Travailler sur des mannequins en bois, ça devenait fatiguant à la longue. On va s'entendre là-dessus, c'est pas du tout les courbes naturelles du corps humains. C'est trop froid, impossible de voir comment le vêtement tombe lorsque la personne bouge. J'avais quelques retouches de dernières minutes à faire sur une collection que je devais remettre au prof la semaine prochaine. Heureusement pour moi, Capucine avait accepté de me venir en aide et de jouer les mannequins pour moi. Elle devait en avoir marre de m'entendre râler contre ses grosses poupées de bois qui nous servaient de modèle. Ça m'avait donné l'idée de demander à un gars de venir également. Ayant les deux sexes, j'allais pouvoir testé les morceaux allant à chacun d'un seul coup. Après tout serait réglé, je pourrais passer à autre chose. J'avais donc posté une annonce et un certain Clay y avait répondu. Un habitant de la ville que je ne connaissais pas mais qui semblait avoir le corps parfait pour porter ce que je m’apprêtais à leur présenter, dès leur arrivée. Je leur avais donné rendez-vous dans la salle de couture du campus. J'aurais tout le matériel à porter de main, ça irait plus vite. J'arriva un peu en avance sur les lieux pour sortir tout ce dont j'avais besoin. J'étala tout sur la table sauf les morceaux qu'ils allaient devoir porter. Je préférais garder la surprise.

Mannequin... Mais pourquoi elle s'était proposée pour jouer les mannequins avec Sofia. Elle avait passé une sale nuit en plus et n'avait qu'une envie : dormir. La brunette était assise dans sa voiture, fixant le bâtiment en se disant que si elle appelait Sofia pour lui annoncer qu'elle avait une gastro, elle ne lui en voudrait pas. Chouinant comme une petite fille, Capucine pesta contre elle même et contre son intégrité et sa conscience qui lui disaient qu'elle ne pouvait ni mentir ni poser un lapin à Sofia qui avait besoin d'elle. Comme si la relooker ne suffisait pas. Capucine attrapa son sac à main et ronchonna pour elle même en descendant de la voiture. « Si ce sont des sous vêtements, je me casse! » Allumant une cigarette en se postant non loin de la porte d'entrée, Capucine fixa sa tenue pour l'occasion. Un jogging moche, des Uggs. Pas besoin d'être super classe, elle allait essayer des vêtements pas faire un shooting photo. Enfin, elle l'espérait. Fumant tranquillement, Capucine en profita pour envoyer un sms à Sofia -oui même si elle était en bas- pour lui signaler de mettre le chauffage parce qu'il faisait froid et qu'elle était très frileuse. Bref, pas le temps de râler, Capucine jeta son mégot et glissa une pastille de menthe entre ses lèvres avant d'entrer dans l'immeuble et de rejoindre Sofia. Pas question d'avoir une haleine de mort. Le look suffisait à être effrayant et elle voyant déjà la tête de Sofia en la voyant arriver. En parlant de Sofia, elle était là, en train de préparer ce qu'elle avait à préparer. Capucine posa son sac sur le sol et s'approcha pour lui embrasser la joue, fixant la table. « Tu as intérêt à me le rendre au centuple ce que je fais là ! J'ai du bosser toute la nuit pour ne pas avoir de retard. Y a du café ? Par contre, ça caille là... » Capucine alla augmenter le chauffage et fit une moue boudeuse en voyant qu'il était à fond. Elle allait choper une pneumonie et en mourir... Elle retira son manteau et son écharpe puis observa Sofia. « Tu m'as pas dit qu'on serait deux ? » Et elle était très loin de s'imaginer sur qui elle allait tomber.

