Pourquoi lui ? Je ne voulais pas tomber sur ce genre de mec, je ne voulais pas tomber tout court. En fait, c'est comme si je m'étais étalée devant lui. On dit bien « tomber amoureux » d'ailleurs, et cela prouve bien la souffrance que cela engendre un moment ou un autre. Et moi, je n'en veux pas de cette putain de douleur. Ça a été trop compliqué avant, trop difficile de faire la part des choses, de réfléchir pour soi-même et non avec le masque que l'autre nous pose sur le visage. Et je ne voulais pas revivre ça un jour, surtout pas ici, loin de mon pays, de mes amis et de tout ce qui peut m'aider à aller mieux. Mais je joue la bonne copine pour le moment, la lesbienne qu'on ne peut vraiment pas draguer parce que c'est trop bizarre, comme l'impression de vouloir coucher avec un pote. Et j'ai bien l'intention d'être la bonne pote un moment. Eve, la salope, s'occupera du reste. Elle lui citera Radiohead pour le mettre dans sa poche, elle trouvera les mots pour lui donner chaud et qu'il ait envie de la baiser cette connasse de meuf d'internet. Le mystère attire les mecs, bien plus qu'on ne le croit.
Mais pour l'instant, je reste la bagarreuse Noé, et atterris sur la table comme un immense grêlon en plein été. Et j'parle, sans faire attention à la pétasse à côté de Noah. Il ne prend pas bien la plaisanterie, pas du tout même. Sa question fuse, comme s'il voulait exploser la gueule du type qui a peint un peu plus mon visage. Et je pose ma main sur bras pour qu'il se calme, sans rien répondre. Il finit par me présenter la greluche, enfin, c'est plutôt elle qui parle puisqu'il n'a pas l'air de connaître son prénom, malgré le rouge à lèvre de la demoiselle sur ses lèvres à lui. Et elle se barre. Tant mieux, je n'avais pas l'intention de détruire ce petit visage d'espagnole. J'humidifie mon pouce avec ma salive pour le passer sur la bouche de Noah afin d'effacer la marque du délit. J'ai avalé ma salive en même temps que ma jalousie. Mais je ne peux empêcher un petit pic de sortir d'entre mes lèvres. « Trop poilues les espagnoles... à moins que cela ne soient les portugaises... J'ai toujours confondu ! » De toute façon, elle n'est plus là. Et le large sourire qui s'affiche sur mon visage est plus vraie pour le départ de la nana que pour ma blague pourrie. Je frappe Noah du coude, le groupe s'installe  et va commencer à jouer. J'ouvre les bouteilles et lui sers un verre de whisky avant d'en prendre un de vodka. Ma tête se pose au creux de ma main gauche, le verre froid sur ma joue. Et mes paupières se ferment dès les premières notes du musique. Je vais le laisser savourer son idole, juste devant ses yeux.

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.

Putain, le bien que ça fait de s’retrouver là, dans un moment aussi simple et léger que ça. J’regrette pas d’avoir quitté le Nirvana, pas plus que de ne pas être à l’Eliot en compagnie de mes camarades. En fait, j’crois que j’adore passer du temps avec Noé. Parce que j’me sens bien à me marrer sans me préoccuper des qu’en diras-t-on, ou de l’image de marque que j’dois véhiculer. Puis, même si je ne suis pas très beau, j’ai toujours su parler et faire du charme, alors où que je sois, si j’ai envie d’une fille, je l’attaque et on voit. L’arrivée de Noé à la table me perturbe quelque peu sans que je ne m’en sois rendu compte. En fait, je ne me préoccupe même plus de la brune à côté de moi, comme si toute mon attention été par nature focalisée sur ma lesbienne de pote. Et je tique, et je m’énerve en voyant les stigmates sur son visage. J’ai envie de dégainer aussitôt, je ne supporte pas l’idée qu’on puisse faire du mal à une fille. Autant avant, ça me mettait hors de moi. Autant depuis l’histoire de Sage, je deviens complètement fou quand je me retrouve confronté à ce genre de situation. Je balaye des yeux le bar à la recherche du mise à mort quand Noé pose sa main sur mon bras. Je me résigne, me calme, et me souvient de la brune à côté de moi. Elle finit par s’en aller, peut-être que sans le vouloir, notre complicité l’a fait se sentir de trop. Noé m’essuie la bouche et je la laisse faire, c’est vrai que ça devrait me paraitre bizarre mais … non, en fait, je m’en fous. Et je feins la plaisanterie sur mon diner perdu. Pourquoi est-ce que Noé dit ça ? Elle devrait être la première à vouloir lui sauter dessus non ? Je fronce légèrement les sourcils en la taquinant : « Serais-tu jalouse Timchenko ? », et j’enchéris avec un air plus provocateur : « Tu es déçue de voir qu’en matière de drague je m’en sors mieux que toi ? ». Je finis par sourire en la dévisageant, un peu attristé par ses blessures, et à son coup de coude je me tourne vers la scène. Putain, on y est. Mon héro va chanter là, sur la scène devant moi. Je ne me préoccupe plus de rien, complètement happé par le moindre des gestes du groupe. Un enfant devant le père noël. La musique commence et tout autour de moi disparait, c’est comme si j’étais en tête à tête avec l’Olympe. Ma main s’est crispé sur la cuisse de Noé, comme si mon corps voulait dégager toute sa frustration. Et je ne réfléchis pas, je ne réfléchis plus. Eve n’en reviendra pas quand je lui raconterais ça.

