« Cadeau d'anniversaire »

Face à mon miroir, je fixe ce nez qui m’a faite souffrir depuis mon anniversaire. Deux semaines. Deux semaines que je me trimballe un nez gonflé. Heureusement pour moi, les yeux au beurre noir se sont résorbés. Ca fait trois jours que j’ai retiré le pansement de mon nez et pourtant, rien n’y fait. J’ai l’impression qu’il est toujours trop enflé. En soi, ça m’apprendra à vouloir jouer avec mon ex. Ce baiser volé me sera retombé en pleine face, et c’est le cas de le dire. Une belle baie vitrée, beaucoup trop d’alcool et une course endiablée auront été le retournement de situation. J’inspire un grand coup et, avant même d’avoir eu le temps de souffler tout l’air, la sonnette retentit. Je réfléchis : dimanche, début d’après-midi, Fauve et Colin absents. Et je suis certaine que c’est pas eux. Ou presque. « Marin ? Fais pas comme si t’avais pas la clé, si c’est pour me faire chier c’est gagné ! » Je me dirige vers l’entrée en traînant des pieds. Je suis encore en pyjama : clairement, aujourd’hui, je comptais glander. Ne rien foutre. Poser mes pieds sur la table et bouffer du chocolat devant une bonne série. Je finis par ouvrir la porte brusquement, et là, je reste bête. C’est qui, ce type ? Je le détaille de haut en bas en essayant de le replacer. « On se connaît ? » Cadeau d’anniversaire en retard… Attends. « Brandon ? Bradley ? Brian ? » Ca sonne trop bizarrement dans ma tête pour que ce soit ça. Je réfléchis quelques secondes, et là : « Brent, c’est ça ? Désolée, je t’avais oublié. » Je souris. « Tu cherches Marin ? Il est pas là, je suis seule… tu veux que je l’appelle ? » Je finis tout de même par me décaler du chemin pour le laisser entrer, histoire de pas le laisser sur le paillasson plus longtemps. « Vas-y, entre. T’as fini par me trouver un cadeau suffisamment bien pour que je te pardonne ? » Mon sourire s’élargit de plus belle. « Fais pas gaffe, je comptais rester en pyjama aujourd’hui… à moins que ça te dérange ? Je peux l’enlever, au pire. » Blague à part, j’en ai pas grand-chose à faire que ça le gêne ou non. Mais j’apprécie toujours d’observer les réactions face à mes pics.

Je l’analyse de la tête aux pieds pour essayer de le resituer. Un début de prénom me met finalement sur la piste : Brent. Le bonhomme qui s’est ramené les mains vides le jour de mon anniversaire et qu’on m’a offert comme esclave pour une journée entière. Je souris en le laissant finalement entrer, clamant que je pouvais retirer mon pyjama s’il le gênait. Un sourire en coin, je suis à l’affut de sa réaction qui ne tarde pas à arriver. « Tenter, c’est ce que je fais de mieux tu sais… » Je joue des sourcils en refermant la porte derrière lui. J’ai toujours beaucoup aimé jouer mais les choses ont souvent tendance à déraper, bien que je suis parfaitement capable de me tenir correctement quand l’envie m’en prend. « Massage des pieds… pas mal, mais j’espère que t’as d’autres trucs à me proposer pour que je te pardonne parce que ça risque de pas suffire pour ton cas. C’était quand même d’une extrême gravité, ton petit coup, l’autre soir… » Je lève le menton, faisant mine de le regarder de haut – alors que trois têtes au moins doivent nous séparer. Le ridicule ne tue pas, heureusement. « Tu peux retirer tes chaussures et accrocher tes affaires juste ici » D’un geste de l’index, je lui montre une penderie à trois pas de la porte d’entrée. De quoi poser sa veste et tout ce qu’il avait envie de laisser. Sans réellement attendre qu’il décide à se dévêtir et se déchausser, je file droit vers le salon où je m’affale déjà sur le canapé. « J’espère que t’as le nez bouché, mes petits petons ont tendance à sentir le porc grillé couplé à du bon fromage français ! »