I may forget to mention....
ft. SOFIA, CAPUCINE & CLAY

Si Jimmy n'avait eu l'amabilité de m'inviter à ce séjour à l'étranger, jamais je ne serais tombé nez à nez avec cette petite annonce accrochée à l'un des nombreux panneaux de contreplaqué. Ce n'est qu'en y retournant une seconde fois dans la semaine que, flânant dans les couloirs, mes yeux ont de nouveau écorché cette affichette pour constater que les petits bouts prédécoupés en son contrebas n'avaient pas eu un franc succès. Et pourtant, l'expérience était assez originale: Une jeune créatrice qui, pour un projet, souhaitait innover en testant ces chefs-d'œuvre sur de l'organique. Je n'ai pas un physique ingrat mais loin de ressembler à un éphèbe, je m'étais tâté avant d'arracher l'un des numéros de téléphone à la volée. Le contact avec la jeune femme avait été pris une fois rentré et le rendez-vous, après quelques questions somme toute légitimes sur mon anatomie, arrangé.

Alors me voilà, errant dans les couloirs du bâtiment principal, à la recherche de la salle qu'elle m'a par texto indiquée et dans laquelle je n'ai jamais, mais jamais en sept ans de présence sur le campus, foutu l'pied. C'est un peu l'occasion ou jamais. Pourtant, au bout de quelques pas, je perds déjà patience et prends le parti d'aller demander mon chemin à ces voix qui renaudent au travers de cette porte fermée. Un coup résonne sur cette dernière avant d'en faire fléchir la poignée et c'est sur deux femmes que s'attarde, curieux, mon regard. La pièce est parsemée de tables, de mannequins boisés, de bouts d'étoffes aux formes et aux couleurs variées. Par le plus grand des hasards, il s'avère finalement que je l'ai trouvée cette salle. Un dernier coup d'oeil sur la porte et je m'étonne encore de n'avoir percuté sur les trois lettres qui y sont calligraphiées: "SDM". Quoique avec mon esprit tordu, le Styliste Designer Mode aurait dévié sur tout autre chose...

Je m'approche donc de celle qui me fait face, une rouquine dont les doigts fricotent avec je ne sais quel instrument de torture, la créatrice à coup sûr. " Salut. Clay. " Une main lui est tendue en guise de politesse même s'il est vrai que nous nous sommes déjà présentés durant ce premier appel. Et d'un regard jeté sur la seconde que je n'avais pas encore reconnue, je reste un instant muet, pas vraiment certain de comprendre ce qu'elle fait ici. Mais c'est surtout sur son sac que je scotche littéralement, encore frappé par ce que le dernier contenait...

Alors que j'attendais toujours mes deux mannequins, je me sentais quelque peu anxieuse. Je ne leur avais pas mentionné ce qu'ils allaient devoir porter. Jamais, au grand jamais, Capucine aurait accepté de m'aider si je lui avais dit. Je me sentais terriblement coupable en ce moment. Comment j'avais pu lui faire ça? Je devais annuler! Sur le champs! Au même moment, je reçu un SMS de sa part. Je m'attendais à ce qu'elle décommande ou quelque chose du genre. Pas de chance, elle me demandait simplement de monter le chauffage. Quelle frileuse, pensai-je en souriant. Je m’exécuta quand même. C'est quelques minutes plus tard que mon amie se pointa n'ayant clairement pas prit soin de sa tenue. De toute façon, ce n'est pas ce qu'elle allait porter dans quelques instants. "J'te jure que je te revaudrai ça. Mais oui, y'a du café. J'te connais trop bien" dis-je avant de me retourner vers le thermos que j'avais déposé sur la table quelques minutes plus tôt. J'en servis une tasse à mon amie qui semblait grandement en avoir besoin. "Oui. Il devrait arrivé bientôt." Je lui avais envoyé le local par SMS avec l'heure de la rencontre. C'est d'ailleurs ce moment qu'il choisi pour entrer dans le local. Un sourire s'afficha sur mon visage alors qu'il se présenta. "Sofia." répondis-je avant d'ajouter. "Merci vraiment de m'aider." Je lui serra la main avant de désigner ma meilleure amie et de les présenter un à l'autre. "Capucine, Clay. Clay, Capucine."

