game on — Et hop, le plan était en route. Maintenant, suffisait que tout marche comme sur des roulettes mais pour le moment, je n'avais rien de bien compliqué à faire. Rangeant mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, je m'adossais contre la portière de ma voiture croisant les bras sur ma poitrine. Il voulait jouer ? On allait jouer. Rien de mieux que prit celui qui croyait prendre. Pour qui me prenait-il ? Balancer des paris sur moi pour me mettre dans son lit c'était d'une bassesse sans nom. J'étais bien loin d'être un objet et j'allais lui prouver que se frotter à moi n'était pas spécialement la meilleure idée au monde. Oh, j'allais entrer dans le jeu à fond jusqu'à ce qu'il descendre du perchoir sur lequel il semblait être. Au loin, j'entendais un bruit moteur et presque aussitôt j'adoptais un regard gênée. Oh, j'imaginais la scène de là. Me décidant à bouger j'ouvrais le capot de la voiture comme si j'avais cherché à régler le problème moi même. Au final, ce n'était rien d'autre qu'un ou deux câble débranché, il n'aurait sûrement aucun mal à trouver le souci, c'était une fois fait que je pourrais mettre le reste en place et là, ça deviendrait intéressant. Une seconde de réflexion et je déboutonnais l'un des boutons de mon chemisier. Pas trop mais tout de même assez pour lui donner envie de lorgner sur ce qui pouvait se trouver au dessous. Et quand finalement le vice président daignait s'arrêter, j'esquissais un sourire timide enroulant une mèche de cheveux autour de mes doigts avant de prendre la parole. J'suis vraiment désolée de te déranger commme ça.

Je venais de congédier Charles, mon chauffeur, pour le reste de la soirée quand mon portable sonna, annonçant l’arrivée d’un sms. Je saisis mon smartphone pour découvrir ce texto, mon prénom à l’interrogative, expédié par ma bizut, Agathe. « Cette petite est folle de moi… » soufflai-je, sourire amusé, en pianotant une réponse à la belle blonde. Lorsqu’elle m’expliqua ensuite avoir besoin de moi, me confiant un problème de voiture, mon sourire s’élargit. C’était surement une excuse pour me voir, le coup de la panne quoi. Peut être que si ça n’avait pas été elle, si il n’y avait pas eu tout l’enjeu du défi dans lequel je m’étais lancé avec Abé, j’aurais un peu ronchonné, j’aurais même juste rappelé mon employé pour qu’il aille jouer les taxis pour la jeune femme, ou un dépanneur pour qu’il se charge de son véhicule. Mais l’idée de parvenir à la mettre dans mon lit toujours bien ancrée dans ma tête, je n’allais pas refuser le petit tête qu’imposerait ce dépannage nocturne. Je me levai, lissai ma chemise, ajustai ma cravate. Vérifiant mon reflet dans le miroir, je me glissai ensuite dans ma veste, saisissant les clés de ma Rolls, je quittai ma chambre pour me rendre jusqu’au parking, me glissant derrière le volant de mon carrosse, suivant alors les indications de la demoiselle en détresse.  Ralentissant quand dans la lumière des phares, j’entrevis sa silhouette, je garai ma Rolls sur le côté et m’approchai ensuite d’elle, tout fier, égo bien gonflé par cet appel à l’aide, son accueil, son petit air intimidé. « Ne t’en fais pas Agathe c’est normal. Je ne suis pas que ton bizuteur, t’as bien fait de m’appeler. Tu sais que tu peux compter sur moi… » Et sur mes yeux qui, alors que je m’approchais d’elle, plongèrent naturellement sur le décolleté de son chemisier. Je désignai le capot de l’automobile ouvert en questionnant : « Y’a pas eu de bruit suspect ou de fumée ? » Parce que si c’était le cas, je déclarerai une probable casse moteur d’office, excuse toute trouvée pour ne pas aller farfouiller dans le cambouis.  

