Tu m’attires aussi, c’est même pas une question. Puis, moi aussi j’ai envie d’apprendre à te connaitre, en savoir plus à ton sujet, c’que t’aimes, c’que tu détestes, ce qui te fait rire et ce qui te met en rogne. Bref, toutes ces choses. Mais quand il est question de sentiment, j’suis plus que novice et ça, ça m’fait peur. Parce que j’veux pas me planter. Parce que j’veux pas souffrir aussi. Si j’ai souffert dans ma vie, c’était souvent par ma faute. Parce que j’avais fait un truc de travers et que j’avais tout foutu en l’air. Or souvent, c’était volontaire. Cette fois, si ça arrive, ce ne sera pas le cas… j’en ai marre de tout saboter, c’est fatiguant. « Laisse-toi porter… Fais ce qui te semble censé? Laisse-moi te montrer, t’aimer! » M’aimer? Je rétrécis de l’intérieur et toi tu balbuties une explication. « Enfin, pas t’aimer, mais j’veux dire laisse-moi apprendre à te connaître, nous connaître. » J’avale difficilement, mais ne m’enfuis toujours pas. Apparemment, il m’en faut pas mal pour avoir peur. Non, c’est faux. J’ai peur déjà. Très peur même. Mais c’est toi et… voilà. « Ouais, ok.. » J’arrive enfin à articuler, mais mes paroles ne doivent pas être très convaincantes. Tu détournes le regard et je me sens de trop là sur tes genoux. « Hum… As-tu besoin de faire un arrêt quelque part? Je te laisse à ton appartement peut-être? » Oh… Je descends comme je le peux de tes genoux, tentant de ne pas te frapper dans le processus avant de reprendre ma place sur le siège passager qui me semble particulièrement froid. Je détourne le regard et regarde par la fenêtre. « Chez moi ça ira… » Je n’sais pas quoi dire de plus. J’crois pas que j’arriverai à dormir et il est clair que je ne compte pas me plonger dans mes bouquins. Mais on est dimanche et je n’ai rien de prévu alors.. voilà.

Je m’en veux d’avoir trop parlé, parce que je vois que j’ai créé un froid entre nous deux. Ça ne doit pas être trop notre genre, à tous les deux, de parler de sentiment. Du moins, à voir ta réaction, c’est ce que j’en déduis. Et moi, depuis six ans, ce n’est plus trop top, dans ma vie les relations amoureuses. Alors, c’est évident que je te demande si tu as un autre arrêt à faire ou si je vais te reconduire chez toi. Tu quittes le confort de mes cuisses pour prendre place sur le siège passager et j’ai l’impression de me sentir nu. J’ai même la sensation que mon coeur est en train de se compresser dans ma poitrine, sachant que je viens de tout gâcher en moins de temps pour le dire. « Chez toi, alors... » Ma voix ne semble pas du tout convaincu, mais je n’arrive tout simplement pas à te dire que je n'en ai pas envie et que je veux rester avec toi encore un peu. Que je n’ai pas envie que tu entres chez toi et pourtant, je démarre ma voiture et je me mets en route. Le chemin se passe dans le silence le plus total et j’ai envie de m’arracher les cheveux sur la tête un par un. Sauf qu’au bout d’un moment, je te demande finalement : « Euh… C’est quoi ton adresse ? » Toi, tu es venue chez moi à quelques reprises, mais ce n’est pas le cas, en ce qui me concerne. Je continue à rouler attendant que tu répondes à ma question.

« Chez toi, alors... » J’ai l’estomac dans les talons et j’essaie de ne pas penser à ce que tu viens de dire alors que tu démarres ta voiture et nous engage donc tous les deux vers mon appartement du centre-ville. Le trajet se faire en silence et je déteste particulièrement ce genre de silence inconfortable si lourd qu’on a du mal à respirer. Or là, j’ai pas exactement la tête à faire une blague ou à lâcher un commentaire qui détendra tout ça, alors je me tais. « Euh… C’est quoi ton adresse ? » Je fronce légèrement les sourcils et te regarde de biais. C’est l’occasion pour un commentaire, vas-y Serah, tu peux l’faire. « T’es venu me chercher y’a genre deux heures et t’as déjà oublié? Elles te font de l’effet mes lèvres dis-donc. » Je te donne l’adresse et rapidement, l’immeuble se profile devant nous. Tu te gares devant et je me mordille la lèvre. « Tu veux monter? » parce que j’ai pas envie que tu partes. Parce que j’ai pas envie d’être toute seule. Parce que malgré la discussion bizarre qu’on a eue –ou plutôt les choses bizarres que t’as dites, je veux passer un peu plus de temps avec toi. J’ouvre lentement la portière et tourne la tête dans ta direction, attendant de voir ta réaction, de connaître ta réponse.

Je ne suis tellement pas bien dans mes baskets en ce moment que j’en oublis même où tu restes. La honte quoi, lorsque tu me remets la vérité sous le nez et qu’en plus tu ajoutes que tes lèvres me font de l’effet. Bordel, si tu savais et pas seulement tes lèvres. Je souris, malgré moi à ce commentaire. « Comment ne pas être accro en même temps. » Dis-je vaguement dans les vapes avant de finalement prendre la véritable route qui mène à chez-toi. Une fois arriver, je me gare devant l’immeuble et m’apprête à m’excuser d’avoir joué à l’imbécile et avoir dit tout ça, que tu m’offres de montrer. D’habitude, lorsque les femmes me disent ça, ce n’est clairement pas pour jouer au Scrabble et pourtant, là tout de suite, ça ne me dérangerait pas du tout de la faire cette partie. « Je… Ouais okay ! » Je me doute que tu ne veuilles pas être seule et que tu puisses, peut-être, avoir encore besoin de moi. « Mais à une condition... » J’attends à peine quelques secondes, juste le temps que ça se rendre à ton cerveau et que tu puisses te demander ce que je pourrai bien te demander et m’exécute. « À condition que tu me serves un immense verre d’eau. J’ai la gorge sèche ! » Oui, j’essaie de faire comme si je n’avais rien dit qui me rends mal à l’aise. Parce qu'après tout, si je suis pour rester avec toi un peu et qu’on se met à parler pour sans doute apprendre à se connaître, je n’ai pas envie de fuir ton regard longtemps. Il y a des bonnes chances que je te fuis quelque temps, mais je peux remettre ça à demain. J’ouvre donc la portière à mon tour et te suis à l’intérieur.

« Comment ne pas être accro en même temps. » Cette information ne tombait pas dans l’oreille d’une sourde, tout comme le reste d’ailleurs. Je le rangeais simplement dans un tiroir bien particulier de mon esprit. Un tiroir à ton nom Silas. On arrive chez moi et avant de débarquer, je te demande finalement si tu veux monter. J’veux pas être seule, j’veux pas que tu partes… alors reste, s’il te plait. « Je… Ouais okay ! » J’esquisse un sourire satisfait. « Mais à une condition... » je fronce les sourcils, perdant lentement mon sourire. « À condition que tu me serves un immense verre d’eau. J’ai la gorge sèche ! » Je me détends d’un seul coup et secoue la tête en riant. « J’crois que je devrais plutôt te laisser sécher… » Ensemble, on monte jusqu’à l’appartement que je partage avec Mila pour passer un dimanche bien tranquille après un matin des plus mouvementé.

FIN