Angus ça faisait un peu trop sérieux par rapport à ta dégaine de gamin allumé. T'étais l'genre nonchalant, l'gosse des rues qui s'est toujours débrouillé par lui-même. Parce qu'Angus, il a pas vraiment eu une belle vie mais c'était pas l'premier à se plaindre. Angus et les dollars, Angus et les femmes, Angus et les bars, Angus et les emmerdes, Angus et ses bombes de peinture. Angus c'était l'prénom qui accompagnait un tas de choses, parce que t'étais toujours fourré quelque part et les gens te voyaient pas comme un gars solitaire. Un coup c'était entre les reins d'une blonde, puis le lendemain c'était avec ta bande de potes. T'étais pas stable, trop bancal, un oiseau qui ne savait pas tant que ça voler et qui virevoltait du mieux qu'il pouvait sur des branches qui étaient prêtes à tomber. Vous devez vous demander quels sont tous les mystères qui tournent autour de Angus Rice ? L'soucis c'est que personne le sait. En fait Angus t'as jamais été du genre à tout raconter, c'était un secret à c'gars, un petit peu de vérité à cette inconnue dans le bar, puis c'était comme ça que tu racontais tes histoires. Parce que même si le monde entier te voyait comme le loup d'une meute, la réalité c'était que t'étais un tigre solitaire. Un tigre parce que tu te débrouillais tout seul depuis quelques années. Ta mère s'était barrée depuis quelques années à l'autre bout de la terre, avec c'gars qui était bien plus fortuné que ton père. Et c'géniteur qui devait te surveiller, c'était pas l'parfait exemple parental. D'ailleurs il s'était éteint un soir d'été, avec quelques cachets et un paquet de dollars à rembourser. La réalité Angus c'est que t'étais endetté, parce que les dettes c'est familial pour les gens pas très réglos. Alors ouais, même si ton père était mort, toi tu te devais de rembourser les milliers de dollars que ton père avait emprunté. A peine majeur et dans la merde jusqu'au cou, fallait bien que tu commences à travailler si tu souhaitais vivre demain. Mais comme un problème n'arrive jamais seul, t'avais c'te maladie orpheline qui te pourrissait la vie et qui te faisait augmenter les frais d'hôpitaux. T'avais envie de tout lâcher parfois, mais tu tenais, comme un âne. L'problème c'était que t'avais pas de carotte devant les yeux qui te poussait à avancer, donc t'étais plus comme un âne aveugle qui marchait malgré et contre tout. Pourquoi, comment, tu ne savais pas. Mais qui d'autre que toi peut trouver les réponses ? Personne. Et dans le fond, ça t'as toujours convenu. T'avais cette image d'homme mystérieux qui te collait à la peau, tu l'avais toujours entretenu et ça t'allais bien. Ouais parce que les secrets, ça les attire, les femmes. Toi, homme à femmes, sans aucun doute. T'aimais ça donner du plaisir, seulement elles étaient toutes ennuyeuses. L'problème avec les gens, c'est qu'ils te lassaient vite. Pourtant, t'avais trouvé ce job à tes vingt-et-un ans, barman. Il était sympa l'patron, tu l'connaissais bien, c'était un vieil ami de ton père. C'était un peu comme s'il t'avait pris sous son aile, et dans l'fond, tu l'remerciais comme jamais. Ouais, parce que les dettes, ça se rembourse pas tout seul. Puis toi et ta gueule d'ange, les femmes, tu les emmenais, tu les escortais. Et toi Angus, bah tu te faisais payer. Angus la petite pute, d'une certaine manière. Mais être payé pour avoir un orgasme, tu trouvais l'idée pas si mal. Et les femmes, parfois, souvent, elles aiment bien aligner l'paquet pour avoir un joli minois le temps d'une soirée. Angus l'gigolo, Angus l'barman, Angus l'homme malade, Angus le pauvre, Angus et ses histoires. C'était un peu comme Martine à la ferme, Martine a fumé son premier joint. Sauf que toi, t'étais la version masculine des histoires qui divertissent. Ouais, parce que tes soucis, ça en faisait toujours rire plus d'un. Mais toi t'emmerdes les gens, même si t'as toujours aimé les aider. Tu souriais, parfois. Comme là, d'ailleurs, tu souriais comme un con à contempler un mur que tu venais de grapher. L'masque blanc devant ton nez, l'tshirt taché par la peinture. Tu souriais mais personne ne pouvait l'constater. Est-ce que c'était important ? Non, car pour Angus, en dehors de l'argent, rien n'est important.
Tu t'appelles Angus Rice, et t'es une putain d'énigme pour tout le monde, toi-même compris.