game on — Ou pas. Non en fait, je n’étais pas désolée mais autant le paraître un tant soit peu. Et puis minauder devant lui de la sorte lui ferait certainement prendre la confiance ce qui quelque part m’arrangeait. Non mais je n’arrivais pas à croire ce qu’il avait osé faire. Certes, on ne se connaissait pas réellement mais émettre un pari sur ma tête visant à me faire tomber dans son lit c’était puéril. Aucun intérêt dans ce genre de jeu et puis, depuis quand se taper sa bizut était devenu une sorte de compétition ? Monsieur le vice-président avait peut-être commencé du bon pied mais venait à présent d’engager le pire des faux pas. Oh clairement. Et s’il semblait avoir envie de se lancer dans des jeux sordides, valait mieux pour lui ne pas me sous-estimer. Et j’savais bien que pour la peine, je devais beaucoup à Aymalyne. Premièrement pour m’avoir mise au courant de cette supercherie et deuxièmement pour m’aider à faire tomber le grand Cole. Le prendre à son propre piège. Ouais, les prochaines semaines s’annonçaient plutôt intéressante pour la peine. « C’est gentil.. » je souffle d’un murmure gardant cet air gêné sur le visage prouvant ainsi mon talent de comédienne. « Un espèce de clap dans le moteur mais je me suis garée directement sur le bas côté et ça n’a plus voulu redémarrer. » Peut-être bien que j’avais l’air d’une cruche avec mon appel en détresse et sûrement que je renforçais le cliché des nanas qu’étaient incapables de se servir d’une voiture mais c’était pour la bonne cause. « J’ai essayé de regarder mais j’y connais vraiment rien. » Et ça par contre, c’était la vérité. Je ne connaissais absolument rien au fonctionnement de ces engins me contentant de mettre la clé dedans pour faire vibrer le moteur.  

Torse bombé, sourire fanfaron, égo bien gonflé par l’attitude de la blondinette, j’avançai avec assurance jusqu’à la demoiselle en détresse. Paroles rassurantes de bizuteurs bienveillants, je jouais les super héros désintéressés, alors que mentalement c’est aux multiples façons avec lesquelles elle pourrait me remercier, en nature svp, que je pensais… Enfin, mon regard se détacha un instant pour détailler le véhicule : capot ouvert. Ha oui, c’était vrai. Avant d’espérer pouvoir une quelconque récompense j’allais devoir me salir les mains. Et cette idée me dégoûtait aussitôt. « Un clap dans le moteur ? » répétai-je en m’approchant du pare-choc avant. Agathe derrière le volant glissa la clé dans le contact, la faisant tourner. Me risquant à un simple coup d’œil vers le moteur qui vibrer, je repris avec sérieux : « Je pense que c’est grave… » J’en savais rien, mais sérieusement, vous m’aviez vu dans mon costard ? Vous pensiez vraiment que j’allais me risquer à explorer le cœur de l’automobile ? Non, non, c’est avec un ton d’expert, un petit air convaincant que je déclarais, tel un doc : «  …le moteur doit être mort. Je vais te raccompagner et on appellera une dépanneuse demain pour s’occuper de ta voiture. » expliquai-je en tendant ma main à ma bizut pour l’entrainer vers ma Rolls. On sait jamais, avec chance elle allait peut être oublier les clés de sa chambre dans le véhicule et serait alors obligée d’être hébergée dans la mienne.   

game on — Alors oui, techniquement, je savais que je n’avais qu’à rebrancher les câbles pour pouvoir repartir tranquillement mais là n’était pas le but. Et pour éviter qu’il ne découvre la supercherie, je prenais l’air de la fille idiote qui avait fait une bêtise me montrant plus gênée qu’autre chose. « Oui.. Enfin, c’était un bruit étrange, je ne saurais pas vraiment l’identifier. » Surtout parce que je n’avais rien entendu du tout et que ma voiture était dans cet état uniquement par ma faute. Pour lui prouver la bonne foi de mes paroles, je me glissais à l’intérieur de l’habitacle faisant tourner la clé sans que pour autant la voiture ne démarre. « Grave à quel point ? » Je retournais à l’extérieur l’air réellement concernée par tout ça. Ouais, grave à quel point, dis moi ? « Vraiment mort ? » Effectivement, tu n’y connais rien. C’est d’ailleurs exactement dans ce genre de moment que je suis reconnaissante d’avoir de l’argent à en pleuvoir. Appeler une dépanneuse pour ce genre de détail sordide c’était vraiment jeter l’argent par les fenêtres. Mais je n’en montrais rien hochant simplement la tête pour donner l’illusion de croire en la véracité de ses paroles. Poussant un soupir, je refermais le capot de ma belle voiture claquant finalement la porte avant avant de verrouiller le tout. Bon ben finalement, il semblait mordre à l’hameçon sans se poser la moindre question. Je posais finalement ma main dans la sienne le laissant m’entraîner vers sa Rolls garée un peu plus loin avant de reprendre la parole. « J’ai vraiment un manque de chance magistrale » Ou un esprit tordu à souhait, tout dépend le point de vue. Quoi qu’il en soit, je grimpais côté passager après qu’il m’ait ouvert la portière tel un gentleman esquissant un léger sourire. « C’est vraiment sympa d’être venu, j’aurais pu rester là une éternité. » Une nouvelle fois, je jouais le rôle de la bizut totalement sous le charme de son mentor pour parfaire le rôle qu’Aymalyne m’avait dicté. « Promis, je te revaudrais ça. » Et absolument pas de la façon que tu crois.