Sofia avait tout intérêt à lui valoir ça un jour. Même si Capucine savait pertinemment qu'elle ne lui demanderait jamais rien, comme toujours. L'étudiante grommela pour elle même qu'elle n'aimait pas le café et qu'elle était fatiguée avant de se servir une tasse de café. Alors qu'elle soufflait sur le liquide trop chaud, une voix masculine s'éleva dans le dos de Capucine. L'étudiante manqua de s'étouffer en reconnaissant cette voix d'ours mal léché et en entendant le prénom. Toussant légèrement pour faire passer le liquide dans le bon trou et éviter de mourir noyer dans une gorgée de café, Capucine pivota vivement avant de poser des yeux étonnés sur Clay. De tous les hommes de Boston et les cents kilomètres alentours, il fallait que ce soir précisément ce Clay là qui allait être son binôme. Se forçant de faire un large sourire à Clay pour éviter que Sofia ne soupçonne quoi que ce soit, Capucine se pencha pour serrer la main de Clay, agissant comme si elle ne l'avait jamais vu de sa vie. « Enchantée !!... Clay ! Mon binôme mannequin !! » L'étudiante lâcha un rire à la fois faux et nerveux puis lâcha la main de Clay avant de regarder Sofia. « En fait... Sofia... On se connait déjà avec Clay... » Elle aurait pu se moquer de Sofia et faire comme si elle ne connaissait pas du tout Clay mais elle préféra éviter. La jeune femme posa sa tasse de café après l'avoir terminé. « Bon, par quoi on commence ?? J'espère que ce sont des combinaisons de ski que je vais devoir porter, il fait trop froid pour la collection printemps/été... »

Tout le monde est là. Nous allons finalement pouvoir commencer. Je me dis que tout d'abord, tout le monde doit au minimum connaître le nom des autres. C'est pour cette raison que je nous présente tous. À ma grande surprise, Clay et Capucine affirme déjà se connaître. Je jette un regard à ma meilleure amie lui signifiant qu'elle avait intérêt à me raconter tout ça dès que le beau jeune homme serait parti. Parce que, apparemment, aucun des deux n'avait l'intention de me dire d'où ils se connaissaient. "Le monde est petit." me contentai-je de rajouter avec un sourire aux lèvres. J'étais comme ça, toujours souriante. Ou le plus souvent possible du moins.
Capucine me remit les idées en place en demandant si on allait bientôt commencer et surtout par quoi. Le moment était venu. Je ne pouvais pas l'éviter encore plus longtemps. J'essaya de rassembler le plus d'enthousiasme possible et commença à leur expliquer: "Alors, voilà, c'est une nouvelle collection sur laquelle je travaille pour un cour. J'ai besoin de faire quelques finalisations et ça se fait plus facilement sur quelqu'un que sur un pantin." Tout en expliquant grosso-modo de quel classe il s'agissait, je me déplaça vers la table où j'avais laissé le sac contenant les vêtements. Ou plutôt les bouts de tissus rendu là. Je sortis donc les premiers morceaux du sac pour les présenter. Il s'agissait d'un déshabiller en dentelles rouge contenant une petite robe et les culottes assorties ainsi qu'un boxer très moulant. Je priais intérieurement pour que tout se passe bien, pour que personne ne parte ou refuse de le faire. Je sais bien que j'aurais dû les avertir avant mais je me voyais très mal leur dire hey, t'a envie d'essayer des sous-vêtement?

