T'es surpris qu'elle te dise avoir l'impression d'être un boulet pour toi parce que ce n'est pas du tout ce que tu ressens. Peut-être parce que vous avez passé pas mal de temps ensemble durant la croisière et qu'en comparaison, vous vous êtes très peu vus durant le Spring Break ? Faut dire qu'avec les filles qui se sont enchaînées dans ton lit, Marla, les excursions, les soirées, les lendemains de cuite... t'as pas arrêté et tu ne lui as sûrement pas accordé autant de temps qu'elle l'espérait. Et les tensions avec Sullivan n'ont clairement pas arrangé les choses. Tu lui présentes donc tes excuses mais t'as le sentiment qu'elle ne les entend pas vraiment. T'es prêt à insister, sauf qu'elle poursuit sur un autre sujet... inattendu. Tu t'étrangles au bout du fil. « Il te reste encore cinq mois ? Cinq mois pour quoi ? T'as pas l'intention d'avorter ? » Tu fais tout ton possible pour te contenir mais t'as un tsunami prêt à tout ravager dans ta tête là.

ouais. de toute façon, j'avais jamais été la personne la plus studieuse au monde. bien sûr que je n'étais pas bête mais en premier lieu, si j'étais ici, c'était juste parce que sullivan m'avait supplié de le suivre. dans le cas contraire, j'savais très bien que j'aurais probablement été caissière dans un supermarché de vancouver parce que les études, c'était pas du tout mon truc. alors ouais, maintenant que mon avenir entier était en train de changer il était peut être temps que je quitte les bancs de la fac. ouais, ça me semblait être la meilleure des solutions à vrai dire. sauf que philip, il avait pas eu l'air de s'être attendu à ce genre de réaction de ma part. "pour qui tu me prends ? bien sûr que non. j'vais pas tuer un enfant qui n'a strictement rien demandé !" il était malade ou quoi ? j'étais meghan, la quincy. investi dans trois mille cause humanitaire, contre toute forme de violence et.. dans quel monde avait-il pu imaginer que j'allais tuer qui que ce soit ? jamais ça n'arriverait. "j'ai peut être fait une erreur mais je vais l'assumer."

Tu essayes vraiment de ne pas t'attarder sur les détails que Meghan te donne. Du genre abandonner ses études pour trouver un boulot de merde et vivre la grande vie de rêve de mère à 20 ans. Là tout ton esprit, toute ta force mentale est mobilisée pour t'empêcher de hurler à nouveau. En fin de compte, peut-être qu'elle n'est pas si intelligente que ça. Elle n'aurait pas été ta soeur, sûrement que tu l'aurais déjà traitée de pauvre conne. Mais tu viens d'avoir la preuve il y a quelques secondes seulement que crier ne servait à rien. Tu tentes de lui faire entendre raison. « Ce n'est pas un enfant, c'est un foetus. Qui ne ressemble encore à rien et n'a aucune conscience. Ce n'est qu'un amas de cellules de quelques semaines... » Et soudain, tu tiltes. « Attends quand tu dis qu'il te reste encore cinq mois, ça veut dire quoi ? T'es enceinte de combien là ? »

c'était comme ça qu'on agissait en adulte, pas vrai ? faire des erreurs et les assumer plutôt que choisir la solution de facilité et se débarrasser du problème. donc ouais, c'était exactement ce que j'allais faire. assumer d'avoir été une abrutie de première et prendre toutes les conséquences qui iraient avec. et probablement que ça serait dur mais en soit, j'avais pas réellement le choix. et je poussais un soupir à ses mots parce que c'était pas le cas. j'étais enceinte de quatre foutu mois, bien sûr qu'il avait déjà commencé à se former. alors là, j'avais juste l'impression qu'il ne m'écoutait pas quand je lui disait des trucs. "quatre mois philip. c'était.. une sorte de déni." j'étais soudainement nerveuse parce que j'avais l'impression qu'on arrivait pas à se comprendre. "probablement que je le saurais toujours pas si j'avais pas fait ce malaise et.. c'est juste trop tard pour avorter de toute façon." donc de toute manière, y avait pas le choix.

Perdu dans cette spirale infernale d'informations inattendues, tu ne captes pas immédiatement que la situation est bien plus critique que ce que tu imaginais. Meghan est enceinte de quatre mois. Quatre putain de mois. « Quel malaise ? T'as fait un déni de grossesse ? » Mais c'est surtout sa dernière phrase qui t'alarme en fait. Il est trop tard pour avorter. Tu t'énerves à nouveau. Contre elle, contre toi, contre la science, contre les lois de ce pays et l'Univers tout entier. Mais t'es pas prêt à abandonner en fait. « C'est pas trop tard si tu le souhaites. Je peux te trouver des médecins qui te le feront de manière tout à fait sécurisée et indolore. » C'est une des premières choses que tu as apprises dans ce monde. Avec de l'argent, rien ou presque n'est impossible.

bref, sujet clos. et moi, j'étais mal à l'aise à l'idée de parler de tout ça en fait. surtout parce que j'avais l'impression que dans tous les cas, il était tellement buté sur ses propres idées qu'il n'en avait strictement rien à faire de ce que moi je pouvais bien vouloir. et ouais, c'était tellement frustrant de faire face à tout ça. "je.. ouais, j'étais pas très bien et j'suis passée dans les vapes. mais ça va maintenant, c'était un coup de fatigue, rien de grave. j'ai juste appris dans la foulée que j'étais enceinte." donc ouais, c'était un déni. et c'était malheureusement le genre de chose contre quoi on ne pouvait pas grand chose. "je vais pas avorter philip." fallait qu'il arrête deux minutes parce que j'allais clairement pas le faire. "arrête de pousser dans ce sens parce que ça va pas arriver."