 Elle était un peu paumée, perdue, n’y connaissant rien en mécanique auto, c’était parfait pour moi, je n’allais pas avoir besoin de trop me salir mes mains. Annoncer un diagnostique gravissime allait me permettre d’échapper au cambouis. Un vague coup d’œil sous le capot, la demoiselle tourna le contact, faisant tousser le moteur, ce dernier ne s’enclenchant pas et avec mon air d’expert dépité je lui annonçais le cruel verdict : moteur mort. « A revoir avec un véritable mécano, mais je suis quasi sûr qu’il n’y a rien à faire pour ce soir… » Enfin, si, y’avait juste un câble à rebrancher, mais comme j’avais pas pris le soin de vraiment regarder… Agathe hochait tristement la tête, ce qui me fit penser que j’avais du être suffisamment convaincant. La demoiselle sortit, referma portière et capot avant de me rejoindre en soupirant son manque de chance. Je lui tendis la main et répliquai alors : « Ne laisse pas ce petit incident obscurcir ta soirée. Tu avais quelque chose de prévu ce soir ? Tu veux que je te dépose quelque part en particuliers ? » proposai-je, jouant les désintéressé. Genre j’étais sympa, j’étais prêt à venir la chercher n’importe où, à n’importe quelle heure, jouer les taxis pour ses beaux yeux etc. Grand acteur oui, mais quand j’entendais son -Promis, je te revaudrais ça- je sus que mon acting fonctionnait à merveille. J’ouvris ma Rolls, lui ouvris galamment la portière avant de la refermer derrière elle et d’aller prendre place derrière le volant côté conducteur : « Tu vois, ta chance tourne un peu. Tu gagnes un tour dans la plus merveilleuses voitures qui soit. » Soyons chauvin un peu.   

game on — Ouais. Parce que pour le coup, je sais que ton but ultime est de pouvoir me mettre dans ton lit. Sauf que non chéri, c’est le genre de truc qui ne pourra arriver que dans tes rêves. Peut-être que si t’avais pas fait ce pari stupide, ça aurait pu éventuellement se produire mais là.. Aha. Tu peux courir avant de pouvoir me toucher. Au fond, j’aurais pu juste me contenter de refuser tes avances encore et encore mais non, j’ai envie que tu te fasses prendre à ton propre piège. Peut-être pour t’apprendre que je ne suis pas un vulgaire bout de viande que tu peux sauter à ta guise. « Non, je pense que je vais juste rentrer à la Eliot. J’ai eu mon lot d’inconvénient pour la soirée. » Et puis ça nous permettra de passer un peu plus de temps ensemble non ? Ouais, je me doute que tu ne vas pas juste me déposer et repartir je ne sais où. Alors au fond, ça pourrait faire progresser le plan avec Ayma dans la bonne direction. « Pas faux, c’est un vrai bijou que tu as là. » Complimenter la voiture d’un homme c’était flatter son égo. Et je prenais vraiment un air émerveillée ce qui au fond n’était pas compliqué puisque la voiture était quand même d’une beauté à couper le souffle. Bifurquant légèrement pour pouvoir regarder mon cher président, je profitais qu’il n’ait pas démarré sa Rolls pour passer ma langue entre mes lèvres humidifiant celle-ci. Et après une fraction de seconde de ce petit manège, je me redressais doucement pour déposer mes lèvres juste au coin des siennes prenant garde à l’effleurer juste ce qu’il faut murmurant un « merci » au passage. Et finalement, je retournais confortablement dans mon siège tentant de ne pas prêter trop d’attention à ses réactions.

  Allez hop hop hop, l’automobile en panne, laissons la sur le bas de la route, j’avais bien d’autre projet en tête. Et Agathe n’avait qu’une hâte : rentrer à la Eliot. « Ok, vos désirs sont des ordres mademoiselle Thomspers. » soufflai-je avant de me diriger vers la portière pour la lui ouvrir, grand gentleman, glissant une remarque des plus fières au sujet de mon véhicule. Ma précieuse Rolls. Elle partagea mon avis, approuvant, ce qui me fit sourire : « Une femme qui a du goût. J’aime ça. » Je m’assis derrière le volant, tournant mon visage vers elle avant de démarrer, me stoppant en captant le mouvement de sa langue sur ses lèvres. Une lueur perverse s’alluma aussitôt dans mes yeux. Et l’instant suivant alors qu’elle s’approchait lentement, je crus l’espace de quelques secondes que peut être, Agathe allait m’offrir un baiser, sauf que non… C’est juste au coin des miennes, endroit stratégique, que ses lèvres vinrent se poser. Bisou savamment calculé pour me faire m’enflammer, m’exciter juste un peu… Et qui me faisait, naïvement je vous l’accorde, espérer une issue plus sulfureuse entre nous pour la suite de la soirée. « De rien. » Mes mains allèrent réajuster mon nœud de cravate un instant, sourire large éclairant mon visage, avant de me reprendre, de ne pas me laisser trop troubler, actionnant le contact et prenant la direction de notre confrérie. « Comment ça se passe avec les zigolos de tes anciennes confréries au fait ? » me renseignai-je, l’air de rien, risquant quand même quelques petits coups d’œil vers les cuisses de la jeune femme. 

