C’était quasi imperceptible. Quelque chose dans son souffle, une lueur particulière quelques secondes, le temps d’un battement de paupière dans ses yeux, et puis ça avait disparu ensuite, remplacé par la même froideur indifférente et détachée, mais je mettrais ma main à couper que j’avais quelque peu, par ce rapprochement, par cet emprisonnement de mes bras qui respectait malgré tout la consigne imposée, réussit un peu à la troubler. A moins que ça ne soit ma suggestion qui l’ait désarçonnée. Il n’est pas habituel que Cole Wildingham s’excuse alors le faire en public, et quel public, tous les étudiants présents au bal, c’était bien là une grosse preuve de bonne volonté de ma part non. Forcément, mai c’était lointain encore, donc la blonde bien qu’approuvant l’idée, elle parut aussitôt sceptique, scrutant mon regard, cherchant la faille, alors que moi j’imaginais déjà une façon bien sulfureuse de sceller le deal. Mes prunelles dévoraient chaque traits de son visage, sa bouche, son cou, son décolleté, mes yeux vagabondant partout là où mes lèvres auraient aimé aller se poser. Elle la devina, cette pensée, cette façon torride de marquer ma promesse des excuses à venir, mais elle émit aussitôt l’idée contraire de plutôt me faire  poireauter jusqu’au fameux bal, histoire de s’assurer de la bonne tenue de ma promesse justement. Joueuse… J’avais oublié face à qui je me trouvais. Forcément que j’allais me faire attraper. Mai c’était trop loin, je la voulais tout de suite maintenant. Déjà quelques minutes sans avoir le droit de la toucher et ma tension était palpable. Un petit soupir s’échappa malgré moi de mes lèvres, mais joueur aussi, je renvoyais la balle dans son camps : « Les deux options sont envisageable, en effet… Alors, fais comme tu préfères Agathe. » Viens écraser tes lèvres sur les miennes ou chasse moi vite d’ici.

Après tout, c’était de Cole dont il s’agissait. Cole le grand et l’unique. Rien ne pouvait la convaincre qu’il tiendrait réellement parole. Peut-être n’étais-ce qu’un subterfuge pour la calmer quelques secondes sans pour autant tenir sa part du marché par la suite. C’était forcément une solution à laquelle elle devait penser parce qu’Agathe, elle savait très bien qu’elle avait un joueur face à elle. Et pas n’importe lequel. Et c’était bien à elle qu’il laissait prendre la décision finale. Enfermant toujours son corps, il semblait attendre une décision qui tardait à venir. Répondre à ses propres pulsions ou le faire languir ? Choix difficile pour la blonde. Une de ses mains venaient glisser jusqu’au visage de l’Eliot laissant ses doigts courir sur sa peau pendant quelques secondes. Leurs souffles se mélangeait et doucement, elle effleurait ses lèvres lui donnant un baiser contrasté entre son envie et la retenue dont elle essayait de faire preuve. Baiser qu’elle stoppait assez rapidement laissant son autre main glisser vers la poignée de la porte. « Il ne te reste plus qu’à compter les jours » qu’elle murmurait l’invitant alors à sortir. Décision prise, il ne se passerait rien. Du moins aujourd’hui. Peut-être pour lui faire une piqure de rappel. Pour lui soumettre le fait qu’elle dirigeait clairement cette relation et qu’elle était donc la marionnettiste de l’instant. « J’attendrais patiemment que tu viennes me contenter. » Qu’elle soufflait une nouvelle fois résolue à attendre le temps qu’il faudrait pour le rendre fou. Encore faudrait-il qu’il se décale et prenne réellement le chemin de la sortie cette fois. Cole n’était pas du genre à recevoir des ordres et peut-être n’apprécierait-il pas de se faire éconduire de cette façon.

Fallait saisir qu’elle aussi était en train de se brimer en agissant de la sorte. Non mais parce que clairement, elle avait cette attraction pour Cole qui faisait que le désirait parfois un peu trop. Et là, la proximité ne l’aidait pas du tout à repousser ce genre de chose. Mais malgré tout, elle tentait de se faire violence, continuant à jouer les filles fortes. « T’as interdiction de me toucher, ça ne s’applique pas à moi » qu’elle répond avec un petit sourire jouant peut-être un peu trop. Effleurer sa peau de ses doigts puis de ses lèvres cherchant les limites à chaque instant. « Peut-être, peut-être pas. » Elle ne lui donnerait clairement pas la satisfaction de lui dire que oui, elle brûlait bel et bien de désir pour lui. Quand on avait à faire à un égo aussi énorme que celui de Cole, mieux valait mesurer ses mots. Et il tentait d’inverser le jeu petit à petit faisant secouer la tête à la blonde. Non, ça ne serait pas aussi simple. Hors de question qu’elle vienne réclamer quoi que ce soit par la suite. « Tu crois que je ne pourrais pas te remplacer ? » qu’elle murmure d’un petit sourire alors que les lèvres de l’Eliot viennent effleurer sa joue. Et sur cette ultime provocation, elle reculait pour retourner prendre place sur son lit se décidant à ne pas lui accorder plus de temps pour la journée. « Au revoir Cole » qu’elle répond sur un ton amusée reprenant le livre qu’elle tenait un peu plus tôt. Et il pouvait toujours rêver s’il pensait qu’elle allait réellement venir le chercher dans sa chambre. Elle pouvait se montrer bien plus forte que ça.

 Ok donc clairement c’était le jeu d’Agathe, elle dictait les règles et la nouvelle en date la voici : elle, elle pouvait laisser courir ses doigts sur moi, par contre pour ma part, l’interdiction de toucher était maintenue. Allons bon, pétons bien un câble, soyons bien frustré comme ça. Parce que oui, c’était tord boyaux, ce semi baiser, ses doigts sur ma bouche, un supplice. Je le savais qu’au fond d’elle, c’était la même chose. Torture et frustration. Elle voulait autant que moi la rejouer, cette scène monégasque, ou encore celle sur mon bureau… Elle refusait néanmoins de l’avouer clairement, se jouant de ‘peut être’ indécis, laissant avec un amusement clair planer le doute. Alors oui, j’inversais la tendance, ou du moins je le tentais. Je suis le maitre du jeu. Toujours et encore. J’estimais m’être bien assez dévoilé, déjà, alors ça sera à elle de bouger son joli petit derrière pour venir me voir dans ma chambre. Sauf qu’elle ne l’entendait pas de cette oreille. Provocante, elle répliqua avec cette question et c’est avec la même désinvolture, un petit rire nonchalant pour agrémenter le tout, que je répliquais : « Me remplacer ? Si, ça je n'en doute pas : tu pourras le faire aisément… Mais, trouver un remplaçant qui m’égalera ? »  Nouveau rire. Allez cherche donc, cherche bien… De toute façon, c’était bien entre les cuisses d’une autre, ou de plusieurs autres d’ailleurs, que j’allais aller déverser ma frustration. Elle s’en doutait surement, Agathe, que moi aussi j’étais tout à fait capable de la ‘remplacer’. Je jouais le détachement après son au revoir, passant cette fois véritablement la porte, la refermant. Direction ma chambre. Moi aussi j’étais plus fort que ça, que ses petits airs, son petit jeu, son désintérêt affiché. Je n’avais pas de temps à perdre avec quelqu’un qui ne voulait visiblement pas m’en accorder non ? Alors pourquoi j’étais là à faire les cent pas dans ma chambre, en comptant mentalement dans ma tête les secondes depuis que j’y étais de nouveau entré ?