un de ces quatre nous tomberons ensemble

AARON & ROMY

Ma capuche enfoncée sur ma tête, j'attends avec la plus grand impatience à l'angle d'une rue. Mes jambes tremblent, à la fois de fatigue et de nervosité. J'ai pas le temps. Je peux pas rester longtemps. Mon visage ne doit pas croiser la lumière des lampadaires. Je dois rester dans l'ombre, m'évanouir dans la nuit au moindre problème. Au moindre gyrophares. Pourtant je reste là, je m'accroche à l'espoir qu'il finira par venir. Je lui ai envoyé un message il y a seulement une demi-heure. Je dois lui laisser le temps de me rejoindre, de me retrouver. Plus les secondes passent, plus je sais que c'était un acte stupide. Je n'aurais pas du le prévenir. J'aurais du le laisser continuer sa vie, et reprendre la mienne. Ma vie de cavale. Salop de Cole. En un coup de fil il aura réussi à foutre en l'air mon existence. Je me demande bien ce que dois penser Feryel. Si elle me voit comme une criminelle ou une victime. Je soupire d'agacement, de déception. Je ne peux même plus me promener librement chez moi. Revenir aux Etats-Unis était un gros risque et j'ai peur de le regretter. Mais je devais voir Amare. M'assurer qu'il allait bien. Puis il y avait Aaron aussi. Je pouvais pas revenir sans lui parler. Il m'a jamais laissée tomber. Je me dis qu'il aimerait peut-être avoir des nouvelles. En tout cas, je l'espère, car moi je veux savoir comment il va. Je pense souvent à lui et à tous ceux que j'ai à nouveau laissé derrière moi. Cette fois ce n'est pas pareil, je ne suis pas vraiment partie de mon plein gré. Et je me rends compte que je me suis attachée. Que j'ai mûrit. Ou bien je me suis abrutie, je ne sais pas. Affaiblie par mes sentiments. Stupide Romy, te voilà en train de risquer ta peau pour pouvoir passer quelques minutes en compagnie des personnes qui te sont chères. Je jette un coup d'oeil à ma montre, puis autour de moi. J'entends alors des bruits de pas au loin. Je me recule davantage contre le mur, rabaissant ma capuche sur mon front. Plus la silhouette s'avance dans ma direction, plus j'arrive à en reconnaître son identité. Un sourire commence alors à prendre forme sur mes lèvres et je baisse un peu ma garde. « Aaron ? » que je chuchote vers lui. Presque certaine de moi, je n'ai pas pour autant envie de commettre une erreur. Si c'est pas lui, tant pis, je m'en irais. Il comprendra.

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CODES © LITTLE WOLF.

