J’avais encore un peu de mal à expliquer comment le monde pouvait être petit parfois. Quels étaient mes chances de croiser quelqu’un de la famille à Boston, dans l’hôpital où je travaille et ce pendant mes heures de boulots. Lorsque j’avais vu le nom « Larsson », ça m’avait tout de suite accroché. Comme il s’agissait de ma patiente, j’en avais profité pour prendre quelques informations au dossier pour ensuite aller demander confirmation à mon père. Incroyable mais vrai, il semblerait qu’il s’agissait bel et bien de ma cousine, c’est-à-dire la fille de la sœur à mon père. J’avais d’abord hésité à lui écrire parce que la façon dont j’avais obtenu son numéro de téléphone n’était pas très professionnel, mais ça avait été plus fort que moi. J’avais besoin d’en savoir un peu plus sur elle surtout qu’on était les deux seuls de la famille Larsson à Boston, du moins à ma connaissance. On avait donc fini par se donner rendez-vous au Mike’s pastries – restaurant que je n’avais jamais eu l’occasion d’aller encore.

J’étais totalement nerveux face à cette rencontre parce qu’au final, cette femme m’était totalement inconnu. Et si on ne savait pas trop quoi se dire? Mais bref, j’évitais de trop y penser parce que ma curiosité surpassait ma crainte que ça ne se déroule mal. J’arrivais vers 17h30 au fameux restaurant et lorsque j’entrais la jeune femme que je reconnu de l’hôpital me fit un signe de la main. Mon cœur cognait très fort dans ma poitrine alors que je m’avançais vers celle-ci pour que l’on puisse plus officiellement se présenter.  « Salut Lis… j’suis content de te revoir. » lançais-je tout en m’avançant pour lui faire la bise. C’était plutôt particulier comme rencontre, mais j’avais déjà hâte d’en savoir un peu plus à son sujet. Je pris place en face de la jeune femme et profitais du passage du serveur pour commander la même chose qu’elle.  « Ça fait un peu bizarre hein… ? » ajoutais-je en souriant, difficile de savoir par où commencer parce qu’en 28 ans il s’en passe des choses!  « Avant toute chose… ça va un peu mieux depuis notre rencontre au niveau des douleurs abdominales? » Ouais… mon petit côté infirmier ne pouvait s’empêcher de s’assurer que tout était correct avant toute chose.

Je m’étais posés tellement de question avant de venir ici que maintenant que j’y étais j’avais tout oublié. D’un autre côté c’était peut-être mieux ainsi, la conversation serait plus naturelle que si j’avais seulement réciter les questions qui m’étaient venu en tête depuis notre rencontre. La jeune femme était souriante et semblait plutôt contente de me voir ce qui m’enleva un énorme stress des épaules dès lors qu’on eut échangé les premiers mots. Lorsque j’avais demandé confirmation à mon père au sujet de Lis il n’avait pas beaucoup élaboré, peut-être n’en s’avait-il pas plus que moi à son sujet. La jeune femme avoua que la situation était effectivement bizarre je riais un peu nerveusement en approuvant, imprévisible, c’était bien vrai ça! Je demandais alors des nouvelles au sujet des douleurs qu’elle avait eu lors de sa venue aux urgences. Bien que je rêvais d’en connaître plus sur son histoire, ce qui importait le plus c’était quand même elle, aujourd’hui.  « J’suis content que ça ait mieux… ta date prévue doit être proche, non? » Elle était déjà bien avancée lorsqu’elle était venue aux urgences, maintenant j’espérais juste que le travail n’allait pas se déclencher aujourd’hui alors qu’on apprenait tout juste à se connaître.

C’est finalement la jeune femme qui rompit le silence en demandant d’où je venais. Je lui souris et mon café arriva au moment où j’allais réponde alors je remerciais d’abord le serveur avant de reporter mon attention sur Lis.  « Non je suis arrivée à Boston y’a de ça presque 2 ans maintenant… Sinon j’ai toujours vécu en Alberta, au Canada. C’est là-bas que je suis né et j’ai juste décidé que j’avais besoin de changement alors je suis venu ici pour travailler. » En expliquant globalement ma venue ici j’en profitais pour mettre un peu de crème et un peu de sucre dans mon café avant de bien mélanger le tout, puis je poursuivis.  « Mais même en Alberta, y’a toujours eu que mon père.. ma mère et ma petite sœur. Je n’ai jamais vraiment été mis au courant du reste de la famille à mon père… et toi alors? Est-ce que c’est récent ta venue ici? Qu’est-ce qui t’a amené à Boston? » Bon pour ma part je savais déjà qu’elle n’était pas née ici parce que c’était inscrit dans son dossier… mais à part cette information, je ne savais à peu près rien sur elle et il y avait tellement de choses que je voulais savoir.

