« Qu'est-ce qui s'est passé? Tu peux nous raconter depuis le début? » demandait Alysse en supplément de ma question. Elle avait raison, au lieu de poser des dizaines de questions comme je m'apprêtais à le faire, autant en poser une seule histoire de Lisbeth reprenne depuis le début. « Tout a commencé vers la fin mars de cette année. Je rentrais chez moi quand je me suis sentie suivie. J’ai bifurqué dans une ruelle isolée et effectivement, un fou furieux s’est jeté sur moi. J’ai réussi à m’en débarrasser mais il a sorti une arme et m’a tiré à l’épaule. » J'haussais les sourcils en regardant la jeune femme, quelque peu surprise par ce qu'elle venait de dire. Ça commençait bien. Elle nous expliquait par la suite une deuxième et une troisième tentative de la part de son agresseur, me laissant sans voix dans son récit. C'était rocambolesque et j'avais du mal à imaginer que cela ne soit pas le scénario d'un film. J'occupais ses silences en buvant quelques gorgées de bière, ponctuellement. Je serais incapable de survivre à une telle aventure, autant l'avouer. Un coup de couteau et je me retrouvais quatre jours à l'hôpital. J'avais vécu des choses horribles dans ma vie, mais c'était davantage psychologique. « Je cherchais à comprendre pourquoi ma propre sœur m’en voulait au point d’engager des types pour me faire assassiner. Une raison à laquelle je ne m’attendais pas. Elle ne digérait pas le fait que notre mère ait décidé de me garder plutôt qu’elle. Alors elle me le fit payer en me gardant captive des jours et des jours, me torturant à sa manière bien à elle. » Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer Feldt ou bien Kendal me courir après pour me faire la peau. J'avais deux sœurs. Deux sœurs avec qui j'avais eu des moments terribles. Je fronçais toujours les sourcils, et j'attendais encore la suite. Lisbeth releva finalement ses manches à la fin de son histoire. Je ne pus m'empêcher de m'approcher pour regarder, me sentant mal de réagir de manière si... humaine. Elle devait avoir tellement mal et je ne trouvais rien d'autre à faire que de lui donner la bouteille que j'avais entre les mains comme pour seul remède valable. « Je sais, ça paraît complètement dingue mais ma vie est comme ça depuis ma naissance. » - « Ma vie a toujours été ennuyeuse du coup... » que je ne pus m'empêcher de dire, essayant de faire de l'humour pendant ce moment délicat. Ma mère m'avait tabassé pendant des années, je savais ce que c'était de devoir cacher des blessures. Mais, tout de même. Avec des niveaux et des degrés bien opposés, Lisbeth n'était pas si différentes que moi.

J'étais étonnée qu'Alysse ne parle plus. Elle qui, tout à l'heure semblait vouloir un maximum d'informations, était devenue muette. En même temps, je pouvais la comprendre. Que dire de tout cela ? C'était étrange comme situation. Digne d'un scénario de film. Alors, moi-même, j'avais tendance à rester silencieuse en imaginant la scène. Lisbeth a dû souffrir pendant cette période et le pire, c'est qu'on était même pas là pour l'épauler. D'ailleurs, je me demandais comment elle avait réussi à garder le cap. Elle devait avoir un mental d'acier ou bien, elle avait quelqu'un avec elle avec qui échanger et laisser évacuer toutes les mauvaises ondes. En attendant, je ne trouvais pas mieux que de faire de l'humour dans cette situation étrange tout en lui donnant la bouteille d'alcool que je tenais entre mes mains. « Arrête, ce n’est pas un concours pour savoir qui a la vie la plus mouvementée ou pourrie. En tout cas, je ne veux pas faire passer mon histoire pour une sorte de compétition. Je m’en suis sortie, je suis de retour à Boston et bien contente de l’être et c’est tout ce qui compte. Le reste guérira avec le temps. » - « C'était de l'humour Lisbeth. Certes merdique, mais de l'humour quand même » que je glisse avec un faible sourire. « Je suppose qu'on peut trinquer à la vie » Même si c'est une pute parfois. Le plus important à cette heure-ci, c'est que Lisbeth était toujours parmi nous. « Allez, on parle d’autre chose sinon, la soirée entière va être plombée par ma faute. Et je ne veux pas être coupable de ça. » Un large sourire apparaît sur mes lèvres. « Et si on mettait de la musique, histoire de pousser le voisin à bout ? » que je demandais en agitant mes sourcils. Declan étant mon frère, il ne nous en voudra pas.

J'avais déjà pas mal bu. Ce qui était bien au fond. Ça me permettait d'écouter l'histoire de Lisbeth sans avoir peur. Mes amis étaient capables de choses que je serais incapable de faire moi-même. Alors finalement, quand le récit fut terminé, je proposais simplement de trinquer à la vie, notamment à celle de Lisbeth. Notre amie était toujours là, parmi nous et c'était le plus important. « A la vie. » Je souris face au manque d'enthousiasme d'Alysse et je me dis que j'arriverais à faire preuve de joie pour nous toutes. « Qui a faim ? Non, parce qu’à ce rythme-là, on va finir en coma éthylique d’ici quelques heures… » Je n'allais pas refuser de la nourriture. « J'ai toujours faim » que je confiais à Lis. Je propose finalement que l'on mette de la musique, afin de pouvoir danser et penser à autre chose et aussi, mais cela n'est qu'un détail, emmerder mon grand frère qui n'est autre que le voisin de Lisbeth. « Limite si tu ne devrais pas aller lui taxer sa réserve de bières dans le frigo. » Hum « Ce n'est pas une mauvaise idée » que je dis en riant. J'étais prête à toquer à sa porte, il ne me dira rien à moi. Puis, Alysse se leva et déposa son portable sur la table basse. « Qu'est-ce que je vous sers? Un petit blind test? » - « Oui ! Je suis pour » que je disais en tapant dans mes mains comme une gamine. « Des shooters? Ou on appelle les chippendale directement? » Je me mis à rire comme une débile. « Je connais quelqu'un qui s'était proposée pour ma vie de jeune fille, je peux toujours lui demander... » leur confiais-je en repensant aux sms de Clay. Alysse mit du son et d'un tour de passe passe, Lis le diffusa dans tout l'appartement. « C’est mieux, non ? » En effet. Je ne comprenais pas comment, mais pourquoi pas. Je me penchais et j'attrapais des mini pizza à mon tour. Lis nous avait gâtées. C'était délicieux. « Les chippendale, très peu pour moi, mais je me rallierais à la majorité. Pourquoi pas un blind test ? » - « Va pour un blind test, même si mon cerveau commence à avoir du mal.. » L'alcool quoi.