« Un jour, je vais commettre un meurtre »

C’est dans l’espoir d’aller mater l’entraînement des cheerleadeurs que j’étais venu traîner dans ce gymnase. Pas de mini jupes, ni de pompom… Juste des gros bras et leur ballon orange, rien donc pour ravir mes rétines, et déçu je commençais à faire volte face quand une silhouette masculine attira mon attention. Ce type, là, qui buguait devant le graffiti de Malicia… La winthrop comptant désormais parmi nos ennemis, j’avais un peu étudié leur trombi, et puis j’avoue qu’après avoir appris l’identité de son mec, j’étais curieux aussi de voir à quoi il ressemblait. Et il me sembla donc le reconnaître. Je m’avançai vers lui avec mon petit air suffisant, moqueur, lançant en arrivant à sa hauteur : « Elle ne te les a toujours pas dit ? » Et comme ma question n’était pas très claire, je reformulais : « Malicia, ces fameux trois mots, elle ne les a toujours pas prononcés ? » Sourire narquois et air assuré. Je n’avais pas revu la Lowell depuis le soir du tag, restant sur ses confidences quant à sa difficulté à livrer ses sentiments. Je ne savais pas ce qu’il en était de son couple depuis, mais comme le mien avait volé en éclat, ça me disait bien de venir jouer les fauteurs de trouble voyez vous…

J’étais déçu d’avoir manqué les pompom girls, j’avais envie de faire passer cette déception en m’acharnant un peu sur le premier venu, et un petit winthrop c’était parfait, surtout que je l’avais reconnu, c’était Brent, le mec de Malicia. Je m’approchai du garçon, qui avait toujours les yeux rivés sur le graffitis de sa copine. Si ça se trouve, il ignorait que c’était d’elle. « Oula, calme toi l’ami. » Vu son ton agressif, je compris que la réponse était non, pas de -je t’aime- fiévreux de la part de Malicia. « Tu sais que c’est elle qui a gribouillé ça là ? » fis-je en désignant d’un geste de menton l’œuvre devant nous. Ajoutant ensuite, détestable : « Mais maintenant, faut que tu te rendes à l’évidence, le texte, la déclaration, ce n’était clairement pas pour toi… Autant que tu le saches dès à présent : ta copine est folle de moi… » me vantai-je alors avec un petit air prétentieux.

 Brent tiqua sur l’appellation, m’arrachant un petit rire. « L’ennemi si tu préfères alors. » m’amusai-je à répliquer avant d’ensuite, étaler mon savoir sur l’œuvre devant nos yeux. Apparemment, le rouge était déjà au courant de l’identité de l’auteur du graffiti. Et bien, si ça il le savait déjà, la deuxième partie de mes mots, ça j’étais certain qu’il l’ignorait. Je lui avouais donc l’amour démesuré que sa copine ressentait pour moi, petit sourire horripilant aux lèvres. « Quoi ? Elle ne t’en a pas parlé de ça ? » jubilai-je en voyant ses yeux assombris se tourner vers moi. « On a couché ensemble en juin dernier, et depuis elle n’arrive pas à m’oublier. » Je brodais un peu, romançant la chose. Malicia allait me tuer quand elle saurait, mais c’était pour son bien. Je ne pouvais pas la laisser finir avec un winthrop, c’était un acte d’amitié que je faisais là en détruisant son couple dans l’œuf. « Le soir où elle a peinturé le mur là, elle m’a attiré sauvagement dans un placard, j’ai du protester que j’étais en couple pour qu’elle arrête ses avances. »  La vérité, version Cole. « Mais depuis peu, je suis célibataire. T’as pas remarqué un changement chez elle ? »

 J’avais bien fait de parler de Malicia au garçon, c’était visiblement son talon d’Achille et je m’en régalais. Que lui avait-elle dit sur moi ? Sur nous ? Ca allait être un plaisir de mettre les pieds dans le plat en me chargeant des révélations, et en les romançant façon Cole bien sûr.  Brent sembla perplexe, me demandant de me la fermer avant de crier aux mensonges. « Oh et quel serait mon intérêt de te raconter ça ? » Allez jouons la carte du confident sincère, lâchant alors quelques brides d’infos à mon sujet pour mieux convaincre mon interlocuteur de mes dires, je repris : « J’avais une petite amie aussi avant, et c’est drôle, elle aussi elle avait oublié de me raconter certains détails de son passé. » Et pour le coup, c’était vrai. « Malicia et moi on a couché ensemble avant l’été, avant que vous ne vous mettiez ensemble, et je crois d’ailleurs qu’elle s’est mise en couple avec toi pour m’oublier… Mais vu ce graf, ça n’a pas du marcher. » soufflai-je en laissant mon regard se perdre à nouveau vers son –I love you- peinturé sur le mur. Pour finir, mes mots semblèrent atteindre un peu leur but et je dus faire un effort pour ne pas sourire diaboliquement devant l’air interdit de Brent. M’approchant du garçon, je posais ma main sur son épaule, faussement soutenant : « Ca va aller… C’est dur d’apprendre ça j’imagine… » Et salop, j’ajoutai : « Mais si ça peut te consoler, on te gardera une place au premier rang le jour de notre mariage… »

  « Je ne suis pas du genre à perdre mon temps avec les types sans intérêt dans ton genre Brent… » soufflai-je quand il m’accusa de raconter n’importe quoi juste pour le faire chier, sous prétexte que j’avais une certaine animosité envers les membres de sa frat ces derniers temps. « Tu parles du sms, allons… C’était par simple soif de vérité que j’ai diffusé cette information et que je l’ai partagé avec tous mes amis winthrops. » Et lorsque je prononçais amis winthrops, j’avais une expression de dégoût qui trahissait bien la véritable aversion que leur confrérie de traites m’inspirait. D’où les gentlemen de la fac fraternisaient avec les camés ? J’étais déçu par leur attitude à tous. Alors oui, peut être que ça jouait un peu dans mon envie d’en faire baver à Brent. Quand je lâchais avoir couché avec sa nana, peu de temps avant leur mise en couple, Brent ne me crut pas, alors même que pour le coup, je ne disais que la stricte vérité. Il me tourna le dos, commençant à amorcer quelques pas pour s’éloigner, lorsque je repris d’une voix claire : « Alors, comment je saurais qu’elle a une petite colombe tatouée sur le sein gauche ? » C’était un détail que je ne pouvais inventer, que je connaissais uniquement parce que je l’avais vue, caressée, embrassée, sa poitrine…