" You Jump, I Jump. Right? "
ft. ANNALYNNE & CLAY

Et encore dans mon esprit je me bats pour essayer d'effacer ce mal et cette peur précédemment ressentie, accueillant avec un certain dégoût le plateau qu'elle tient. Clay tentant du mieux qu'il le peut de se relever afin de lui aussi profiter de ce piètre repas. Mais très vite, dans son élan, mon homme se retrouve coupé, puisqu'elle contourne son lit afin de ne me le tendre qu'à moi. " Vous, vous attendrez l'avis du médecin avant de manger. " Et de cette idée, elle semble un tantinet se réjouir, vengeance personnelle contre ce patient quelque peu emmerdant. Une bride d'esquisse de sourire fend mes lèvres alors qu'elle dépose sur ce semblant de table le plateau et rebrousse déjà chemin. Téméraire, Clay se redresse tout de même, ce n'est pas l'envie de l'arrêter qui me manque, mais le fait est que je compatis à son besoin de manger, le plaignant plus que de raison, je ne vais pas le nier. Alors malgré ce qu'elle vient de lui intimer, je ne l'arrête pas dans ses gestes déjà si compliqués à réaliser. Le problème, c'est que bien que je reste muette, elle, elle n'est pas du tout dans l'idée de le rester. " Non! " Plus sèche que je n'aurai jamais su l'être face à celui que j'aime aussi amoché. J'avoue, pour le coup, qu'elle reçoit de ma part un regard des plus assassin, parce que je ne supporte pas l'idée de le laisser, dans cet état de faiblesse, crever de faim.

Il abdique si bien qu'elle sort finalement, et en un regard je me fond en un sourire, parce qu'il est rare pour moi de le voir abandonner, de nos querelles, je n'en ai – j'en suis certaine – que très peu gagné. " T'as pas le choix, c'est pour toi. " Et là encore j'en entrevois une que je vais perdre. Parce qu'il serait mal-venu de préciser encore une fois que je n'ai pas envie de manger, alors qu'on vient de lui refuser. J'en lève les yeux au ciel, blasée. Et c'est ainsi que je me force à attraper une fourchette pour aller touiller, armée de nonchalance ce qui ressemble presque à la purée. A défaut d'en avoir l'eau à la bouche, c'est par avance que je m'en écœure … Je remue encore, fais perdurer le moment où je vais enfoncer dans mes lèvres de force la mixture qui même avec les secondes passant ne me plaît toujours pas. En relevant la main, la purée retombant de moitié de son perchoir, je réalise d'une chose que nous n'avons jamais abordée. Un sujet qui pourtant est des plus importants. « Il y a un truc dont je voudrai qu'on parle. » Parce qu'à l'évidence, c'est le moment, parce que je n'ai jamais autant plus comprit qu'aujourd'hui que je pourrai le perdre à chaque instant. Tous les deux, nous sommes plus que doués pour éviter les sujets sérieux, pour vivre et juste sans contenter, mais parfois, c'est face au mur qu'on se retrouve piégés. Je n'ai pas détourné mon regard de l'assiette presque honteuse de mes propres idées, sans être dans la capacité de nier que ça me gêne, plus que ça ne le devrait. Alors j'en lâche l'inox dans un bruit sec. « Je voudrai officialiser. » Aux yeux du monde, mais aussi et surtout aux yeux de la loi. Parce que si tu meurs, je n'aurai plus aucun droit, ne pourrait même pas revendiquer une place au milieu de ta famille qui ne me connaît pas … Et me retournant vers lui, une boule au ventre comme on en fait jamais, j'amorce une chute à laquelle j'avoue ne pas m'être préparée. « Je te parle pas de mariage mais. » Une alternative, un n'importe quoi. Nous ne sommes pas amis, le romantisme et moi.

Spoiler:

" You Jump, I Jump. Right? "
ft. ANNALYNNE & CLAY

Mangera, mangera pas... Qui sait quand elle se décidera à empoigner cette fourchette pour enfin et ne serait-ce qu'en apprécier la saveur. J'ai sur ma langue le gout de si peu, de ses lèvres sucrées qu'elle a à la va vite très certainement recouvertes d'un gloss parfumé avant de s'être précipitée jusqu'ici. Alors après avoir reçu le même ordre de deux personnes ne souhaitant que son bien, elle s'empare du couvert et remue la mousseline, bien trop pensive pour en extraire une quantité correcte qu'elle laisse machinalement retomber, comme écœurée. Mais sais-tu que moi, je la mangerais bien si j'en avais la possibilité...  Et comme si elle avait su lire dans mes pensées, elle brise le silence que sa collation nous imposait. « Il y a un truc dont je voudrai qu'on parle. » Son inflexion ne laisse rien présager de très allègre, je dirais même qu'elle est presque gênée d'aborder ce qui l'angoisse à ce point.  Alors de mon bras valide je la contrains légèrement à un rapprochement, à me faire partager ses craintes qu'elle ne tarde pas à me dévoiler, « Je voudrai officialiser. » Je suis resté stupéfait, ayant bien du mal à déchiffrer le sens de ses paroles, raffermissant presque mon regard dans le sien une fois retournée de moitié. « Je te parle pas de mariage mais. » Encore heureux, laisse moi un peu de fierté parce que c'est à l'homme qu'il est d'ordinaire réservé de le demander. ET si un jour j'ai en tête de m'unir à elle par ces liens sacrés, ce ne sera qu'après avoir gagné l'approbation de son père selon les anciens usages, ce qui n'est pas chose aisée si on compte le fait que je dois toujours m'acquitter d'une certaine tache.

