« BB je t’aime, BB t’es belle, BB…BB, pourquoi est-ce que tu ne souris plus ? T’as mal quelque part ? BB tu m’rends fou…BB… »
Son visage au-dessus du tien, son visage dégoulinant de sueur, tes yeux perdus dans le néant, tes larmes qui coulent sur tes joues, mélangées au mascara que tu avais mis ce matin, ton rouge à lèvres qui disparaît peu à peu de tes lèvres meurtries. De tes lèvres presque en sang parce que tu voulais hurler pendant qu’il abusait de toi.
« BB, je t’aime. J’te laisserais plus jamais partir, je t’le promet. »
Crève connard, crève, me touche pas tu me dégoûtes… c’est c’que tu penses, mais t’es muette, parce que tu sais que si ne serait-ce qu’un seul son sort de tes lèvres, tu te prendras un coup au visage, un coup dans l’estomac pour te couper le souffle. T’as arrêté d’respirer pendant quelques secondes, pour t’laisser mourir, parce que c’est tout c’que tu voulais là maintenant. Crever pour que ce sale bâtard regrette c’qu’il t’as fait subir ces dernières heures.

Ce matin, quelques heures avant tes 16 ans, tu t’étais joliment maquillée, pour aller le voir lui, pour passer du temps avec lui avant qu’il ne quitte Sheffield, avant qu’il s’en aille, pour enfin lui avouer qu’t’es amoureuse de lui d’puis des années, d’puis tes 13 ans alors qu’il en avait déjà 17. Mais quand on aime, on n’compte pas, pas vrai ? Pas de tenue aguicheuse, rien d’tout ça, plus une tenue sobre et féminine, une petite robe noire avec un col en dentelle, un truc simple, tes cheveux détachés, parce qu’il t’l’a souvent dit, qu’il aimait tes cheveux détachés. Ce sourire idiot qui n’quitte plus tes lèvres depuis que t’es sur ton vélo. Sourire qui s’est vite effacé quand cette voiture s’est arrêtée devant toi. Pas lui. T’as voulu fuir, mais il a été plus rapide, ce type, complètement accro à toi, ce stalkeur que t’as déjà croisé plusieurs mois avant.

Ton fan complètement dérangé, qu’est venu à chacune d’tes représentations de ballet, qui t’attendais tous les jours devant ton lycée, à t’suivre, à vouloir prendre des photos d’toi. C’matin tu t’es réveillée en pensant qu’aujourd’hui tout irait bien. La vie s’est bien foutue d’ta gueule.

T’es dans son lit, la robe déchirée qui traîne par terre, tes cheveux en bataille qui épousent parfaitement la forme de ses oreillers. T’as envie d’vomir. Mais tu bouges pas, t’attends juste l’bon moment pour t’enfuir.
« Faut qu’j’aille pisser BB, bouge pas hein, hein BB ? »

Tu rouvres les yeux quand tu l’entends dans la salle de bain, te lèves, faiblement, terrorisée comme un pauvre chaton sous la pluie, t’cherches un objet qui pourrait l’blesser. Pas pour l’tuer, juste le blesser. Pour t’enfuir, appeler les secours, la police, tout ça. Trouvé, une batte de baseball qui traîne au pied d’son lit, tu attrapes l’objet en fer de tes deux mains, tu t’cales juste derrière la porte d’sa chambre, tremblante, c’est juste un mauvais moment à passer.

« On remet ça BB… ? BB ? » et tu l’assommes, ptêt trop violemment mais tu t’en fous, t’as eu les couilles d’le faire, et tu t’barres, laissant ta robe par terre, n’voulant pas prendre le risque qu’il se réveille un peu trop rapidement. T’as juste ton portable avec toi, un drap sur toi et t’voilà dehors, t’attends que les secours arrivent, tu l’attends lui. Qu’il vienne te sauver de ce cauchemar.



« Z’avez remarqué les marques autour d’son cou ? Z’avez remarqué qu’elle parlait plus et qu’elle souriait plus ? »
Pendant plusieurs mois ça a été comme ça, qu’t’avais même peur de ta propre ombre alors que t’sais très bien qu’il a été envoyé en prison pour viol. Mais t’as la trouille, chaque nuit tu revois son visage au-dessus du tien, chaque nuit tu t’réveilles en hurlant. T’as peur, peur d’pas sortir de cette peur qui t’fout la boule au ventre dès que tu vas t’coucher, dès que tu t’lèves, tout ça.

Mais c’est l’art qui t’a sauvée au final, plus précisément la danse, le ballet, la danse classique, sans vraiment trouver d’raison, mais c’est quand t’as regardé ce film qu’tu l’as trouvé belle cette ballerine, t’avais à peine 16 ans qu’t’as décidé de t’inscrire dans un cours de ballet, pour t’changer les idées. Ça t’a sauvé la vie. Etoile montante, à 18 ans à peine voilà que tu continuais tes études d’art et de d'histoire de l'art à la fac de Cambridge (Angleterre), que t’as connu aussi la vie en confrérie, que du jour au lendemain tu t’es à nouveau sentie vivante. Que t’as peut-être aussi un peu trop déconné parfois, mais tu continuais de danser, pendant quelques années, pour ensuite quitter Cambridge et devenir étudiante à Harvard. Majeure de ta promo et un très bon dossier d’étudiante, plusieurs activités à ton actif et des parents plutôt riches que c’est comme ça que t’es rentrée à Harvard, ayant comme rêve pour plus tard de devenir une danseuse étoile à l’opéra de Paris.