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AARON & ROMY

J'ai rarement eu peur, d'ailleurs je pense bien que c'est la premve. La première fois que je prends des risques presque à contre coeur, en redoutant que le pire m'arrive. Parce que ce coup-ci, si je me loupe, je finis enfermée. Derrière des barreaux. En prison. C'est impossible. Romy ne finit pas comme un lion dans une cage. Romy elle a besoin de liberté, de grands espaces. Elle a besoin de vivre, pas survivre entre quatre murs. Mais quand je vois la silhouette d'Aaron se dessiner dans l'obscurité, j'oublie mes soucis l'espace de quelques secondes. Je suis simplement contente. Contente de voir qu'il est venu. Qu'il a l'air d'aller bien. En même temps, à quoi je m'attendais ? Il me confirme que c'est bien lui en prononçant mon prénom puis il m'attrape dans ses bras. Je le serre contre moi tout sourire, j'aurais presque envie de rire. C'est pas facile d'être en cavale. De ne pouvoir parler à personne. De ne pas pouvoir appeler ses proches pour leur raconter à quel point c'est la merde. Cela me fait donc un bien de fou de retrouver Aaron, c'est comme si je revenais enfin à la vie. Comme si mon existence redevenait normale l'espace de quelques minutes. Il finit par desserrer son étreinte pour pour demander comment je vais, ses prunelles dans les miennes. Je lâche un soupire en passant ma main dans mes cheveux. « Je pense que ça pourrait aller mieux. » je lui dis avec sincérité. J'en ai marre de ne pas pouvoir faire ce que je veux. Rentrer chez moi. J'aurais jamais cru penser ça un jour, mais j'aimerais me poser. C'est comme si j'avais une épée de Damoclès sur la tête. La prison ça me fait franchement flipper, je préférerais crever que me faire attraper. « Mais sinon ça va. J'étais à Cuba jusqu'à présent, je suis venue voir mon meilleur ami, il est malade. » je lui explique. Je lui fais donc comprendre que je ne resterais probablement pas. Que d'ici quelques heures, je prendrais sûrement un bus, puis un avion, et je disparaîtrais à nouveau. Peut-être pour toujours. Peut-être quelques mois ou années. J'en sais rien. Si seulement j'avais pas la police au cul. Quel salaud ce Cole. J'aurais presque envie de passer jusque chez lui pour lui casser la tronche, mais ça serait trop risqué. « Et toi ? » je finis par lui demander, un petit sourire aux lèvres. Après tout, c'est pour cela que je suis là. Pour savoir s'il va bien. J'aurais aussi pu lui envoyer un sms mais c'est pas pareil que d'être face à lui en chair et en os. Pourvoir voir ses réactions sur son visage, passer mes doigts entre les siens. Rien que pour ça, je pourrais pas non plus aller en prison. Plus j'y pense, plus j'angoisse. Je deviendrais folle dans un tel endroit.

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AARON & ROMY

C'est marrant de se rendre compte d'à quel point Aaron a pu prendre de l'importance dans ma vie ces dernières semaines. Quoi que, pas si étonnant que ça quand on y pense. Il a réussi à faire ses preuves auprès de moi dès notre première rencontre. En fait, c'est presque logique. On s'est bien trouvés. On se ressemble suffisamment pour être sur la même longueur d'ondes, pour trouver du réconfort et du soutien l'un en l'autre. Quand j'ai eu ces problèmes avec Cole, il a tout de suite tenu à m'aider, malgré les risques, les conséquences. Alors que d'autres m'auraient dit que c'est bien fait pour moi, lui il m'a soutenue. C'est donc normal qu'il soit l'une des premières personnes que je contacte une fois de retour sur Boston. De toute manière, j'avais promis d'essayer de le tenir au courant, de lui donner des nouvelles. Je souris amusée alors qu'il me dit que je prends des risques à lui donner rendez-vous. J'étais bien au courant de cela. « Que veux-tu ? Tu me manquais. » je réponds, avant de me sentir légèrement mal à l'aise. A la base, je voulais dire ça sur la rigolade mais ça sonne davantage comme une déclaration. Je me racle un peu la gorge histoire de reprendre mon sang froid. On va tomber dans le mélodrame si ça continue là. On est déjà pas loin du film d'action, manque plus qu'on se la joue romance. Il finit par me demander ce que je compte faire, et vient le second malaise. Qu'est-ce que je vais faire ? J'en ai absolument aucune idée. « J'en sais trop rien ... Je suppose que je vais devoir repartir. Je sais plus quoi faire pour que ça s'arrange. » j'avoue, cédant au désespoir. J'aurais aimé pouvoir rester. Profiter de ma jumelle et de mon neveu. M'expliquer avec Feryel. Passer du temps avec Aaron aussi. Voir où cela va nous mener. C'est peut-être con à dire, mais je suis curieuse. Avec Aaron, c'est toujours de nouvelles aventures, des trucs que j'aurais même pas imaginé. J'suis sa Bonnie, il est mon Clyde. Et ça me tue de me dire que je suis forcée à partir et qu'on se reverra peut-être plus. Personne ne m'oblige à partir, c'est moi qui décide. Et cette fois-ci j'ai pas envie. J'en ai marre de vivre dans les drames. Est-ce que mon existence pourrait être un jour plus simple ? Plus de relations toxiques, plus d'angoisses, plus de prises de têtes. Je fronce les sourcils quand il me dit qu'il va bien. Aaron il a toujours cet air sur le visage quand il dit que ça va alors que non. Comme si était un peu dépité, mais qu'il répondait pour faire plaisir. Je vois tout de suite la différence avec un "je vais bien" sincère. « T'inquiètes pas pour moi. Tu me connais, je m'en sors toujours. » je lui réponds, un petit sourire flottant sur mes lèvres. « Par contre je m'inquiètes davantage pour toi. J'ai l'impression qu'en ce moment tu veux pas me dire quand ça va pas. » je rajoute intriguée. Cela fait quelques semaines que j'ai l'impression que quelque chose le tracasse, qu'il ne veut pas m'en parler. Je me dis que c'est peut-être parce que j'ai déjà assez d'ennuis comme ça, alors je m'en veux. Je m'en veux de pas être là, de pas être assez à l'écoute.