L'étudiante s'amusait déjà. Il fallait qu'elle arrête de taquiner les gens comme ça. La langue coincée entre les dents dévoilées par un large sourire amusé, Capucine observait Clay qui coupait court à l'histoire de la rencontre. Pinçant les lèvres dans un air faussement boudeur, Capucine trouvait ça vraiment amusant de voir que l'inspecteur n'assumait pas du tout d'avoir tripoter une petite culotte et des tampons. Capucine sourit légèrement puis secoua son visage dans un air désapprobateur avant de s'adresser à Sofia. Clay ne se gêna pas pour donner son avis et Capucine approuva clairement la chose. Au moins ils seraient habillés. La brunette observait Sofia qui s'éloignait pour leur montrer les vêtements qu'ils allaient essayer mais Clay se glissa dans son dos. Capucine ne bougeait pas alors qu'il lui soufflait quelques mots à l'oreille. Des mots qui la firent beaucoup rire même si elle se contenait pour ne pas éclater de rire. « J'ai même pris un bain ! » Mais ses mots semblèrent soudainement s'étrangler dans sa gorge alors qu'elle observait le déshabillé que Sofia tenait dans sa main, toute contente d'avoir des mannequins en chair et en os pour leur faire enfiler ça. « C'est une blague Sofia ??! » L'étudiante s'avança d'un pas rapide vers son amie puis attrapa ce qu'elle devait enfiler en plissant les yeux, fixant Sofia. « J'aurais jamais du accepter !! Je savais que tu allais me piéger ! Je me sens trahie !! » L'étudiante tourna les talons pour aller dans un coin tranquille pour se déshabiller. Bien sur, elle ne pensait pas un traitre mot de ce qu'elle avait dit à Sofia et elle se plierait en quatre pour la rouquine, même si ça devait impliquer de montrer des endroits précieux de son corps à un vieux flic sexy. Capucine commença à se déshabiller, étalant ses vêtements sur les radiateurs pour avoir de quoi se rhabiller au chaud. Elle allait mourir de froid et d'une pneumonie avec tout ça. Ronchonnant dans son coin, Capucine s'habillait nerveusement. « Non mais c'est transparent ta merde Sofia !!!! » On ne pouvait pas dire que Capucine était pas de très bon humeur d'un coup.

J'anticipais déjà la réponse de ma meilleure amie. Et de cet inconnu qui avait accepté de me venir en aide après avoir vu les affiches que j'avais collés un peu partout sur le campus. Je devais pourtant me lancer. Je devais leur montrer les morceaux qu'ils allaient devoir porter pour que je puisse y apporter quelques touches avant de les remettre à mon enseignante. Comme je m'y attendais, Capucine réagit dès qu'elle aperçut le petit bout de tissus rouge qu'elle allait devoir revêtir. Je me sentais mal mais j'avais vraiment besoin de son aide pour terminer. Je n'avais aucune envie d'avoir une mauvaise note dans ce travail et je savais très bien qu'elle n'aurait pas accepté si je lui avais dit sur quoi je travaillais. Elle prit quand même les morceaux et se dirigea vers le radiateur au fond de la salle pour se changer. Je retourna donc à ma table de travail pour y sortir quelques épingles pour pouvoir faire les ajustements nécessaires.
Pendant ce temps, Clay s'approcha de moi tout en regardant ce qu'il allait devoir porter à son tour. "En fait, j'avais pensé à l'appeler Intime comme collection." répondis-je. Autant le déshabiller que portait Capucine que les boxer qu'allait enfiler Clay par la suite étaient constitués de dentelle et de tissus rouges. Ils s’agençaient parfaitement ensemble. C'était le but de la collection. Que M. et Mme puisse passer des petits moments coquins tout en étant en harmonie. Quétaine, peut-être. En fait, oui, je dois l'avouer.
Lorsque mon amie eut finalement terminé, elle râla que l'ensemble était transparent. Je m'y attendais bien. Je m'approcha donc de mon ami tout en laissant Clay assis à la table plus loin. "Je fais ça rapidement ici si tu veux. Après, j'te laisse te changer. Promis." J'allais également devoir trouvé comment me racheter auprès d'elle après ça.