⋆ — it's a moment of truth je crois que j’avais encore du mal à me faire à l’idée. même après avoir eu les résultats en main, en parler, c’était plutôt compliqué. j’étais meghan harrison. j’étais bel et bien la soeur de philip et toute ma vie n’était rien d’autre qu’un vulgaire mensonge. j’crois que tout le monde s’entendrait pour dire que c’était de toute manière pas la chose la plus facile au monde à aborder. alors ouais, je préférais le garder pour moi et clairement, dans cette situation, philip était mon seul confident. en même temps, on était dans le même bateau. et je crois qu’en fait, elle était là la situation la plus malaisante de toute ma vie. parce que c’était aujourd’hui que j’allais rencontrer ses parents -mes parents aussi par association même s’il me faudrait certainement du temps avant de réussir à vraiment le dire-. et ouais, j’avais aucune idée de comment est-ce que les choses allaient se passer. probablement que j’en attendais trop de mon côté. je ne cessais de me dire que c’était après tout ça que j’allais finalement savoir quoi faire. parce que ouais, j’pouvais pas garder le silence indéfiniment sur tout ça et.. dans le fond, sûrement que je ne réalisais pas vraiment tout ce que ça pouvait engendrer comme conséquence. et ouais, j’crois que ça devait se voir que j’étais pire que nerveuse dans cette histoire parce que philip m’adressait presque immédiatement un regard se voulant rassurant avant de s’en aller comme il était prévu me laissant dans le hall d’entrée. et j’avais le coeur qui battait à vive allure dans ma poitrine. putain, ouais, j’étais vraiment pas bien là.

T'as probablement jamais été aussi nerveux de toute ta vie. T'avais naïvement pensé que le plus dur serait de lire les résultats des tests ADN prouvant que Ziggy est ta soeur mais en fait c'est de l'annoncer à tes parents. Vos parents. Leur dire que la fille adorée qu'on leur a arraché il y a maintenant quinze ans est toujours en vie et que tu l'as retrouvée saine et sauve. Leur dire qu'elle est là, dans le hall d'entrée de l'immeuble à attendre de les rencontrer. T'as le sentiment de porter le poids du monde sur tes épaules alors que les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le vestibule. Tes parents sont dans le salon, prêts à entendre cette fameuse nouvelle que tu dois leur annoncer. Après les avoir embrassés, tu respires un grand coup et lâches la bombe. Tu parles pendant un long moment pour tout expliquer jusque dans les moindres détails. Ton récit terminé, t'as l'impression d'avoir couru un marathon tellement le moment a été fort en émotions et tu te sens vidé. Pourtant ce n'est que le début. Ta mère est déjà en larmes, ton père lui conserve un visage impassible que tu mets sur le compte du choc. Enfin tu leur avoues qu'elle est là avec toi, prête à rencontrer ses parents biologiques. Le temps que tu ailles la chercher, cela leur laissera quelques minutes supplémentaires pour tenter d'assimiler les choses. Tu resdescends dans le hall d'entrée, incapable de dire combien de temps tu es resté là-haut. Un bref instant, t'as la crainte qu'elle ne se soit barrée entre temps mais t'es rassuré de la voir dans un coin faire les cent pas. « Ils veulent te voir. Maman pleure déjà. J'crois qu'elle avait jamais perdu espoir de te retrouver. » Pas comme toi qui pensais Meghan morte et enterrée.

⋆ — it's a moment of truth je crois que jamais le temps n’avait été aussi long en fait. et c’était horrible de rester en stand by comme ça. de ne pas savoir ce qui pouvait bien se passer plus haut. j’savais même pas ce que philip avait prévu de leur dire, comment est-ce qu’ils comptaient me présenter ni rien de tout ça. et j’avais peur en fait. peur de leur faire face parce que j’avais aucune idée de la manière dont je serais reçu. puis j’étais sûrement pas prête dans le fond. qu’est-ce que j’allais leur dire moi ? parce que j’en avais aucune idée. j’savais pas. j’pouvais pas dire qu’ils m’avaient manqués parce que c’était pas la vérité. parce que deux mois en arrière, je me doutais même pas d’un truc pareil et.. parce que tout bêtement, j’avais jamais pensé que mes parents n’étaient pas les miens. alors ouais, j’appréhendais tellement. à plusieurs reprise, la pensée de m’enfuir d’ici en courant m’avait traversé l’esprit mais j’avais pas bougé. j’étais restée là, comme une idiote, incapable de faire le moindre mouvement. et philip était finalement revenu. j’étais même pas soulagée parce qu’en fait, ça signifiait que j’allais devoir monter à mon tour et affronter tout ça alors que j’en avais pas spécialement le courage. « ils veulent te voir. maman pleure déjà. j’crois qu’elle avait jamais perdu espoir de te retrouver. » ah. mais comment j’allais faire moi face à une femme inconnue en larme devant ma présence ? parce que j’étais pas prête, j’avais pas anticipée. et pourtant, je suivais philip jusqu’à l’ascenseur, grinçant des dents quand les portes s’ouvraient sur le vestibule, traînant des pieds jusqu’au salon. et j’y étais. j’étais là. face à mes vrais parents. face à cette mère qui pleurait m’observant quelques instants avant de me serrer de ses bras. face à ce père qui lui, restait impassible sans le moindre mot. « bonjour » que j’avais fini par lancer la gorge un peu trop nouée. ouais, bonjour.

