage et je cale mon front contre le sien. J'inspire doucement, petit à petit, tout redescend et je me sens plus calme.  « J'suis désolé de t'avoir fait pleurer.. » C'est la moindre des choses de s'excuser, et je suis sincère. J'aime pas la voir pleurer et encore plus par ma faute.  

God, I'm running in fear
— with judandra

J'avais plus envie d'en parler. Ça sera désormais un sujet bannis, le genre à prendre avec des pincettes. C'est pas la première fois que ma carrière pose problème et je le savais bien. Je savais bien qu'à un moment, mon ambition allait être trop importante. Mon envie de réussite allait l'écraser, et je crois que le pire dans tout ça c'est que c'est même pas fini. Je commence à peine, je me lance à peine. On est tellement différents, et ça avait bien fonctionné jusque là mais apparemment, notre modèle de fonctionnement n'est plus si bon. « J'suis désolé de t'avoir fait pleurer.. » Je me recule et souris en hochant la tête, fais pas comme si rien ne s'était passé, Jude. Je me recule mais souris quand même, sans vouloir le brusquer. "C'est rien, va dormir, j'vais réviser un peu." c'est mon échappatoire, mon moyen de détente. J'ai juste besoin d'un peu de temps pour me faire à l'idée. La croix sur la carrière, au moins pour cet été.