J’étais sincèrement ravis de savoir que tout allait bien au niveau de ses douleurs abdominal et que les fausses contractions s’étaient calmées. Elle m’indiqua que sa date prévue était le 2 juillet et j’acquiesçais d’un signe de tête me rappelant que j’avais vu cette information. Je rigolais en sachant qu’elle n’en pouvait plus. « Désolé.. je sais que ça ne doit pas être très drôle de ton côté! Dans ce cas je vais te souhaiter ne pas avoir à te rendre à 41 semaines.. » ajoutais-je en tentant de rester un peu plus sérieux cette fois. Certaines femmes doivent même se présenter à l’hôpital pour être déclenchées parce qu’elles sont après terme – ce que je ne lui souhaitais pas du tout. Lisbeth changea de sujet pour rentrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire mon histoire ainsi que la sienne. J’expliquais bien globalement ce qui m’était arrivée – évitant tout de même de mentionner ma rupture amoureuse – puis lui retournais la question. J’étais tout de même surpris par les détails qu’elle apporta, en commençant par son arrivée à Boston qui correspondait exactement à la mienne – en août 2016.

Puis, la jeune femme, m’expliqua que c’était son ancien patron qui l’avait inscrite à Harvard et je pris une gorgée de café tout en l’écoutant attentivement. « Woww.. impressionnant comme parcours! T’as pas eu besoin de faire des études trop longtemps! » ajoutais-je étonné par tous ses nouveaux renseignements. Le sujet changea légèrement lorsque Lis mentionna sa mère, donc ma tante – dont j’ignorais même l’existence. « J’avoue que je me retrouve un peu dans le même bateau. J’ignorais votre existence également. Qu’est-ce que tu veux dire quand tu dis que vous avez été rapidement séparées ta mère et toi? Et d’ailleurs je déduis que je n’ai pas vraiment d’autres cousins cousines de cachés quelque part s’il n’y avait que ta mère et toi? » Ça m’aurait fait tout un choc d’apprendre qu’ils étaient une famille nombreuse et que personne ne m’avait tenu au courant, en même temps peut-être est-ce que je n’avais jamais vraiment posé la question à mon père.

Je rigolais de bon cœur lorsque Lis réagit à mon commentaire, espérant fortement ne pas se rendre à quarante-et-une semaines de grossesses. « Je me tais, j’suis désolé! J’espère vraiment que tu n’auras pas à attendre jusque-là! » ajoutais-je toujours en lui souriant. J’adorais comment se déroulait notre soirée, moi qui avait été tellement nerveux au départ, finalement tout semblait bien couler. On passa même à discuter plus sérieusement de nos vies respective et c’était assez incroyable de réaliser qu’on était arrivé à Boston presqu’en même temps. J’apprenais qu’elle était professeure au département du MIT après seulement une année d’étude, rien à voir avec mon parcours plutôt singulier. « Oui, je dirais qu’elle est surtout imprévisible en fait.. » ajoutais-je pour renchérir alors que tout ce qu’elle disait était totalement vrai également.

Lorsqu’on en vint au sujet de sa famille, j’avais pleins de questions qui me venaient et presque tout sortit d’une traite. Ma curiosité avait totalement pris le dessus et je n’attendais plus que les explications de ma cousine qui ne tardèrent pas. Elle me prévenu dès le début, je risquais d’être effrayé par son récit, et pourtant, j’avais du mal à la croire. Du moins jusqu’à ce qu’elle ne poursuive son récit. Je restais silencieux, parce que je voulais tout de même la laisser terminer, mais j’avais déjà pleins d’autres questions alors qu’une part de moi essayait de savoir si je n’étais pas en train de rêver. En moins de 5 minutes elle m’expliquait qu’elle s’était vengé de son père, mais aussi que j’avais une autre cousine qui n’était également plus de ce monde. J’étais bouche bée et je pris quelques secondes pour assimiler le tout avant de reprendre la parole. « Je… vois. » C’est tout ce que je trouvais à dire sur le moment jusqu’à ce que Lis renchérisse en me demandant si je voulais m’enfuir. Je croisais son regard plus longuement cette fois, elle était totalement sincère dans ce qu’elle venait de me dire. « J’avoue que c’est beaucoup d’Informations pour moi d’un coup, mais je n’ai pas envie de fuir, non. » En vérité je voulais plus de détails, je voulais comprendre ce qui s’était passé pour qu’elle en arrive là et d’un autre côté le sujet avait l’air plutôt sensible alors j’hésitais. « Six années en psychiatrie ça a dû être horrible.. surtout à cet âge-là. Ils ont finis par te laisser aller? » demandais-je par la suite avant d’enchaîner. [b] « Pour ce qui est de ton père et de ta sœur, j’avoue que je suis un peu ébranlé par la nouvelle.. je ne comprends pas trop ce qui s’est passé exactement avec eux? » Je comprenais qu’ils n’étaient probablement plus de ce monde, mais ça s’arrêtait là, de quelle façon elle s’était « vengée », je l’ignorais.

