Comment voulez vous qu'une gamine de vingt ans reste calme dans une telle situation ? L'adrénaline m'a poussée à agir avec courage, à aider les derniers étages pour commencer à évacuer la Lowell, mais à l'instant même où les marches ont cédé sous mon poids, c'était comme si ma bravoure était partie dans les flammes. La voix d'Eliot retentit à nouveau. « On est un petit groupe. Quatre, peut-être cinq, certains continuent de vérifier les étages, d'autres guettent les secours.. » Et moi, j'suis là, comme une conne, assise contre ce mur à me retenir de pleurer. Je pince les lèvres en entendant à nouveau la voix masculine. Tu sais pas si ça va bien se passer, Eliot. L'optimisme est parti, mais je ne dis rien, parce que je sais qu'il veut me rassurer. « J'suis désolée de pas t'avoir écouté.. » Un hoquet m'échappe à travers les larmes, et je passe un revers de ma main sur mon visage.

Elle n'était pas seule, mais toujours dans le bâtiment, et Eliot était coincé ici. Orysia et Elias s'amusait dans la salle à manger, tandis que Maxine faisait il ne savait quoi dans la salle de bain, mais tout le monde semblait l'ignorer alors qu'il faisait les cents pas dans le couloir. Tant mieux. Pendant une seconde, la pensée de partir et aller à la Lowell House lui traversait l'esprit, tempête ou non, mais il se résonna assez vite lorsqu'il pensa qu'une personne en danger suffisait largement. Quand bien même c'était Margot. Bien, ne reste pas toute seule, s'il te plaît. 'Et écoute-moi cette fois-ci'. Il avait un ton assez autoritaire, dû à l'inquiétude, et failli se reprendre avec plus de douceur mais il ne pouvait pas. Même si elle s'excusait à l'autre bout du fil. T'es une tête de mule, personne ne va changer ça. Sortit-il avec un petit sourire, tout de même. Ce n'est pas comme s'il n'aurait pas agi de la même manière. Mais maintenant, fais ce que j'ai dit et trouve la sortie la plus proche et sauve-toi. Arrête de jouer les héroïnes. Plus facile à dire qu'à faire, Eliot.

Je lève les yeux vers le petit groupe qui s'agite dans la pièce, et un soupir m'échappe alors qu'Eliot, autoritaire, m'ordonne presque de ne pas rester seule. « J'ai une amie qui ne me quitte pas des yeux, rassure toi. » Du coin de l'oeil, je la vois, Anna, qui regarde tour à tour ma silhouette recroquevillée et la fenêtre, son gilet devant le nez. Au passage, je remonte le mien devant mon visage. J'ai du mal à respirer. Et malgré la situation, malgré mes larmes, il arrive à m'arracher un rire bref. En quelques mois seulement il a appris à décrypter mon caractère. « Je crois en effet que c'est trop tard pour ça.. » Murmurais-je en adossant ma tête au mur, fermant mes grands yeux verts. J'inspire, et je tousse au passage. Putain de fumée. « Y a plus de sorties... Quand bien même je voudrais arrêter de jouer les héroïnes, tout ce que je peux faire, c'est attendre qu'on vienne me secourir, cette fois. » Ironie du sort.