© charney for ilh

Jalouse moi ? Je ne montre rien sur mon visage mais il est certain que je le suis. « Elle n'est pas assez bonne pour moi, c'tout ! » Est ce que je suis crédible ? Je n'en sais rien mais je m'en bats les couilles. Je hausse les épaules en cherchant du regard autour de moi et de lui montrer ma petite blonde de tout à l'heure. Du style, elle, elle est baisable, grave même. Il va se dire que j'suis plutôt blonde que brune, même si habituellement, je ne fais vraiment pas la difficile. Et puis d'abord, elle vient d'où cette pétasse ? Je le laisse seul dix minutes et il choppe déjà. Je ne préfère pas y réfléchir, je sens déjà le mal de tête monter et il est hors de question que je gâche ma soirée à cause d'une salope. Je m'enfonce un peu plus dans mon siège, appuyant mes pieds sur le bord de la scène. Alors que Noah vient de faire disparaître le monde autour de lui, je ne peux m'empêcher d'observer sa réaction. C'est Noël au mois de Septembre, et son idole paraît porter un nœud papillon en forme de nœud rouge et vert sapin. Sa main se crispe sur ma cuisse. J'ai grimacé, c'est sûr, parce qu'il a une bonne poigne malgré son corps de crevette. Mais je le laisse faire, trop heureuse de le voir dans cet état devant son idole. Les premières musiques passent, et il reste dans cet état de béatitude. Mais mon temps s'écoule. Un coup d’œil à ma montre et je me rends compte qu'il faut que j'y retourne. J'attrape sa main, bien moins tendue, et la pose sur la table. Je me penche à son oreille. « J'y retourne, rejoins moi à la fin du concert. » Ça me fait chier de le laisser là, j'me dis qu'il va retrouver une nana et ça va m'saouler. J'vais le surveiller du coin de l’œil du bar, on ne sait jamais...

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.  

Pas assez bonne ? Je fronce les sourcils, légère grimace, qu'est-ce qu'elle raconte ? Cette brune est bonne pour n'importe qui, soyons objectifs. Noé a vraiment des réactions bizarres des fois, ça doit être un truc de lesbiennes, j'sais pas, des fois j'comprends pas trop ce qu'il y a dans ses yeux ou derrière sa tête. J'finis après un bref instant de silence circonspect par hausser l'épaule : "Mouai, t'aime juste pas perdre c'tout". Ouai, j'la taquine encore un peu, y a pas d'autres explications pour moi. Noé n'aime pas que j'drague mieux qu'elle et peut-être qu'elle voulait elle aussi s'trouver un truc à manger. J'suis des yeux son doigt qui m'indique la blonde de toute à l'heure. Ah, j'avoue. J'avoue, j'avoue, elle est hyper canon, je me mords même la lèvre inférieur en la regardant. Et puis j'finis par rire en tournant le visage vers Noé : "Au moins, on ne mange pas dans la même assiette", soulignais-je d'un clin d'oeil avant de m'tourner vers la scène. Et là, c'est le nirvana. La béatitude, l'ataraxie. Tout disparait autour de moi, plus rien n'existe, que ce tête à tête entre Thom et moi. J'crois que c'est sincèrement le plus beau jour de ma vie, et j'crois que j'serais éternellement reconnaissant envers Noé de m'avoir permis de le vivre. Les notes se succèdent, les musiques passent, j'me sens transporter dans une autre dimension. J'ne remarque même pas que Noé est parti, ni n'entend ses mots à mon oreille. J'suis comme un autiste, plus absent que jamais. Et là ... wait. Trois premières notes de Creep. Sérieux ? Mais ils ne l'ont pas joué depuis les années 90 ! Woooo, mais c'est trop bien, je gigotte sur mon canapé, me tourne vers là où j'pensais trouver Noé : "T'as v....". Elle est où ? J'fronce les sourcils, relève la tête vers le bar et la vois servir des verres. Et là .... j'saurais pas l'expliquer, j'sais pas comment ni pourquoi. Y a un truc qui me déplait. Y a un truc qui me déplait profondément. Pourquoi elle n'est pas là à côté de moi à regarder le concert ? J'sais pas, c'est bizarre, j'avais envie de le vivre avec elle. J'reste quelques secondes à la fixer jouer son rôle de barmaid, me tourne vers la scène et ... et non, en fait, j'ai limite plus envie de regarder. J'me lève et vais droit au bar, sur le côté, me penche pour attirer Noé avant d'essayer de dire à voix haute pour qu'elle entende : "Mais viens avec moi, qu'est ce que tu fais ?!". J'ai pas envie de lui dire que j'ai envie qu'elle soit avec moi, entre pote on ne fait pas dans les sentiments. Mais quand même !