Puis un peu plus tard, Lis retourna la conversation vers moi histoire que je lui explique un peu plus mon parcours et je décidais de lui expliquer un peu plus en détail. « Hmm.. bien j’avoue qu’il n’y a pas grand-chose à dire. Je me suis toujours relativement bien entendu avec mes parents. Par contre avec ma sœur c’était une autre histoire. Sarah est âgée de 5 ans de moins que moi alors on a mis pas mal de temps à s’entendre, mais je dirais que lorsqu’elle est entrée dans l’adolescence les choses se sont un peu replacés. Sinon, j’ai toujours adoré la médecine… c’est ce qui me passionne et j’aurais vraiment voulu devenir médecin, mais malheureusement j’avais pas les notes ni l’argent pour les études. Alors infirmiers me permettaient quand même d’aller dans un domaine que j’aime… » J’haussais les épaules comme pour signifier que c’était pas trop grave, mais une part de moi regrettait toujours de ne pas avoir réussi à ce niveau et de ne pas avoir eu les moyens pour y parvenir. En même temps je ne pouvais en vouloir qu’à moi, c’était de ma faute si je n’avais pas mis les efforts nécessaire. « Et puis tant qu’à avoir l’air un con, la raison pour laquelle je suis parti de là-bas? Une fille… qui m’a brisé le cœur et j’ai cru bon de tout reprendre à zéro, mais ailleurs. » Pathétique, ouais.

Toute cette histoire avec son père et l’hôpital psychiatrique, c’est vrai que ça faisait beaucoup. Toutefois, je lui demandais un peu plus d’information à ce sujet, car même si j’étais un peu bouleversé par ce que je venais d’apprendre, je me doutais bien qu’une jeune fille de 12 ans n’aurait pas commis ses actes sans raisons. « T’inquiète pas… je suis ravis que tu sois honnête avec moi. » Après tout, c’est vrai qu’elle aurait pu cacher la vérité et juste me dire que son père était décédé sans rentrer dans les détails. Elle m’expliqua qu’à dix-huit ans, lorsqu’elle avait été libéré de l’hôpital, un curateur s’était occupé de gérer ses comptes et je fis un signe négatif de la tête avant de renchérir. « J’ai pas de mot pour d’écrire ce que tu as vécu… Heureusement maintenant tu es ici.. loin de toute cette histoire. » Histoire qu’elle n’avait toujours pas finis de me raconter puisque je la questionnais un peu plus au sujet de son père et de sa sœur, après tout, techniquement il s’agissait également de mon oncle et ma cousine. Lis était hésitant et je me dis que je n’aurais peut-être pas dû pousser mon questionnement, mais finalement la jeune femme brisa le silence en commençant ses explications au sujet de son père. Un frisson me parcouru lorsque j’imaginais la jeune femme empoigner un couteau pour lui régler son compte. « En effet, pour en arriver là, je n’imagine même pas l’enfer qu’il vous a fait vivre. » Ce geste, non planifié, combiné à l’âge qu’elle avait était suffisant pour que je la crois lorsqu’elle me disait qu’elle avait vécu l’enfer avant d’en arriver là. Enfin, Lis poursuivit en m’expliqua ce qui était arrivé avec sa sœur jumelle. Je secouais la tête à plusieurs reprises n’en revenant pas de tout ce qu’elle me racontait… c’était tellement… j’avais même pas de mots pour décrire toute cette histoire. « Eh bien.. j’avoue que je ne m’attendais pas trop à tout ça.. et depuis que t’es arrivé à Boston, t’as pu parler à quelqu’un de tout ça? Enfin, c’est pas rien ce que t’as vécu et parfois en parler ça peut aider… » J’avais du mal à imaginer qu’elle ait pu garder toute cette histoire pour elle, c’était pas rien et je savais que parfois le mieux était d’en parler pour arriver à s’enlever un poids des épaules.

Puis la conversation revint à moi et j’expliquais globalement à ma cousine comment j’aurais voulu être médecin, mais que je n’en avais pas eu la chance. « Oui ça me plait vraiment… je dévore la médecine. C’est juste que je me sens parfois limité dans mes actions parce qu’il me faut parfois l’approbation d’un médecin, mais j’adore ça quand même! Merci du compliment! » Notre travail était d’ailleurs rarement apprécié comparé à celui des médecins, alors j’accueillais avec sourire son compliment. Elle poursuivit en demandant un peu plus de détail au sujet de ma sœur, mais aussi de mes parents et j’enchaînais après avoir pris une nouvelle gorgée de café. « Ouais Sarah elle est restée là-bas, elle a pris une année sabbatique avant de se décider dans ce qu’elle voulait faire et maintenant elle étudie en droit là-bas. Sinon mon père travaille dans le domaine de la comptabilité et ma mère est serveuse dans un petit resto. Au moins les gens qui y vont sont sympathique… parce qu’elle fait quand même des longues journées debout. » dis-je en ayant l’impression de répéter ce que ma mère me disait lorsqu’elle rentrait du travail le soir. Je secouais la tête puis j’ajoutais la raison pour laquelle j’étais moi-même partie de l’Alberta pour Boston et ma cousine insista sur le fait que ce n’était pas con comme excuse. « Oui, même si ma famille me manque parfois. D’ailleurs si jamais ils décident de passer de le coin je t’écrirai… si tu veux les rencontrer! Ça me ferait plaisir de te les présenter… c’est ta famille à toi aussi après tout. »