J’envoie quelques pics pour le tester et, visiblement, monsieur est plutôt réceptif. Je dirais pas que c’est anormal parce que rares sont ceux qui calment leurs ardeurs quand on leur ouvre les portes – et surtout quand à l’intérieur des portes se trouve la louve française, si si, je vous jure. Je lève les yeux au ciel alors qu’il demande à voir ; ben ma foi, il en faudra plus pour ça. « On verra si tu le mérites, faut d’abord que tu fasses du trèèèèèèèès bon boulot ! » Bien plus même. Du boulot parfait pour soigner la petite princesse que je suis prête à jouer tout au long de la journée. S’il subit pas mes caprices, il sera chanceux. « Ah, mon frère… C’est ton excuse à tous les anniversaires, ça, je parie ? » Je souris, taquine. Ok, c’est possible que ce soit la faute de ce gros boulet mais c’est que Mr n’a pas cherché à se renseigner non plus sur la fête à laquelle il allait participer. « Les fêtes gratos en bord de plage, ça existe que dans les films ça, tu le sais ? Y a forcément une raison mais je suppose que t’étais trop occupé à te lustrer pour t’informer. » Je lâche un ricanement, bien déterminée à l’emmerder durant des heures et des heures pour lui faire payer. Gentiment, bien sûr. A la Louve. « J’attends de voir ça, on est pas faciles nous les françaises tu sais ? » En soi, c’est pas faux. On est un peu relou. Comme Marin. Je file en trois secondes chrono dans le salon pour m’affaler sur le canapé et faire sentir mes pieds malodorants au malotru. « Franchement ? Je sais pas, j’ai l’impression que tes deux propositions sentent le rat mort ! » Un sourire en coin se dessine à nouveau sur mon visage, alors que je le quitte pas des yeux. « Vas pour le truc de rose, ça fera mignonnet. » Je tends mon pied vers son visage et je le secoue de haut en bas, faisant mine d’être impatiente. Chiante dès le départ. Eh oui, une bonne Pérol.

Je souris, mille idées derrière la tête pour le faire tourner en bourrique. Il est bien mignon et bien gentil – du moins c’est ce qu’il donne comme image pour l’instant – mais quand on oublie le cadeau d’une Pérol, ça se paye. Et cher. Et utiliser Marin comme excuse est loin d’être la meilleure idée qui soit, bien que je me doute parfaitement qu’il y est pour quelque chose ce petit saligaud. « Mouais, c’est ce qu’on verra ; si t’es pas à la hauteur des meilleures instituts parisiens, ma vengeance sera terrible petit asticot ! » Trop d’excitation en moi que je cache, je renvoie le tout dans mes mots. Beaucoup d’humour mais aussi pas mal de vérité. S’il se loupe, il le regrettera tant je vais l’emmerder avec ça. Quitte à le poursuivre sur le campus et dans sa chambre, il la paiera, son insolence ! « Après tout ce temps, me fais pas croire que t’es toujours pas au courant qu’il faut jamais faire confiance à Marin ? C’est la plus grosse connerie que j’ai entendu jusqu’à présent… Faire confiance à Marin ? » Je pouffe de rire. « Quelle idée ! Faut être con ! » Marin, autant il est gentil mais c’est pas une référence en matière de confiance. C’est triste de se rendre compte qu’ils sont nombreux à se faire berner… Impossible de m’empêcher de rire à de telles paroles, et j’en rirai sans doute toute la journée et toute la nuit tant c’est ridicule. Qu’importe. Je lui fais part de mon choix d’huile, pour faire un peu girly le rose s’impose – la rime n’y est pas pour rien d’ailleurs. Et puis, Monsieur coopère et entame le massage. Je savoure. Jusqu’au moment où je me dis qu’il ne faudrait pas trop lui donner confiance. Je retire mon pied, d’un coup sec, et l’envoie valser – un brin délicatement – dans son torse alors que je braille un bon « AÏE ! » Je gonfle mes narines et je fronce mes sourcils, reprenant sans plus attendre : « Un peu de délicatesse serait pas de refus, dis-donc ! Mes pattes, c’est pas des bouts de viande même si je sais qu’ils sont alléchants ! Alors du calme si tu veux pas avoir à te faire rafistoler la mâchoire ! » Je fais mine d’être sérieuse, sait-on jamais qu’un coup de pied parte sans le vouloir. Evidemment, j’aurais aucune raison de lui défoncer cette belle mâchoire qu’est la sienne, mais ça ajoute un peu de piquant que de le menacer. Et ça permet d’en apprendre davantage sur lui et ses réactions.