Spoiler:

charney for ilh

Ça me fait réellement chier de le laisser tout seul, mais je ne vais pas abuser de la gentillesse de mon patron. Il est déjà assez sympa pour ne pas me virer après mes excès de colère et de m'avoir embauchée. Parce qu'une russe, qui parle anglais avec un accent si fort, et mon physique de mauvaise fille, il n'était franchement pas obligé de me laisser le taf. Je surveille Noah du coin de l’œil, s'il retrouve une pétasse, j'irais lui arracher sa robe dès qu'elle ira se repoudrer le nez aux chiottes. J'aime pas être jalouse comme ça putain. Pour l'instant, il a l'air complètement absorbé par le concert et cela me soulage. Je vais pouvoir me concentre sur les commandes, et ça n'arrête pas. Et je finis par tourner la tête vers la scène pour remarquer qu'il n'est plus assis à la table. Mon cœur se serre. Où est-il passé ? Et au dernier angle de ma vision j'observe un corps qui s'avance comme pour prendre une commande. Dépitée, je tourne la tête vers l'homme en remarquant mon ami. Si mon sourire réapparaît, je ne comprends pas pourquoi il vient me voir alors que le concert n'est pas terminé. Le reproche fuse. En tout cas, je le prends comme ça. J'attrape sa tête, plaçant ma main derrière sa nuque pour m'approcher de son oreille. « Qu'est ce qui te prends ? T'es con ou quoi ?! J'bosse Noah ! ». J'embrasse sa joue et le repousse au niveau de l'épaule. Du style « dégage de là tu m'casses les couilles ». Je sers le verre que j'avais encore dans la main et monte sur le bar pour sauter et retrouver le sol juste devant Noah. Je sais qu'il l'aime cette putain de chanson, j'veux pas qu'il soit triste et qu'il fasse la gueule. « Pauvre type ! » J'installe mes bras autour de son cou, et entame un slow. C'est bizarre de danser collé-serré avec un pote, vraiment bizarre.

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.  

J'suis au concert de Radiohead, même pas encombré par la foule, j'peux me régaler les sens à foison, j'pourrais même draguer la première pimbêche venue et la faire asseoir à côté de moi pour ne pas vivre ce beau moment seul. Mais non. Non, moi ce que j'veux, c'est que Noé soit là. C'est grâce à elle tout ça, puis j'sais pas, j'ai un pincement au coeur en ne la remarquant plus à côté de moi, ça me fait bizarre. J'la cherche des yeux et j'la vois à son bar. J'sais bien que j'devrais pas la déranger, que j'devrais lui foutre la paix un peu, mais j'sais pas. J'trouve ça nul de ne pas vivre ça avec elle, c'est plus fort que moi. Tant pis si j'rate le premier couplet, de toute façon, j'ai plus la tête à la scène. J'me penche au bar comme si j'allais commander. Noé m'choppe par la nuque, j'sais pas trop si elle m'insulte gentiment, ou si je l'agace vraiment en la dérangeant dans son travail, mais pas grave. J'attrape sa nuque à mon tour et parle à son oreille : "Mais c'pas pareil si t'es pas là, t'es sûre tu ne peux pas venir ?". Ses seules réponses sont un baiser sur ma joue et une tape sur l'épaule. J'suis un peu dégouté, la regarde avec des yeux ... assez mignon, assez déçu, comme un enfant pas trop content. J'm'apprête à me retourner, filer à mon siège, quand ... what ? J'vois mon pote se hisser sur le bar. Ah, voilà ma Noé ! J'pince le sourire en coin satisfait qu'apparait sur mes lèvres et j'lâche un rire à son "pauvre con", la laissant m'enlacer. J'dois admettre que ça me fait des frissons électriques, moi et la promiscuité, c'est pas une grande histoire d'amour : "J'te préviens, j'suis pas pas pédé, fais gaffe où tu pose tes mains !", me moquant gentiment avant de poser mes mains sur ses hanches, un peu gauche, un peu gêné. J'regarde autour de moi, avant de me pencher à l'oreille de Noé : "J'crois qu'on est les seuls à danser".

