Je sais que j’aurais pu faire l’effort, c’est vrai. J’aurais pu l’envoyer, cette photo, mais je me suis rendue compte que si on en était là, c’est que j’en étais fautive. Je voulais juste te laisser le temps de te remettre, de digérer, j’en sais rien. Je voulais pas être cette fille oppressante qui revient constamment, qui continue de planter ses aiguilles dans ta chair comme je pourrais le faire sur une poupée vaudou.  « J'avais pas besoin de te demander, je sais que t'as été brillante. » Le sourire qui s’affiche sur les lèvres est sincère. ça fait plaisir de l’entendre de toi, ça réchauffe, ça rassure. Là où je pensais qu’on avait perdu toute amitié ou confiance, tu arrives avec ce genre de phrase et je me rends compte qu’on pourra jamais vraiment faire l’un sans l’autre. « Leandra, je suis pas encore arrivé à ce stade où je vais venir vers toi quand même pour toi c'est difficile.  » Tu marques un point. Je pense jamais à la douleur des autres, trop dans mon confort de penser que tu sois celui qui ne pense pas à moi quand l’inverse se rapproche plus de la réalité. J’hoche la tête, “T’as raison.” C’est stupide, je le sais. Je ferais des efforts, je suis prête à te le prouver, à te montrer que je veux que ça fonctionne. Ton rire ne me croit pas et pourtant je suis sérieuse quand je te dis qu’en un mot, en ta demande, je me reculerais de toi.  « Ca j'ai du mal à y croire. » J’ai bien vu ouais, mais j’ai essayé. Tu pourra plus mettre la faute sur moi à l’avenir, quand tu refuse même ma proposition. « Je suppose que je peux te supporter encore un peu. » Le rire léger est sincère. C’est moi qui te supporte, non l’inverse. Toi et ta grosse tête.  « Si t'évites de me sauter dessus, évidemment. » Elle prends le coup, dans un rire amusé qui entends la vanne sérieuse derrière. “J’essaierai.” qu’elle lance, “C’est pas facile tous les jours de te résister.” je taquine, mais je sais qu’on joue sur la corde sensible, qu’on joue avec le feu et pire encore, qu’on est actuellement entrain de se brûler. Le problème c’est que ça ne fait mal ni à lui, ni à moi. Alors Jasper, je te le demande, lequel de nous résistera à la plus forte chaleur ? Et pendant combien de temps encore ?

J'ai tendance a plus vraiment te croire, à suivre mon ressenti, à écouter le rythme de ton cœur plutôt que les conneries que ta bouche sort. On a jamais vraiment été les plus honnêtes, on a jamais eu la parole fiable. On s'est tellement dit qu'on s'aimait et qu'on se haissait, on s'est tellement rapproché puis repoussé, que la danse est faussée. Y a pas refrain, que des couplets désordonnés, pas de logique. La seule ligne directrice, c'est qu'on est toujours sur la même partition, on est toujours côte à côte à jouer. On se frappe les mains et on arrache quelques touches, y a de fausses notes, mais y en a pas un pour se lever. “J’essaierai.” Un sourire, léger, aux lèvres. Je souffle, les lèvres malicieuses. « Soit plus convaincante, la prochaine fois que t'essaye. » Soit moins passionnée, calme ton battant, coupe l'électricité de tes lèvres. “C’est pas facile tous les jours de te résister.” Ca me fait rire. Fut un temps où j'aurai aimé que ça soit encore plus difficile, qu'on frôle l'impossible, que tu ne prouves pas le contraire. J'offre une idée réjouissante de sortir du quotidien, je séduis les libres, j'égaye les prises. J'répondrais pas à ça, parce qu'on en a pas besoin. On le sait que c'est foireux, et tout ce qu'on fait, c'est juste confirmer à haute voix ce qu'on sait. On sera jamais réguliers, ennuyeux, de fades amis pour la vie. Mais j'me raccroche à cette notion que cela ne reste plus qu'une idée, que notre précédente entrevue n'était qu'une erreur de passage, un truc où mon corps dit au revoir au tien. Tu nous crois ? « T'as déjà été plus heureuse que maintenant ? » Ca sort de nul part, depuis mes lèvres qui s'étaient pincées. Mais j'y ai pensé, quand je t'ai vu cet été, brièvement, rayonnante. Le boulot qui devient concret, une famille qui y ressemble de plus en plus, et pas plus dévoué compagnon de route. Moi qui accepte de rentrer dans les clous. Tout tes astres s'alignent, Carreirao.