Un fast food, encore. La meilleure invention de l'homme, j'aurais tendance à dire. Je me dirige vers Shake Shack, et après le fast food, c'est certainement la meilleure chaîne au monde, quand on y réfléchis. Avant ou après Five Guys ? J'hésite encore. C'était en tout cas mon repas du midi, ou du matin, ça dépend à quelle heure vous prenez votre petit dej. Je vais droit sur le restaurant, mais là, une présence sur le trottoir d'en face m'intrigue. Mes yeux se plissent, je pense la reconnaître. Je traverse, et pour la suite, je mérite un oscar. Je m'éloigne à quelques pas, sort mon téléphone, fait semblant d'envoyer un message et la bouscule, jetant par la même occasion mon téléphone au sol. Oui, bon, j'en fais peut-être un peu trop. Je le ramasse, et de manière la plus naturelle du monde -ce qui n'était évidemment pas le cas-, en me relevant et passant une main sur son épaule, regardant la jeune femme dans les yeux, "ça va ? j'vous ai pas fais mal ?" c'est fou, Ziggy, malgré les années, t'es toujours aussi belle.

 elle n'aurait jamais pensé que les choses puissent être aussi compliquées. qu'on en attende autant de sa personne. elle n'avait pas l'habitude ziggy, elle préférait se laisser porter. là, elle avait l'impression d'étouffer devant les attentes même pas prononcées. c'était comme si on lui avait positionné une épée de damoclès au dessus de la tête et malgré tous ses efforts, elle finirait par tomber. parce que ziggy, elle arrivait pas à donner ce que l'on attendait d'elle et que tout était bien trop compliqué à vrai dire. c'était peut être pour ça qu'elle était sortie prendre l'air même s'il faisait un froid affolant dans les rues de boston. fallait qu'elle respire, qu'elle soit loin. alors elle marchait sans réfléchir dans les rues dallés, l'air un peu éteint, absorbée par tout ce qui rythmait son quotidien ces derniers temps. jusqu'à entrer en collision avec une inconnue. inconnue dont le parfum venait lui chatouiller les narines comme un souvenir. un souviens toi de cet été là. ça met une claque en réalité et la brune, elle écarquillait les yeux se retrouvant face à son plus beau cauchemar. tamsin. "ça va ? j'vous ai pas fais mal ?" elle a la sensation de manquer d'air ziggy. comme si on était soudainement en train de lui compresser la poitrine l'empêchant alors d'inhaler l'oxygène dont elle avait besoin. pas elle, tout mais pas elle. elle se le répétait en boucle dans la tête comme si ça pourrait la faire disparaître. sans grand succès. "le monde est vraiment petit" qu'elle finissait par souffler. un peu trop parfois même.

et pendant un instant, je m'y perds. c'est une vague de souvenirs, tous ses sourires, ses caresses, c'était bien, je m'en souviens encore. De toi, de nous, sous les étoiles, dans la piscine, à la mer, à se battre, à se chamailler, à rigoler, à s'aimer. Un peu trop, même, pour notre jeune âge. Comme si rien ne nous atteignais, et à l'époque rien ne pouvait nous atteindre, sauf peut-être la distance, et ma tendance à être un peu trop moi-même parfois. "le monde est vraiment petit" le sourire s'élargit, je hoche la tête, "J'me disais bien que ton visage était familier." je t'avais reconnue dès le début, mais il faut savoir masquer les pistes, faire la détachée malgré le fait que je sois touchée. "ça fait longtemps, Ziggy." je retire ma main de l'épaule, et vérifie son corps. Non pas pour me rincer l’œil, voir comment elle a évoluer, mais pour vérifier qu'elle aille bien, qu'une jambe n'a pas poussé en plus pendant ce temps. "Sérieusement, j't'ai pas fais mal ?" physiquement, j'veux dire, en te bousculant. Autrement, je sais que j'ai pu laisser des cicatrices en brisant le cœur d'une enfant. Si jamais c'est le cas, dis toi que t'es pas la seule.