T'as l'impression que Meghan est en train de jouer la gamine capricieuse qui ne veut pas se séparer de sa poupée. Tu sais très bien que ce n'est pas le cas, mais tu ne peux pas t'empêcher de le penser un peu quand même. De penser qu'elle ne se rend absolument pas compte de ce que ça veut dire que devenir parent. Et t'as beau insister, ça ne change rien. Ok, non pour l'avortement alors. Mais il reste une alternative. Tu sais déjà que c'est comme ouvrir la boîte de Pandore mais tu te dois te tenter quand même. « Et l'adoption ? On peut lui trouver une famille qui saura bien s'en occuper. Une famille d'adultes responsables qui a les moyens de prendre en charge un enfant et qui attend d'en avoir un depuis des lustres. »

j'allais pas avorter, fallait vraiment qu'il arrête de se mettre ce genre d'idée dans la tête. ça n'allait pas arriver et je me fichais pas mal de son avis sur le sujet. s'il voulait pas me donner de son soutien, qu'il ne le fasse pas mais dans tous les cas, j'allais pas répondre à ses attentes alors qu'en soit, ça ne le concernait pas. "c'est MON bébé. pas celui de quelqu'un d'autre. et j'vais pas le donner comme si j'en voulais pas et que je cherchais à m'en débarrasser." c'était pas du tout ce que j'étais en train de faire en fait et c'était horrible qu'il aille me dire des trucs comme ça. "si t'as envie de penser que je suis une adulte pas responsable, très bien. grand bien te fasse. mais tu choisiras certainement pas ce que je dois faire de ma vie." et puis quoi encore ? "sois tu l'acceptes, sois tu vas te faire foutre mais je t'interdis de me traiter comme une enfant."

Avec tout ce qu'il se passe en ce moment dans sa vie, tu te doutes que parler d'adoption avec Meghan n'est pas forcément la meilleure des idées. Pourtant c'est ce qui serait le mieux pour le bébé, tu le sais, t'en es convaincu et t'es prêt à tout pour que le lui faire entendre. Quitte à ce qu'elle te déteste pour ça. T'es son grand frère désormais, t'es là pour ça. « Si tu ne veux pas que je te traite comme une enfant, arrête d'agir comme tel. Arrête de n'en faire qu'à ta tête. Arrête avec tes "MON bébé". Avant d'être TON bébé, c'est UN bébé, qui mérite mieux comme parents que deux étudiants paumés prêts à arrêter leurs études brillantes pour se niquer la santé dans un job de merde qui sera tout juste suffisant pour lui acheter trois couches et un biberon. Arrête d'être égoïste et pense à ce qui serait bon pour ce bébé. Il y a des tas de familles prêtes à l'accueillir et qui pourront l'élever dans de meilleures conditions que vous. Si tu aimes vraiment ce bébé, tu sais ce que tu as à faire. »

et putain, je lui avais pas annoncé pour me battre avec lui. mais je ne lui avais pas non plus dit pour qu'il tente de diriger ma vie et choisir ce que je devais faire ou non. on avait pas le même point de vue, je pouvais le comprendre, mais il allait beaucoup trop loin dans ses mots et là, tout ce qu'il venait de balancer, c'était juste en trop. ça faisait mal et en même temps, ça me mettait totalement hors de moi. "JE SUIS ÉGOÏSTE ?" non mais là, c'était trop. "ce qui est égoïste philip, c'est de se croire capable de donner des leçons de morale aux autres quand on ne dispose même pas d'un peu d'éthique. le jour où tu seras correct avec toi même et avec les gens qui t'entourent peut être, je dis bien peut être, que je serais apte à t'écouter. en attendant, t'es juste le bâtard qui s'tape des nanas vierge dans le simple but d'imposer sa suffisance et qui essaie de faire croire que c'est un mec bien." ouais, fallait pas me pousser. "alors si t'as envie de me faire passer pour une nana incapable de faire quoi que ce soit, égoïste et irresponsable, vas y, éclate toi. ça changera jamais le fait que j'ai bien plus de respect pour l'être humain que toi. toi, t'es juste un gamin pourri gâté qui a grandit avec une cuillère en or dans la bouche et qui croit que tout lui est dû. alors t'sais quoi ? j'suis tellement ravie de pas avoir grandit avec toi parce que j'ai au moins la décence de pas me comporter comme la première des putes avec tout ceux qui m'entourent."