T'avais pas vraiment préparé ton discours aux parents avant d'entamer ton histoire. T'as toujours été du genre à aviser en fonction des situations, à ne jamais planifier les choses trop en avance et à plutôt te laisser porter par l'instinct et le ressenti du moment. Au final t'as l'impression que cela s'est plutôt bien passé, mais peut-être que c'est parce qu'ils sont trop sous le choc pour avoir vraiment compris ce que tu leur viens de leur annoncer. En descendant chercher Ziggy, tu penses avoir fait le plus dur mais la boule dans ton estomac est toujours aussi présente qu'avant, si ce n'est plus. Cela doit être encore pire pour elle. La tension arrive à son comble lorsque vous remontez en ascenseur, sans un mot. Tu te contentes d'une simple pression de la main sur la sienne en guise de soutien avant de la guider jusqu'à la pièce où vos parents vous attendent. Un face à face où tout le monde semble avoir cessé de respirer, jusqu'à ce que votre mère craque littéralement sous vos yeux avant de prendre Ziggy dans ses bras. Celle-ci lâche un simple bonjour et tu enchaînes immédiatement. « Maman, Papa... voici Ziggy. Meghan. » Un nouveau silence s'installe quelques secondes avant que votre mère ne relâche son étreinte. Attrapant les mains de sa fille, elle la fait avancer jusqu'au canapé juste derrière où elles s'assoient toutes les deux alors que ton père et toi restez debout, immobiles. Elle commence alors à parler, bombardant sa fille de questions. Comment elle va, d'où elle vient, qu'est-ce qu'elle étudie à Harvard, si tout se passe bien pour elle etc. Comme si elle voulait rattraper quinze ans d'absence en quelques minutes.

⋆ — it's a moment of truth j’savais pas s’ils s’attendaient à plus. si j’étais censée dire ou faire quelque chose en particulier. là, j’avais juste l’impression d’être déconnectée. j’étais face à des gens que je ne connaissais pas, cette femme -qui s’avérait être ma mère- me serrait dans ses bras en pleurant et moi, j’avais l’impression de ne ressentir que du malaise en guise d’émotion. c’était sûrement pas le top mais putain, c’était juste tellement compliquée pour moi de faire face à tout ça. ziggy. meghan. ouais, j’étais qui au juste maintenant ? parce que même moi j’arrivais pas à le dire. et je laissais cette mère m’entraîner jusqu’au canapé, ses mains tenant les miennes alors qu’elle ne cessait de me fixer pendant que je détournais le regard. j’avais le droit à des milliers de questions. tellement que je ne me souvenais même pas de la plupart. c’était sûrement le choc. et vu le silence qu’il y avait après ça, c’était probablement parce qu’on s’attendait à ce que je réponde. ah. « je.. je sais pas trop comment je vais. » et je ne pouvais pas répondre « bien » alors que j’étais dans cette position-là. « j’étudie la psychologie mais.. j’crois que je suis nulle pour ça. pour comprendre les autres. je.. suis dans plein d’associations. et.. cet été je pars au cambodge pour aider les orphelinats.. » qu’est-ce que je pouvais dire de plus sur moi en fait ? j’me sentais pas bien, j’avais les mains qui tremblaient et je lançais un regard à philip réclamant son aide en silence. j’étais pas prête à m’engager dans une graaande conversation là maintenant. et puis y avait son père -mon père- qui me fixait du regard tout en restant toujours aussi silencieux et ça, ça me foutait encore plus la trouille, soyons honnête.

