« Je crois qu'on s'est mal compris »

Mercredi 18 janvier ~ En fin de soirée

Brent avait décidé de décompresser un peu après une quinzaine de jours à fond dans les révisions. Aussi, lorsque Nate lui avait proposé une petite soirée au Lobo, il avait accepté de suite. Autant dire qu'ils avaient bien rigolé, bien picolé aussi et bien danser. Cela faisait plus d'une heure maintenant que Brent avait perdu Nate du regard. La dernière fois qu'ils avaient parlé, son ami avait jeté son dévolu sur une demoiselle et peut-être qu'à présent, il la raccompagnait chez elle. Quoi qu'il était pas trop en état de conduire ou même de faire quoi que ce soit. Brent aussi avait pas mal picolé mais il était encore lucide, du moins le pensait-il. Après avoir bien danser (ou plutôt fait le con sur le piste), il se posa au bar, juste à côté d'un homme qu'il ne connaissait pas. Tandis que leur regard se croisèrent, Brent lui adressa un sourire avant de commander au serveur.  « Une vodka s'il vous plait. »

Chaleur, des bouffées de chaleur. Elles remontent, puis chutent à toutes allures. Mon corps se transforme en radiateur, se met à perler de tout l'alcool ingurgité quelques minutes plus tôt. Boire ou conduire, il faut choisir. Moi, j'ai choisi boire, boire comme le besoin, boire à n'en plus manger, boire à s'en noyer. Parce que boire, c'est oublier, partiellement, toutes ces choses minimes qui viennent plomber un sourire en moins de deux secondes, c'est oublier ce jour où j'ai oublié les clés, où j'ai logé dehors pendant des heures dans le froid, malade comme un chien. Assis au bar, le regard vide comme le verre qui me fait face, je me contente d'attendre, peut-être le déluge ou alors la prochaine tournée. Un brun s'installe à côté de moi, laisse ses dents briller à l'égard de mes iris. « Tu viens prendre une cuite, toi aussi ? » je souffle, laisse l'air infesté d'une odeur d'alcool s'échapper.   

Il tourna son regard vers l'homme qui lui avait adresser la parole. Brent ne buvait jamais pour boitre. Il buvait lorsqu'il était dans l'ambiance et c'était rare qu'il finit complètement saoul sans aucun souvenir de la veille. En général, il restait quand même maitre de ses actes. « J'suis venue passer une bonne soirée. » Cela ne semblait pas être le cas du jeune homme et Brent n'est pas celui qui va s'apitoyer sur le sort de quelqu'un et faire en sorte qu'on se confie à lui. « J'avais mon copain dans le coin, mais je crois qu'il est allé voir ailleurs pour la soirée » Il ne s'était même pas rendu compte du double sens de ses propos. « Tu veux boire quelque chose ? »

Mon regard se perd au coin de ses lèvres, s'éternise sur les parcelles de peau qui contournent sa lippe. Ses traits sont fins, tirés, bien dessinés. Bien que je ne relève en rien sa réponse, une sorte de désaccord s'installe en moi. Qu'entend-il lorsqu'il répond ainsi ? Que boire est en contradiction avec le fait de s'amuser ? Je me coupe en pleine réflexion, sans doute bien trop liquidé mentalement pour réellement réfléchir. Cependant l'un de ses mots vient comme un choque me réveiller. Copain, il a un copain. Un rictus moqueur s'installe sur mon visage avec mépris. Il aime les hommes, il est pris. Je ne sais pas si je crois à l'appartenance, à la propriété entre êtres, dans ces relations sur lesquelles on pose des mots sans vraiment savoir quoi en penser. Je préfère ne pas y croire, pas ce soir, parce que ce soir, il est là face à moi et je le désire. Désire plus que les verres qu'il semble me proposer. « Je veux bien une vodka également... » J'acquiesce d'un mouvement de tête verticale tout ce qu'il y a de plus banal avant de reprendre ses mots. « Tu le connais depuis longtemps, ton copain ? » Saoul, j'en viens à poser des questions à un inconnu comme un ami.  