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AARON & ROMY

C'est ça ma vie, ça a toujours été ça. Des aventures, des conneries. Des embrouilles perpétuelles, des fugues, des conflits. Avoir une existence simple et sans problèmes, je connais pas. J'ai grandi dans un milieu sombre et complexe et maintenant, j'arrive pas à en voir le bout. Ce coup-ci, je me suis retrouvée embarquée dans quelque chose que j'arrive plus à contrôler, quelque chose qui me dépasse complètement. Quelque chose qui aura d'énormes conséquences sur moi et mes proches. Alors pour une fois, j'aimerais que tout s'arrête. Pour une fois, j'aimerais savoir ce que ça fait, d'avoir été élevée par deux parents aimants. D'avoir été éduquée tout simplement. Telle une enfant sauvage, je suis bien loin des conventions, de la normalité. A vingt-deux ans, me voilà recherchée par la police, accusée d'un truc dont j'ai douté de mon innocence. Cachée dans une ruelle à retrouver la seule personne qui puisse probablement comprendre ma situation et mon état d'esprit. Je sais qu'Aaron c'est pas non plus un gars conventionnel. Quelque chose me dit qu'il a l'habitude de ce genre d'histoire, que c'est peut-être même son quotidien. Il est pas étranger à mon milieu alors c'est auprès de lui que je cherche le réconfort. Les conseils. Mais il a l'air tout aussi perdu et dépassé que moi. Sûrement parce qu'il a finit par s'attacher, par se faire du soucis pour moi. Ses sentiments viennent entraver son jugement, l'empêchent de réfléchir. Dans le fond, il a sûrement pas envie de me dire de partir et de jamais revenir. Il en aurait presque de l'espoir. « J'aimerais, mais tu le connais, il est impossible à raisonner. » je lui réponds désemparée, d'un signe négatif de la tête. J'aurais bien aimé discuter avec Cole, lui faire entendre raison. Lui demander de retirer sa plainte ou quoi que ce soit qu'il ait déposé sur moi à la police. Je me demande s'il se rend vraiment compte d'à quel point il a foutu ma vie en l'air. « Peut-être aller en Europe ? Mettre un océan entre moi et cette histoire. » je dis hasardeuse. Entre moi et mes soeurs. Entre moi et Amare. Entre moi et Aaron. Je déteste cette impression de devoir sacrifier mon bonheur pour ma liberté. Devoir parler de tout ça, ça me fait mal alors je préfère réorienter la conversation sur Aaron. Lui qui me cache quelque chose depuis des semaines. Lui qui m'explique qu'il voulait me préserver. Je hausse les yeux au ciel. « Je comprends, mais je suis aussi là pour toi. Nous, c'est pas un truc à sens unique. Tu es là pour moi et je suis là pour toi. » que je lui dis. J'essaye de lui faire comprendre que je tiens à lui, à son bonheur. Que je veux qu'il puisse me faire confiance, se confier à moi et pas seulement supporter mes ennuis. « Aaron, dis moi ce qui ne va pas. » je rajoute, mes mains venant encadrer son visage pour le forcer à me faire face et à me regarder dans les yeux. Je ne partirais pas d'ici avant de le faire parler.