© charney for ilh

Entre l'énervement et l'incompréhension. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête pour qu'il vienne me sauter dessus comme ça au bar. Il y a vraiment beaucoup de monde et je ne peux pas me permettre de distraire que mon ami. Il me regarde avec des yeux de chat potté et franchement, à ce moment là, je ne sais pas si j'ai envie de rire ou de l'embrasser. C'est tellement dérangeant ce putain de sentiment qui s'insinue comme un serpent dans mon cœur et ma tête. Parfois je me dis que je devrais prendre la place d'Eve un moment, et d'un autre je la repousse en pensant qu'il va me haïr quand il va apprendre que je lui aies menti. Enfin, un mensonge par omission... et j'ai juste changé de prénom. Mais c'est une trahison tout de même. Je finis par rejoindre sa tête de chaton triste pour entamer une danse. Mais qu'est ce que je fais ? Ce n'est pas la même danse qu'avec la blonde, ce n'est pas non plus un jeu de séduction. Cette danse est étrange, la danse avec le bon pote, le slow où on ne sert pas trop nos corps, où j'évite de le regarder dans les yeux. C'est un peu comme la première danse au bal de promo, où l'on est un peu empotée. Voilà, j'me sens bonhomme et rejette entièrement ma part de « Eve » en moi. Parce qu'elle me ferait perdre conscience, parce que je me blottirai contre lui. Et je sens mon cœur se serrer dans un battement douloureux. Je déteste ça. Mais il trouve toujours le moyen de me faire être la Noé qu'il apprécie. Sa remarque me fait sourire et m'apaise, il ne peut même pas comprendre à quel point. « T'as quelque chose en plus entre les jambes qui ne me plaît pas des masses... » Et je le laisse poser ses mains sur moi avec une certaine réticence, une envie dissimulée derrière mon visage neutre. Je frotte mes mains moites ensemble derrière son cou discrètement. Mais quand il approche ses lèvres de mon oreilles, je sens la carapace de mon cœur qui vient de fissurer. Je le sens un peu mal à l'aise. « Et ça dérange M. d'Aremberg d'être le seul à danser sur l'une de ses chansons préférées en live ? » Je repousse mes cheveux en arrière. « C'parce que j'suis pas la pin up espagnole c'est ça ? » Je me marre toute seule, les lèvres un peu pincées tout de même. Le concert est bientôt terminée, et j'avoue que j'ai bien envie de profiter de cette chanson pour nouer un beau souvenir avec lui, un peu maladroit.

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.  