Ta mère est une femme forte, sûre d'elle et toujours à l'aise dans n'importe quelle situation. Rares sont les fois où tu l'as vue perdre le contrôle de ses nerfs ou craquer en public, et la plupart du temps c'est parce que le sujet de Meghan était évoqué. Sa réaction ne te surprend donc pas vraiment, le sujet a toujours été très sensible avec elle, presque tabou, mais tu restes un peu décontenancé de son ampleur. C'est comme si elle relâchait maintenant toutes les émotions qu'elle avait essayé de contenir en elle pendant tout ce temps. Tu l'observes bombarder Ziggy de questions et vu qu'elle a toujours été très tactile avec vous, tu devines sans mal qu'elle doit sûrement se retenir de toutes ses forces pour ne pas toucher sa fille sous toutes coutures. Se contentant de tenir ses mains, elle lui laisse enfin un espace pour qu'elle s'exprime. Là non plus, t'as pas de mal à comprendre que Ziggy est mal à l'aise, quand bien même elle répond poliment à toutes les interrogations de votre mère qui boit littéralement ses paroles. Cette dernière acquiesce avec exagération lorsque les orphelinats cambodgiens sont évoqués et continue de fixer intensément le visage de la Quincy, sans doute pour essayer d'y retrouver les traits de sa fille perdue. Tu captes le SOS muet que celle-ci te lance et décides d'intervenir en venant poser une main sur l'épaule de ta mère pour qu'elle se reprenne un peu. « Elle est en bonne santé et fait de brillantes études à Harvard Maman. Tout se passe bien. » Puis tu te tournes vers ton père, qui n'a pas bougé d'un cil depuis votre entrée. « Papa ? Tu as quelque chose à dire ? » Son regard se détache de ta... soeur, pour se poser à contrecoeur sur toi. « Qui est cette fille ? » Et devant ton incompréhension apparente, il ajoute « En tout cas ce n'est pas ma fille. Ce n'est pas Meghan. » Tu ouvres la bouche pour protester mais il ne t'en laisse pas l'occasion, reportant toute son attention sur Ziggy. « Qui êtes-vous mademoiselle ? »

⋆ — it's a moment of truth j’avais pas réussi à imaginer comment serait ce moment. peut être parce que j’étais trop stressée ou alors parce que ça avait été trop soudain. dans tous les cas, j’y étais et j’étais toujours autant mal à l’aise. j’arrivais pas à me dire qu’il s’agissait de ma famille. j’arrivais pas à faire entrer dans ma tête que j’étais avec mes parents. mes vrais parents. et.. ouais, c’était dur. dur de répondre à toutes les question qu’elle pouvait me poser. dur de me tenir là alors que je me sentais aussi mal à ce moment précis et.. ouais, j’appelais silencieusement philip à l’aide parce que là, j’avais sincèrement besoin qu’il fasse quelque chose pour moi. j’avais besoin qu’il me sorte de ça parce que j’étais juste pas prête à parler pendant des heures comme si de rien était. et ouais, je mimais un merci quand il prenait la parole parce que clairement, j’en avais besoin. inspirant un grand coup, je me contentais de sourire alors qu’il s’adressait finalement à notre père qui était étrangement silencieux. et le son de sa voix.. putain, je me décomposais en deux secondes devenant blanche livide. « Qui est cette fille ? » qu…quoi ? « En tout cas ce n'est pas ma fille. Ce n'est pas Meghan. » wow. le malaise. j’hésitais entre partir en courant et pleurer du coup. « Qui êtes-vous mademoiselle ? « je.. » je me levais d’un coup surtout passant une main fébrile dans mes cheveux, vraiment pas bien du tout. « j’aurais pas dû venir » que je soufflais. parce que cette réaction, c’était la pire de toute et que là, j’étais à deux doigts de m’effondrer. tout simplement.

Evidemment, tu avais bien essayé d'imaginer la réaction de tes parents à l'annonce de la découverte de Meghan. Celle de ta mère est assez conforme à ce que tu avais anticipé, en revanche tu ne savais pas trop à quoi t'attendre en ce qui concernait ton père. Bien que tu saches parfaitement qu'il vous aime ta soeur et toi, ce n'est pas le genre d'homme à formuler ses sentiments à voix haute ni même à les montrer tout court. De manière générale, il laisse très rarement transparaître ses émotions, arborant toujours un masque neutre quelle que soit la situation. Peut-être que c'est son métier qui l'a forgé ainsi, tu ne peux que supposer car c'est ainsi que tu l'as toujours connu. Dans tes jeunes années c'était ta mère qui te servait d'interprète pour apprendre à décrypter ses expressions et ses paroles, et avec le temps tu as fini par t'habituer bien qu'il reste parfois une énigme à tes yeux. La plupart du temps maintenant, tu ne cherches même pas à savoir à ce qu'il pense en fait. Sauf que là tout de suite, tu aimerais vraiment comprendre ce qu'il a dans la tête car sa réaction te laisse bouche bée. Il ne te croit pas. Il ne vous croit pas. Ses mots sont d'une violence infinie envers Ziggy qui se lève et avoue regretter d'être venue. La panique te gagne un bref instant et tu viens chercher son poignet pour le serrer fermement dans ta main. Elle n'ira nulle part, tu lui défends de partir maintenant. Avec tout le calme dont tu es capable en cet instant, tu tentes de raisonner votre père. « Papa, c'est elle. C'est Meghan. J'en suis sûr et certain. Je comprends que tu sois dubitatif car moi aussi je l'ai été au début et il m'a fallu du temps pour l'accepter mais je t'assure que c'est elle, autant que je suis ton fils. » Tu désignes les tests ADN qui sont posés sur la petite table non loin, ceux que tu leur as donnés quelques minutes plus tôt avant d'aller chercher Ziggy dans le hall. « Tu en as la preuve formelle là dedans. Cinq tests différents, tous positifs. Tu as nos récits qui concordent. Et puis regarde-la bordel ! Ne me dis pas qu'elle ne ressemble pas trait pour trait à Meghan. Elle a même la même tache de naissance sur son épaule que Meghan ! » Après quelques secondes d'un silence insoutenable, il s'approche de vous. Lentement. Tu maintiens ta prise sur le poignet de Ziggy pour l'empêcher de fuir, quitte à lui faire mal. Il se poste juste devant elle pour la dévisager intensément, la dominant de toute sa hauteur. « Meghan est morte il y a quinze ans. Vous avez peut-être réussi à berner ma femme et mon fils mais vous ne m'aurez pas moi. »