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AARON & ROMY

Je croyais qu'en revenant à Boston, j'allais montrer que j'étais pas qu'une égoïste. Je me disais que me mettre en danger pour revoir les personnes que j'aime était une preuve que je ne pense pas qu'à moi, qu'à ma petite tronche. Mais plus je discute avec Aaron, plus je me demande si je suis pas complètement à côté de la plaque. Je me demande si justement, je ne fais pas ce coup pour lequel je suis si douée. Revenir dans leurs vies en coup de vent, marquer à nouveau leurs esprits avant de disparaître, juste pour être sûre qu'ils ne m'oublient pas. Je les marque au fer rouge. Et je suis en train de faire la même chose avec Aaron. Je lui offre l'espoir de me revoir, de rester plus longtemps alors qu'on sait aussi bien l'un que l'autre que c'est pas vrai. Que je vais devoir repartir dans quelques heures. J'aurais envie de me frapper, mais je peux pas m'en empêcher. C'est plus fort que moi, j'ai besoin de me sentir aimée, désirée, enviée. Pourquoi pas détestée ? Qu'importe, tant qu'on pense à moi, qu'on ressent quelque chose pour moi. Je suis perturbée, je m'en rends bien compte. Je suis qu'une gamine qui n'a jamais eu l'attention qu'elle méritait et qui a aujourd'hui besoin de compenser, même si cela signifie faire le mal autour d'elle. J'ai un pincement au coeur alors qu'Aaron me dit qu'il ne veut pas que je parte à nouveau. J'ai mal pour lui. Et ça me fait du bien. Savoir qu'il m'apprécie, qu'il tient à moi. Et comme si ma culpabilité l'emportait, j'essaye de savoir ce qui ne va pas dans sa vie. J'ai bien remarqué qu'il allait mal dernièrement et ce soir j'ai envie d'être l'oreille attentive à laquelle il pourra se confier. Mais voilà, je m'attendais sûrement pas à entendre ce qu'il est en train de m'apprendre. Une fille ? Les sourcils froncés, j'ai un mouvement de recul presque instinctif. Aaron, père ? Depuis un an ? J'ai du mal à comprendre. Il semble lui même avoir découvert cette nouvelle il y a peu, ce qui me perturbe d'autant plus. Je reste silencieuse face à lui, analysant ces paroles. Il me parle de la mère de son enfant, il me dit qu'il l'a revue. L'espace d'une seconde, j'éprouve de la jalousie. C'est sûrement mal, mais c'est naturel. Je comprends qu'il l'a beaucoup aimée, qu'il l'aime probablement encore. Je relève les yeux vers lui alors qu'il me dit que c'est pas grave. Je suis pas d'accord avec lui. « Rien de grave ? » je répète abasourdie. « Aaron, t'as une fille, et c'est rien de grave ? Elle est où maintenant ? » je lui demande, un peu paniquée. Je me mets à la place de cette gosse. Une gosse qui grandi sans son père. Je sais ce que c'est, le manque d'un ou plusieurs parents, et je ne le souhaite à personne. « Putain j'y crois pas. » je rajoute en passant mes mains sur mon visage. Je commence à faire des connexions dans ma tête. « T'as appris que t'étais père, et t'es ici avec moi ? Tu peux pas rester. Si la police te soupçonne, ou t'inculpe, tu risques de jamais la voir. » je dis en faisant quelques pas en arrière. J'enfonce ma capuche sur mon visage. J'en reviens pas. Même lorsque j'essaye de faire le bien, je finis par faire le mal. Aaron est père et moi je l'embarque dans des histoires de flics, de tentatives de meurtre ou je ne sais pas quoi. Il doit s'occuper de sa fille. Il doit être un bon père. Pas le genre de type qui aide une fugitive. Je peux pas le laisser se foutre en l'air comme je me fous en l'air.

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