Début de soirée. Vendredi soir. Une heure plus tôt, je sortais des cours, et me voilà déjà prêt pour passer une énième nuit mouvementée. Encore une de plus. J'arrange une dernière fois mes fringues et mes cheveux face au miroir de ma chambre à la Winthrop House. Depuis que j'ai emménagé avec Nath, je ne viens plus beaucoup ici, mais ça reste pratique quand on finit tard les cours et qu'on doit bouger tout de suite après. Je file descendre les escaliers, vérifiant en même temps que j'ai bien tout dans mes poches : clés, carte bleue, iPhone, petites pilules de couleur soigneusement rangées dans un petit sachet transparent. C'est bon, on est parti. Tellement pressé d'aller prendre mon premier verre que je ne fais pas gaffe et que je bouscule nul autre qu'Emrys dans le hall de la résidence. Ca faisait un bail que je l'avais pas vu lui. Pas depuis mon réveil après l'accident, en fait.

Soucieux de discuter des derniers évènements avec les présidents, nous nous étions réunis afin de discuter et nostalgique de ma vie ici, quelques années auparavant, je me baladais dans la salle commune presque vide où je retrouvais certaines de nos photos de confrérie : fierté et folie. Soucieux de ne pas me sentir trop nostalgique et trop seul, je me décidais après quelques soupires, rires solitaires, pleins de souvenirs, à repartir. Je posais mon sac sur mon épaule et débute ma marche vers la sortie quand soudain, c'est le choc : littéralement ! J'ai un moment de recule et j'aperçois le fameux iceberg... Elliot. A la fois ravi et étonné, je le revois enfin après tant de temps : Bah alors, on sait plus où on va ? Dis-je en rigolant bien qu'il n'est pas l'air mort de rire aux premiers abords.

J'avais pas fait gaffe, trop pris dans mes pensées, trop impatient de commencer le week-end. Et ce qui devait arriver arriva : je percute quelqu'un de plein fouet dans le hall de la résidence, trop soucieux d'en sortir. Cette personne, c'est nul autre qu'Emrys, le gars que mon médecin a désigné responsable de moi et de ma bonne réintégration au sein d'Harvard. Mouais, il m'a raccompagné ici en sortant de l'hosto et c'est tout, je ne l'ai plus revu après. Mais c'était peut-être de ma faute aussi, j'avais pas passé beaucoup de temps à la Winthrop House. "Monsieur Zacharias, toujours aussi beau à ce que je vois." J'esquissais un fin sourire taquin, avant de laisser tomber les plaisanteries. "Désolé, j'étais sur le point de sortir." m'excusais-je donc pour le coup d'épaule que je lui avais mis.

Tu perds ton sourire et j’arque un sourcil intrigué. Qu’est-ce qu’il se passe? Ni une ni deux, tu enfonces la main dans ma poche de veste et attrapes le sachet transparent du bout des doigts, me le secouant sous le nez. Tu me fais la morale, et je lève les yeux au ciel. « C’est bon, c’est pas dramatique, c’est pour faire la fête. Et puis, t’es pas mon père à ce que je sache. » T’facon, mon père s’intéressait tellement peu qu’il ne pourrait même pas être au courant. « T’inquiète, je gère. » te dis-je, histoire de te rassurer. Je tendais la main devant toi pour que tu me rendes ce qui m’appartient. Même si j’étais pas sur que ça marcherait et que tu laisserais tomber de sitôt.

Et ça faisait le keke des plages face à moi, m'apprenant que je n'étais pas son père et que ce n'était rien. Je le regardais l'air grave. Je ne comprenais pas cette logique de la génération après la mienne : la drogue, s'envoyer dans les airs avec des trucs pour vivre bien. Je grimaçais et montais le ton. Je suis pas ton père mais je t'ai pris sous mon aile, je t'ai protégé, je t'ai remis tes souvenirs dans le crane alors je veux pas que tu dérapes encore, merde ! m'écriais-je presque trop.

Ok, comme prévu, tu ne me rendais pas ce qui m'appartenait et tu ne me lâchais pas non plus. T'avais l'air de prendre ça bien trop à coeur, si vous me demandez mon avis. Même si d'un côté, t'avais pas tort, t'étais mon genre de mentor au sortir de l'hôpital et j'comprenais que ça pouvait engendrer un sentiment de responsabilité profonde. "Écoute Emrys, j'te remercie pour tout ce que t'as fait pour moi. J'ai commencé à retrouver la mémoire, tout n'est pas encore remis en place mais j'me porte bien. J'ai même acheté une villa." Est-ce que t'allais aussi me faire la morale sur la façon dont je dépensais mon argent sans compter? "J'vais pas déraper, promis. C'est occasionnel, t'inquiète. J'suis pas un addict." Vraiment? Regarde-moi bien, est-ce que j'avais l'air d'un drogué habitué? On savait tous les deux que non.

Je ne savais quoi dire de plus ; il semblait ne pas vouloir me comprendre. Je le regardais, vraiment saoulé de son comportement. Je ne sais que dire de plus surtout qu'il est encore plus entrain de dire que c'est occasionnel, il me remercie et je reste silencieux. Là, il me demande si je le considère comme un accro à la drogue. Je porte ma main au front, nerveux. Écoute, je veux pas me montrer chiant mais dès que tu commences, tu ne t'arrete plus alors s'il te plait, tu va sme laisser ça ... et aller à ta soirée faire attention ! Je me montre sèvère.

Tu commences à te comporter avec moi comme si t'étais mon père, Emrys, et franchement, j'apprécie pas. Tu m'énerves. Franchement, j'ai l'air d'un addict? C'est pas parce qu'on consomme qu'on est accro. Et tu me confisques ma marchandise, comme on confisquerait un petit jouet en plastique à un gamin. Et je grogne un peu. "Rends-moi ça." J'ai pas payé pour rien, ok? Alors tu vas me refiler le petit sachet et faire comme si t'avais rien vu. "C'est quoi le plan? Tu vas aller moucharder au Doyen? Fais pas comme si t'as pas été étudiant avant de te retrouver dans le staff de la fac !" Toi aussi, t'as du y gouter au moins une fois. Toi aussi, t'as du faire la fête à en perdre la tête. Ne me mens pas, Emrys. Que celui qui n'a jamais pêché me jette la première pierre.

Ca me rend dingue. Je veux pas qu'il se retrouve viré comme mon frère surtout que par contre mon frère a rien fait alors là, il risque plus encore le petit père Elliot. Je refuse de lâcher le morceau mais le brun est clairement offusqué ; il me parle mal, me demande que je rend sa cam de merde. Je le défie du regard alors qu'il n'hésite pas à jouer, ironiser la situation en pensant que je vais la jouer balance. Non, je suis pas comme ça mais pour protéger, je pourrais user de stratagème. Écoute, non, je suis pas allé jusqu'à ce genre de truc... tu veux jouer avec ta santé, joue mais ne compte plus sur mon soutien... Je fais volte-face, libère la porte et vais me placer dans le fauteuil d'entrée, si majestueux. Je prend mon téléphone et tapote quelques mots sur son écran. Et ce n'est pas une menace, pas réellement, je sais que tu t'en fou de mon soutien contrairement aux autres vrais winthrop ! Je grimace et le pique sur son appartenance à la winthrop.