game on — Est-ce que je jouais avec le feu ? Sûrement oui. Mais je devais avouer que toute cette mascarade avait un côté plus qu’attrayant et probablement que je devrais prêter attention au fait de ne pas tomber dans mon propre jeu. Mh, aucun risque. Je savais ce que je devais faire et j’allais m’y tenir sans le moindre doute. « Faites attention monsieur Wildingham, je pourrais presque croire que vous essayait de me charmer. » Un petit rire innocent venait filtrer de mes lèvres mes boucles blondes se balançant dans mon dos au rythme du vent. « J’ai toujours eu une passion pour les jolies choses. » Ce qui n’était pas tellement faux puisque même pendant mon passif de Mather je n’avais pourtant pas cessé d’user de mes cartes de crédit pour obtenir tout et n’importe quoi à des prix plus qu’excessif. Dans tous les cas, j’usais de mes charmes agissant exactement de la manière dont Aymaline me l’avait conseillé. Et clairement, ça faisait son effet puisque le vice-président avait désormais un large sourire éclairant son visage. Et j’imaginais bien toutes les pensées qui pouvaient traverser son esprit à ce moment précis. Pile ce que je voulais. Le faire languir et ne rien lui offrir. « Plutôt bien. » Je me mordillais la lèvre quelques instants avant de reprendre. « Paraît-il que certains des mathers montent un plan pour infiltrer la Eliot House histoire de faire quelque chose contre toi.. En rapport avec une certaine Romy je crois. » Quoi ? J’étais douée en agent double, j’y pouvais rien. « J’essaie de récolter plus d’informations mais je te tiens au courant. »

  « Je suis davantage charmé que charmeur avec vous ma chère mademoiselle Thomspers… » répliquai-je alors, en adoptant son ton et le vouvoiement, amusé. Qui était le joueur qui était le jouet ? Dur à dire en l’occurrence. J’aurais tendance à penser que j’étais celui qui menait la danse, étant celui qui avait passé le défi en prime abord, mais je n’avais pas toutes les cartes en main, pensant que miss Strauss avait simplement tenu promesse et vanté mes mérites à sa délicieuse coloc, loin de me douter qu’elle m’avait vendu et grillé auprès de la demoiselle dont le jeu d’actrice ne laissait rien entrevoir de ce qu’elle savait vraiment. « Ca te dirait de la conduire un peu ? » proposai-je alors qu’elle me confiait sa passion pour les jolies choses, parlant de ma merveilleuse Rolls. Effort ultime de ma part, puisque mon volant je ne le cédais habituellement qu’à ce brave Charles, mon chauffeur de longue date. Et occasionnellement et par la force des choses, je l’avais laissé à Kyla à ma sortie d’hôpital. Erreur que je ne commettrais plus vu la conduite brutale de la brune. Je démarrai ensuite la voiture pour prendre le chemin de la confrérie en abordant sa mission secrète : elle me rapporta alors les projets de certains verts et un rire s’échappa de mes lèvres. « Romy Oswald ? » Nullement menacé, plutôt amusé. « La petite sœur de mon ex, Feryel. » Ou fausse ex, Une fausse copine devenait-elle une fausse ex, ou une ex tout court après la –rupture- ? Bref, ne chipotons pas sur les termes, et puis pour le commun des mortels, Feryel et moi avions formé un vrai couple donc il ne valait probablement mieux pas que je commence à affubler l’adjectif qualificatif –faux- quand je parlais de notre relation, si tant est que je ne voulais pas attirer les soupçons sur moi. « Il me tarde de voir quelles magouilles ils me réservent. Ils sont loin de me faire  peur… » Jouer l’homme inatteignable, ça je savais bien faire. « Et les Quincys, t’as des contacts là bas ? » J’avais quand même pas été tout ce qu’il y a de plus correct avec Fe’, ça ne m’aurait presque pas étonné de voir les bisounours du campus montrer les crocs après ça.