Brent n'avait pas réalisé le double sens du mot copain. Nate était son ami, son meilleur ami, jamais il n'aurait pensé à autre chose. Les hommes, ce n'était pas sa came et il était pas très lucide pour comprendre le sens caché des réponses de Jupiter. Il commanda une deuxième vodka avant de payer. Il tira le tabouret pour s'asseoir dessus. Il porta le verre à sa bouche. N'empêche il n'en revenait pas que Nate l'ait planté ici. « Avec Nate ? On se connait depuis notre entrée à l'université. » A l'époque, c'était à Londres, à Oxford. Leur complicité s'était de suite fait sentir. « Moi c'est Brent »

Attentif, j'écoute avec précision le moindre mot qu'il libère. Déception, une envie de partir sur la piste, tête baissée, de bouger le corps sans trop savoir comment ni pourquoi, parce que ce mec est pris, parce qu'il le connait depuis longtemps, parce que ce n'est pas le genre de relation qui se brise dans ces soirées aux fragrances de sueurs. Trop c'est trop, quitte à manger un râteau, autant le prendre complètement parce que ce soir, bordel, ce soir je veux vivre l'attirance et lui là, ce petit brun aux pupilles étoilées, il me fait cet effet de dingue, cette impression de légèreté. « Jupiter, enchanté. » Je me mords inconsciemment la lèvre et reprend la conversation après une respiration maîtrisée. « Je suppose donc que t'es pas libre, que je peux complètement oublier l'idée qu'il se passe quelque chose ce soir, ne serait-ce qu'une étincelle ? C'est dommage, t'es plutôt mignon. » Je baisse le regard, soupire et laisse mes doigts pianoter autour du verre vide.

"Jupiter ? C'est original comme prénom " cest vrai que cetait nettement moins courant que brent, nate ou John. En tout cas c'était la premiere fois que le jeune homme rencontrait quelqu'un avec ce prénom la. "Et ta soeur elle s'appelle venus non ?" T'imagine la famille a eu 9 enfants avec les prénoms de chaque planète. Je plains quand même celui qui s'appelle mars  ! L'avantage c'est que brent ne risquait pas d'oublier son prénom. Par contre il fronca les sourcils lorsque Jupiter comme ca a dire qu'il lui plaisait. Il ne pu s'empêcher ensuite d'éclater de rire. "Nate et moi ?" Il reprit son calme. "Je pense qu'on s'est mal compris. Oui je suis pris mais pas avec nate. Elle s'appelle malicia"  pour lui faire comprendre qu'il n'était pas gay "faudra tenter ta chance avec quelqu'un d'autre ce soir !"

« Et ta soeur elle s'appelle venus non ? » Mon regard vient le reluquer de la tête aux pieds, la sensation d'être agressé. Mon calme a ses limites, particulièrement lorsque qu'il s'agit de ma famille. Sans doute que l'alcool ne m'aide pas plus que ça à me tenir dans cette même situation. « Non, elle s'appelle Neptune » Je crache ces quelques mots de manière froide, peu commode, de quoi couper l'ambiance un léger instant, poser les quelques règles, notamment celle du respect à ce sujet. Sa blague est totalement prévisible et il va de soit qu'il ne peut savoir que mes frères et sœurs portent réellement ce genre de prénom également, cependant, c'est à éviter, un peu du même niveau que les blagues sur les mères qui s’essoufflent sur ces personnes qui n'en ont plus. « Malicia... Attends, tu es hétéro du coup ? Arf... » Une main à l'arrière du crâne, je frotte, à la fois gêné et bercé par une maigre déception.

La remarque de brent sur la famille de jupiter n'était pas méchante. En fait il n'aurait jamais pense que des parents puisse être aussi tordus pour appeler des enfants ainsi mais qu'est ce que c'était une idée géniale. Le jeune garçon n'était pas en train de se moquer au contraire il les trouvait plutôt cool juste pour cela. Mais il ne prit pas mal le ton froid de jupiter. Après tout bon nombre d'autres enfants avaient du se moquer de lui lorsqu'il était plus jeune. "Neptune trop cool" le ton du jeune homme était sincère il n'y avait aucun sarcasme dans sa voix bien au contraire. "Tes parents sont incroyables."
Lorsque l'un comme l'autre comprirent le quiproquo dans leur discussion, Jupiter semblait dessus. "Oui tout ce qu'il y a de plus hétéro, désolé"

Bien qu'il me passe la crème à coup de compliments sur mes géniteurs, je ne peux m'empêcher de rester bloqué aux propos qui concernent son orientation sexuelle. Tout d'abord par frustration, complètement ivre et dans une sorte de besoin de subvenir aux plaisirs de la chair, puis et surtout car il ne semble laisser flotter ses mots, plutôt dans un flux rigide, droit, sans écart à priori. « Tu es sûr, pas même tenté par l'expérience d'un baiser partagé avec un homme ? » Lèvres légèrement tendues en avant, j'attends quelque chose, qu'il réagisse, qu'il m'embrasse, m'enlace, ricane de mon état ou qu'il me frappe, m'évite, fuit comme n'importe quel hétéro lambda incapable d'affronter cette situation, celle de la non-réciprocité. « Juste un petit aller, un tout petit. » Véritable forceur de mes nuits, je ne sais ce qui me prend, ce qui m'habite à cet instant, cette sorte de folie qui me conduit droit dans le fossé social.