Je l'apprécie trop Noé. Pire que ça, je crois que je l'aime vraiment. Comme on aime une amie ou un frère. J'sais pas, j'me sens pas bien à l'idée de regarder la scène tout seul, j'ai envie de partager ça avec elle, c'est comme si c'était un peu ... notre moment ? Oui, j'crois que c'est ça, j'ai pas envie de ne pas l'avoir dans mon souvenir à ce moment là. Et j'sais bien que je suis lourd avec elle, gamin capricieux, un peu trop exigeant, que je devrais comprendre qu'elle soit en plein travail, mais je n'y peux rien, je suis comme ça. Elle est à moi Noé, pas à tous ces ivrognes sans gouts qui tentent de la faire sourire au bar. Un peu déçu, j'repars le coeur serré, n'appréciant presque plus les vocalise de Thom Yorke, les sens éteints. Et à ma grande surprise, elle me rejoint. J'ai essayé de retenir ce sourire satisfait, mais il m'échappe complètement quand elle passe ses bras autour de mon cou. Ah voilà, là je suis bien, là j'ai plus l'impression qu'il manque quelque chose à ce moment parfait. J'arque un sourcil faussement vexé à sa remarque sur mon entre-jambe avant de rétorquer, égal à moi-même : "Ce quelque chose a su satisfaire bien des filles, un peu de respect pour mes bijoux s'il vous plait". Volontairement grossier, riant de moi-même et parce que ce moment me fait un bien fou, je pose mes mains sur ses hanches. Remarquant que nous sommes les seuls à danser, je viens à son oreille murmurer. C'est bizarre, ça ne me ressemble pas du tout de danser, d'être debout à la vue de tous, de me donner en specacle. Et pourtant là, avec Noé, je n'en ai rien à faire. Elle réussit, par je ne sais quelle procédé, à éteindre presque toutes les interrogations, peurs et angoisses dans mon cerveau. C'est comme si avec elle je m'autorisais enfin à exister sans me préoccuper ni des autres ni de leur regard. Sa remarque me fait sourire, revenant face à elle, mon visage face au sien, avec ces yeux espiègles, je reprends : "J'crois que t'es la seule fille à avoir réussi à me faire danser de mon presque plein gré". Et comme je me sens bien, comme je n'ai pas envie de la taquiner, que j'veux juste imprégner ce moment dans ma mémoire, j'ajoute : "Non. Avec toi c'est parfait ...", dis-je en haussant l'épaule comme un enfant un peu gauche, un peu ému, ces yeux brillants, ce sourire sincère. C'est mon meilleur pote Noé, et je ne la remercierai jamais assez pour cette soirée. Elle ne sait pas à quel point elle me fait du bien à me sortir de ma torpeur, et comme je ne sais pas exprimer ce genre de chose, je ressere l'étreinte, ma tête à côté de la sienne, presque joue contre joue, et me tais le temps de la chanson, juste avant qu'un timide : "Merci Noé ...", ne m'échappe.

© charney for ilh

Je ne réplique pas sur ses paroles sur ses bijoux de famille et esquisse juste une grimace. Comme pour « je ne veux même pas imaginé les couinements que tu leur as fait lâcher ! » Je suis certaine que cette danse, il aurait préféré la faire avec Eve. C'est tellement étrange de danser avec un mec, j'avais presque oublié cette sensation. Les femmes sont tellement plus douces, tellement plus sensuelles. Elles accueillent à bras ouverts, elles réchauffent le cœur par le simple passage de doigt sur une épaule dénudée. Et on se sent bien rapidement. Et parfois, je me suis même vu me souvenir de l'étreinte des bras chauds de ma mère. C'était étrange, mais tellement réconfortant. Un homme, c'est bien différent. C'est la puissance, cette sensation de n'être qu'une petite souris entre les bras musclés. Et en fermant les yeux, je me rappelle des danses avec mon ex petit ami, celui qui a tout brisé. Un pas de travers et il allait me frapper plus tard. Il fallait faire honneur au grand monde russe, et la brune que je suis ne passait pas inaperçue. Mais je l'aimais, alors j'ai supporté les coups... jusqu'au point de non retour. Demyan fut mon Dieu et mon pire bourreau. Mais Noah, c'est mon chaton, même si je le lui dirais pas trop de peur qu'il soit touché dans son orgueil. Il est la lumière au bout du tunnel, même si parfois j'ai peur qu'il ne m'attire au fond d'un ravin. Noah ne peut pas savoir ce qui se passe dans mon cœur, et c'est très bien comme ça. Même si mon pouls a du accélérer quand il m'a pris dans ses bras, même si mes mains sont légèrement moites, je mets tout en œuvre pour qu'il ne remarque rien. Je réfléchis à sa phrase sur la danse, il est certain que je ne le vois pas grand danseur, mais pour chopper, je suis certaine qu'il se démerde ! Mais cet imbécile me fait monter une grande bouffée de chaleur quand il me dit qu'avec moi c'est parfait. Et son corps se rapproche du mien à ma plus grande peur ou ma plus grande envie je ne sais plus. Il dépose sa tête sur mon épaule, bien trop près de mon visage. Eve, elle aurait détourné la tête en douceur pour aller découvrir le goût de ses lèvres. Moi, je reste pétrifiée à l'idée qu'il découvre ce que je ressens. Je ne comprends pas son merci, je suis bien trop concentrée sur la dissimulation de mes sentiments. Je ne lui réponds pas de peur que ma voix ne tremble, qu'elle soit trop dans l'émotion. Et au fil des notes, mon corps finit par se détendre légèrement, je pose ma tête contre lui et ferme les yeux. Juste les dernières phrases, la poussée de la voix de Thom, cette note tenue bien trop longtemps pour un souffle humain. J'ai envie de l'embrasser. Je saigne au niveau de la muqueuse de ma joue droite, mes dents m’infligeant le début de la douleur d'un cœur qui veut battre pour quelqu'un d'autre.