parce que ça, elle aurait bien voulu s'en passer. elle aurait même carrément voulu ne plus jamais retomber sur elle. c'était quoi les probabilités dans cette histoire ? non mais parce que concrètement, retomber sur son amour de jeunesse, comme ça, c'était juste le genre de truc qui n'arrivait à personne d'autre. et c'était compliqué parce que ziggy, elle avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais mentionner l'existence de tamsin à quiconque. elle avait été une amie de colo, c'était la seule chose qu'elle avait pu dire à son sujet. jamais elle n'avait parlé des tatouages éphémères, des conversations tard le soir, des baisers échangés dans l'obscurité la plus totale et de cette première fois, à l'abri des regards. non, jamais elle n'avait mentionné tout ça, elle n'avait d'ailleurs jamais avoué une quelconque bisexualité préférant mettre tout ça dans le passé après sa peine de coeur. "J'me disais bien que ton visage était familier." ouais, et maintenant ? parce que même si tout ça c'était du passé, ça restait déroutant d'être face à elle après tout ce temps. "ça fait longtemps, Ziggy." "très longtemps même" mais elle n'avait pas changé. elle était toujours aussi belle, toujours aussi.. elle. "Sérieusement, j't'ai pas fais mal ?" "non, non, ça va." qu'elle marmonnait ramenant ses cheveux, l'air mal à l'aise. "je.. j'allais prendre un café, tu veux venir ?" qu'elle demandait finalement pointant l'endroit cosy sur la rue en face. et elle ne savait même pas pourquoi est-ce qu'elle lui proposait ça mais elle le faisait. advienne que pourra.

Le monde est petit, tellement petit, c'en est incroyable. Surtout face à elle, qui avait rythmé mon été. On était des enfants, et elle l'était certainement plus que moi, mais ça n'empêche que je ne l'ai toujours pas oublié, malgré le temps qui est passé depuis. très longtemps même" souris et hoche la tête. C'est dans ces moments là qu'on prends un coup de vieux, mais face à elle, non. J'étais encore cette grande enfant, émerveillée par ses yeux et par la douceur de son regard. " non, non, ça va. Je.. j'allais prendre un café, tu veux venir ?" je la regarde, puis regarde l'endroit d'en face. Il me faut très peu de temps pour réfléchir à cette proposition. La tête se hoche, presque automatiquement, "Justement je crevais de faim." souris, regarde de nouveau Ziggy sans réussir à détacher ses yeux d'elle, "C'est incroyable comme t'a pas changé.." souris, "et c'est un compliment !" dans l'doute où tu le prendrais mal.

c'était peut être totalement idiot, c'était peut être diablement intelligent. dans le fond, en l'invitant de la sorte, c'était comme si elle lui montrait ouvertement qu'elle se foutait du passé. comme si ça n'avait pas d'importance et qu'elle était assez mature pour aller boire un café avec elle. dans le fond, c'était pas le cas mais au moins, elle n'aurait pas l'air de la pauvre gamine encore abattue par cet amour de jeunesse. "Justement je crevais de faim." bon bah voilà. elles allaient donc partir pour un tête aussi étrange cela soit-il. "C'est incroyable comme t'a pas changé.." elle hausse les épaules souriant légèrement. "j'suis quand même plus.. femme ?" non mais parce que certes, les traits de son visage restait les mêmes mais elle n'avait plus l'allure de l'enfant de treize ans. "et c'est un compliment !" ouais. mais elle n'avait pas besoin de compliment de la part de tamsin. vraiment pas. elle aurait probablement plus eu besoin d'excuses que d'autre chose. s'engageant pour traverser la route sans un mot, elle poussait les portes du café un peu cozy s'asseyant alors sur les poufs laissant le loisir à la brune de prendre place en face d'elle. "ils ont du lait de soja, c'est une tuerie" et ouais, c'était la preuve qu'elle ne savait pas réellement quoi lui dire pour le coup.