Cela dit, si ce n'est pas de mariage qu'il est question, que veut-elle alors suggérer? Un pacs ? Cette formule d'union à l'essai qui bafoue les valeurs que l'on m'a inculquées depuis toujours? J'ai sur le coup peine à en accepter l'idée et bafouille, ne souhaitant en rien la contrarier. " Je croyais que notre relation, " cette manière de vivre, pas forcément attachés aux yeux de monde," te plaisait ainsi." Personnellement notre façon de faire depuis des mois me convient, bien accoutumé aux vieilles habitudes qui se sont au fil du temps ancrées dans notre quotidien. Uni l'un à l'autre sans aucun besoin de l'afficher, d'une liberté basée sur une confiance partagée mais souvent, faut pas s'le cacher, entachée d'un soupçon de jalousie qui prouve de notre affection commune.  

Et sans transition, je m'échine contre le ô glorieux souvenir du mariage de Cléa qui fut autant un fiasco qu'il n'a été heureux, arrangé sur un coup de tête dans l'une des chapelles d'un casino miteux avec pour prêtre l'un de ces comédiens bon marché. " Mais quoi alors? " Déjà réticent à ce qu'elle pourrait me proposer. En fait, tout ce qu'elle pourrait me susurrer à l'instant ne trouverait grâce à mes yeux.

" You Jump, I Jump. Right? "
ft. ANNALYNNE & CLAY

Il est évident que je me suis moi-même perdue dans mon énorme délire, ne sachant plus quoi faire ou que dire … Si je ne parle pas de mariage, je ne vois pas ce que pourrait être l'alternative. Je n'y connais rien en ces administrations là, ce ne sont pas des contrats sur lesquels j'ai posé mes yeux plus d'une fois. Bien au contraire puisque depuis toujours j'ai préféré envisager une indépendance à l'amour. Mais les jours ont fait que mes envies se sont détachées de mes buts premiers. Il le sait, je le lui ai bien prouvé durant ces mois où je me suis attachée. Alors ce que je désire c'est une affirmation, de notre affection une confirmation. Un papier qui prouverait que quoi qu'il arrive c'est moi celle qu'il a choisit. Un quelque chose qui pourrait compter comme une preuve aux yeux d'autrui. Noir sur blanc écrit qu'Annalynne Malcolm est la seule qui partage sa vie. Une chose qui fera que je ne serai jamais réduite au silence si un jour il devait lui arriver quoi que ce soit. Cependant le fait irréfutable est qu'en un sens je me trompe sur toute la ligne, puisque évidemment l'institution désignée dans ces cas là c'est celle qu'on signe à la mairie, à l’Église aussi … mais il faut dire qu'avec la tragi-comédie de mes premières fiançailles l'idée de se lier de cette manière n'est pas devenue des plus sincères. Pourtant, peut-être, je le pense, je le crois, que je serai capable de le faire, sans hésiter c'est en train de m'aliéner sauf que c'est simple, c'est vrai, après tout il est mon amant, mon ami, confident, et futur père de mon enfant. " Je croyais que notre relation, te plaisait ainsi." Pinçant mes lèvres quand je comprends ce que ses paroles signifient. J'en hoche le visage, positivement, mais déconnectée de toute réalité, pourquoi c'est si douloureux alors qu'à la limite je m'y attendais. Je n'ai jamais sous-entendu que notre relation ne me plaît pas, loin de là … Je suis à des années lumière de le penser même, parce que je me complais dans ce quotidien étriqué que nous nous sommes créer, de nos querelles, de nos réconciliations sur l'oreiller. Notre relation, je le sais, elle est l'équilibre parfait. Je voudrai juste, j'ai envisagé, dans une folie passagère … Non ça suffit, ce n'est plus utile d'y penser Anna, c'est une réponse négative que tu viens de recevoir, prendre en plein visage le fait qu'il ne le veut pas, une baffe, bien qu'elle ait été doucereusement glissée. Mâchoires serrées, quand j'en regarde le plateau dégoûtée, il est clair que je ne pourrai rien avaler, enfin ce n'est pas comme si j'en avais eu une seule fraction de seconde, envie.

" Mais quoi alors? " Rien ne sert d'y réfléchir encore ce n'était qu'une idiotie de plus à rajouter à la longue liste que je tiens. Sans aucune assurance, mes paumes dérident mon front, replacent mes boucles ébènes, quand je respire longuement, lentement. Petit à petit et à force de ce que l'on m'a apprit, je reprends une faible contenance, totalement perturbée par ce que j'ai engendré en terme de discussion à la con. C'était qu'une simple et pure folie que de penser à ce point officialiser notre mascarade qui ne devait durer que quelques mois. Une colère silencieuse se tapit en mes entrailles et je me force, me persuade, que c'est totalement que je déraille. « Laisse tomber. » murmure-je. C'est la peur qui m'a faite parler. « Tu devrais te reposer. » Autoritaire sans pour autant le regarder, je n'ai plus envie de parler. Je veux juste m'endormir à nouveau à ses côtés, profiter de sa respiration lente qui me berce sans même y penser. Et sous mes mots sans trop rechigner, il s'exécute, tandis que je me cale tout contre lui, nos mains entrelacées. Je ne désire qu'une chose, les bras de Morphée tout autant que les siens. Profiter du fait qu'il est encore là, qu'il est à moi.