⋆ — it's a moment of truth ouais, non. j’étais clairement pas prête à assumer une réaction comme celle-là. j’avais l’impression de pas être à ma place et ouais, j’aurais voulu disparaître de la surface de cette pièce parce que c’était juste immonde de se faire accueillir de la sorte. je m’étais attendu à des tonnes de chose mais pas à ça. alors ouais, je me levais soudainement pour m’en aller parce que je ne comptais clairement pas rester là. sauf que philip, il me retenait par le poignet m’empêchant de faire un pas de plus. ouais, non, philip, tout mais pas ça. il ne pouvait m’obliger à rester ici alors que j’étais juste au bout de ma vie. et il venait prendre ma défense, tentant de lui prouver par a+b que j’étais bel et bien meghan. exposant les tests adn, mon physique, ma tâche de naissance. moi, j’avais juste mal au ventre. mal qui s’accentuait au fur et à mesure que l’homme imposant s’approchait de nous, de moi, ses yeux fixés sur ma personne. et les mots qui sortaient par la suite étaient encore pires. non mais moi je ne pouvais pas faire face à ça. « j’aurais largement préféré ne pas être meghan en réalité. alors j’essaie d’avoir personne ici. si vous voulez que je m’en aille, je m’en vais. mais, sauf votre respect, les preuves sont face à vous. vous pouvez jouer l’aveugle si ça vous chante mais je vous interdis de me faire passer pour un imposteur. » et je tirais mon bras pour me dégager de l’emprise de philip. j’comptais pas rester ici une seconde de plus. pas quand on me manquait de respect de la sorte en fait. alors ouais, on était peut être à new york mais je trouverais bien un moyen de retourner à boston, j’étais débrouillarde comme fille.

Tu ne bouges pas d’un cil alors que ton père, votre père, s’approche avec lenteur de votre duo. C’est à peine si tu respires en fait car tu lis dans ses yeux ce regard assassin qu’il a lorsqu’il est véritablement en colère. Les quelques rares fois où tu y as eu vraiment droit sont des souvenirs marqués au fer rouge dans ta mémoire, le genre de souvenir que tu aurais préféré ne jamais connaître. Sa voix grave et profonde résonne comme le tonnerre dans la pièce, foudroyant Ziggy sur place. Tu la sens t’échapper un peu plus à chaque mot qu’il prononce, pourtant elle trouve le courage et la force de répliquer tout de même. D’un coup sec elle essaye de se libérer de ton emprise et la surprise te fait la lâcher sans résister. Mais alors que tu cherches encore tes mots pour contredire votre géniteur, une voix dans ton dos se fait entendre. « Le seul con ici c’est toi Richard. » T’es sous le choc des paroles de ta mère, c’est probablement la première fois de ta vie que tu l’entends insulter quelqu’un. Tu la suis du regard alors qu’elle rejoint votre groupe pour se positionner face à son mari, plus remontée que jamais. Commence alors une dispute plus violente que tout ce que tu aurais pu imaginer entre eux. En quelques secondes seulement, c’est comme si vous n’étiez plus là. Ils se déchirent à grands cris juste sous vos yeux, elle essayant de lui faire entendre raison et lui faisant la sourde oreille hermétique à tout ce qu’elle lui dit. T’as jamais vu ta mère dans un état pareil, au point que tu en restes bouche bée un bon moment. « Viens. » finis-tu par dire à Ziggy en lui prenant la main pour la tirer hors de la pièce et la guider jusqu’à l’étage de l’appartement. Autant les laisser s'engueuler tout seuls. « C’est ma chambre. » dis-tu simplement en ouvrant la porte de la grande pièce qui t’est tendrement familière.